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Critiques de Mathieu Belezi (359)
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Attaquer la terre et le soleil

2 histoires parallèles prises dans les débuts de la colonisation de l'Algérie:

Séraphine et sa famille au sens élargi du terme décident de quitter Marseille pour venir coloniser cette nouvelle terre qui a été vendue comme une terre promise : des terres, une nouvelle maison, un nouveau tournant de paysan. Déception violente et amère ! Les colons ne sont pas réellement attendus : conditions de vie pitoyables, la terre : un lopin pauvre quasi inexploitable, maladies et hostilité très réelle des autochtones.

Un soldat pris dans la colonisation de cette terre, suivant un capitaine sanguinaire voire complètement halluciné (on n'est pas des anges). Massacres, vols, viols, incendies, baïonnettes et tueries en tout genre. Les autochtones sont déshumanisés et les soldats se déshumanisent dans leurs actes.



C'est violent, c'est cru et cruel et pourtant cela reste intéressant car on nous parle régulièrement de la guerre de décolonisation (guerre d'indépendance pour les Algérien.nes) mais très rarement de celle de la colonisation. Attaquer la terre et le feu nous jette dedans de façon magistrale, grave avec tout ce qui peut être dégue*****.



C'est un livre court (ou plutôt ce n'est pas un pavé) mais c'est direct, précis. Il y a une force quasi tellurique dans ce roman (le titre lui va bien). Et du coup, soit on se laisse embarquer soit on reste sur le bas-côté.



J'ai apprécié même si par moments j'ai été un peu choquée . Néanmoins, je n'ai pas été totalement convaincue d'où mes 3.5 étoiles.



Déjà la narration et sa présentation : des phrases coupées en milieu de ligne et qui sont reprises la ligne en dessous sans ponctuation. Cela m'a fatigué et pompé l'air par moments.

Pas de répit dans la violence du propos et des scènes. Fatigant aussi par moments.



Livre à lire.
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Attaquer la terre et le soleil

Je referme ce roman puissant et je me sens sonnée. La violence et la barbarie sont omni-présentes, il n'y ni espoir ni répit dans ces débuts de colonisation de l'Algérie. Et pourtant, j'ai aimé plus que tout cette lecture déchirante!

L'auteur y fait alterner 2 voix : celle de Séraphine, jeune mère française, venue tenter sa chance avec sa famille pour s'installer en Algérie, et celle d'un soldat anonyme - qui est en fait l'expression d'un choeur de soldat- obéissant aveuglément aux ordres d'un capitaine brutal et sanguinaire, abêti par le sens qu'il donne à sa haute mission: celle de civiliser les natifs de cette terre sauvage...

A peine installés dans leur camp de misère , les nouveaux colons se battent contre le choléra, les animaux sauvages et les raids des Algériens.

Quant aux soldats, ils tuent , violent, pillent sans merci des villages entiers, au nom de la France.

Les images suscitées sont âpres , on est plongé dans le cimetière aride, au bord des tombes, on est plongé dans les tentes qui n'abritent pas les colons des pluies torrentielles du 1er hiver africain, on est plongé dans les villages massacrés par des Français impitoyables.

J'ai eu peur, au début de ma lecture, du style un peu particulier ( pas de ponctuation) de cette histoire mais finalement ce n'est absolument pas un obstacle à la compréhension.

Ce roman est une réussite.
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Attaquer la terre et le soleil

D’un côté, il y a Séraphine. Sous l’impulsion de son mari, elle et les siens ont quitté la France pour s’installer en Algérie, et cultiver les terres offertes par le gouvernement aux pionniers. Après un voyage éprouvant, sa famille se retrouve prisonnière du désert, abandonnée avec les autres colons en terres hostiles, où tout est à construire, sous un soleil de plomb, à commencer par sa propre demeure. De l’autre, il y a un soldat français dénué d’âme et d’empathie, aux ordres d’un capitaine sanguinaire, traversant l’Algérie pour « pacifier le territoire », avec la conviction que piller les villages et violer les femmes est un droit pour les militaires venus « apporter la civilisation » en Afrique. La première sera confrontée à la résistance des tribus algérienne, à la dureté climatique du territoire, à la fièvre et aux maladies – paludisme, choléra et typhus. Le second fera régner la terreur et la haine. Entre son personnage féminin frappé par les tragédies et le deuil, et son personnage masculin, incarnation de l’armée française, Attaquer la terre et le soleil de Mathieu Belezi expose la folie de la colonisation de l’Algérie par la France au xixe siècle, source de malheurs pour les colons français et d’une ignoble violence pour le peuple algérien. Et s’intéresse plus généralement à la folie des hommes, prêts à sacrifier des populations entières, pour assouvir leur goût du pouvoir et asseoir leur autorité.



Court roman, Attaquer la terre et le soleil est empli de fulgurances et porté par un sens du rythme époustouflant. C’est une lucarne ouverte sur un sombre passé, un instantané de scènes clefs. Le texte reste à la lisière de ses personnages, ne creuse par leur psychologie, porte un regard sur eux distancié, car il est impossible, avec le recul, d’analyser leurs choix et de comprendre leurs motivations. Colons et soldats sont les deux facettes d’une même pièce. Le livre les présente séparément, sans qu’ils aient besoin de se rencontrer. Le point de vue des protagonistes algériens n’est pas abordé : c’est un roman sur les ancêtres français, qui reste focalisé sur l’acte de coloniser. Face à la monstruosité de cette période, Attaquer la terre et le soleil sait se montrer à la fois frontal et discret. Un texte saisissant.


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Un faux pas dans la vie d'Emma Picard

Fin des années 1860. Emma Picard est veuve et mère de quatre fils, auxquels elle veut plus que tout offrir un avenir décent. Pour cela, elle a accepté l'offre du gouvernement français : vingt hectares de terre et une ferme pour reconstruire sa vie avec ses enfants. En Algérie.



C'est à son plus jeune fils, Léon, qu'Emma s'adresse dans un long monologue. Ce récit à la première personne est celui d'une femme épuisée, au coeur brisé. Ce pays qu'elle a rejoint, pleine d'espoir, lui a tout pris. On lui a vendu du rêve, de l'abondance, des terres fertiles. "L'homme à cravate assis derrière son bureau de fonctionnaire ne m'avait-il pas dit que l'Algérie était un pays de cocagne où les pauvres devenaient aussi riches que les riches, pour peu qu'ils ne rechignent pas à courber l'échine dans la pierraille et le marécage (...)". Mais ce que ce fonctionnaire lui a caché, c'est que l'Algérie de la fin du 19e siècle est peu clémente pour les colons pauvres. Une série de cataclysmes s'abat sans relâche sur le pays, ne laissant aucun répit aux cultivateurs de la terre, comme aux autres. Rien ne sera épargné à la famille Picard. Ni les invasions de sauterelles, ni les tremblements de terre, ni les récoltes détruites par la chaleur extrême, qui tarit le lait des vaches, fait mourir les lapins et les poules. Et lorsque la nature semble se calmer, s'apaiser enfin, ce sont les maladies qui prennent le relais. La fièvre jaune, qui ne se combat qu'avec la quinine (un médicament hors de prix à l'époque) et la dysenterie, qui emportent les plus fragiles. Emma a de la volonté, de la hargne même, à revendre. Mais cela ne suffit pas. De par sa situation de femme isolée, elle ne semble jamais faire les bons choix. Pourtant, un homme lui tend la main sur cette terre inhospitalière : Jules Letourneur, un révolutionnaire exalté qui s'est attaché à elle. Elle refusera, obstinément, de suivre ses conseils. Et aux dernières heures, il ne lui restera plus rien, pas même la foi en ce dieu chrétien dont elle implore sans cesse la clémence.



Un faux pas dans la vie d'Emma Picard clôture la trilogie algérienne de Mathieu Belezi, commencée avec C'était notre terre et suivie du roman Les vieux fous. Je dois dire à regret que cette lecture n'a pas rempli toutes mes attentes. Tout d'abord, je voudrais comprendre pourquoi la préface de l'auteur nous donne quasiment la fin de l'histoire ? Être spoilé dès la première page, c'est vraiment contrariant ! Mais je déplore aussi que le style de l'écrivain, si reconnaissable, construit sur des phrases à rallonge, qui semblent écrites dans un seul souffle et que j'avais admiré dans C'était notre terre, soit reproduit à l'identique ici. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais je me suis sentie un peu "dupée" en tant que lectrice, par une sensation de déjà-vu si forte que je n'ai pas réussi à la dépasser. Enfin, cette histoire est d'un désespoir crasse. Aucune lueur ne vient éclairer le chemin de cette pauvre héroïne. Son destin est si tragique que j'ai eu du mal à compatir, tant le trait est forcé, tant elle subit, épreuve après épreuve, de nouveaux malheurs. Je ne cherche pas à tout prix le happy end quand je lis un roman. Mais là... cela en devenait presque malsain, je me demandais au fil des pages : que vas-t-il lui arriver après "ça" ? En revanche, je dois concéder que le roman est extrêmement bien documenté. Mathieu Belezi réussit brillamment à nous plonger dans l'atmosphère de l'Algérie de la fin du 19e siècle ; une période moins traitée par les écrivains, plus prolixes sur l'avant et l'après guerre d'Algérie.



Une lecture en demie-teinte donc ; passionnante d'un point de vue documentaire et historique, mais décevante sur le plan littéraire.



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Attaquer la terre et le soleil

Alors que le sujet est plutôt douloureux, le début de la colonisation de l’ Algérie (1830), j’ai trouvé ce roman très bien écrit, j’ose même le dire, une certaine douceur dans ces mots qui décrivent bien souvent le pire. Une promesse faite à des fermiers français pour qu’ils acceptent de s’installer en Algérie. Une protection militaire, et un espoir de bien vivre de son travail. Une ascension sociale peut-être.

La violence des militaires, leur chef que j’ai trouvé en dessous de tout. J’ai espéré sans trop y croire une intervention des soldats pour se rebeller contre ce monstre. Ce racisme aussi, faire croire aux colons que l’arabe est un sauvage. La peur de l’autre, la peur de la différence.

Les maladies, les épreuves et l’immense courage de Séraphine.


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Attaquer la terre et le soleil

Dans ce livre à l'écriture percutante, on assiste à la colonisation de l'algérie d'après 2 points de vue alternés : celui des colons à qui on a vendu un avenir plein de promesses dans un pays à construire, l'opportunité de refaire et de gagner leur vie et qui vont découvrir ... rien. Tout est à construire dans un camp protégé par l'armée, mais pas à l'abri des maladies et des assauts des autochtones. L'autre point de vue : celui des militaires qui pillent et violent chaque jour les villages sur leur passage.
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Attaquer la terre et le soleil

Mathieu Belezi nous plonge dans l'épopée sociale que fut la colonisation de l'Algérie au 1ème siècle, en alternant deux voix: celle de Séraphine dont l'espoir d'une vie meilleure s'est immédiatement brisé face à l'enfer dans lequel elle est plongée dès son arrivée et celle d'un soldat d'un régiment mené par un capitaine sans scrupule et qui, au nom de la mission de l'armée française pille, viole et massacre la population algérienne.



Scandant "Sainte et sainte mère de Dieu" et "nous ne sommes pas des anges" dans chacune des narrations, d'une écriture dépourvue de ponctuation et de majuscule, l'auteur parvient à impulser dès le premier chapitre un rythme dramatique implacable. Comme les protagonistes, les lecteurs sont précipités vers la catastrophe, dans un enfer de violence et de conditions climatiques extrêmes et dans l'incapacité d'arrêter l'engrenage.

Parvenir à lier ainsi le lecteur, les personnages fictifs et l'Histoire dans un même mouvement relève d'une grande maîtrise d'écriture et d'un sens profond du romanesque. Je ne connaissais pas cet auteur et j'ai hâte de lire d'autres écrits de lui.
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Attaquer la terre et le soleil

La seule chose qui m’a empêché de mettre cinq étoiles à ce roman est l’horrible malaise qui m’habitait pendant sa lecture. C’est pourtant ce que voulait provoquer l’auteur, j’imagine.

On parle rarement de la colonisation à proprement dite de l’Algérie. Même à la faculté d’Histoire, nous l’avons survolé. C’est souvent la décolonisation qui est enseignée, terrible également.

Mais la littérature nous permet ici de ressentir, au plus profond de nous, ces horreurs. Belezi donne dans son livre la voix à deux personnages : Séraphine, la pionnière, désespérée par le déluge, le choléra et les meurtres, puis à un soldat qui raconte sans-gêne ses méfaits dans les villages qu’ils « pacifisent ». Ce roman est, malgré son thème difficile, très poétique, et les phrases, longues de presque un chapitre, nous habitent pendant toute sa lecture. Je découvre avec les éditions le Tripode les « romans fleuves », comme celui-ci, que j’apprécie de plus en plus.
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Le petit roi

Disons-le tout de suite : j’ai adoré la langue de l’auteur : son style qui parait direct et haché mais qui cache des trésors d’invention tout en restant compréhensible.



J’ai été plus ambivalente à propos du garçon : si je l’avais rencontré en chair et en os, je l’aurai considéré comme un enfant terrible voire dangereux, limite pervers.



Mais à travers les yeux de l’auteur, c’est un enfant en colère et qui souffre.



J’ai à la fois aimé et détesté son grand-père taiseux qui pourrait expliquer tant de chose. Mais il appartient à cette génération qui se tait.



J’ai eu de la peine pour le souffre-douleur du narrateur et les animaux qui croisent sa route.



Enfin, j’ai détesté ses parents, et surtout sa mère qui l’a abandonné dans cette ferme reculée sans un mot.



Un roman fort qui démontre encore une fois le talent de l’auteur à nous rendre sensible la douleur.



L’image que je retiendrai :



Celle du vélo dont le garçon raffole, se passionnant également pour le Tour de France.
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Le petit roi

L’innocence de l’enfance



Mathieu arrive chez son grand-père, un taiseux, vivant dans une ferme fouettée par le Mistral.



Sa mère l’a laissé là, pour quelques années.



Mathieu aime ce grand-père qui l’accueille à sa façon simple, faite de petites attentions et de liberté.



Mais Mathieu n’arrive pas tout seul chez son grand-père, il arrive avec ses traumas d’enfance et sa violence à l’égard des autres, qu’ils soient animaux de compagnie ou copains de classe. Une violence qui ne saurait être canalisée.



Ce roman offre un paradoxe au lecteur. On y retrouve d’un côté une relation entre un grand-père et son petit-fils d’une grande beauté, pudique mais solaire. Et de l’autre, des descriptions de violence terrible.



Le lecteur se retrouve donc face à un roman qui créé un malaise certain à ceux qui le lisent.



Ce roman est à la fois cru et poétique, beau et dérangeant.



Au final, je ne sais pas si je l’ai aimé ou pas. Il m’a chamboulé, par contre, c’est certain. Je pense que c’est un roman sur lequel il faut revenir, une lecture plus exigeante qu’il n’y paraît de prime abord. J’aime lorsque la lecture n’est pas simpliste et c’est clairement le cas avec ce court roman, mis en valeur par une couverture très poétique.

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Le petit roi

On entre dans l’histoire du Petit roi sur la pointe des pieds. Odeurs de terre trempée, d'herbes aromatiques fraichement cueillies et de bois sec craque ant et crépitant dans la cheminée. La douceur du soleil sur le sol de tomettes glacées aux motifs réconfortants et du petit-déjeuner préparé avec soin. La fenêtre de la cuisine qui devient scène où les oiseaux entonnent leur opéra dès les premières palpitations de l’aube.

Mais tout cela, malgré cette source inépuisable de beauté, ne suffit plus à canaliser l’indicible, les souffrances invisibles d’un passé qu’un enfant ne devrait ni connaître ni subir.



L’on découvre alors que le jeune garçon a été terriblement abîmé durant son enfance, non pas cotonneuse mais bercée par les cris et les disputes de ses parents, puis la disparition violente du père, puis l’âpre abandon de la mère. Confié à son grand-père Papé, le petit bonhomme s'éveille à l'évidence des choses et la spontanéité des sentiments, à leur simplicité, à une douceur timide et retenue - mais à une douceur tout de même, plus que bienvenue et nécessaire.

Mais la colère est là, gronde dans ses entrailles et guide ses poings sur les plus faibles, ceux qui n’y sont pour rien, ceux qui bien souvent lui tendent la main. Mais Mathieu est incapable d’aimer, on ne lui a jamais enseigné la douceur d’un regard ou le soulagement dune étreinte.



Sans cesse secoué comme un baluchon au bout de son bâton, entre l’éveil à la beauté de la nature rurale et la douloureuse exposition d’un môme au monde violent et injuste des adultes, le lecteur, témoin du drame qui se joue, reste tragiquement impuissant.



Le Petit roi est un texte dépouillé et épuré à l'extrême, court car d’une justesse psychologique digne de Stefan Zweig, aussi percutante et cruellement belle que « Soleil à coudre » de Jean d’Amérique.

Chaque mot de Mathieu Belezi est émerveillement et mélodie, chaque phrase résonne si profondément que tout cela semble écrit sans effort - preuve qu’on est fasse à un géant des lettres.



Alors si le roi est petit, le texte est quant à lui très grand.



Après le détonnant « Attaquer la terre et le ciel », Le Tripode s’engage dans la publication de l’œuvre de l’auteur. Avec ces deux textes, on voit déjà se profiler un écrivain atypique, humaniste, dont l’écriture incisive et libre épouse ses obsessions pour les abysses sombres et honteuses de l’Histoire comme celle plus labyrinthique la psyché humaine.



Un chef-d’œuvre qui mérite d’être lu et protégé. Longue vie au petit roi.

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Attaquer la terre et le soleil

En lisant le roman de Mathieu Belezi paru chez Le Tripode, on comprend les mots que Tocqueville écrivait de retour d’un voyage d’enquête en Algérie : « en ce moment nous faisons la guerre d'une manière beaucoup plus barbare que les Arabes eux-mêmes. » Pour être tout à fait juste, on précisera que le sieur Tocqueville s’insurgeait de la barbarie des soldats mais écrivait tout de même quelques lignes plus tard « le droit de la guerre nous autorise à ravager le pays et (…) nous devons le faire soit en détruisant les moissons à l'époque de la récolte, soit (…) en faisant de ces incursions rapides qu'on nomme razzias et qui ont pour objet de s'emparer des hommes ou des troupeaux. » On voit là toute l’ambiguïté qui habitait, sur le sujet, les hommes politiques qui dans l’ensemble et à l’image de Victor Hugo, se trouvaient totalement favorables à la colonisation de l’Algérie censée apportée les Lumières d’un occident civilisé à ces peuplades d’Africains soumises à un Islam obscurantiste : « C'est la civilisation qui marche sur la barbarie, aurait dit Hugo selon un écrit de sa femme Adèle. C'est un peuple éclairé qui va trouver un peuple dans la nuit. » On navigue là dans des nuances d’ « en même temps » (coloniser, c’est bon, c’est cool mais en même temps, faut pas trop tuer non plus mais en même temps, saccageons tout, mais en même temps ne soyons pas aussi barbares que ces Arabes, mais en même temps, go pour les razzias), des nuances dont le roman de Belzeri ne s’encombrent pas.

Deux voix sont alternativement narratrices du récit : celle de Séraphine, une femme française arrivant avec mari, enfants, sœurs et tutti quanti en terres algérienne convaincue d’y trouver la terre nourricière agricole que l’Etat lui a promise et qui découvre toute l’horreur du terrain : des autochtones sanguinaires, des terrains trop boueux ou trop arides, et le choléra dévastateur. La deuxième voix est celle d’un soldat, anonyme, membre d’un groupe armé qui égorge, viole, pille, brûle à tour de bras pour répondre aux ordres d’un chef animé par la liberté destructrice que lui donne l’état de guerre. Et comme chaperon de ces horreurs : Dieu. Ce Dieu chrétien dont on réclame la protection. Ce Dieu qu’on fustige quand plus rien ne va. Ce Dieu qu’on remercie quand ça va mieux. Ce Dieu chrétien qui pardonne… ou pas, selon qui faute. Ce Dieu chrétien forcément plus éclairé que cet Allah qui ensauvage ces indigènes qu’il faut supprimer à défaut de pouvoir les remettre dans le droit chemin de la civilisation européenne.

Une fois évoquée le fond terrible et peu nuancé du propos, on se doit d’évoquer la forme et la plume de l’auteur. Quelle prouesse de marier à la sauvagerie aveugle des soldats, à la complainte guère plus lucide d’une colone aussi dévote que complaisante, une écriture aussi belle, aussi puissamment évocatrice. Si la quasi-totale absence de majuscules et de points peut déstabiliser au premier abord, on s’en accommode rapidement d’une part parce qu’elle est compensée par un retour à la ligne et d’autre part parce que le rythme soutenu, la construction intelligente et l’écriture fluide du texte fait oublier ce manque qui n’est plus que détail au regard des événements racontés. L’ensemble se lit d’une traite, dans un souffle, comme on traverse pieds nus un tapis de pointes acérées ou de charbons ardents : on respire mais on ne s’arrête pas, parcourant cet Enfer que rendent supportables quelques brefs moments lumineux et une écriture efficace, aussi éblouissante que cruelle.
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Attaquer la terre et le soleil

Dans ce roman écrit dans un souffle, nous suivons deux personnages : Séraphine, à qui l'Etat français à fait miroiter le Paradis, et qui arrive en Algérie avec Henri son mari et leurs trois enfants en tant que colons pour cultiver des terres agricoles et qui auront de belles déconvenues lorsqu'ils se rendront compte que rien de ce qu'on leur a promis n'existe, et un soldat français dont la troupe est dirigée par un homme qui a soif de massacres et dont le quotidien est rythmé par les tueries et les maltraitances faites aux locaux sur le motif qu'ils doivent être soumis.



Ces deux voix sont ici réunies pour décrire la colonisation de l'Algérie au 19ème siècle, un pan de l'histoire peu connu au final. C'est cru et violent, ça poisse dans tous les sens, entre la pluie qui leur colle à la peau, la chaleur qui les étouffe, la poussière qui les indispose, les femmes violées, les hommes massacrés, les maisons pillées...



Il faut avoir le cœur bien accroché, c'est une lecture éprouvante, servie par une plume éblouissante qui décrit la misère et le sang par le biais de deux voix, à l'unisson.



Le texte est court, dense, sans ponctuation ni majuscule tel une phrase prononcée dans un souffle. C'est oppressant et l'on est souvent au bord du vertige.



Une lecture dont on ressort K.O...






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Attaquer la terre et le soleil

Vous connaissez ma passion pour les éditions du Tripode, ce livre faisait forcément partie de mes incontournables de cette rentrée littéraire. C’est le premier roman de Mathieu Belezi que je lis et il m’a totalement happée et bouleversée. C’est l’exact effet que je recherche en littérature, quand je lis les premières lignes d’un ouvrage.

Voici un très grand roman, fort et bouleversant. Un livre qui a, je pense, l’étoffe d’un classique. Un de ces livres qui marquent les esprits et transmettent aux générations suivantes l’Histoire. Ici, l’Histoire, dans toute son horreur, de la colonisation de l’Algérie au 19ème siècle.

Il y a deux points de vue ou narrateurs. Celui d’une femme, Séraphine, paysanne française, qui déménage avec son mari, ses trois enfants, sa sœur et son mari pour l’Algérie où l’Etat Français leur a promis un bel avenir de colon. La France a besoin d’eux pour cultiver les terres. Et celui d’un homme, un soldat, qui raconte leur vie de misère, leurs violences et massacres au sein des populations autochtones.

Bien évidemment, la vie n’est pas aussi belle que les colons se l’étaient imaginée. Elle va de cauchemar en cauchemar. Le froid puis la chaleur écrasante, le vent, les lions du désert, les maladies, tous les éléments se déchaînent sur eux. Sans oublier les pillards, les Arabes qui leur font sentir que leur présence n’est pas la bienvenue. Entre les phrases de Séraphine reviennent souvent les mêmes mots : « sainte et sainte mère de Dieu ». Dans le récit du soldat revient aussi régulièrement une expression : « Nous ne sommes pas des anges ».

La plupart des phrases ne se terminent pas par un point. Il y a peu de majuscules. Chaque paragraphe est une phrase que l’on lit en apnée tellement la situation racontée est inimaginable, intolérable. Il y a beaucoup de sang et de morts. Le livre en 152 pages condense l’œuvre de Mathieu Belezi, son obsession pour dire les faits sur ce passé colonial peu glorieux. Un texte éprouvant où le lecteur ne ressort pas indemne !

Un coup de cœur que je vous invite à lire au plus vite.

Ce roman a eu le Prix littéraire Le Monde 2022.
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Attaquer la terre et le soleil

Je referme ce livre à l’instant.

Abasourdi, groggy, écœuré, nauséeux...

Quel récit des premiers moments de la colonisation de l'Algérie !

Je ne sais pas comment le chroniquer !

La sensation d’être dans la peau de ces pionniers du « far west », de suivre pas à pas la troupe de la cavalerie états-unienne, sauf qu’ici ce n’est pas l’image voulue par Hollywood, ce ne sont pas les musiques pleines de violons accompagnant des soldats impeccables aux grands cœurs de sauveteurs, ce ne sont pas des colons courageux, innocents et nobles… Certes, le cruel Apache est ici l’insoumis natif, qu’on extermine pour mieux le faire entrer dans la « vraie » civilisation.

Un roman difficile, je me suis senti si coupable tout au long de sa lecture, jamais la cruauté du « pacificateur », celui qui apporte la civilisation et le progrès, ne m’avait autant sauté au visage, jamais la colonisation ne m’était autant apparue comme un crime contre l’humanité.

Un roman insoutenable, fait de massacres et d’écrasements, une écriture directe, sans circonvolution, franche et dure. Écrasement des primo-habitants mais aussi des petites gens dont le tort fut de croire au mirage d’une vie nouvelle et meilleure.

Un roman très court et que je n’ai pu lire d’une traite, j’ai dû faire quelques poses tant le récit est insoutenable.

Salvateur de nos jours où certains tentent de nous faire croire que la colonisation a apporté du positif malgré tout.

Et c’est dur de penser que chez nous, presque au même moment, le peuple montait sur des barricades de 1848 avec au cœur de si nobles idées, de liberté, d’égalité et de fraternité. De l’autre côté de la Méditerranée, c’est le sabre, la cruauté, la mort et la terre rougie de sang innocent.

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Attaquer la terre et le soleil

Le Soleil… Eldorado aux rayons parfois assassins. L’Algérie… Terre promise aux terres assassines. Séraphine est de ces français qui n’ont plus rien et qui se laissent entraîner par les belles paroles des dirigeants : l’Algérie a besoin de vous. Vous y serez bien et y ferez fortune.

Mensonge.

L’Algérie n’a plus que la terre rouge du sang des nationaux brutalement chassés de chez eux. Elle n’a plus que la terre rouge du sang de ces victimes que les soldats tuent sans pitié.

L’Algérie n’a plus que la terre rouge du sang des français exploités et maltraités par les décideurs colonisateurs.



Ce texte sans ponctuation ou presque, sans majuscule ou presque, se lit d’un souffle. D’un souffle haché qui ne remplit plus les poumons et n’apporte jamais le soulagement d’une pleine respiration.

Poétique, il recourt, sans jamais abuser, à la métaphore pour illustrer les passages les plus sordides. Il alterne les chapitres dont Séraphine (qui vient de traverser la Méditerranée) est la narratrice et ceux dont une troupe de soldats indissociables et donc déshumanisés se cache derrière l’usage de la première personne du pluriel. “Nous ne sommes pas des anges”.



J’ai beaucoup aimé l’ambivalence du discours de Séraphine qui, colon oppresseur, se révèle victime de ses choix, de même que la présence permanente de la religion catholique comme justification aux maux et aux actions les plus réprimables. Cela remet les choses à leur place et les actuelles évocations de la religion en perspective.

Ce roman essentiel est comme le précieux témoignage du prix que les hommes ont dû payer pour que l’Algérie devienne française. Nous sommes au début du 19è siècle, et ce que nous lisons donne son sens à la haine et à la guerre qui éclatera dans les années 50.

Mon seul bémol, si c’en est un, serait de considérer que ce texte, par son absence de nuance, pourrait heurter et raviver quelques sentiments de rancune et en cela présenter une forme de danger. Néanmoins, après cet éclairage, il me paraît inconcevable d’évoquer en cours d’Histoire la guerre d’Algérie sans commencer par les conditions de sa colonisation, et pourtant…
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Attaquer la terre et le soleil

L’imbécile brutalité de la colonisation algérienne, armée et agricole. La vie quotidienne des colons, son implacable et absurde dureté ; les bains de sang éhontés de barbares militaires censés apportés civilisation et progrès. Pour donner à voir l’insoutenable de cette situation, Mathieu Belezi cisèle l’apprêté, les apartés, de sa langue d’où, sans ponctuation, émergent des bribes de dialogues, rythmes et motifs d’une incapacité à, d’une part, s’acclimater et, d’autre part, le fou conditionnement meurtrier. Attaquer la terre et le soleil où l’horreur à hauteur d’hommes et de femmes.
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C'était notre terre

Un livre très dur sur la guerre d'indépendance de l'Algérie où tout le monde en prend pour son grade, des colons aux Algériens en passant par l'OAS et le FLN. Tous ont considéré que leur idéologie, quelquelle soit justifiait de tuer des hommes, violer des femmes et massacrer des enfants, la lecture de ce roman très cru est parfois éprouvante. Egalement dur à lire, l'avalanche de préjugés de l'époque puisque le livre décrit essentiellement le point de vue des colons français, futurs pieds noirs en France. J'en ai connu quelques uns dans ma vie personnelle, je dois dire que j'ai reconnu beaucoup de choses, hélas.

En revanche j'ai beaucoup apprécié le style de l'auteur. Sa ponctuation et ses majuscules absentes et ses longues phrases à répétitions vont curieusement très bien avec le sujet du roman.
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C'était notre terre

J'ai beaucoup aimé ce roman qui nous raconte une Algérie aux deux visages : celui des colons, riches ,arrogants, indifférents, orgueilleux, et celui des serviteurs algériens, pauvres, soumis, opprimés.

Roman polyphonique où s'expriment 6 personnages, le père, la mère, les 3 enfants (dont un embrassera la cause du FLN) et la domestiques kabyle pour raconter la fin de l'Algérie française.

C'est l'histoire de la décolonisation douloureuse, des départs plein de rancœur et d'amertume, qu'aucun baume n'apaisera jamais.

Un roman dur, âpre, magnifique.
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Attaquer la terre et le soleil

Après cinq romans qui lui valent l'estime mais pas vraiment la gloire, Faulkner, en 1930, écrit Sanctuaire, en anglais Sanctuary, où il donne à voir le viol d'une jeune femme par plusieurs hommes, avec un épi de maïs. Le succès est immense et l'argent, dont Faulkner avait tant besoin à ce moment précis et pour lequel il avait décidé d'écrire ce qui lui venait en tête de plus horrible, coule à flots, puisque le livre est bientôt adapté au cinéma.



Mathieu Belezi signe ici un court roman où l'épique le dispute à l'absurde et où l'on est témoin, entre autres cruautés, de nombreux viols commis par les colons français en Algérie ; un livre de terreur, donc, que son éditeur lie justement à Faulkner. Pourvu que le grand succès de ce texte ne tienne pas trop à ce motif violent du texte.



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