Citations de Mélanie Fazi (275)
J'ai tendu l'oreille pour capter le bruit des champs sous la lune. Je distinguais le souffle du vent, reconnaissable entre tous. Et ces petits bruits mystérieux dont est tissée la nuit, tous ces sons venus on ne sait d'où et que la lumière du jour suffit à effacer. Seule la nuit permet de vraiment prêter l'oreille et comprendre que le silence n'existe pas. Il y a toujours quelque chose, quelque part.
Certains soirs, je t'ai enlacé pour coller l'oreille contre ton épiderme. J'ai cru entendre palpiter juste sous l'écorce, presque à portée de main. Comme autrefois, dans une autre vie, quand le souffle de Benjamin dans notre lit me gardait éveillée. J'ai cru entendre deux cœurs jumeaux battre au ralenti contre mon oreille. Mais j'ai pu me tromper. [Élégie]
Une page dont le contenu, un peu plus tard, irait remplir le livre vierge de Copeland Falls. Une fois le festin digéré, les prédateurs repus. Alors Deanna s'en irait rejoindre les autres ombres, celles dont les souvenirs des voyageurs ont repeuplé la ville. [Ghost Town Blues]
Jusqu'à l'extase du dernier instant. Voir le moment précis où la vie lui échappera. C'est vrai que les yeux sont le siège de l'âme : j'en ai eu la preuve.[Le passeur]
C'est triste, une maison vide, triste et fragile. Une coquille creuse qu'on menace de briser en marchant dessus. Ils avaient vu une maison qu'on vidait comme on dépouille un cadavre encore chaud, sans pudeur aucune, avant que l'esprit quitte le corps pour de bon. [Le faiseur de pluie]
Gare de l'Est. Je n'aime pas cette station. Les murs orange, c'est d'un malsain. Et puis cet escalier planté au milieu du quai. Je n'aime pas les escaliers, on ne sait jamais trop où ils mènent, et celui-là je ne l'ai jamais emprunté. [Petit théâtre de rame]
L'arrière-goût se précise. Et tu le traques à chaque nouvelle bouchée arrosée de mon vin. Il t'évoque l'amertume d'une herbe que tu as goûtée autrefois. La flamme des bougies creuse des ombres dans la caverne de tes sourcils, arqués dans l'effort de mémoire. Une bouchée de plus et tu sauras peut-être ? [Mémoires des herbes aromatiques]
Sa voix qui vous pénètre comme un couteau, qui s'insinue jusque dans vos os. Une main qui essaie d'agripper vos entrailles pour vous retourner comme un gant. [Matilda]
Dans la cheminée, les flammes se rapprochaient et s'éloignaient, encore et encore. Je les écoutais crépiter, distraitement, occupée à balancer mes jambes dans le vide. J'étais encore trop petite pour toucher le sol. Je me sentais si bien, dans la chaleur des flammes. Un peu engourdie, comme dans les minutes qui précèdent le sommeil, celles qui gomment le contour des choses et abolissent le temps. Leur lumière m'imprégnait, s'infiltrait jusque dans les os. Calée tout au fond du fauteuil, bras posés sur les accoudoirs, c'est ainsi que je l'ai vu. [Rêves de cendre]
Dans une ruelle obscure ou une station de métro, je les aurais pris pour des mendiants. Mais il y a autre chose. Ce regard paumé qui scrute le vide ? L'absence de bagages ou même de sac à main ? Le silence obstiné de ces deux-là, qui semblent à peine conscients de leur présence mutuelle ? [nous reprendre à la route]
Lettres souples et tout en courbes autour desquelles se tortillent vipères et cobras, sous l'œil d'une salamandre tapie dans un coin. Deux serpents s'enroulent nonchalamment autour du S et du T majuscules. [Serpentine]