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EAN : 9782864327660
136 pages
Verdier (28/08/2014)
4.07/5   7 notes
Résumé :
Ilias est garagiste dans un village de Crète et aime dépanner les camions qui échouent régulièrement à passer le virage à côté de sa maison. Sourd et muet comme sa mère, avec qui il vit, Ilias, doté d'une imagination débordante, s'invente son propre langage dans un corps à corps avec les objets, les éléments, et dans un échange improbable, fait de gestes et de rituels, avec la vieille femme.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ilias est sourd et muet, comme sa mère Maria. Tous deux vivent dans une petite maison crétoise, loin de tout. Maria est en bout de course. Totalement sénile. Ilias s'en occupe comme il peut. Dans la journée, il répare les camions venus trouver secours au seuil de son petit atelier. le soir, il pêche dans les criques avec sa vieille barque. Un jour, entre deux falaises, Ilias entend le souffle du vent : « ses deux tympans s'ouvrirent, cravachés d'un coup de grisou expulsé du puisard. Quelque chose venait de hurler qu'il reconnut pour un bruit, le premier, entré dans sa tête. Un bruit neuf, distinct, pas de ces borborygmes claustrés tout le jour dans son immense caisse de résonance intérieure […] Un son intelligible, venu de l'extérieur. » Une impression nouvelle qui le bouleverse…


Que se passe-t-il dans ce court roman ? Pas grand-chose à vrai dire. La vie qui s'écoule, paisible. Silencieuse. L'écaillage d'un mérou, la réparation d'un camion, l'agonie d'une dorade, une séance de manucure, tout est prétexte à décrire le moindre geste, le moindre mouvement. Une écriture sensorielle à l'incroyable force d'évocation. C'est poétique sans être ronflant, imagée sans tomber dans la banale compilation de descriptions. Ça pourrait être très lourd, ça pourrait être de la pure esbroufe, de l'exercice de style sans âme. C'est au contraire une déclaration d'amour à la langue et au pouvoir enchanteur des mots. On sent un auteur exigeant, orfèvre, ciselant chaque phrase avec minutie et prenant un évident plaisir à le faire. Tout est là, je pense. Michel Jullien joue avec un lexique foisonnant, il créé une musicalité qui enchante et force l'admiration. Et le lecteur de se régaler de ces petits riens si joliment troussés. Juste somptueux.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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Récit insulaire aux confins du silence.
Le pécheur crétois, Ilias, vit avec sa mère Maria, tous les deux sont sourds et muets ; elle, sénile, ne quitte plus sa maison, lui est toujours en mer, ou dans son atelier et sur la route pour réparer de vieux camions tombés en panne.
Dans une prose poétique admirable où chaque mot fait sens, Michel Jullien décrit les gestes, les objets du quotidien, les rituels, les mouvements des éléments de la nature, les réparations...Il rend palpable le lien très fort qui unit l'homme à sa mère, à son milieu.
Des pages inoubliables : l'agonie des poissons dans la barque, le repas de la mère, l'attente des chats, le rituel du vinyle ( qu'Ilias fait tourner à tue tête!) et "la gueule à vent" qu' il croit entendre pour la première fios.
A lire très lentement et même à voix haute pour mieux savourer chaque phrase!
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Ah Yparkho, c'est parfois raide!
"Une douzaine de chats égyptiens se partagent le pas de la maison basse (ils ont cette façon haut placée des figurants qui auraient tous le rôle principal), de ces chats à tête d'épingle, le paleron hâve, les oreilles en pyramide, pointues comme sont les dents de poisson dans leur gueule. Géniteurs familiers du jardin marin, mâles, femelles, ils disparaissent d'eux mêmes, et quant aux nouveaux nés, Ilias les tue, la plupart." (je vous évite la suite, âmes sensibles)

Bon, je suis malhonnête, ce roman parle de bien autre chose (quoique les chats sont décrits avec un talent dénotant un talent d'observation extraordinaire). Deux personnages principaux, Ilias, pêcheur et génie de la mécanique dans un garage crétois bien pourri, et sa mère. Les deux, sourds et muets. Ilias possède un vieux phonographe sur lequel il écoute (à fond)(mais qui gêne-t-il?) les deux mêmes vinyles et une barque pour pêcher sa nourriture (et celle des chats, par conséquence). Un jour sur une falaise balayée par le vent, c'est la grande découverte: entendrait-il le mugissement des éléments?

Si vous avez déjà lu Michel Jullien, vous saurez que ce n'est pas l'histoire qui compte, mais sa façon de sculpter les phrases, d'insérer les mots les uns dans les autres à leur juste place, obtenant ainsi un texte assimilable à de la mécanique de précision, ciselé, absolument évocateur.
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Mécanique auto et pêche au mérou, beau récit poétique et paradoxal d'une Crète sourde et muette.

Désormais sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2014/07/28/note-de-lecture-yparkho-michel-jullien/
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critiques presse (2)
Liberation
22 décembre 2014
Michel Jullien a recours à une langue obstinément précise pour conter l’odyssée quotidienne d’Ilias avec ce chaînon manquant de l’ouïe. Il nous fait ressentir les caprices d’une tong en liège plongée dans la mer, le raccordement réussi d’un pignon d’entraînement et d’une petite roue crénelée. Il lui faut aller au bout des comparaisons, épuiser les descriptions de manière à rendre justice aux ressources du sourd.
Lire la critique sur le site : Liberation
LePoint
12 décembre 2014
Le quotidien a minima de gens simples, la relation d'un fils et d'une mère dans sa pure essence, la richesse de la vie intérieure d'Ilias et la densité de son rapport organique au-dehors, voilà ce que l'écriture de Michel Jullien rend palpitant, ouvrant une voie royale en littérature à ce silencieux compagnon crétois.
Lire la critique sur le site : LePoint
Citations et extraits (2) Ajouter une citation
C’est du gros matériel qu’on fait descendre de bouche à oreille sur le chemin de la maison d’Ilias, de ces anciens camions angulaires portant à droite et à gauche de l’habitacle deux antennes ressort terminées d’une boule de couleur indiquant dans leur gesticulation la largeur possible du véhicule en de pareils endroits. Et quand un camion s’engage sur le chemin de Xerokambos vers la maison des muets, les deux scoubidous d’antennes s’agitent tout au long sur les ornières de terre rouge, entre les plans d’oliviers. On vient de Palekastro, de Ziros et d’Hohlakies, parfois de Sitia jusqu’à Zakros, après quoi il faut laisser le bitume, entrer en chaussée meuble, donner les roues aux défonces, aux ravines et aux pierres, c’est pourquoi les simples voitures ne viennent pas, leur garde-au-sol les en empêche. Et puis Ilias n’a pas tellement d’amour pour les voitures, domaine trop étroit, trop leste et délicat. Son peu d’estime se voit d’emblée à cette façon brusque et blasée d’approcher celles qu’on lui confie. Il va d’abord au capot, appuie deux fois sur l’aile pour se forger l’idée grossière des suspensions, accuse une moue de principe avant de continuer l’examen en faisant le tour du véhicule avec une mine de dégoût sans omettre d’envoyer un coup de pied qualifié dans chaque pneu, après quoi il accepte ou non d’aller voir le moteur. Son peu d’aménité pour les voitures tient peut-être à ce que sa surdité lui interdit officiellement d’en conduire, d’en posséder. Ce n’est pas pareil avec les camions ; d’une certaine façon ils sont à tout le monde, aux routes et à une confrérie de conducteurs, dont il est, sa spécialité l’y autorise. D’où son goût du gros, que du gros ; on vient chez lui débarquer de pleines carlingues, des vieilleries venues mourir dans le mouchoir de poche crétois après avoir brossé la Grèce au cours d’une première vie, de long en large, de la mer Ionienne à la mer Égée et de haut en bas, de la Thrace au Péloponnèse, affichant 50 000 kilomètres après avoir fait douze fois le tour du compteur, soit 600 000 kilomètres en plus de vingt ans – ce que la lumière accomplit pour sa part en deux secondes. Le garagiste sans titre voit arriver des autobus nés de 1960, assez cigares, au fuselage argenté avec des galeries courant le long du toit, accessibles par une échelle épousant l’arrière du véhicule. D’un côté et de l’autre, à l’emplacement de chaque siège, des vitres trapézoïdales fusent un peu vers l’arrière, elles sont dessinées comme ça, comme si l’idée de vitesse les avait inclinées dès l’usine, serties de lanières en caoutchouc défaites, pendouillant à certaines fenêtres. C’est fréquent, il vient chez les sourds des semi-remorques valides portant sur leur tablier de moindres camions à bout de course. Certains ne transportent pas mieux qu’une névralgie mécanique, un bloc-moteur entier, sanglé, juché sur un pont (comme une cervelle au centre d’un plat), désolidarisé du reste : châssis et carrosserie n’ont pu faire la route. Voici des camionnettes, des citernes, des bétonnières, des tractopelles remorquées, parfois un bateau d’agonie en charroi, avec son arbre de fer crevant la coque, dépassant de la plate-forme du camion, l’hélice dans le vide, prise d’algues sèches, affublée d’un fanion le temps du convoyage. Viennent aussi des cabines avancées, libérées de leur queue de véhicule, toutes seules, espèces de camions amputés avec leur plaque d’accroche circulaire, comme un moignon bouffi de gras, ne tirant rien, une atrophie mécanique, certains à cabine basculante, et lorsqu’elle bascule, sans aucune remorque derrière, l’habitacle cassé, l’engin diminué de son train arrière, leur silhouette a quelque chose d’inepte, n’ayant plus rien d’un vrai camion, avec le groin de carrosserie chaviré vers le sol ; viennent des poids lourds entiers encore pleins de leur chargement qu’il faut vider parfois afin que l’engin puisse monter sur l’élévateur, et voici débarquées sur la grève des tonnes de ferraille, de ciment, de tuiles, de palettes de soda, d’eau plate ou gazeuse ou, parfois, comme cela arriva un beau jour, des quintaux de lavabos déstockés le temps d’une réparation, là, à un pas de l’eau, devant la maison de la source, cent lavabos blancs détuyautés, pied en l’ait, cent bidets à côté qui ressemblaient à des morceaux de feta moulés, privés de robinets (cela faisait deux yeux ronds dans la faïence), alignés devant la mer comme une gigantesque anicroche, spectacle qui ne fut pas pour surprendre Maria.
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Les oliviers bougeaient dans les collines, de temps à autre, tous ensemble comme une salle se met à applaudir, ceux du bord de la route essuyant les nées de poussière, si bien que les premières feuilles cédaient leur couleur verte pour le rouge.
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