Citations de Maurice Denuzière (761)
Notre cause n’était pas la meilleure et que le vrai courage consiste parfois à passer pour lâche, alors que ceux mêmes qui vous accusent savent que vous ne l’êtes pas.
Les jeunes filles sont des pages blanches, les femmes de trente ans des récits raturés, dont il faut deviner les épisodes censurés.
Ceux qui, en présence d’un couple, se fient aux apparences, ignorent toujours ce qui en fait l’unité et la stabilité : c’est une mystérieuse alchimie, faite de complicité lucide, de tolérances secrètes, de confiance sans faille.
L’union d’un homme et d’une femme n’est pas que sentiment d’amour et communauté de vie. Ils ne peuvent éluder les contingences charnelles. L’acte d’amour, voulu et consenti entre époux, qui doivent être aussi des amants, à nous de le transcender.
L'eau, le ciel, la terre ont autour de nous plus de réalité qu'ailleurs. Les décors urbains sont des prisons. L'homme y prend de fausses dimensions en rapport avec ce qu'il construit. Ici, il a conscience d'être à la fois minuscule et divin.
Pendant notre absence, les murs de la capitale s'étaient couverts d'affiches suggestives, indiquant, avec flèches à l’appui, comment les toutous bien élevés doivent s'y prendre pour se soulager dans les caniveaux. Cette campagne pour la propreté de Paris, qui semble attribuer aux chiens toute la responsabilité de la saleté des rues , me parut assez désobligeante pour la gent canine , dont l'éducation n'est que le reflet de celle des maîtres .
La mentalité américaine est différente de la nôtre. Il n'y a aucun lien entre les gens du peuple et les gens éduqués ou riches, ce qui ne va pas toujours de pair. Seules des rencontres, sur le terrain des affaires, mettent en relation éphémère des personnes issues de classes sociales différentes. Quant aux Noirs, malgré la victoire de 1865 du Nord sur le Sud et l'abolition de l'esclavage, ils sont encore tenus à l'écart et traités par les Blancs, même les plus modestes, comme des intouchables, corvéables à merci.
L'amour, c'est avant tout la primitive obéissance au désir, et aucune passion ne résiste à trois ans de mariage. Le seul amour durable est celui qui n'est pas consommé et ce peut être une torture.
Elles estimaient maniérées les demoiselles des villes et se tenaient un peu à l'écart, pour échanger des remarques en usant du patois. Elles avaient le teint hâlé de celles qui vivent en plein air et ne se cachent pas du soleil sous une ombrelle. La plupart d'entre elles paraissaient à l'aise dans des robes de barège ou de percale à motifs floraux, qu'elles portaient au bal de la fête paroissiale, alors que leurs compagnes, filles de familles plus aisées, de commerçants ou de notables ruraux, arboraient des toilettes copiées dans les gazettes de mode par les couturières du cru. La réussite n'était pas toujours au rendez-vous et ces ajustements importés rendaient ces jeunes personnes, habituellement gracieuses et alertes dans leur simplicité pleine de fraîcheur sensuelle, gauches et trop attentives à des atours qui ressemblaient à des déguisements.
C’est une forme de censure intellectuelle qu’exercent sur la littérature des esprits étroits et dénués de curiosité. La littérature est en perpétuelle évolution, monsieur. Elle est le reflet de son temps. La nouvelle école romantique a ses auteurs, parfois excellents !
Bagatelle ressemblait maintenant à un écorché. Peut-être faudrait-il beaucoup de temps pour qu’elle retrouvât, par la grâce de quelque rencontre, sa plénitude et son rayonnement. La lumière du phare venait de s’éteindre, mais un jour, peut-être, un étranger, sans honte ni préjugés, un véritable amateur, un véritable amoureux, envoûté par le souvenir de Virginie, la rallumerait et rendrait justice au Sud.
En amour le grade est sans attrait, mais avant il attire et il retient après.
L’école peut être mauvaise, elle peut donner de dangereuses ambitions. Je l’enverrai chez les jésuites, à Loyola. Il aura des maîtres qui seront des éducateurs. Il faudra aussi qu’il jouisse du bonheur de la jeunesse, qu’avant de connaître le monde et cette vieille Europe dont on ne saurait se passer, il apprenne à bien connaître son pays. Il faudrait qu’il soit un Américain véritable et pas seulement un habitant des États-Unis…
La guerre et sa blessure l’avaient plongé dans un univers où les besoins élémentaires et les considérations physiques régentaient trivialement l’existence des hommes. Les rêveries gracieuses, les spéculations intellectuelles, les vagabondages de l’esprit, les entretiens philosophiques, les discussions passionnées autour d’un tableau préraphaélite, d’une sonate de Beethoven ou du dernier poème de M. Rudyard Kipling étaient inimaginables tant le caractère superflu de tout ce qui ne relevait pas directement de la subsistance et de la survie paraissait absurdement démontré.
Une jeune négresse un peu jolie finit toujours par céder à un Blanc, que ce soit par vice ou par intérêt… On n’a pas besoin de les étrangler pour les avoir...
Les Noirs seront un jour comme les Blancs, c’est-à-dire qu’ils domineront leur paresse médiocre et se mettront au travail pour s’offrir une paresse… plus confortable !
La soumission, même l’apathie, c’est le sacrifice de l’honneur, c’est la lâcheté !
L’oisiveté est un art , les gens incapables de concevoir que l’artiste doit parfois rester les bras étendus et la bouche ouverte pour s’assimiler à ce qui se passe, ce qui est autour de vous et en vivre l’avaient parfois taxé de paresse et de dilettantisme.
Pour que les Blancs nous acceptent en tant que citoyens égaux, il faut d’abord que nous-mêmes nous nous acceptions en tant que Noirs… égaux aux Blancs…, mais je pense qu’il faudra du temps.
Le grand art d’être heureux n’est que l’art de bien vivre.