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Critiques de Massimo Carlotto (88)
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Le Maître des noeuds

Marco Buratti, alias l'Alligator, est un ancien détenu qui s'est reconverti en enquêteur professionnel non officiel, intervenant, contre grasse rétribution, quelque part à la lisière des milieux policiers et mafieux (dont les limites respectives, en Italie, ont été/sont parfois fort floues, mais c'est une autre histoire). Bref, avec ses acolytes Rossini, vieux truand à l'ancienne, et Max la Mémoire, idéaliste obèse, il enquête sur la disparition d'une femme, à la demande du mari éploré de celle-ci. Signe particulier : le couple est adepte de sado-masochisme, univers très secret et codifié, qui empêche le mari de tout déballer à la police. Avec l'aide de deux petits génies de l'informatique, les trois compères piratent les messageries de la disparue, puis celles d'autres adeptes, qui les mettent sur la piste du Maître des noeuds, tortionnaire aussi raffiné que cruel. Ils découvrent avec effarement des pratiques abominables, allant en l'occurrence jusqu'aux snuff movies les plus atroces. Des scènes de viol et de torture qui les frappent de plein fouet et leur rappellent leurs propres expériences de prison.



Massimo Carlotto ne fait pas dans la dentelle et les fioritures, ça y va direct, net et précis sans s'embarrasser de diplomatie. Une enquête rondement menée, tout en efficacité. "Le Maître des noeuds" n'en est pas pour autant qu'un livre d'action. L'auteur sait donner de la consistance à ses personnages principaux, cabossés, amoureux, désabusés ou indécrottable optimiste, tous attachants. le contexte particulier de l'enquête est aussi prétexte à évoquer la violence en milieu carcéral, celle des prisonniers et des matons, et surtout, les émeutes lors des manifestations altermondialistes pendant le sommet du G8 à Gênes en 2001. L'auteur dénonce avec virulence les provocations policières et la violence inouïe de la répression, des assauts des forces de l'ordre et de leurs exactions, une boucherie qui se soldera par un mort et des dizaines de blessés graves parmi les manifestants.



« le Maître des noeuds », qui se lit très vite, est un roman palpitant, glaçant et fascinant, en dépit (ou en raison) de son sujet, et une charge implacable et nécessaire contre la folie et la violence des hommes, qu'elle soit intime ou étatique. Ames sensibles...
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L'immense obscurité de la mort

Nord de l'Italie. Un braquage qui a vraiment mal tourné. Deux losers, le butin de la bijouterie dans un sac, tentent tant bien que mal de semer la police lancée à leurs trousses. Raffaello, en panique totale, prend en otage un gamin. Se sentant menacé, il le tue froidement, les hurlements de la maman déchirant l'air jusqu'à ce qu'elle reçoive une balle dans le ventre. Mais, il se fait bien vite rattrapé par les flics, son complice réussissant à s'échapper avec le butin. Condamné à perpétuité... 

Mais, quinze ans plus tard, il est condamné. Un cancer aura raison de lui d'ici 2 ans. Pour se racheter une bonne conduite et mourir en homme libre et par la même occasion riche, sa part du butin étant mise à l'ombre, il envoie une lettre à Silvano, le père et le mari des otages tués. Il lui demande un avis favorable à son recours en grâce. Mais, Silvano refuse. Il n'en a que faire de ses états d'âme, lui qui, depuis la mort de sa famille, vit telle une ombre, les souvenirs encore ancrés dans sa mémoire. Il désire avant tout retrouver le complice de Raffaello et assouvir sa vengeance. Bien vite, une idée germe alors: la libération de ce dernier ne pourrait-elle l'aider dans sa quête? 



Deux hommes qui s'affrontent. Deux âmes meurtries, emplies de haine. Construit habilement sur cette confrontation et donnant successivement la parole à chacun, ce roman noir, machiavélique et terriblement efficace ne laisse finalement que très peu d'espoir. Ce braquage, finalement, fera bien plus de victimes qu'il n'y paraît. Outre cette notion de justice, l'on est confronté à ces désirs de vengeance et de rédemption. Ce roman, bref mais dense et profond, nous interpelle. Qu'aurions-nous fait à la place de Silvano? D'une écriture efficace, parfois dure, l'auteur nous offre un roman d'une froideur implacable où les bons sentiments n'ont pas leur place. Le dénouement est, là encore, surprenant. 



L'on entrevoit déjà L'immense obscurité de la mort...
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L'immense obscurité de la mort

Raffaello et Silvano, deux faces d'une même pièce, celle du désir de rédemption et de vengeance.



Raffaello croupit en prison. Quinze ans plus tôt, il est arrêté pour braquage, tentative de fuite avec son complice, prise d'otage puis double meurtre.

Il a pris perpet'.

Silvano attend sa femme et son fils comme tous les jours. Clara et Enrico ne rentreront pas, froidement assassinés par leurs ravisseurs d'un jour.

Il a pris perpet'.

Aussi, lorsque le premier lui demande d'accepter un recours en grâce tout en jurant ses grands dieux qu'il regrette, Silvano n'y voit lui qu'un moyen d'assouvir enfin sa vengeance.



Roman crépusculaire à deux voix 100 % arabica , L'immense obscurité de la mort séduit de par son originalité et la psychologie des deux damnés particulièrement bien soignée.

Ni juge, ni partie, Carlotto évoque deux âmes perdues à la dérive que plus rien ne semble rattacher à la vie.

Si l'un semble être le pire des salopards, l'autre apparaît finalement ne pas valoir beaucoup mieux et c'est là que l'auteur fait très fort en inversant les rôles. L'on se prendra finalement d'un minimum de sympathie pour ce loser rongé par le cancer qui ne rêve plus que de finir ses jours au Brésil tout en estimant que le second, pour parvenir à ses fins, use de moyens plus que discutables.

L'enfer, c'est les autres qui vous ramènent cependant à vos propres démons.

Dualité de l'homme dans son immense complexité.

Un roman noir intelligent et poisseux qui, en plus de vous tenir en haleine, amène à une certaine réflexion quant au pardon, et ce d'où qu'il vienne..

L'immense obscurité de la mort, qui a éteint la lumière ?
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La vérité de l'Alligator

Ex-taulard et chanteur de blues, Marco Burrati

surnommé l'Alligator est un privé à l'ancienne à qui

il ne faut pas raconter de salades ni faire avaler des couleuvres,

C'est plutôt le genre carnassier à ne pas lâcher une affaire criminelle

surtout quand l'on veut rapidement faire porter le chapeau

à un pauvre toxico sans véritable défense....

L'auteur Massimo Carlotto a connu comme son détective l'Alligator, la taule et le blues de l'injustice. Son privé , même topo, est le genre dur à cuir qui s'agite et montre les crocs quand on essaye de l'enliser et de le traîner dans la gadoue à Padoue ...

Secondé par Benianimo, le genre Géronimo italien qui scalpe sans état d'âmes, les deux enquêteurs forment un duo affuté que la mafia et la bourgeoise padouane ne sont pas prêtes d'oublier de sitôt !

Le troisième Massimo ingurgité et pas encore repu.

La Verité de l'Alligator...tranchante !

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Arrivederci amore

Georgio,la petite trentaine, ancien terroriste repenti

fait tout pour se faire oublier et se refaire une santé.

Il se dégote d'abord un poste au Bluesky dans une boite de nuit

puis ensuite un boulot lucratif enfin à sa mesure,

le braquage d'un fourgon blindé. Le butin est d'un milliard de lires.

Avec la complicité d'Anneda, un flic ripou, il monte une équipe de choc très électrique avec des croates fachos et des espagnols anarchistes.

Si tout se déroule bien, une vie de patachon s'offre à eux...

les personnages de Carlotto comme ceux de Jim Thompson ont le démon dans la peau. On se retrouve dans la tête de Georgio, une belle ordure sans aucune moralité prêt à tout pour palper le gros lot et redevenir un citoyen comme les autres.

Le chemin va être long avant la réinsertion...

Massimo Corlotto m''avait déja botté avec L'immense obscurité de la mort,

il récidive avec ce roman noir très corsé.
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L'immense obscurité de la mort

« Ah c'est ça t'es un connard de justicier à la Charles Bronson. » (p. 166). Après un justicier dans la ville sans justicier, (Arrivederci amore, 2001) voilà, du même auteur, un justicier dans la ville avec justicier. Cette fois il manque la politique : pas de gauchiste à la dérive. le sexe et la mort se partagent l'avant-scène devant un rideau noir. Et la pièce est bien connue : « que justice soit faite ». le personnage usuel, ivre de la mixologie classique -1/3 brandy, 1/3 testostérone 1/3 vengeance -comme dans "Death Wish" (1974), fait le devoir de la police parce que le vieux commissaire mou ne pense qu'à sa retraite. le vengeur sans étoile passe de victime civilisée à bourreau barbare en deux pages, c'est vous dire comme tout cela est divertissant et cathartique. On en a tellement bouffé de ce genre de scénar, hormonal mais pas original, que forcément on cherche autre chose: une culture, des caractères, une ville… En vain. Tout ça pourrait se passer à Oslo ou à Palaiseau. Seule fantaisie de ce polar, le récit à deux voix : quand on n'en peut plus du justicier en goguette, l'assassin plein de regrets prend le relais. Il ne nous épargne rien de sa cellule où il ne se passe rien. Côté sexe, si d'ordinaire Bronson n'exige pas de coucher avec la femme de l'assassin, chez Carlotto, ça se fait. ( Arrivederci amore) . le vengeur extorque du tueur ses richesses et les fesses de son épouse. Les deniers et le fessier, le pognon et le fion, le grisbi et le zizi, les écus et le cul. Che noia !
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Rien, plus rien au monde

On va l'appeler Mme BO (B de banale, O d'ordinaire). Mme BO habite Turin, mais elle pourrait vivre tout aussi bien à Toulouse, Düsseldorf, Namur ou Rotterdam, ça serait la même histoire...

Les Mme BO occupent des deux-pièces-cuisine dans des quartiers populaires. Elles comptent leurs sous en pistant des promos dans les Discount's. Elles baisent avec leurs maris-ouvriers le samedi soir et/ou le dimanche après-midi entre le dessert et le match de foot. Elles rêvent de vies meilleures pour leur progéniture parce qu'elles n'y ont pas eu droit. Elles font du lèche-vitrine dans les rues commerciales, les larmes aux yeux en fixant l'inaccessible. Leurs Dieux répondent aux noms de Télé et Bouteille. Elles regardent, le dos courbé par les petits boulots successifs, à travers leurs fenêtres, encadrés de rideaux-polyester, un avenir sans perspectives...



Mme BO de Turin et son mari Arturo ont un beau brin de fille de vingt ans ("ses grandes jambes, son 95C et son cul d'enfer") qui risque de devenir, un jour, une deuxième Mme BO (horreur !). Maman BO a donc décidé que la gamine avec son physique avantageux a intérêt à se lancer dans une carrière de télévision. Mais la jeune fille, peu sensible aux suggestions de sa mère, vit, portable super-glué à l'oreille, en jeans et baskets, sa propre petite vie.

Or une fameuse goutte importune va faire basculer les destins...



Dans un long monologue d'une soixantaine de pages, "Mme BO" passe sa vie en revue et nous assistons, glacés par tant de noirceur, à l'acte de folie de cette mère de famille.

Un texte percutant avec la puissance d'un uppercut !

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Arrivederci amore

Un justicier dans la ville sans Charles Bronson: des pourris, des véreux, des pervers, des sadiques fiers de l'être, des violents qui aiment quand ça saigne et quand ça fait très mal. de préférence dans des chambres aveugles sans meubles, parkings d'hyper, boite à cul crade où la moquette ne voit jamais le shampoing sauf quand les maquereaux enragés frottent la tête des filles par terre. Pour quelques millions de lires de plus, Carlotto raconte l'Italie des mafias étrangères, qui se vendent des camionnettes de femmes trafiquées, se tirent des coups de fusil à canon scié dans la tronche pour le plaisir, avec la complicité de deux catégories de dégueulasses locaux, les ripous et les anciens gauchistes… Ultra violence, criminels étrangers et corruption : l'imaginaire de Carlotto, lui-même ex-extrémiste embrigadé, paradoxalement flirte avec celui du Crapouillot et ça m'a collé la nausée. Quelques réflexions existentielles de malfrat émaillent le récit « Lorsque tu es seul et sans moyens financiers tu deviens la proie de quelqu'un d'autre »; « Il ne faut tout simplement jamais faire confiance aux flics. Comme les putains, ils ont toujours un dernier service à te demander. Celui qui te fait tout perdre.» etc. L'autofiction affleure quand la canaille de narrateur rentre en Italie dans l'espoir que des apparences de moralité et des pots de vin d'argent sale le réhabiliteront. Rien ne se passe jamais bien, comme dans la vraie vie de Carlotto, avant le pardon du président Scalfaro en 1993 qui mit fin à huit années de prison et autant de cavale. Incrédule, il survit à tout, y compris à lui-même. Du hard-boiled, du trop cuit, du cramé tout noir débité avec trop peu d'ironie. Pas pour les moelleux du coeur. Un truc à vous poisser le printemps.
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L'immense obscurité de la mort

Raffaello Beggiato prend perpète pour un braquage qui laisse deux victimes innocentes sur le carreau...Un petit garçon et une femme : la famille de Silvano.

Fou de chagrin, Silvano ne trouvera pas de repos tant que le complice de l'inculpé court toujours. Mais Raffaello n'est pas un donneur. La loi du silence est sacrée et une partie du magot l'attend quelque part au chaud à sa sortie...

Quinze ans plus tard, ce dernier atteint d'un cancer incurable demande la grâce. Or il doit d'abord obtenir le pardon de Silvano ...



Que ferait-on à sa place ?

Vengeance ou pardon... telle est la question

Un choix cornélien...finalement pas insoluble, pour une âme torturée.



Massimo Carlotto alterne les points de vue : un coup dans la peau de Silvano et un autre dans la tête de Raffaelo...Le premier une âme en peine , le deuxième qui purge sa peine. Deux hommes qui n'ont plus rien à perdre mais ont encore quelques rêves noirs ou roses à réaliser. Au fur et à mesure des chapitres les choix se précisent, les cou(p)s tordus et les pièces sacrifiées ne laissent plus beaucoup de doute quant à la fin à moins qu'un des deux la jouent fair play ? Peut-on rêver devant l'immense obscurité de la mort ?



Le scénario de l'auteur est diabolique, les personnages sombres et réversibles et la fin exotique.

Un très bon roman noir qui remue les tripes et les méninges

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L'immense obscurité de la mort

Du grec au latin… Quelle est la recette idéale pour composer un bon Carlotto ?



Pour l’entrée, je vous conseille fortement de s’inspirer du démarrage détonnant de « Funky Guns » écrit par le grand auteur d’origine grecque George Pelecanos ("Un nommé Peter Karras", "Blanc comme neige", ...). Afin d’éviter le cliché italien, vous remplacez astucieusement le braquage d’une pizzeria par celui d’une bijouterie.



En revanche, pour pimenter à souhait cette mise en bouche, il faut impérativement conserver les meurtres des pauvres otages qui n’y sont évidemment pour rien dans l’histoire. Ainsi, malheureusement, une maman et son enfant vont donc tomber sous les balles des braqueurs dont un seul des deux fugitifs pourra s’échapper avec le butin conséquent de la bijouterie.



Sous forme de plat de résistance, rien de mieux que l’univers désespérant de la taule comme Edward Bunker l’avait décrit si brillamment de l’intérieur dans « La bête contre les murs ». (1)



Comme l’auteur américain, Massimo Carlotto a connu également les affres de la prison et peut faire ressentir comme nul autre la violence physique et psychologique de l’univers carcéral.



Autant Ron le taulard de Buncker est très jeune et espère sortir rapidement, autant Raffaello, qui a écopé de la perpetuité, ne peut espérer sortir que pour des raisons de santé. En effet, prisonnier durant quinze ans et atteint d’un cancer, Raffaello peut demander une libération anticipée à une seule condition : que le père et mari des deux victimes du braqueur, Silvano, accepte son recours en grâce.



Pour terminer le menu du jour, en guise de dessert, je vous suggère une dernière partie inattendue et machiavélique à l’image de l’excellent « Alex » de Pierre Lemaitre. Mais je ne vous donnerai pas la composition exacte du succulent final, histoire de ne pas vous dévoiler le bouquet final de ce menu à déguster sans modération.



Pensant découvrir un simple polar classique, « L'immense obscurité de la mort... » est en fin de compte un roman très noir, beaucoup plus complexe et ambigu qu’il ne parait. Jusqu’ à y perdre ses repères et surtout son latin !



arrivederci e grazie a tutti…



Note : 4.5/5



(1) Je vous conseille plus que vivement la lecture du fantastique "Aucune bête aussi féroce". Juste inoubliable !





Ps : J’ai trouvé sur internet l’histoire de l’auteur résumée en quelques lignes et vous la restitue telle quelle :



En Italie, il existe une «affaire Carlotto», page sombre de l'histoire de la justice italienne qui faillit priver le monde d'une des plumes les plus attachantes du noir contemporain.



Étudiant de 19 ans engagé dans les mouvements contestataires d'extrême gauche, Massimo Carlotto est témoin, par une nuit de 1976, du meurtre d'une jeune femme. Après avoir tenté de la secourir, sans succès, il prévient la police, qui l'interpelle aussitôt. Accusé de meurtre, Carlotto est initialement acquitté, faute de preuves et d'une enquête rigoureuse, avant d'être reconnu coupable en cour d'appel sans que des faits nouveaux aient été révélés. En 1982, on le condamne à dix-huit ans de prison. Acculé au pied du mur, Carlotto s'enfuit en France puis au Mexique, avec un détour par Buenos Aires.



Capturé puis ramené en Italie à la fin des années 1980, il est cette fois condamné à seize ans de réclusion, et ce, en dépit des nombreuses irrégularités révélées lors du nouveau procès. Outrée, l'opinion publique s'enflamme. Si bien que, en 1993, le président de la République italienne, Luigi Scalfaro, prononce la grâce inconditionnelle de Massimo Carlotto. Les vestiges de ce passé douloureux, on les retrouve dans plusieurs de ses romans.

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L'immense obscurité de la mort

Deux hommes, un braquage d’une bijouterie qui tourne mal. Une femme et son enfant abattus comme des bêtes par un des braqueurs qui carburait à la poudre Blanche.



Un mari et père dévasté par la mort brutale de sa femme, Clara et d’Enrico, son fils de huit ans. Dévasté est encore un faible mot pour un homme qui n’a jamais su se relever.



Roman à deux voix, celle de Raffaello, le braqueur qui a pris perpète car il n’a pas donné le nom de son complice et celle de Silvano, l’homme qui a tout perdu. Notre braqueur étant atteint d’un cancer incurable, il a demandé à Silvano d’accepter sa mise en liberté.



Roman 100% ♫ black is black ♪ car il ne reste plus aucun espoir à Silvano sauf la vengeance, qui, comme vous le savez, se déguste froide.



Donc, si Raffaello – qui n’a rien d’une douceur à la noix de coco – sort de cabane, non seulement Silvano pourra se venger de lui, mais aussi mettre la main sur le complice, celui qui a flingué ses deux amours.



L’auteur, qui sait ce que c’est la prison, esquisse le milieu carcéral avec réalisme, sans en faire trop, sans en faire des tonnes. La vérité dans sa nudité toute nue.



Oui, la prison est méritée pour certains, mais elle reste néanmoins inhumaine et n’a rien d’un Club Med comme on pourrait le penser parfois. Les geôliers étant de pires voleurs que ceux qu’ils surveillent.



Durant tout le récit, jamais l’auteur ne se pose comme juge ou comme avocat de la défense. Au lecteur de porter un jugement sur les deux damnés que sont Raffaello et Silvano et moi, je ne m’y risquerai plus.



Sans concession aucune pour ses deux personnages clés, l’auteur les tourmente, nous plongeant dans leurs pensées les plus obscures, secrètes, leurs désirs les plus fous et, tout d’un coup, nous renverse la vapeur en nous démontrant que dans tout homme sommeille la bestialité et que de victime, on passe facilement au statut de bourreau.



Si au départ j’avais pensé que l’histoire allait être téléphonée, je suis vite revenue sur mes pas car le roman part dans un sens totalement inattendu, plongeant même au plus profond de la noirceur humaine.



Un roman court, bref, intense, plus fort qu’un expresso dont la cuillère n’oserait pas descendre, de peur de se perdre dans ce noir 100% remplit de sombritude (néologisme).



Corsé, âpre, avec un récit taillé au scalpel, une plume acide et une autopsie de l’humain sans concession aucune pour le lecteur.



Un récit de rédemption, de folie et une vengeance qui fait froid dans le dos. Les personnages qui gravitent dans ce petit univers ne sont ni tout noir, ni tout blanc, ni tout à fait bon, ni tout à fait méchant. Ils sont gris.



Ici, en plus d’un récit noir, on a plein de nuances de gris et croyez-moi, il y en a plus que 50…


Lien : https://thecanniballecteur.w..
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L'immense obscurité de la mort

Texte à deux voix, alternant celle de la victime indirecte, celui qui survit : Silvano a perdu son épouse et son fils; et celle de l' assassin , celui qui purge sa peine (Raffaello, incarcéré, rêve de retrouver son complice et sa part de butin).

Une douleur qui enfle, un cri trop longtemps retenu, qui "dévore" l'âme de Silvano comme le cancer qui "ronge" le corps de Raffaello.

Silvano au bord de la folie se transforme en justicier vengeur, en bourreau halluciné et Raffaello en repenti.

Un roman fort, rapide avec pour toile de fonds le milieu carcéral italien et ses rouages judiciaires.
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A la fin d'un jour ennuyeux

Sous des dehors de restaurateur débonnaire, Giorgio Pellegrini est loin d’être un personnage recommandable. Ancien brigadiste, il utilise son établissement chic situé en Vénétie, La Nena, comme couverture d’un réseau de prostituées, lesquelles servent à combler les désirs d’hommes politique corrompus. Pervers manipulateur, il assouvit ses besoins de domination et d’humiliation sur son épouse, lui faisant croire qu’il l’aime éperdument. Mais lorsqu’il apprend que son protecteur l’avocat Brianese l’escroque, son sang ne fait qu’un tour et son penchant pour la violence, trop longtemps contenu, refait surface, même si le fait de céder à ses instincts doit le conduire à se mettre à dos l’impitoyable mafia calabraise, dont Brianese n’est que l’homme de paille.



Escort-girls, mafia et notables corrompus sont donc au menu de ce très noir roman de Massimo Carlotto, fin observateur de la politique et de la société italienne d’aujourd’hui. Une vision terrible et radicale, une histoire sans concession où Carlotto, mordant et incisif, réussit à nous passionner pour un personnage sans morale, capable des pires horreurs pour sauver sa peau. Tout le contraire d’un jour ennuyeux, ce livre est plutôt une course contre la montre et un jeu de massacre machiavélique entre une ordure et une autre. Déroutant et très prenant.
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Rien, plus rien au monde

Dans la région du Piémont en Italie, à Turin plus précisément, une femme de ménage de 45 ans se lamente sur ce que sont devenus ses rêves de jeunesse et passe au crible sa vie minable. Une femme sans la moindre classe devenue alcoolique par désenchantement.

Son mari, Arturo, après 16 ans de bons et loyaux services chez Fiat au poste de métallurgiste, est maintenant magasinier. Sa file de 20 ans, en qui elle fonde tous ses espoirs pour ne pas avoir plus tard la même vie malheureuse qu'elle, est un garçon manqué malgré ses jolies mensurations. Mensurations qui font espérer à sa mère qu'elle deviendra un jour une valletta. Mais la fille ne l'entend pas de cette oreille : jouer les potiches à la télé, même pour une bonne paye et un riche mari à la clé, très peu pour elle. Mieux vaut sa bande de copains et son petit boulot minable.



Cette famille piémontaise pourrait très bien être une famille de beaufs bien de chez nous : toujours à chasser les promos des discounts (sauf pour l'alcool, les cigarettes et le café au bistrot ! ), très raciste et vivant dans un foyer où la télé réalité est la seule source d'instruction !



Il faut attendre les dernières pages - et avec 50 pages à lire ça vient vite - pour avoir un regard extérieur sur ce personnage principal. Mais même avant, on comprend vite que "quelque chose" ne va pas chez cette femme complètement aigrie et pleine de regrets. On sent bien sa rage à travers son langage désabusé et "fleuri".

J'ai retrouvé le portrait que Jean-Louis Fournier avait fait des familles pauvres dans "Les mots des riches, les mots des pauvres". En revanche, dans ce récit le ton est trop grave pour qu'on puisse le qualifier d'humoristique.

Massimo Carlotto expose ici une vision très pessimiste de notre société en pleine crise financière. Le tout dans un roman court et efficace !



Je remercie donc l'internaute qui m'a donné envie de le lire grâce à sa critique.
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Le souffle court

J'avais envie d'Italie . Un petit polar, pourquoi pas ?

Pour le petit polar , nickel . Lecture facile, trame bien tracée, des méchants partout , de la drogue, de la corruption , du sexe, des racailles, des politiciens mafieux ,une fliquette de l'ombre, des dialogues bien tranchés. En fait , on est chez Guy Ritchie , il manque juste la musique , mais le rythme , les embrouilles, les têtes de "cons" , les trahisons, tout est là .

Pour l'Italie, une pauvre clinique à Milan sur un tiers de page. le reste : Des Russes , des Mexicains, un Paraguayen avec une mega paire de "cojones", des Mexicains, des Chinois, un Indien, une Suisse, un italien quand même .Et tout ce beau monde se retrouve à Marseille . Avec le recul , la photo de la couverture ressemble à Notre Dame de la Garde en effet :).



Polar sans prétention, donnant une vision bien pourrie de Marseille, du monde , de la politique . C'est noté sur la 4ème de couverture . Aucun gentil la dedans . En effet, ce n'est pas la caractéristique principale des protagonistes.
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Le souffle court

Attention c'est le 47.24°N 1.52°O qui nous cause :

Commençons par le début 51.41°N30.06°E ..... C'est en Ukraine dans un parc d'attractions un peu beaucoup défraîchi. Nous partons à fond la caisse vers 14.22°S50.92°E ... En pleine mer dans l'océan indien. Continuons notre tour du monde avec 21.41°N72.20°E, nous sommes en Inde. Ne nous attardons pas, en route pour le tour du monde .....

La localisation du déroulement de l'action est originale.

Tout va très vite, la connaissance du ressenti d'un endroit n'a aucune importance et ne serait qu'une perte de temps, d'énergie ! Alors même si les lieux sont identifiés très clairement, leurs noms, leurs histoires, leurs caractéristiques, on s'en fout !

Les personnages, changent de nom, de vie, de physionomie au rythme des "affaires". Alors vous pensez bien que leur vécu, on s'en fout !

Nous sommes dans un drôle de monde !

Et moi pauvre 47.24°N 1.52°O, je ne suis pas de ce monde là. Je suis restée sur le quai de la gare, ou plutôt dans l'aéroport, les supersoniques passent et repassent et j'ai du mal à suivre. Et pourtant, l'écriture est agréable, vive et précise. Les personnages auraient pu être attachants, mais pour moi, la précipitation est un obstacle à la profondeur des sentiments !

Les calamités de notre époque ( gestion du risque nucléaire, traitement des déchets, exploitation du corps des misérables, ....) sont dénoncées violemment et lancées à notre visage comme des provocations.

La démonstration du processus de blanchiment de l'argent est faite une nouvelle fois et nous projette une fois encore face à notre impuissance à "changer le monde".

Et oui tout est bon pour faire du fric ! (Ça c'est juste au cas où on ne l'aurait pas remarqué plus tôt).

C'est ainsi que l'on reconnaît les gagnants au grand jeu du toujours plus, la question à se poser est peut être : toujours plus de money, mais pour en faire quoi ?

Cela fait froid dans le dos.

Merci à Babelio et à Metailié Noir pour cette expérience vertigineuse, glaçante, mais là il va falloir que je souffle un peu !
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L'immense obscurité de la mort

Après un braquage qui a mal tourné, Raffaello croupit en prison depuis 15 ans. Lors de ce braquage, shooté à mort, il a abattu froidement un petit garçon de huit ans et atteint sa mère d’une balle dans le ventre. Elle décèdera peu après à l’hôpital. Il n’a jamais dénoncé son complice, qui a pu s’enfuir avec l’argent du braquage.



« C’est tout noir, Silvano. Je vois plus rien, j’ai peur, j’ai peur, aide-moi, c’est tout noir. » Moi aussi, j’aurais voulu hurler jusqu’à l’épuisement, jusqu’à la mort.



Les derniers mots de son épouse, alors qu’elle est en train de mourir et qu’il lui tient la main, obsèdent Silvano depuis plus de 15 ans.

Alors, lorsque Raffaello, après 15 ans de détention, comme le lui permet la loi italienne, lui demande son pardon pour bénéficier d’une remise de peine, Silvano, scandalisé et choqué, refuse.



Dans un deuxième temps, il acceptera d’accorder son pardon, par le biais d’une lettre ouverte aux journaux, mais pour mieux mettre en place une vengeance terrible et mûrement réfléchie.

Ces quinze ans de solitude, il les a occupés à devenir transparent, il ne supportait plus d’être « le pauvre mari » de la victime, époux et père endeuillé.



« Les seules photos que je gardais près de moi avaient été prises sur le lit en acier de l’institut médico-légal. J’observai le thorax ouvert et saccagé par les bistouris de ma femme et de mon fils. La douleur battit plus fort en moi et un coup monta de l’estomac jusqu’à la gorge, mais de penser que Beggiato était malade ne me fit pas pleurer. Ce pauvre connard pensait que j’étais capable de gestes nobles. Pour pardonner, il faut éprouver des sentiments, avoir une vie. Or, tout ce qui m’était resté, je le tenais là, dans la main. »



Après la libération de Raffaello, Silvano met en place son plan machiavélique, et l’on assiste à la modification des caractères. Le meurtrier, malade du cancer, et qui n’a plus que deux ans à vivre, n’aspire qu’à retrouver son ancien complice, récupérer sa part de butin et finir sa vie au Brésil. Il semble regagner un peu d’humanité, alors que Silvano, prisonnier de sa haine et de sa rancœur, va peu à peu devenir pire que le monstre qui lui a tout pris. Il va s’acharner, sur ses proches, s’octroyant les faveurs sexuelles de la petite amie de Raffaello emprisonné, et ensuite, sous la menace du chantage, de la femme de son complice.



« T’es libre et t’as plus de temps à perdre. Maintenant la mort, ça me fait vraiment flipper. Dans ma cage, parfois, j’pensais que ça pouvait être ma seule libération de la perpète, mais là, maintenant, j’me sens comme un condamné à mort. J’ai l’impression d’avoir une bombe à retardement dans le fion. Le cancer, c’est une énorme bite qui t’encule jusqu’à te tuer. »



Carlotto nous donne à voir deux monstres générés par les conséquences d’un même évènement. Le premier a purgé sa peine et serait plutôt sur la voie de la rédemption. Le second s’est enfermé dans une conduite vengeresse, déterminé à appliquer la justice lui-même. Il se révèle d’une cruauté froide, sans bornes.



Tout au long du roman, la référence aux derniers mots de la morte, sonnent comme un leitmotiv qui justifie tous les actes de Silvano, obstiné à venger la mort de sa femme et de son fils, dusse-t-il pour cela endosser lui-même le costume du monstre.



Ce roman à deux voix alternées, est une œuvre noire, poisseuse. Carlotto utilise un style très direct, un langage très cru, voire vulgaire. Et tout son récit est mené sur un rythme endiablé, sans une respiration, sans un moment de répit, jusqu’à ce que toutes les frustrations et le désir de vengeance accumulés pendant quinze ans se déchaînent, dans une explosion de violence gratuite et paroxystique.



Un excellent roman, d’une noirceur désespérée, où nul n’est complètement innocent, et où on ne sait plus bien qui sont les victimes et les bourreaux.



Éditions Métailié, 2006
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Le Maître des noeuds

Massimo Carlotto sait de quoi il parle...militant au sein d'un groupe révolutionnaire d'extrême gauche, il est injustement condamné à 18 ans, en 1976. après avoir découvert le corps d'une femme sauvagement poignardée. Faisant l'objet d'un véritable cas judiciaire, il subit 11 procès, 6 ans de prison et 3 ans de cavale. Il obtient la grâce présidentielle en 1993.

Cette expérience s'exprime dans son écriture, par un style haletant et remarquable. Son regard sur les plaies sociales est inflexible (voir aussi dans son récit : "rien, plus rien au monde" ). Il dénonce la globalisation économique, l'influence des mafias sur le pouvoir politique ainsi que le pouvoir abusif de la police (quand il décrit les manifestations contre le G8 de Gènes en juin 2001, p.e.).
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Le souffle court

Titre italien:" Respiro.corto", édition Einaudi



Enchaîner "Le souffle court" aussitôt après "L'emprise" a de quoi achever de démoraliser.

Après les dépravations pour accéder au pouvoir, voici le mafia actuelle, cette pieuvre qui s'étale , s'étale.

J'ai lu en deux longues soirées ce qui permettait de ne pas emmêler les nombreux personnages.

En contraste avec les franchement crapuleux les quatre jeunes loups nouvelle génération sont beaux, intelligents, efficaces, joyeux comme des enfants lorsqu'ils se retrouvent et, du coup, séduisants et attachants.



Mises au point les présentations d'usage, le point de convergence, la mise en place des trafics, c'est Marseille;

Marseille fascinante et inquiétante, défendue par d'incorrigibles romantiques comme la commissaire Bourdet et le boss Grisoni, vieux mafieux corse, chef suprême de la ville.

Marseille et la clique de Brémond, (le député ) qui, avec la corruption et les malfaiteurs, a placé ses hommes aux commandes d'une ville asphyxiée par le crime.

Alors que les anciens mafieux tiraient, égorgeaient, se salissaient les mains, les garçons de la malavita mondialisée ont étudié dans les meilleurs collèges, parlent plusieurs langues, réfléchissent très vite et ne savent pas ce qu'est la violence, mais ils sont capables de pénétrer dans les circuits internationaux qui comptent.

Ils sont convaincus que le monde appartient à ceux qui courent aussi vite que l'argent et à ceux qui courent le plus vite.

Les autres ne méritent pas de vivre.

Le crime court. Il traverse le monde comme un souffle.

C'est le souffle court du défi qui est la pulsation de ce récit.



Mais voilà, je suis restée extérieure: trop de faits qui s'enchaînent, des affaires aisément conclues et des personnages figés dans le rôle qui leur a été attribué.

De belles figures sur papier glacé.



Donc, pour moi, un souffle qui manque de puissance mais qui a l'avantage d'être réaliste sur fond de corruption réelle.
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Le souffle court

L'essoufflement m'a surprise à la moitié du livre ! et quand on dit que "la réalité dépasse bien souvent la fiction" il y a de quoi se faire du mauvais sang ! J'ai donc laissé tomber... pour le moment.

Pour une nuit tranquille, abstenez-vous ! Quant à l'auteur, lui, il n'en manque pas de... souffle (un peu facile me direz-vous, mais j'ai très mal dormi) ;-)
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