Citations de Mazo de La Roche (154)
Sa vie entière s'écoulerait désormais là.
Il vola au-devant de Mary qui de son côté, courut à sa rencontre.
« Mon trésor, s’écria-t-il, viens plongeons les premiers dans l’onde amère.
- Cette eau n’est pas salée, jeune imbécile, dit Isaac Busby.
- Alors, je l’arroserai de mes larmes qui la salerons. »
- Vous vous mettez dans une étrange situation.
Que penseront-ils de vous?
- Voilà encore que vous vous préoccupez de l’opinion des autres! Je vous dis que les gens penseront du mal de vous quoi que vous fassiez. C’est dans la nature humaine.
Il la regarda dans les yeux.
« Sûre de n’avoir rien laissé derrière toi? demanda t-il.
- Rien. Pas même mon cœur.
- Voilà qui est sage! Car autrement, j’aurais été obligé d’aller le chercher. »
Du seuil, elle voyait tomber les feuilles, les unes brunes, les autres vertes encore, mais la plupart de divers tons d'écarlate et d'or. Elles étaient, songea-t-elle, comme les minutes dans l'heure, les heures dans la journée, les jours dans l'année, les années dans une existence.
- [...] Et laisse-moi te dire, Mary, qu'il n'existe rien d'aussi fort au monde qu'un groupe familial étroitement uni. Il vous donne de l'assurance ; il vous donne du courage. Il peut, à l'occasion, vous valoir une heure pénible, mais il est toujours là pour qu'on ait recours à lui en cas d'ennuis, et il est là pour partager vos joies.
- C'est curieux, dit-elle, comme on croit savoir comment les choses doivent être faites jusqu'à ce qu'on essaie de les faire soi-même.
Mr. Fennel étudia le profil qui s'offrait à lui. Vu de face le visage de Renny lui avait paru immuable, coulé dans le moule que l'hérédité, l'expérience et la passion avaient créé, invariable dans son caractère profond. Mais vu de côté il semblait changeant, plein de possibilités, capable d'exprimer les sentiments de l'âme.
Piers faisait couler sur ses mains et son visage l'eau mousseuse de savon. Le savon parfumé était de première qualité. La serviette était douce et damassée. Il y avait des sels de bain roses dans un flacon. La baignoire d'émail blanc resplendissait. Tout ce luxe semblait incroyable. Il revit par la pensée l'entassement dans les camps de prisonniers, la crasse impossible à faire partir entièrement, l'impossibilité absolue de s'isoler, les odeurs. Il enfonça le nez dans la serviette propre et respira profondément. Ici on ne comprendrait jamais, aucun mot ne pourrait leur faire comprendre.
Le lien qui rattachait les Whiteoak à la vieille Angleterre était solide, mais depuis la guerre, et tel était le cas pour d'innombrables autres familles canadiennes, ce lien s'était tellement renforcé et resserré que maintenant ils ne faisaient plus qu'un avec la mère patrie. La traversée de l'Atlantique, jusque-là de tout repos, était devenue dangereuse, mais un pont de courage et de loyalisme avait été jeté d'un rivage à l'autre.
C'était délicieux de marcher à travers champs, dans la fraîcheur du début de mai. La terre paraissait fière de ses promesses, le sol d'un riche brun doré. De petites fleurs courtes sur tige avaient fleuri à peine leurs boutons sortis de terre. Le printemps était tardif. Il n'y avait pas de temps à perdre. C'est ce que se disaient les rouges-gorges et les passereaux en se dépêchant avec leur charge de paille et de crin de cheval. C'est ce que se disaient les grenouilles au bord de la rivière en coassant pour faire venir au soleil leurs amoureux. Même la cloche de l'église précipitaient ses battements.
- Que faites-vous ici, ma chère ? Je croyais que vous étiez séparés, votre mari et vous.
- Nous ne le sommes plus et ne le serons plus jamais, répondit Sarah, avec son petit sourire mystérieux.
- Je ne crois pas à ces réconciliations entre époux. J'en ai fait l'essai moi-même et je déclare que si un mari et une femme en sont arrivés une fois à se quitter, ils n'étaient pas faits l'un pour l'autre.
"Mon chéri, pensait-elle. Mon amour ! Je voudrais que tu sois auprès de moi, je saurais si bien te témoigner tout mon amour, chasser d'un baiser ce regard dur et lointain de tes yeux. Je sais que j'y parviendrais. Oh ! Renny, Renny, que je voudrais te sentir ici, auprès de moi !"
Un premier amour, quelle chose merveilleuse, magnifique et ridicule à la fois !
En imagination il posa ses lèvres sur sa joue, mais en réalité il n'aurait même pas osé toucher sa main.
Adeline retint son souffle afin de pouvoir pousser un cri encore plus strident et pendant cet intervalle Alayne entendit Nooky qui pleurait encore dans la pièce au-dessus. Les enfants ! De quelle façon idéale elle les avait jadis imaginés !...
Il fallait une longue absence et un séjour à l'étranger pour apprécier son foyer.
Piers était de ces êtres qui trouvent difficile de remercier pour un cadeau qu'ils reçoivent, mais ne se lassent pas des remerciements réitérés qu'on peut leur faire pour un cadeau qu'ils font.
Qu'était-ce que Jalna ? La maison, il le savait très bien, avait une âme. Il l'avait entendue soupirer et remuer la nuit. Il croyait que parfois les fantômes de son père, des femmes de son père, de son grand-père et même des enfants Whiteoak morts sortaient du cimetière et se réunissaient sous ce toit pour se rafraîchir, pour boire l'esprit de Jalna, cet esprit qui ne faisait qu'un avec la jolie pluie fine qui commençait alors à tomber. Ils venaient tout près de lui, se moquaient de lui, le grand-père en uniforme de hussard, les enfants dans de longs langes pâles.
Elle regarda en soupirant la pile entassée devant elle et songea à cette procession de livres qui, depuis son retour à New York, c'est-à-dire un an et demi, avait passé sous ses yeux. Etrange procession qui entraînait des fantômes effrontés, alourdissait son esprit, l'épuisait !
Elle n'avait pas cette mauvaise humeur du lecteur professionnel dont la propre puissance créatrice a été étouffée par la critique perpétuelle. Cette puissance créatrice d'écrivain était faible chez elle. Du reste, elle ne la désirait pas. Ce qu'elle désirait de la vie, c'était bien d'autres choses, que la vie semblait vouloir lui refuser ! Elle souhaitait de larges espaces autour d'elle, la liberté d'aimer, la croissance spirituelle !