AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Maylis Besserie (41)


Tu croyais peindre un gorille dans un champ de maïs, à côté d'oiseaux de proie. Tu te prenais pour un fauve, voyais déjà la lumière safranée enflammer ta toile, les mailles se tendre sous le fouet brûlant des épis.

Pauvre folle. Tes doigts n'ont pas voulu. Ton pinceau impuissant n'a rien donné. Images coincées dans la cage de tes pupilles opaques, piégées par ton esprit que tes mains en panne ont trahi. Figures avortées sur la toile. Menace de rejet. Envie de meurtre.

Il n'y a que la chance pour sauver tes créatures - le gorille droit comme un i, le couple d'oiseaux à longue queue -, la chance pour te sortir de l'impasse, faire tressaillir ta toile, la faire trembler. Tu jettes des pigments en vrac sur le fatras de ton esquisse. Tu mises tout sur le prochain coup de pinceau : rouge, faites vos jeux, numéro 12 (pinceau blaireau souple en poils d'écureuil). Tu le frottes contre ton meilleur pull, ton torse de cachemire, coules le noir bleuté dans les plis du tissu, l'enduis de fibres. Tu prépares ton lancer, la touche fruste que tu t'apprêtes à faire à l'aveugle. Tu fermes les yeux, laisses ton bras partir tout seul, ta main fesser la toile, la frapper comme une peau de tambour - spank. Excité, sur le point de desserrer tes paupières, tu te demandes ce que le sort te réserve : l'échec ou la victoire, un sauvetage miraculeux ?
Commenter  J’apprécie          70
Pour l'amour de Dieu, mon petit ! Oh, mon chéri, quelle horreur, non mais quelle horreur ! Regarde-moi dans quel état tu es ! Ton œil, Francis, on croirait un œuf d'autruche, tu ne peux même plus l'ouvrir, est-ce que tu y vois quelque chose au moins ? Et ta joue en sang, criblée de bouts de verre, doux Jésus, on jurerait que tu as été attaqué par une bête sauvage ou que tu as croisé l'Eventreur en personne.

Tu es devenu son chien, tu es devenu l'ombre qui s'accroche à ses chevilles. Ton attirance pour lui est ta maladie honteuse, ton obsession, ton calvaire. Tu le peins inlassablement. C'est ton œil qui a commencé, qui a travaillé le premier, a tout fait à l'avance. Ton œil s'est promené sur la nudité de Peter, a découpé ses contours, tiré sur la nappe de l'image et tout emporté.
Ton œil à demi-clos a tout consigné : les ténèbres du canapé, la lumière bleutée du décor qui l'enferme, la marbrure de la chair de ton amant quand il te menace - la seconde avant qu'il ne bascule.
Commenter  J’apprécie          110
« Tu as fait le tour de la violence. L’as traversée. T’en est guéri. C’en est fini désormais. Fin des tragédies. Il ne te reste qu’à leur rendre hommage – à tous ceux qui t’ont hanté – jusqu’à ce que ta peinture se tarisse, que tes os craquent à leur tour, à ta peinture encore humide. Vivante. »
Commenter  J’apprécie          140
C'est vrai, les gens disent « l'âme, l'âme » - ah, quand ils disent l'âme, ils ont l'impression d'avoir tout dit -, mais le corps, ça compte aussi. D'ailleurs, d'aussi loin que je me souvienne, quand ma pauvre maman est morte, ce n'est pas son âme qui m'a le plus manqué, eh non. Croyez-vous que du haut de mes quinze ans j'attendais de ma défunte mère qu'elle me fasse de longs discours ? Que nenni. Ce qui me manquait le plus, ce que je voulais encore de ma mère, c'était qu'elle peigne mes longs cheveux, qu'elle me caresse du dos de la main, me claque la cuisse pour me taquiner sur son passage, voilà ce que j'attendais d'elle - de la mère si brutalement partie. Je voulais pouvoir embrasser sa joue tannée par les vents furieux des Cornouailles, me réchauffer entre ses bras - ces bras si familiers qu'il me semblait parfois que c'étaient les miens, et que blottie contre elle, enveloppée par sa force paisible, je parvenais, par on ne sait quel miracle, à m'enlacer moi-même. Longtemps après la mort de ma mère, je faisais encore le doux rêve que je lui sautais au cou, que je m'enivrais de son odeur de linge, que je posais ma tête sur ses genoux.
Commenter  J’apprécie          10
Ce que j'aime le mieux, c'est quand il me lit ses tragédies machin-chose, vous savez ? Est-ce qu'elles sont grecques ? Il me semble, en tout cas de par là - oh, des histoires qui ne datent pas d'hier, mais je dois dire que ça me plaît tout autant que si j'étais moi-même une antique. Je n'aurais pas cru au début, non, je n'aurais pas misé une feuille de menthe là-dessus, mais je dois dire qu'il m'a bel et bien convertie. Chaque soir, j'attends la suite avec impatience, j'y suis encore plus accro qu'aux feuilletons de la TSF. Il s'y passe de ces choses, mon Dieu - et vas-y que je te fais des petits coups en douce, des tromperies de derrière les fagots (même des meurtres !), tout le monde couche avec tout le monde, le père, la mère, les enfants -, pas un pour sauver l'autre. Il faut voir l'ambiance. On croit toujours qu'ils vont se rabibocher et ça repart pour un tour, jusqu'à ce qu'ils
se zigouillent tous. Je dois dire que je ne m'en lasse pas. Francis non plus, d'ailleurs. Au départ, il a fallu qu'il prenne soin de tout m'expliquer bien comme il faut, mais maintenant j'arrive à suivre sans difficulté, sans même qu'il ait besoin de s'interrompre.
C'est qu'elle n'est pas simple, l'histoire de la famille d'Agamemnon. Pour commencer, ils ont tous des noms à coucher dehors, un vocabulaire, je ne vous dis pas, et puis il leur arrive de ces aventures. Entre celui qui a mangé ses enfants sans le savoir et celui qui a tué sa mère et s'en revient des Enfers, croyez-moi, on n'a pas le temps de s'ennuyer.
Commenter  J’apprécie          00
Du haut de ses dix-huit ans, ce petit est un piège à garçons, du pollen pour gros bourdons.
Commenter  J’apprécie          20
Tête II
Tu n’épargnes personne. Ton massacre a toi est déjà fait, ta tête numéro II, définitivement endommagée.
Commenter  J’apprécie          30
"À Berlin, m'écrit-il, aucun amour n'est interdit- le vin pétille, le désir est assouvi."
Commenter  J’apprécie          20
Autoportrait- Francis
Tu jettes ton épaule sur la peinture encore fraîche, souilles ta bouche, scies ton menton, l'ouvres en deux, en fait une autre bouche. L'être que tu vois désormais ne ressemble à personne, n'aura jamais ni père ni successeur. Il est ce que tu as fait de toi. Ton monstre.
Commenter  J’apprécie          10
Lui, il est comme Mamie, il a besoin que ça vive autour de lui, qu'il y ait des gens, que ça tangue, que ça secoue dans tous les sens. Il a besoin que ce soit carnaval et feu d'artifice tous les jours. Sinon l'angoisse le reprend, se met autour de son cou et l'étouffe comme un serpent.
Commenter  J’apprécie          00
Lui le chassé, le banni, il n’est pas près de laisser son père avoir sa peau. Il sait voler de ses propres ailes. Il fera lui-même son trou.
Commenter  J’apprécie          00
Le boucher se se salit même pas les mains, il laisse faire les larbins et profite du spectacle. Il insinue le poison par ses mots, dégoûte l'enfant de lui-même par la parole, le tord pour mieux se plaindre ensuite qu'il soit tordu. Il agit ainsi jusqu'à ce que l'enfant né soit plus qu'une ombre, qu'il ne lui en fasse plus.
Commenter  J’apprécie          40
Il n'échappera pas à la malédiction qui frappe les garçons de cette famille, qui leur ferme les yeux avant qu'ils aient de la barbe au menton.
Commenter  J’apprécie          10
Vous savez, quand j'ai pris mon service à Cannycourt House, je n'avais aucune idée de l'endroit où je mettais les pieds, de ce qui se passait en Irlande. Vous pensez, l'arrivée de George V sur le trône me passionnait bien plus que leur guéguerre ou leurs histoires de pommes de terre.
Commenter  J’apprécie          30
Elle est encore là, prise dans les nuages, la prophétie de l’enchanteresse qui a guidé mes vers. Qui a tracé mes lignes. La prophétie de Blavatsky plane au-dessus de moi, six pieds au-dessus de mon nuage. Je l’entends avec sa voix qui tourne. Sa voix de ruisseau qui soulève les pierres. Les maîtres invisibles prêtent leurs mots à l’enchanteresse. Ils parlent à travers elle, les anciens, les pères. Ils racontent tous la même histoire. Celle de Maud Gonne, la femme debout qui a mené mes rêves. Qui m’a tenu serré dans ses filets. Qui me tient toujours cloué à mon nuage. Ce n’est pas fini. Je bois les paroles de la femme qui voit. Elles me ramènent auprès de ma belle. Mon amour n’a pas disparu. Il vibre encore dans la voix de l’oracle. Maud is not gone.
Commenter  J’apprécie          10
L’Editeur, ami fidèle parmi les fidèles, s’approcha le plus naturellement du monde, feignant de n’être en rien décontenancé par ma position qui, au moment précis de son entrée dans la chambre, était la suivante : tête en arrière, abandonnée comme sur l’échafaud aux mains du figaro, regard au plafond et reste du corps drapé dans une blouse noire tel le grand prêtre de Tullow Church pendant l’office.
Me vient alors une formule complètement désuète, qui me sembla adaptée sur le moment :
- Finissez d’entrer.
Commenter  J’apprécie          170
Oui, d’accord sur ce point, le veston suffit. C’est peut-être même trop, eu égard aux circonstances pénibles, au calvaire conjugal – le pléonasme – qui les guette. Qui nous guette tous. Raison pour laquelle je n’en portais pas, le jour du mien. Mon mariage. Jamais pu me résoudre à employer ce mot pour qualifier ma liaison – en l’occurrence il n’y en a pas, hasard de la phrase – avec Suzanne. Tant il me semble impropre. Je veux dire le mariage. Enfin, impropre, disons que ce qui me chiffonne, c’est le fossé – décidément -, le fossé qu’il y a entre le mariage tel qu’on l’entend d’ordinaire et le mariage tel qu’il nous phagocyte. Tel qu’il nous digère et finalement nous rejette. Se rejette lui-même, comme une mauvaise greffe. Jamais aucune information à ce sujet dans les actualités. Aucune alerte sur ce fléau qui depuis des millénaires fait pourtant d’innombrables victimes. Pas un seul mot avant d’y être soi-même confronté.
Avant qu’il soit trop tard. Alors même qu’on nous bassine chaque jour avec le prix du baril – autour de dix-neuf dollars, me semble-t-il ? Passons. Toujours est-il que le jour de mon mariage, je ne portais pas de veston.
Commenter  J’apprécie          180
Like a fish out of water. Ne mélange pas tout, tu as choisi ta langue. Seul comme un poisson hors de l’eau. Fin inexorable. Et te voilà, asphyxiant loin de la mer d’Irlande, loin de la mer éternelle qui me racontait toujours la vieille histoire au fond du jardin. La mer au bord de laquelle, enfant, tu rôdais déjà comme un fantôme. Enfant déjà mort. Presque pas né. Vieillard, pas encore mort.
Commenter  J’apprécie          200
Notre pays n’était pas encore lui-même, c’était une pâte à pétrir, un fruit vert que nous, membres du mouvement révolutionnaire de la Jeune Irlande, espérions faire mûrir et goûter. Dans la revue The Nation était née une littérature gaélique de combat, nous mettions la Jeune Irlande au-dessus de tout, au-dessus de Dieu et des dogmes qui avaient scindé notre île, qui lui avaient coupé les bras et fait plier les genoux. Maud devint catholique, baptisée en France comme une reine. Moi j’étais protestant comme Synge, néanmoins comme lui, le dramaturge je me retrouvais chez les catholiques d’Irlande, ceux qui connaissaient les secrets de la terre, les racines vivantes et dures des bouleaux, des noisetiers et des ifs ; ceux pour qui les arbres formaient un alphabet oghamique dont jadis les druides de Silgo extrayaient des bâtonnets divinatoires. Ils les jetaient sur le sol, en tombant les bâtons effectuaient une danse prémonitoire, disait-on – par eux les sages savaient de quel bois serait fait l’avenir
Commenter  J’apprécie          110
I bury my head in books as the ostrich does in the sand.

J'enterre ma tête dans les livres comme l'autruche dans le sable.

William Butler Yeats
Commenter  J’apprécie          150



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Maylis Besserie (199)Voir plus

Quiz Voir plus

Les créatures imaginaires

Créature de la nuit, je suce le sang de mes victimes pour me nourrir. Je peux me métamorphoser en chauve-souris, en loup, en chat ou en chien quand je ne me dissipe pas en une traînée de brouillard. Les miroirs ne reflètent pas mon image et je ne projette aucune ombre. Je crains la lumière du jour et le meilleur moyen de m'anéantir est de m'enfoncer un pieux dans le cœur ou de me décapiter. Un de mes représentants le plus célèbre est le Comte Dracula.

Le zombie
Le vampire
Le poltergeist
Le golem

10 questions
594 lecteurs ont répondu
Thèmes : imaginaire , fantastique , fantasy , créatures fantastiques , créature imaginaire , littératureCréer un quiz sur cet auteur

{* *}