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Citations de Michel Jullien (49)


Le cloisonné des fenêtres filtrait la lumière du dehors en rayons de miel, s'allait refléter en faisceaux sur le dos des copistes -- sans qu'ils le sussent eux-mêmes --, losangés de carrés rouges, bananes et bleus. Cela leur faisait des épées de couleurs enfoncées sans douleur dans le rachis, l'omoplate, le rein. p 36
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Il est difficile de croire en la totale sincérité du sommeil canin. On s'y fait prendre. Rien ne réveillerait l'animal, dix gamins à la fête s'agitent autour en braillant, avec des turlututus, leurs sauts, des costumes, des manèges tant qu'ils vont, leur barouf bat son plein lorsque soudain, en pleine cacophonie d'anniversaire, survient le petit cliquetis des clés dans la serrure, un bruit infinitésimal noyé par le reste, bénin, toutefois ferreux, venu de la porte, le maître revenant, la bête se redressant avec cette éveillée fraîcheur au rictus de la gueule qu'ont les princesses ayant dormi mille ans. Les chiens ont un talent de la fatigue, comme s'ils avaient le don de puiser de leur sommeil l'exacte dose d'assoupissement et de guet à part égale.
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Dans le rétroviseur, elle avait la mine bancale, comme torve, l’expression blanche qu’ont les dames de trèfle dans les jeux de cartes, un bout de visage mal cadré sur lequel je voyais s’agréger les plis du déboire, l’effigie des débâcles.
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Lorsque je rencontrais Cooky la première fois, devenue Athéna, je lui trouvais un air à s'appeler Denise, à l'évidence, la mienne il est vrai. Tout me le disait, ce n'est fondé sur rien mais je suis sincère, c'est ce qui me vint et j'aurais dû me taire. Un indéniable féminin, dans ses façons, un certain populisme de gueule avec ses permanentes aux oreilles et ses mèches frisottées, l'humilité de son port, l'inné naturel se dégageant de son regard en chandelle, sa brave mine sociable, la candeur de ses déplacements rapportée à son bel acabit augmenté des filasses subsidiaires dépassant du poil, elle avait tout pour ce nom, du moins à mes yeux j'en conviens, cette idée ne reposant sur rien, ç'aurait pu être Brigitte, Natacha ou Mireille mais Denise plutôt.
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Tout était écrit mais je n'avais pas le goût de confronter les nomenclatures aux massifs effectifs, à leurs accidents, on n'en finirait pas. Pareil aux Alpes après un quart de tour, côté est, là où les noms se serraient par-dessus la tête des pics, un tricotage d'inscriptions en gothique. La table d'orientation se comportait comme un guide très valable qui, d'une église aimée, vous débite que le transept date du XIIIe, la flèche du XIVe après reconstruction, qu'une partie de l'abside injuriée par l'histoire fut restaurée à telle époque... jusqu'à ce que l'église en entier se morcelle dans votre esprit, que l'ensemble s'effrite à chaque pierre, l'émotion avec.
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(...) il me fallut plus de temps pour regagner ma portière qu’elle n’en mît à rejoindre la place avant, reprenant ses marques au fauteuil (...) le panache de sa queue balayant le tapis de sol. Sa position valait déjà pour habitude, à croire que nous n’avions vécu que ça ensemble, être en voiture.
(p 29)

Au paillasson d’Eliette, après que j’eus sonné, comme nous attendions sous la marquise gouttant sur sa queue, Denise m’interrogea de ses yeux en valise, disant assez qu’elle avouait tout ignorer du lieu où nous touchions tandis que sa confiance restait sans borne.
(p 31)
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Ses doigts doivent contraindre le calame à pression égale, lui imprimer la même force afin que l'écoulement sorti de la tuyère reste homogène
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La Machine n’est qu’ossature, rien mieux qu’un emboîtage architectural éviscéré, cubique, sans complexité de construction. C’est une pile creuse faite de niveaux amoncelés sur un empierrement mastoc, à répétition d’étages, une cage vide, libre au vent, des parois criblées de fenêtres sans vitres et protection.. Sa fonction fut d’exposer, de magasiner, de remiser à la vue dans une série de casiers verticaux des rufians, des ribauds, des malandrins et malfrats trépassés, de les montrer pendus, à tous, au plus grand nombre- dans l’avant-goût des grands cinémas-, non pas d’exécuter
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Denise fut à l’avant, je lui cédai la place, elle la briguait. Ni assise, ni étendue, plus mal mise que dans le train, en colimaçon sur le siège, tête au vide, une cuisse forçant sur la portière, le levier de vitesse entre ses pattes avant contre l’embout duquel sa truffe alla cogner au premier coup de frein. Je dus m’arrêter bientôt, l’incitant à passer derrière, ce à quoi elle se refusait, sans y mettre ses muscles mais plutôt toute la ressource mentale de ses regards, les prunelles têtues. Elle les lançait un coup sur moi, un coup sur l’espace vacant de la banquette arrière, lequel à bien comprendre son expression ne faisait pas partie du même habitacle, de notre vie. Je n’insistai pas. Elle y mit du sien, trouva à se placer autrement sur son siège, lovée, l’épine de sa colonne vilainement haussée dans son circuit vertébral, museau contre anus, nez pliable, prête à dormir, sa paupière s’éteignant, s’ouvrant parfois pour m’envoyer une œillade disant combien elle se trouvait à son aise, comme ça, à l’avant.
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C’est du gros matériel qu’on fait descendre de bouche à oreille sur le chemin de la maison d’Ilias, de ces anciens camions angulaires portant à droite et à gauche de l’habitacle deux antennes ressort terminées d’une boule de couleur indiquant dans leur gesticulation la largeur possible du véhicule en de pareils endroits. Et quand un camion s’engage sur le chemin de Xerokambos vers la maison des muets, les deux scoubidous d’antennes s’agitent tout au long sur les ornières de terre rouge, entre les plans d’oliviers. On vient de Palekastro, de Ziros et d’Hohlakies, parfois de Sitia jusqu’à Zakros, après quoi il faut laisser le bitume, entrer en chaussée meuble, donner les roues aux défonces, aux ravines et aux pierres, c’est pourquoi les simples voitures ne viennent pas, leur garde-au-sol les en empêche. Et puis Ilias n’a pas tellement d’amour pour les voitures, domaine trop étroit, trop leste et délicat. Son peu d’estime se voit d’emblée à cette façon brusque et blasée d’approcher celles qu’on lui confie. Il va d’abord au capot, appuie deux fois sur l’aile pour se forger l’idée grossière des suspensions, accuse une moue de principe avant de continuer l’examen en faisant le tour du véhicule avec une mine de dégoût sans omettre d’envoyer un coup de pied qualifié dans chaque pneu, après quoi il accepte ou non d’aller voir le moteur. Son peu d’aménité pour les voitures tient peut-être à ce que sa surdité lui interdit officiellement d’en conduire, d’en posséder. Ce n’est pas pareil avec les camions ; d’une certaine façon ils sont à tout le monde, aux routes et à une confrérie de conducteurs, dont il est, sa spécialité l’y autorise. D’où son goût du gros, que du gros ; on vient chez lui débarquer de pleines carlingues, des vieilleries venues mourir dans le mouchoir de poche crétois après avoir brossé la Grèce au cours d’une première vie, de long en large, de la mer Ionienne à la mer Égée et de haut en bas, de la Thrace au Péloponnèse, affichant 50 000 kilomètres après avoir fait douze fois le tour du compteur, soit 600 000 kilomètres en plus de vingt ans – ce que la lumière accomplit pour sa part en deux secondes. Le garagiste sans titre voit arriver des autobus nés de 1960, assez cigares, au fuselage argenté avec des galeries courant le long du toit, accessibles par une échelle épousant l’arrière du véhicule. D’un côté et de l’autre, à l’emplacement de chaque siège, des vitres trapézoïdales fusent un peu vers l’arrière, elles sont dessinées comme ça, comme si l’idée de vitesse les avait inclinées dès l’usine, serties de lanières en caoutchouc défaites, pendouillant à certaines fenêtres. C’est fréquent, il vient chez les sourds des semi-remorques valides portant sur leur tablier de moindres camions à bout de course. Certains ne transportent pas mieux qu’une névralgie mécanique, un bloc-moteur entier, sanglé, juché sur un pont (comme une cervelle au centre d’un plat), désolidarisé du reste : châssis et carrosserie n’ont pu faire la route. Voici des camionnettes, des citernes, des bétonnières, des tractopelles remorquées, parfois un bateau d’agonie en charroi, avec son arbre de fer crevant la coque, dépassant de la plate-forme du camion, l’hélice dans le vide, prise d’algues sèches, affublée d’un fanion le temps du convoyage. Viennent aussi des cabines avancées, libérées de leur queue de véhicule, toutes seules, espèces de camions amputés avec leur plaque d’accroche circulaire, comme un moignon bouffi de gras, ne tirant rien, une atrophie mécanique, certains à cabine basculante, et lorsqu’elle bascule, sans aucune remorque derrière, l’habitacle cassé, l’engin diminué de son train arrière, leur silhouette a quelque chose d’inepte, n’ayant plus rien d’un vrai camion, avec le groin de carrosserie chaviré vers le sol ; viennent des poids lourds entiers encore pleins de leur chargement qu’il faut vider parfois afin que l’engin puisse monter sur l’élévateur, et voici débarquées sur la grève des tonnes de ferraille, de ciment, de tuiles, de palettes de soda, d’eau plate ou gazeuse ou, parfois, comme cela arriva un beau jour, des quintaux de lavabos déstockés le temps d’une réparation, là, à un pas de l’eau, devant la maison de la source, cent lavabos blancs détuyautés, pied en l’ait, cent bidets à côté qui ressemblaient à des morceaux de feta moulés, privés de robinets (cela faisait deux yeux ronds dans la faïence), alignés devant la mer comme une gigantesque anicroche, spectacle qui ne fut pas pour surprendre Maria.
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Les chiens ont une façon de manger à l’envers, ils engorgent le meilleur, dilapident sans goût, bâfrent d’abord sans succulence et se délectent ensuite des traces subsidiaires, les seules sapides dirait-on, raffinées ; tout se passe comme s’ils voulaient se débarrasser du principal pour en venir aux exquis rogatons, aux souillures collées sur le bord de l’assiette, les seules précieuses à leurs papilles.
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Denise et moi quittâmes Paris sans grands effets, deux sacs à petit fourniment. La compagnie des trains accorde aux chiens une place singulière : ils paient leur billet sans avoir de siège, ce qui fait d’eux des demi-bagages et des demi-passagers, ni l’un ni l’autre, quelque chose d’hybride. Le prix est en fonction de leur masse. Dans le cas de Denise, il en coûtait la moitié d’un billet plein tarif. Les chiens compostent puis, muselés, se placent comme ils peuvent sous les sièges, là où s’effleurent les jambes des usagers. À mes pieds, le grand corps du bouvier n’y tenait pas, un peu de sa salive moussant par-dessus les coutures de sa muselière, s’épongeant sur la moquette du rapide, son fessier réchauffant les souliers de mon voisin, le contraignant à ne pas étendre plus loin ses jambes. Homme courtois, quoique attaché à ne rien céder de ses aises, s’efforçant avec nombre signes de rendre manifeste l’extrême limite de sa philanthropie, si bien que je me résignai à ranger Denise autrement, la poussant dans la travée centrale, là où passent les gens avec d’énormes bagages à roulettes bien après que le train a démarré, quand il va déjà à plein régime. Elle encombrait, incontestablement, étendue dans le couloir, neutralisant le flux. Je la poussais chaque fois au passage des grandes valises, elle se relevait d’un coup de rein comme font les chameaux du désert avant qu’elle ne replonge entre mes jambes pour s’époiler contre celles du voisin. Elle avait cette gaine de cuir à la gueule, pour moi le poignet garrotté par la laisse, nous allions aux forêts du Vaucluse.
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L’homme qui promène son chien dans les grandes villes hérite d’un étrange statut de marcheur. Il n’a rien d’un passant. Ceux-là traversent le paysage de là à là, lui tourne en rond au pied des mêmes immeubles, astreint au surplace ; il le sait au fond de lui-même, sa mine le dit, ses sorties sont dévolues à la bête, il s’en acquitte, il n’est sorti que pour ça tandis qu’autour de lui vont des passants, des gens qui marchent pour eux. On dit promener son chien mais ce n’est pas tout à fait un promeneur non plus, ses voyages s’accomplissent sous la contrainte, par habitude, ils sont peu consentis, mal aimés après un certain nombre de mois. Pas non plus un badaud, un flâneur ; la balade est comptée, il n’a pas son temps ni la fantaisie de s’écarter du trajet, d’aller comme il le voudrait, d’abandonner subitement ses plans, de changer d’itinéraire, d’interrompre son cheminement pour un autre, de relâcher autrement que pour les brèves haltes lorsque l’animal en réclame, de plot en plot, seule occasion d’arrêt dont il ne décide pas, au mouchard des crottes. Il n’a en vérité qu’un seul credo, achever le tour et rentrer, lui et sa bête revenus des beaux horizons d’une sortie. Le promeneur de chien des villes se démarque des foules, ses poursuites pédestres ont comme un pas d’écart, il piétine, hors flux, voué à des boitillements de quartier, le bras tiré en avant vers la terre, lesté par la laisse. Avec la régularité de ses sorties et ses fréquents arrêts, avec ses tournées invariables, minutées, il pourrait faire penser aux facteurs (en plus de son métier le facteur est une espèce d’horloge laïque), mais le préposé des postes avec sa sacoche a tout d’une figure publique, communautaire, souvent saluée, capable de déroger à son grand ministère pour vous accorder une petite faveur citoyenne tandis que le promeneur de chien relevant d’autres chandelles sur la chaussée porte sur lui le sceau d’une individualité catégorique.
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La chienne en vérité se moquait de la toponymie comme des altitudes, des pentes et des plats, des sentes, des lames calcaires serties en palissade autour de Buis, des sœurs dentelles de Montmirail, des cotes et des panoramas, tant qu’elle courait, en joie de gueule, d’exhalaisons, en joie de queue, de soif pour une flaque où laper à pleines dents – et quand elle boit de la sorte, très pochetronne, des mufflées d’affilée, c’est alors que ses dents feraient le mieux croire à une méchanceté dont elle est loin. Et si ce soir pâmée de torpeur entre ses trois coussins Denise au canapé sa vautrait comme une espèce de madame Récamier à l’envers, d’Olympia évanouie, s’étouffant de sommeil, c’est qu’elle rentrait ivre des grandes terres, d’une bambée comme jamais elle n’en avait connue car, en plus des distances, des bonds et des galops, nulle part de tout le jour elle n’avait senti l’homme à part moi, cette essence usuelle à sa truffe, disparue, on eût dit qu’elle s’en grisait, du manque.
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C’est un pays démonstratif. La contrée raffole des frasques, des exotismes enragés, un pays aux furieux enjouements, péniblement chauvin, plein de goût pour le tapage sans frein. Il faut du bruit, le raffut impérieux, des couleurs par-dessus les autres, des mouvements saturés et le grand rire national. En plus des saveurs exotiques, des variétés juteuses, des musiques empilées, en plus de l’inflation, des mysticismes, des stupéfiants, des cultes animistes, des églises évangélistes, en plus des armes illicites, des trafics charnels, des viols, des pots-de-vin et des réseaux frauduleux jusque dans les arcanes du Congrès (surtout là), il faut au pays une touche perpétuelle d’excès festif. C’est ainsi qu’en gare de Macoder une dizaine d’échassiers déambulaient par-dessus le grouillis, en pleines nuées de dévots, de diables marionnettes hissées à quatre mètres, accoutrées d’horrifiants mascarons, capuchonnées, agitant des bannières au-dessus de l’affluence afin de compléter la bonne humeur. Le propre des échassiers est d’aller sans cesse, de rattraper l’immobilisme quitte à faire du surplace. Ça les rend atroces, l’arrêt leur est interdit, ils ont des pas névrotiques, assez chiches pour leur taille, des écarts imprévisibles. Très voltigeurs, ils rappelaient la foule à sa patience mais surtout, avec leur train de métronome, ces échalas singeaient l’hystérie des moindres pas, ce que serait la marche des processionnaires, comme si l’ampleur de leurs foulées excitait au départ.
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L'indéniable cohésion d'ensemble tenait à la réduction du territoire comme au nivellement des hôtes : tous affichaient un passé de fraîche date partage, héros, quels qu'ils fussent, soldats sans préalable, sans ardoise, tous avaient combattu, leur état le disait, injuriés au même ordre, charitablement déplacés pour leurs mérites au Rotary-Club de Valaam, cette languette de Carélie lacustre calée au septentrion du froid, une île décentrée sur le plus vaste des lacs d'Europe, une flaque en longueur sur la carte louchant vers l'Arctique.
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La Sans Pareille: je ne m'étonnais pas qu'une rose pigeonnante à l'écarlate outrecuidant orne le couvercle d'une boîte à sardines.
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Page 103.

Le déchargement du Terra Nova sur le sol antarctique prit des jours. Pour le seul entretien des amourskis, la pesée du séjour comptait : trente tonnes de paille compressée — du blé fauché vert puis compacté —, cinq tonnes de foin, six de tourteau, cinq de son, trois d’avoine, quatre de maïs. Construite sur une bande de détritus morainiques, l’écurie d’été, orientée au nord, contre le blizzard, tenait par des murs doublés, un toit de bois, un plancher isolé, couvert de paille. Du baraquement des hommes, le soir, s’échappait le son d’un gramophone. Éraillé à la source, il parcourait la cinquantaine de mètres séparant les deux abris préfabriqués, franchissait les planches, s’entendait parfois dans les box, plus que gommé, les grésillements en moins, les poneys absorbés, sourds, mâchant du foin aggloméré. Dehors, la colonie des chiens dormait à la longe.

Scott avant l’hivernage comptait lancer une première percée en direction du pôle Sud, en équipe réduite. Oates, lad, aidé d’Anton, premier palefrenier, désigna huit poneys dans la troupe, dès janvier. En plus de deux attelages de chiens, les petits chevaux aideraient au transport de plusieurs tonnes de vivres, de graisse, d’accessoires et de matériel lâchées de dépôt en dépôt, de jalons congelés signalés par un cairn, une perche au milieu renforcée de filins en acier galvanisé, des amers, des magasins intermédiaires abandonnés selon des calculs logistiques pointus, dix fois recomptés. Ainsi la tentative du pôle permettrait de partir "plus léger" l’année suivante. À la prochaine saison, à l’aller tout au moins, hommes, chiens, poneys, se reposeraient sur ces décharges essaimées, réserves stockées en fond de roulement, pesées au kilo près. Pour la marge d’erreur, inquantifiable, l’équation diététique prévoyait que le chien tôt ou tard consommerait du poney, que l’homme aussi, qu’un chien abattu pouvait en nourrir d’autres dans la meute, que l’homme se nourrirait de chien alors qu’un poney, on le sait, ne se sustente ni de chien ni d’homme.
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Et si ce soir pâmée de torpeur entre ses trois coussins Denise au canapé se vautrait comme une espèce de madame Récamier à l’envers, d’Olympia évanouie, s’étouffant de sommeil, c’est qu’elle rentrait ivre des grandes terres, d’une bambée comme jamais elle n’en avait connue car, en plus des distances, des bonds et des galops, nulle part de tout le le jour elle n’avait senti l’homme à part moi, cette essence usuelle à sa truffe, disparue, on eût dit qu’elle s’en grisait, du manque.
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Les oliviers bougeaient dans les collines, de temps à autre, tous ensemble comme une salle se met à applaudir, ceux du bord de la route essuyant les nées de poussière, si bien que les premières feuilles cédaient leur couleur verte pour le rouge.
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