Citations de Mia Couto (403)
Nous avons tous deux ombres. Une seule est visible. Il y a, malgré ça, ceux qui discutent avec leur deuxième ombre. Ce sont les poètes. Vous êtes l’un d’eux, l’un de ceux qui parlent avec les ombres.
(incipit)
Parfois les hommes bons, pour éviter de blesser ceux qu’ils ne connaissent pas, font du mal à ceux qui leur sont proches.
Je porte ce livre à mon visage, je hume l’arôme du papier, je sens le temps comme le font les femmes avec les vêtements des absents.
Cette nuit, je m’assois sur la terrasse sous le ciel étoilé. Sous le ciel, non. Plutôt parmi le ciel. Le firmament est à portée de ma main, je respire lentement de peur de déranger les constellations.
Lorsqu'on me voyait, immobile et reclus, dans mon invisible recoin, je n'étais pas prostré. J'étais comblé, l'âme et le corps habités : Je nouais les fils délicats dont on tisse la quiétude. J'étais un accordeur de silences.
Qui veut l’éternité regarde le ciel, qui veut l’instant regarde le nuage.
J'ai un don pour ne pas parler, un talent pour épurer les silences. J'écris bien, silences, au pluriel. Oui, car il n'est pas de silence unique. Et chaque silence est une musique à l'état de gestation.
Pire que de ne pas savoir raconter d'histoires, c'est de n'avoir personne à qui les raconter.
Au cours de ces journées, j’ai cheminé sur les lieux de mon enfance comme qui se promène dans un marais : foulant le sol sur la pointe des pieds. Un faux pas et j’aurais couru le risque de m’enfoncer dans de sombres abîmes. Voici ma maladie : il ne me reste plus de souvenirs, je n’ai que des rêves. Je suis un inventeur d’oublis.
J'ai connu mon père avant moi-même. Je suis donc un peu lui. En l'absence de mère, la poitrine osseuse de Sylvestre Vitalicio fut mon unique giron, sa vieille chemise mon mouchoir, sa maigre épaule mon oreiller. Son ronflement monocorde mon unique berceuse.
Pendant des années, mon père fut une âme douce, ses bras faisaient le tour de la Terre et en eux résidaient les plus anciennes quiétudes.
J'ai connu mon père avant moi-même. Je suis donc un peu lui. En l'absence de mère, la poitrine osseuse de Silvestre Vitalicio fut mon unique giron, sa vieille chemise mon mouchoir, sa maigre épaule mon oreiller. Son ronflement monocorde fut mon unique berceuse.
Pendant des années, mon père fut une âme douce, ses bras faisaient le Tour de la Terre et en eux résidaient les plus anciennes quiétudes. Bien qu'il fût la créature étrange et imprévisible, je voyais dans le vieux Silvestre l'unique connaisseur de vérités, le devin solitaire de présages.
Qui veut l'éternité regarde le ciel, qui veut l'instant regarde le nuage.
C'est injuste d'hériter de passés, c'est comme si on nous attachait le temps à nos pieds.
C'est mon dilemme:lorsque tu es là, je n'existe pas, ignorée.Lorsque tu n'es pas là je ne me reconnais pas ,ignorante.Je n'existe qu'en ta présence.Et ne m'appartiens qu'en ton absence.
La belle maîtresse de cérémonie m'invite à boire quelques verres loin de cet endroit.
- Je ne peux pas, dis-je pour me défendre. Je suis un homme d'incertain âge.
Elle déclare en souriant qu'elle aime les incertitudes.
Je ne suis heureux que par paresse. Le malheur, c'est trop de boulot ! Plus crevant qu'une maladie! Il faut y entrer et en sortir, écarter ceux qui veulent vous consoler, et accepter des condoléances pour une parcelle de notre âme qui n'est même pas morte.
Les aimés se rappellent à nous par la larme.
Les oubliés se rappellent à nous par le sang.
(dit de Tizangara) p11
Le rêve est un dialogue avec les morts, un voyage au pays des âmes. Mais il n'y avait plus ni trépassés ni territoires des âmes. Le monde était parvenu à sa fin et son terme était un dénouement absolu : la mort sans morts. Le pays des défunts était annulé, le royaume des dieux aboli.
- Là-bas, notre soleil ne parle pas.
- Où c'est là-bas, madame Marta ?
- Là-bas, en Europe. Ici c'est différent. Ici, le Soleil gémit, susurre, crie.
- Pourtant, corrigeai-je délicatement, le Soleil est toujours le même.
- Tu fais erreur. Là-bas, le Soleil est une pierre. Ici, c'est un fruit.
Je n'ai jamais aimé les aéroports. Tellement bondés, tellement vides. Je préfère les gares où il reste du temps pour les larmes et agiter les mouchoirs. Les trains démarrent lentement, en soupirant, en regrettant de partir. L'avion a des hâtes qui ne sont pas humaines.