Aujourd’hui, on a tendance à voir la Chine comme le grand méchant et le Japon comme une nation pleine de paradoxes mais pacifiste dans l’ensemble. Or, la réalité est un peu plus complexe et l’ouvrage de Michaël Prazan permet de mieux comprendre les relations qui unissent la Chine, le Japon et la Corée.
Dans la première partie, on comprend mieux l’organisation du Japon et les raisons pour lesquels les Japonais sont partis à la conquête du monde. Car tel est bien leur volonté. Bon ils veulent se contenter de l’Asie mais c’est déjà pas mal, non ? Comme beaucoup de pays, dont la France, le Japon souhaite coloniser des terres. Et comme nous, cela ne s’est pas fait sans heurts. Cependant, il est parfois difficile pour le lecteur néophyte de comprendre réellement l’organisation des différents pays asiatiques. Il faut bien l’avouer, on ne connait que le système dans lequel on vit. Mais une fois cet obstacle surmonté, le « récit » prend le dessus.
Au départ, c’est un récit presque froid, mais scientifique. On ne voit que peu émerger l’ampleur du massacre et des viols, même si on le pressant. Mais la deuxième partie, traitant du massacre est difficile à supporter. L’auteur décrit d’abord l’élimination systématique des Chinois. On les prenait au hasard et on les fusillait, les noyait ou encore les décapitait. Mais la partie la plus insoutenable, à mon sens, est celle concernant les viols. Bien qu’il y ait peu de détails (heureusement, l’auteur nous a épargné des passages sordides), il est difficile de lire certains passages. Je pense ici aux viols d’enfants. Le viol est déjà un crime horrible, mais quand il porte sur des enfants, il n’y a pas de mot assez fort pour dire à quel point cela est abjecte.
Dans la dernière partie, c’est de la mémoire du massacre et du viol dont il est question. Elle renvoie étrangement à notre vécu avec la guerre d’Algérie qui est qualifiée jusque dans les années 1990 d’ « évènements ». Ici, deux points de vue sont examinés : celui du Japon et celui de la Chine. De part et d’autre, le massacre de Nankin est instrumentalisé. En Chine, pour unifier le pays contre un ennemi commun et au Japon par des nationalistes radicaux d’extrême droite, dont la voie se fait de plus en plus entendre (cela ne vous rappelle rien ?).
Mais cette instrumentalisation a eu des répercutions inattendues en Chine. Avec la médiatisation du massacre, les Chinois se sont intéressés aux droits de l’Homme. Et des contestations se font entendre. Bien évidemment, cela n’a rien à voir avec le massacre de Tien an men, dont les jeunes chinois ne connaissent pas l’existence.
Ce silence autour de Tien an Men est proche de ce qui se passe au Japon. Bien qu’il y ait eu un procès comme celui de Nuremberg mais à Tokyo, la majorité de la population japonaise semble douter de la véracité du massacre et des viols. De plus, le parti d’extrême droite nie totalement le massacre et encore plus les viols. Pour ces membres, ce n’est que de la propagande chinoise et américaine. Ils s’appuient en particulier sur l’absence de preuve. Bien évidemment qu’il n’y en a pas puisque le Japon a détruit les papiers et autres photographies avant l’arrivée des Américains en 1945 ! Le Japon faisant face depuis de nombreuses années à la montée du nationalisme, c’est propos trouvent un large écho.
Michaël Prazan, utilise à merveille les témoignages. Chaque grand argument est soutenu soit par un témoignage de survivant, d’historien, de politiques soit par des ouvrages d’historiens ainsi que de sources directes. Cela se ressent surtout dans la deuxième partie où les témoignages forts marquent votre esprit. L’auteur reste objectif en donnant tour à tour les points de vue des deux parties et en soulignant leurs incohérences.
C’est un ouvrage dur émotionnellement à lire mais très enrichissant. Un livre à ne pas manquer pour qui veut mieux comprendre le monde d’aujourd’hui.
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