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Citations de Mélanie Fazi (278)


Mains tendues vers la terre, yeux braqués vers le ciel, j'ai laissé ma voix se déployer. Couver en moi comme un orage, crépiter dans ma chair puis s'élancer au loin, monstrueuse, inhumaine. Ma voix mystérieuse et sans âge. Chargée d'une tristesse infinie qui me serrait les tripes et la gorge avant de s'échapper. Une plainte qui ne pouvait appartenir qu'à la terre, aux morts, à la mémoire.
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Fixant du regard l'étoile dans ma paume, me voilà soudain enveloppée de fantômes. Pas juste entourée, enveloppée comme d'une brume douillette. Le souffle des disparus, les grands-parents, ma tante Agnès, d'autres encore que je n'ai pas connus, tous venus accueillir mon enfant à naître. Ronde des générations d'avant, à peine une caresse, aussitôt repartis.
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Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
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Je ne m'étonne pas vraiment, avec le recul, de m'être trouvée tellement à ma place dans le domaine des genres de l'imaginaire. Là aussi, on sait ce que c'est d'être "à côté", hors d'une certaine vision figée de la "grande littérature", et de ne pas se reconnaître dans l'image que le reste du monde plaque sur nous : adolescents attardés, auteurs ou lecteurs de mauvais romans de gare sans prise avec le réel, et j'en passe. Rien n'est plus faux, évidemment ; mais parfois, on se lasse de chercher à l'expliquer au reste du monde, et on aime à se retrouver avec d'autres qui savent.
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Voilà ce que m'apprend l'expérience : ne pas être conforme n'est pas un problème. L'important, c'est ce qu'on en fait, et ce qu'on décide de devenir à partir de là. La différence aussi nous construit. Les gens ne m'acceptent pas malgré elle ; ils m'acceptent maintenant grâce à elle. En la dévoilant, j'ai renforcé certains liens.
Cette conversation si souvent redoutée n'est désormais plus une confession honteuse ; c'est un acte d'affirmation. Ce que je cachais, j'ai maintenant besoin que les gens le sachent.
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Si j'étais un peu plus sûre de moi, les gens m'écoutaient. Mon discours, jusqu'alors, s'était doublé d'une forme de question, que je ne percevais pas pleinement moi-même : "Est-ce que je dois changer ? Est-ce que j'ai le droit d'exister telle quelle ?" Et c'était à cette question, inconsciemment, que répondaient les autres, avec leur propre expérience des relations amoureuses qui leur dictait que je me trompais forcément : ce que je leur expliquais n'était pas possible.
J'apprenais désormais à ne pas leur en vouloir. Si certaines remarques m'avaient blessée, elles avaient été formulées sans la moindre intention malveillante. Simplement, les gens ne savaient pas. Sans ouvrages sur le sujet, sans représentations dans la fiction ou les médias, ils ne pouvaient pas savoir.
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Ce n'est pas si facile, quand un médecin vous considère comme guérie, de retourner le voir pour lui dire que vous n'en êtes pas tout à fait sûre. La peur de passer pour une hypocondriaque ou de ne pas être prise au sérieux sans symptômes assez nets est trop forte.
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Si l'on apprend une chose avec l'âge, c'est qu'aucune situation n'est idéale. Tout n'est qu'une question d'équilibre entre des choix et des priorités ; il y a une grande naïveté à croire que la vie du voisin est plus belle que la nôtre, ou que tout changera d'un coup de baguette magique quand on aura obtenu ce travail-là, acheté cette maison-là, gagné le gros lot ou que sais-je encore. Toute chose apparemment parfaite a son revers ; je l'ai découvert précisément en concrétisant certains vieux rêves (publier mes livres, gagner ma vie comme traductrice) pour constater qu'ils ne transformaient pas ma vie aussi pleinement que je l'avais espéré et qu'ils apportaient même leur lot de difficultés. J'aime par-dessus tout, dans l'expérience du vieillissement, le fait d'apprendre une forme d'empathie et de comprendre que les autres aussi sont seuls, qu'eux aussi nous envient peut-être en secret sans se douter de ce que cache notre façade.
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J'aurais aimé pouvoir dire : moi aussi, j'ai connu tout ça. J'aurais aimé me savoir "normale" et ne pas avoir à me cacher. La société n'est pas tendre avec ceux qui sortent du rang ; on n'a pas envie de subir les regards moqueurs ou navrés, d'être qualifiée de coincée, de frigide, de vieille fille.
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Pourtant, je découvrais en moi une profonde angoisse qui émergeait, une séance après l'autre, sans trouver de cause précise. Une sorte de trou noir qui refusait de se laisser définir et nommer.
Cette absence d'explication me perturbait de plus en plus. "On n'en a jamais parlé, mais vous avez une histoire", m'a dit la même généraliste un jour où j'ai fondu en larmes dans son cabinet. Je n'ai pas osé répondre qu'au contraire je n'en avais aucune et que je m'en voulais d'aller si mal sans raison.
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En prenant cette décision, j'avais appelé un changement de mes voeux. Je sais d'expérience qu'ils ne sont jamais aussi radicaux ni aussi rapides qu'on le souhaiterait. Il faut parfois des mois pour que leurs bénéfices réels se dévoilent. Ce n'est pas un bouleversement total, c'est un nécessaire pas de côté qui déplace légèrement notre perspective.
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Pour l'avoir connue dans d'autres domaines moins cruciaux, l'écriture notamment, mon expérience de la différence se résume souvent ainsi : faire ce qui nous paraît le plus naturel au monde et s'apercevoir ensuite que les autres nous regardent de travers. On nous impose un "problème" là où, de notre point de vue, les choses suivent leur cours normal. Alors on commence à douter. S'ils sont si nombreux à le dire, ils doivent avoir raison. On intègre cette notion d'anomalie, on apprend à se cacher pour éviter certaines discussions.
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Parfois, on sait soi-même, jusque dans ses tripes, que les autres ont tort, mais on ne trouve pas toujours les mots pour l'exprimer. Je n'ai jamais su me rebeller, je ne sais que m'obstiner en silence, en espérant que les autres finiront par entendre raison.
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La norme qu'on nous présente comme une évidence est en partie mensongère, et la réalité bien plus fluide qu'on ne voudrait le croire. Ce qui semble étrange pour les uns est la chose la plus naturelle au monde pour d'autres.
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S'enfermer dans sa coquille ne suffit jamais pour obtenir la paix. On vient vous chercher, vous titiller, vous reprocher jusqu'à votre silence. [...] Je crois n'avoir, depuis toujours, rien tant souhaité que cette petite chose si simple en apparence : voir les autres me laisser faire les choses telles que les dicte mon instinct, sans jugement ni commentaires, sans réactions perplexes ni moqueuses. Si j'aime tant la solitude, c'est en partie parce qu'elle me protège des regards et des questions.
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je me suis étonnée, un jour, lors d’un atelier d’écriture, qu’une participante me dise trouver si difficile d’écrire sur la folie, sujet abordé dans plusieurs de mes nouvelles. Ca me semble si naturel, au contraire, d’écrire à partir d’une vision du monde radicalement différente de celle des autres et de faire naître une forme de trouble à partir de là. Je peux m’y projeter cent fois plus facilement que dans le quotidien d’une famille ordinaire. Il suffit d’un léger pas de côté : trouver la logique qui habite le personnage et s’y tenir jusqu’au bout. C’est un exercice qui devient vite jubilatoire dès lors que l’on maîtrise l’angle d’attaque.
Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
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Un jour, en revanche, j’ai dû abandonner une nouvelle compliquée à écrire, qui me posait plusieurs problèmes insolubles. Je devais notamment y mettre en scène des familles ordinaires et entrer dans leur quotidien : adopter le point de vue des parents comme des enfants, me glisser dans la peau d’un jeune couple après l’annonce d’une grossesse. Je n’ai pas pu. Me projeter dans leur vision du monde, leurs espoirs, leur vie au jour le jour m’était impossible. Ces choses-là me sont irrémédiablement étrangères ; je suis incapable de les écrire avec justesse, car incapable de les concevoir. Je ne comprends ni l’évidence que la vie de couple et de famille représente aux yeux de la plupart des écrivains ou cinéastes, ni surtout pourquoi elle paraît rendre leurs personnages si heureux. Il m’est difficile d’éprouver avec eux la moindre empathie sur ce point, surtout quand l’impact d’une fiction repose sur la familiarité supposée avec le lecteur ou spectateur qui a forcément vécu tout ça. Et voir un personnage tout plaquer par amour a toujours, à mes yeux, un arrière-goût d’échec et de renoncement.
À l’inverse, je me suis étonnée, un jour, lors d’un atelier d’écriture, qu’une participante me dise trouver si difficile d’écrire sur la folie, sujet abordé dans plusieurs de mes nouvelles. Ca me semble si naturel, au contraire, d’écrire à partir d’une vision du monde radicalement différente de celle des autres et de faire naître une forme de trouble à partir de là. Je peux m’y projeter cent fois plus facilement que dans le quotidien d’une famille ordinaire. Il suffit d’un léger pas de côté : trouver la logique qui habite le personnage et s’y tenir jusqu’au bout. C’est un exercice qui devient vite jubilatoire dès lors que l’on maîtrise l’angle d’attaque.
Tout trouve son utilité un jour. Même la différence.
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La différence dont je vous parle tient à l’absence d’une petite chose très bête que tout être humain est censé posséder : une pulsion considérée comme la chose la plus universelle et la plus banale au monde. Celle qui pousse à chercher un partenaire, à désirer la vie de couple, les relations charnelles, celle qui incite à fonder une famille. La recherche de l’âme sœur, si vous voulez. Après tout, les contes de fées de notre enfance se terminaient toujours quand les héros partaient vivre heureux et faire beaucoup d’enfants.
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Je l’ai appris de longue et parfois pénible expérience : ce n’est pas facile d’expliquer une différence et de la faire entendre aux autres. Je ne suis pas sûre qu’il soit possible d’appréhender pleinement celles que l’on n’a pas soi-même vécues, de se mettre à la place de l’autre pour comprendre de quelle manière elles pèsent sur sa vie de tous les jours et façonnent sa personne. Je ne peux concevoir la violence que connaissent ceux qui subissent de plein fouet le racisme, l’homophobie ou les discriminations liées à un handicap, ni l’enfer qu’ils doivent vivre au quotidien. Je ne peux parler ici que d’une tout autre différence, dérisoire et singulière, mais qui fait peser sur vous une chape de honte et de silence. J’ignore toujours quel nom précis lui donner et j’ai mis longtemps à comprendre par quels mots la traduire au plus juste. Je tâtonne encore sur ce point.
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Est arrivé un jour où la fiction n’a pas suffi. Un jour où les mots trop longtemps contenus ont demandé à sortir nus, sans filtre, sans que je ne déguise ma voix derrière celle d’un narrateur. Un samedi matin, au réveil, quatre pages se sont écrites d’une traite, nourrie d’années de réflexion, de tâtonnements, de quête d’identité. Ce jour-là, l’étrangeté autour de laquelle je me suis construite a enfin trouvé des mots simples pour se dire.
Je ne cherche pas à affirmer qu’il y aurait une vérité plus grande dans un récit vécu que dans un texte de fiction : depuis la fin de l’adolescence, mon langage est celui des histoires, et des nouvelles fantastiques en particulier, car c’est ainsi que je sais le mieux parler du monde. J’ai pour les genres en général, et surtout pour le fantastique, un grand amour et un profond respect. J’aime leurs multiples niveaux de lecture, leur richesse métaphorique, j’aime la façon dont ils permettent de traduire des réalités complexes par des images fortes ou poétiques là où les mots se dérobent parfois.
Mais ce jour-là, à cet endroit précis, cet outil s’est révélé inadéquat.
Le dimanche soir, je suis allée me coucher, la peur aux tripes, en me disant : « Demain, ma vie va changer. » J’y avais réfléchi pendant deux longues journées ; il était trop tard pour renoncer.
Le lundi matin, je me suis dévoilée.
Le billet, publié sur mon blog puis relayé sur les réseaux sociaux, s’appelait « Vivre sans étiquette ». Il parlait d’identité de genre, de rapport à la norme, de certaines différences qui vous compliquent la vie parce qu’elles sont discrètes et mal connues, parce qu’elles ne portent pas de nom familier. Il parlait de la façon dont on les vit au quotidien et de la douleur sourde qui vous habite constamment. Il parlait de la nécessité d’arrêter de me cacher pour moi-même autant que pour d’autres.
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