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EAN : 9782073026064
Gallimard (17/08/2023)
3.63/5   50 notes
Résumé :
« C’est un enfant merveilleux. Je vous assure, j’en ai vu passer des drôles, il n’y en a pas deux comme lui, pas un qui arrive au talon de ce petit. Il ne fait rien comme tout le monde, c’est vrai, il a toujours une idée derrière la tête, toujours une parole rusée. Il se passionne pour les belles choses. Il aime qu’on l’aime, c’est tout, c’est ça que son père ne comprend pas. »

Personnage méconnu et pourtant central de la vie de Francis Bacon, la bien... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Voilà un excellent livre pour nous parler du peintre Francis Bacon, dont l'originalité vient du point de vue de la personne qui raconte sa vie : sa nourrice.

Francis Bacon naît effectivement le 28 octobre 1909 à Dublin en Irlande « de parents britanniques anglais alors que l'île est une région du Royaume-Uni » apprend on de Wikipédia. « L'enfant est maladif, asthmatique » mais l'autrice va surtout insister … sur la maltraitance paternelle. Celui-ci, éleveur de chevaux, semble prendre beaucoup de plaisir à ridiculiser et à battre son fils comme plâtre.

L'annonce par Francis de son homosexualité n'est pas faite pour apaiser les colères paternelles : bien au contraire. C'est à coup de cravache, devant ses palefreniers, que le père tyran s'acharne sur le fils.
Le tout sous l'oeil affectueux de Jessie Lightfoot, la bien nommée, sa nourrice providentielle.

C'est par la voix de celle-ci qu'on parcourt toute la vie du peintre, balloté entre Berlin et Londres, mais qui va ensuite l'accompagner partout où il ira : Paris, puis Londres encore, puis la campagne anglaise pour échapper aux bombardements pendant la première guerre, puis plus tard Monaco, l'Afrique du Sud … Cette voix, à la fois pleine de gouaille et de bon sens paysan, nous fait partager le quotidien d'un Irlandais dans la première moitié du XXème siècle.

Ce qui fait la force de « La Nourrice de Francis Bacon » c'est aussi les chapitres consacrés aux tableaux du peintre : « Homme à genoux dans l'herbe », « Autoportrait », « Triptyque inspiré par le poème de T.S. Eliot » … , le livre se lit un oeil sur un moteur de recherche pour se replonger dans l'oeuvre du peintre irlandais.

De Maylis Besserie, je connaissais « Les amours dispersées », que j'avais chroniqué, à propos du poète Yeats (et c'était déjà le récit par une femme qui a vécu près du lieu de son enterrement qui menait l'enquête) et « le Tiers Temps » que j'avais aussi chroniqué, à propos de la dernière partie de la vie de Samuel Beckett.

Ici, à travers le regard de l'affectueuse Jessie, la Nanny, c'est le portrait d'un peintre tourmenté, déchiré, parfois ivre d'alcool et de sexe, fasciné par Diego Vélasquez, Vincent van Gogh ou Pablo Picasso, avant-gardiste incompris, homosexuel invétéré, qui ne cherche rien d'autre que d'apprivoiser ses fantômes sur des toiles grand format. Des fantômes qui proviennent sans doute de l'enfance maltraitée contée par Jessie.

Celle qui tentera jusqu'au bout d'apaiser sa douleur et de le consoler de ses cauchemars aura grandement contribuer à mettre de l'affection dans une vie bouleversée. Perdant progressivement la vue, elle gagne en humanité au fil des errances de son protégé. Et par la plume de Maylis Besserie, parviendra encore, par-delà la mort, à parler d'une voix d'outre-tombe pour conseiller Francis Bacon dans le choix de ses compagnons, lui enjoignant de quitter celui qui est si violent avec lui malgré son attachement névrotique.
Un grand merci donc à Merik qui a attiré mon attention sur ce livre. Un excellent portrait donc, avec un personnage de nourrice très attachant, qui donne très envie de (re)découvrir l'oeuvre du célèbre peintre irlandais, justement célébré en France, ou bien encore d'écouter les très nombreux entretiens et documentaires audio et vidéo (par exemple avec le photographe Francis Giacobetti), où il exprime avec clarté ce que fut pour lui l'art de la peinture.
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Elle n'y voit pas clair, Jessie Lightfoot. Elle porterait même l'ironie de son nom, la lumière absente de ses yeux, une véritable taupe pour tout dire même si elle fait comme si, comme si ça ne l'enquiquinait pas vraiment, elle dont la mère avait aussi « de mauvais yeux ». C'est de famille certes, mais il faudra quand même qu'elle lui dise à Francis, «que sa Nanny tombe en ruine, que ses yeux ne valent plus un penny » .
C'est pourtant elle qui va nous guider dans les ténèbres du célèbre peintre, son enfance tout d'abord, vrillée de tourments et de coups de fouet sous le regard enjoué de son père, qui « dégoute l'enfant de lui-même par la parole », le « tord pour mieux se plaindre ensuite qu'il soit tordu ». C'est aussi elle qui nous accompagnera par la suite, dans la découverte de son homosexualité, puis durant l'exil à Londres, entre frasques et fastes.
Elle nous parlera avec son langage bien à elle, alerte et gouailleur, facétieux. Sans oublier de se présenter, elle et son histoire personnelle. Jessie préfère le tricot et le rire à la lecture – ce genre de choses, c'est pour « les délicats qui restent le popotin posé sur leur chaise en attendant que ça se passe » – mais ça ne l'empêchera pas d'avoir ses étincelles de mots bien à elle, chamarrés d'images populaires. Mais elle nous guidera surtout avec son coeur, et la tendresse qu'elle a ressentie très tôt pour son Francis. Un véritable couple aux liens indéfectibles, à la limite de la dépendance, leur cocon de tendresse plus tangible encore une fois exilé à Londres, en dehors de la famille du peintre.

Il y aura aussi une autre voix intercalée dans ce roman sous forme d'exofiction, celle du peintre embarquée dans l'acte créatif, une voix qui exsude la violence accumulée et subie. Une plongée au rythme d'un crépitement de radicalité dans un univers torturé, fait de corps endommagés, emmêlés, torturés, au goût de sang mêlé, teinté d'onirisme ou de surréalisme : « Tu t'acharnes sur lui, sur le tableau que tu as poussé à bout – déformé, avili –, tu claques son portrait, gifles sa petite gueule ratée, la castagnes, la cabosses, la rends méconnaissable ». Ici c'est Francis qui parle à Francis, dans un tu disloqué à l'effet tourmenté.

Quel artiste mieux que Francis Bacon – lui le spécialiste du triptyque –, pour Maylis Besserie et son troisième volet dans le monde des arts irlandais, après Beckett et Yeats. Mais l'autrice a changé de décor cette fois, puisque l'on quitte le monde des lettres pour celui des couleurs et du pinceau. Ici le procédé narratif alternera les parties biographiques sous le regard extérieur de Nanny – comme une analyse dissociée des faits –, et les cessions de peinture de Francis Bacon s'y reflétant en écho comme des exutoires à ses tourments, donnant le rythme à ce roman sous charge de violence masculine et porté par une voix féminine réparatrice, qui se révèlera instructif et passionnant sur l'univers du peintre.
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Pénétrer l'univers d'un peintre par une voix autre que celle du biographe classique.

La voix d'une « nourrice » : Jessie Lightfoot, la figure « maternelle » qui entoura Francis Bacon, seule femme présente aux côtés de l'artiste, de son extrême jeunesse à la reconnaissance artistique en passant par les duretés des années « sans ».

Regard tolérant, amour inconditionnel, acceptation des dérives, la plume de Maylis Besserie s'est glissée dans la pensée de la nurse.

Tour à tour drôle, avec un franc-parler, protectrice comme une louve, Jessie Lightfoot évolue dans un monde interlope, protégeant le Dieu vivant jusqu'à voler pour améliorer leur quotidien.
Les amours se succèdent, l'amour violence, l'amour chantage, l'amour jusqu'à la déchéance : derrière les murs, le silence et le regard bienveillant de celle qui a offert sa vie à l'unique : l'enfant battu, l'enfant « elle » banni par un père abject et violent, une mère qui ne veut pas voir, une sensibilité qu'on ignore, un rejet absolu.

Le peintre est l'homme qui se débat contre les démons qui l'assaillent. le peintre est celui qui dit l'homme.
Les couleurs giclent, les toiles se malmènent jusqu'à parfois la destruction.
Et les mots de Maylis Besserie se calquent sur les touches de couleur, les corps qui se détraquent comme le coeur de l'homme qui n'en finit pas de se broyer.
Et ces mots jonglent, deviennent couleurs à leur tour et nous malmènent.
Un tour de force noir, une pénétration de l'oeuvre par les sons qui fusionnent avec les jets colorés, les distorsions des visages, les démembrements explosifs et violemment jetés sur la toile.

On en sort mal à l'aise, quelle souffrance, quelle recherche d'un sens à donner à l'être, quelle violence sans espoir…

Livre dur qui dit le tragique d'un artiste et l'amour sans condition qui le lia jusqu'à la fin avec cette nourrice devenue mère et protectrice éternelle.

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Tout en délicatesse, avec tendresse et poésie pour écrire le morbide des toiles et relater l'origine des traumatismes, Maylis Besserie adopte la voix de la Nourrice de Francis Bacon et le raconte, lui et ses travers, ses frasques et ses psychoses. En alternance, se glissent des descriptions de ses toiles, tourbillons de mots colorés, maelströms de métaphores pour rendre l'écoeurant malaise presque beau (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2023/08/19/la-nourrice-de-francis-bacon-maylis-besserie/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Deux voix se répondent dans ce roman de Maylis Besserie. Celle de Jessie Lightfoot qui fût sa nourrice lorsque le peintre était petit puis qu'elle a suivi adulte. Et l'autre, la voix de Francis Bacon posée sur ses tableaux, qu'ainsi Maylis Besserie commente.

La fiction autour de la nourrice éclaire, renforce et permet de trouver des clefs de compréhension d'une oeuvre qui reste difficile. Cette attention toute maternelle éclaire une personnalité blessée, repoussant ses limites, pour s'éprouver dans une violence recherchée. Même si le registre de langue que lui fait adopter Maylis Besserie perd quelquefois en crédibilité en voulant faire un peu trop “peuple”. Celui-ci permet des respirations salutaires tant la course du peintre vers sa destruction est à la hauteur de son désir de plaire.

Mais, ce sont les mots que posent Maylis Besserie sur les tableaux qui sont le plus remarquables !

Bien sûr, impossible de découvrir cet essai fiction d'une seule traite. Non seulement la description des sévices à l'enfant, mais aussi ceux que le peintre aimera retrouver à l'âge adulte, est une véritable épreuve. Mais, l'analyse des tableaux proposés, tablette disponible aux côtés, ne peut se faire de façon linéaire.

Il faut du temps pour que les mots trouvent leur chemin vers la nouvelle oeuvre présentée et argumentée par la voix du peintre. de plus, l'importance ici est d'y confronter son propre ressenti. Alors, Il faut ingérer, digérer et éprouver. Dommage que la présentation des tableaux ne suive le fil chronologique du récit.

En tout cas, le travail de Maylis Besserie devient, me semble-t-il, un incontournable pour donner des clefs à cette oeuvre, si particulière, illustrant de façon magistrale la meurtrissure d'une vie brûlée de tous côtés.
Lien : https://vagabondageautourdes..
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critiques presse (2)
Culturebox
12 décembre 2023
Récit douloureux et réjouissant d'une relation maternelle et joyeuse. Une autre manière de regarder l'œuvre du peintre.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Culturebox
04 septembre 2023
Récit douloureux et réjouissant d'une relation maternelle et joyeuse. Une autre manière de regarder l'œuvre du peintre.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Pour l'amour de Dieu, mon petit ! Oh, mon chéri, quelle horreur, non mais quelle horreur ! Regarde-moi dans quel état tu es ! Ton œil, Francis, on croirait un œuf d'autruche, tu ne peux même plus l'ouvrir, est-ce que tu y vois quelque chose au moins ? Et ta joue en sang, criblée de bouts de verre, doux Jésus, on jurerait que tu as été attaqué par une bête sauvage ou que tu as croisé l'Eventreur en personne.

Tu es devenu son chien, tu es devenu l'ombre qui s'accroche à ses chevilles. Ton attirance pour lui est ta maladie honteuse, ton obsession, ton calvaire. Tu le peins inlassablement. C'est ton œil qui a commencé, qui a travaillé le premier, a tout fait à l'avance. Ton œil s'est promené sur la nudité de Peter, a découpé ses contours, tiré sur la nappe de l'image et tout emporté.
Ton œil à demi-clos a tout consigné : les ténèbres du canapé, la lumière bleutée du décor qui l'enferme, la marbrure de la chair de ton amant quand il te menace - la seconde avant qu'il ne bascule.
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Tu croyais peindre un gorille dans un champ de maïs, à côté d'oiseaux de proie. Tu te prenais pour un fauve, voyais déjà la lumière safranée enflammer ta toile, les mailles se tendre sous le fouet brûlant des épis.

Pauvre folle. Tes doigts n'ont pas voulu. Ton pinceau impuissant n'a rien donné. Images coincées dans la cage de tes pupilles opaques, piégées par ton esprit que tes mains en panne ont trahi. Figures avortées sur la toile. Menace de rejet. Envie de meurtre.

Il n'y a que la chance pour sauver tes créatures - le gorille droit comme un i, le couple d'oiseaux à longue queue -, la chance pour te sortir de l'impasse, faire tressaillir ta toile, la faire trembler. Tu jettes des pigments en vrac sur le fatras de ton esquisse. Tu mises tout sur le prochain coup de pinceau : rouge, faites vos jeux, numéro 12 (pinceau blaireau souple en poils d'écureuil). Tu le frottes contre ton meilleur pull, ton torse de cachemire, coules le noir bleuté dans les plis du tissu, l'enduis de fibres. Tu prépares ton lancer, la touche fruste que tu t'apprêtes à faire à l'aveugle. Tu fermes les yeux, laisses ton bras partir tout seul, ta main fesser la toile, la frapper comme une peau de tambour - spank. Excité, sur le point de desserrer tes paupières, tu te demandes ce que le sort te réserve : l'échec ou la victoire, un sauvetage miraculeux ?
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« Tu as fait le tour de la violence. L’as traversée. T’en est guéri. C’en est fini désormais. Fin des tragédies. Il ne te reste qu’à leur rendre hommage – à tous ceux qui t’ont hanté – jusqu’à ce que ta peinture se tarisse, que tes os craquent à leur tour, à ta peinture encore humide. Vivante. »
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C'est vrai, les gens disent « l'âme, l'âme » - ah, quand ils disent l'âme, ils ont l'impression d'avoir tout dit -, mais le corps, ça compte aussi. D'ailleurs, d'aussi loin que je me souvienne, quand ma pauvre maman est morte, ce n'est pas son âme qui m'a le plus manqué, eh non. Croyez-vous que du haut de mes quinze ans j'attendais de ma défunte mère qu'elle me fasse de longs discours ? Que nenni. Ce qui me manquait le plus, ce que je voulais encore de ma mère, c'était qu'elle peigne mes longs cheveux, qu'elle me caresse du dos de la main, me claque la cuisse pour me taquiner sur son passage, voilà ce que j'attendais d'elle - de la mère si brutalement partie. Je voulais pouvoir embrasser sa joue tannée par les vents furieux des Cornouailles, me réchauffer entre ses bras - ces bras si familiers qu'il me semblait parfois que c'étaient les miens, et que blottie contre elle, enveloppée par sa force paisible, je parvenais, par on ne sait quel miracle, à m'enlacer moi-même. Longtemps après la mort de ma mère, je faisais encore le doux rêve que je lui sautais au cou, que je m'enivrais de son odeur de linge, que je posais ma tête sur ses genoux.
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Le boucher se se salit même pas les mains, il laisse faire les larbins et profite du spectacle. Il insinue le poison par ses mots, dégoûte l'enfant de lui-même par la parole, le tord pour mieux se plaindre ensuite qu'il soit tordu. Il agit ainsi jusqu'à ce que l'enfant né soit plus qu'une ombre, qu'il ne lui en fasse plus.
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LA NOURRICE DE FRANCIS BACON - MAYLIS BESSERIE
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