Citations de Matthieu Mégevand (88)
La souffrance est sans motif, seule l’espérance possède un fondement. Je le répète pour bien m’en imprégner : la souffrance est sans cause, il n’y a que dans l’espérance que l’on peut puiser.
Il m’a fait forte impression. Je pense que seuls les Parisiens, et plus particulièrement les hommes d’un certain âge, possèdent cette prestance, cette aura naturelle qui les rend à la fois si distingués et en même temps si graves ; on a l’impression de se retrouver face à des comédiens de prestige, des acteurs dramatiques qui déclament leur texte et jouent leur rôle à la perfection. Sauf qu’il ne s’agit pas de fiction ni de théâtre, mais bien d’un sens inné de l’aisance, de la belle phrase et du bon goût.
Son regard fin et aiguisé laissait percevoir une longue fréquentation des choses humaines, et du bonheur qu’il y a à se divertir de tout ce qui sort de l’ordinaire.
L’homme est comme un chien attaché à une charrette ; libre à lui de la suivre dignement, ou de se laisser traîner !
La vie est un taureau qu’il faut empoigner par les cornes et laisser foncer dans l’arène.
Pour Sénèque, les douleurs, la souffrance ne sont pas des afflictions, mais bien des obstacles qui forgent, endurcissent et nourrissent l’homme qui aspire à la sagesse, et qui sont autant de présents faits par la divinité pour éprouver – et ainsi rendre meilleurs – les hommes qu’elle aime.
On se méfie de la foi comme d’une vieille affection tout juste guérie, et on traite les croyants avec cette distance ironique où perce le mépris ; des reliquats d’un vieux monde voué à disparaître, des ennemis du rationnel et de la modernité, voilà ce qu’on pense de l’idée de Dieu et de ceux qui s’y vouent.
Malgré la mort, le drame inéluctable, les voix s’élèvent jusqu’aux nuages et refusent d’abdiquer ; aux morts et à ceux qui restent, à la foule anonyme qui n’y comprend rien répond cette voix de gemme, entêtée, qui fredonne et susurre un sens que la raison ne peut percevoir ; c’est la mélodie du vent, la transcendance des tonalités, l’ultime expression de notre humanité qui, d’un chant extatique, répond au néant.
Son chant est déchirant, ses yeux sont fermés, sa tête parle au ciel et du tréfonds de son corps on sent monter toute la détresse et l’angoisse, mais aussi toute la confiance envers cette vie qui finira par s’interrompre.
Comme une porte, un passage. « La musique commence là où la parole est impuissante à exprimer ; la musique est écrite pour l’inexprimable » disait Debussy qui savait de quoi il parlait.
Ce n’est pas une solution, ça ne donne aucune clé ; mais les notes expriment mieux que les mots la souffrance, elles ouvrent à un monde auquel le langage n’a pas accès.
Elle est belle, Hannah, lorsqu’elle est ainsi entièrement consacrée à la musique ; elle dégage une puissance qui prendre le cœur et donne envie de lâcher prise.
Ce qui nous rapproche : la musique, bien sûr, la littérature, l’art et l’alcool ; et puis ce besoin de ne pas mentir, d’être vraiment, sans chichi ni déguisement, fragiles, incertains.
Hannah se sent libre, et en même temps jamais chez elle dans ce minibus qui les transporte d’un endroit à l’autre sans but ni raison. Elle connaît le gouffre de l’infini des possibles, l’angoisse et la déstructuration que ce genre de vie favorise ; elle découvre aussi le monde, la création foisonnante, l’absence de morgue sociale, l’authenticité des rapports humains. C’est une école de vie qui vaut bien les autres et qui fait d’Hannah et de ses sœurs des personnalités à part, uniques, brutes et débridées.
Ils font des rencontres surprenantes, un vieil ivrogne québécois passionné d’ornithologie, une famille de mormons déshéritée par un complot de leur ancienne communauté, un transsexuel mexicain surnommé Pongo qui passe son temps à se palper l’entrejambe, quantité de rôdeurs, repris de justice en tout genre qui vagabondent dans les étendues inhabitées.
Leah, Yaël et Hannah grandissent dans un univers riche, rempli de poésie et de beauté du monde dont on sollicite l’émerveillement et l’audace.
Elle est fière de me surprendre et d’opposer ce miroir à mes questionnements.
C’est ce que j’aime et ce que j’attends de sa part, un décalage, une inventivité renouvelée qui nous transporte ailleurs.
Tiger got to hunt
Bird got to fly
Man got to sit and Wonder « why, why, why ? »
(Kurt Vonnegut junior)
Se livrer, authentiquement, offrir à l’autre ses ressentis, sans cotillons, j’ignore s’il existe quelque chose de plus fondamental.
Hannah est belle, surtout depuis qu’elle vieillit. Nous avons eu, il y a des années, une petite passion, transformée depuis en amitié constante. C’est mieux dans ce sens, les ambiguïtés originelles ont depuis longtemps cédé le pas à l’affection, l’accointance, bref, à tout ce qui nous rapproche vraiment.