En abordant chacune de ces courtes chroniques, le lecteur se demande à quelle époque, en quel lieu, au cours de quelle épopée, avec quel personnage il va bien pouvoir se retrouver. Délicieusement déstabilisant, mais Michel Jullien, confiant dans l'agilité de son lecteur, lui offre cependant quelques prises où se raccrocher.
De l'Antiquité (
Ovide exilé, deux sportifs de Crotone) à notre époque (conquête du pôle sud, Kathleen Ferier) en passant par le grand incendie de Londres ou un voyage de Vasco de Gama, chaque fois ce sont des destins particuliers, exposés dans une langue drue, précise, rythmée, usant d'un vocabulaire souvent inusité ou décalé dont le lecteur exigeant fera son miel.
Aucun marque-page inséré au cours de ma lecture, tellement je savais que tout passage pris au hasard allait bien convenir:
Autoportrait de Poussin au Bristish Museum
Il a enfilé un méchant hoqueton dont la dernière rangée de boutons ballotte à vide sur le pan gauche. le col fripé, rebiquant, s'avachit au droit d'une chemise largement échancrée, découvrant l'avant-poste d'un torse à crin. Par dessus la tête, un calot de peintre, un bonnet de nuit, on ne sait trop - une embarcation renversée, un soufflé-, tout à fait de travers, plié, ourlé, s'affaisse comme un fromage mou. Pour le reste, une barbe frisottée par l'essor de la négligence, une moustache, comme n'importe quel malade peut en porter après plusieurs jours de couche, des mèches en bataille surgies du calot, vivaces contre les joues, une pleine encoiffade. On ne voit pas ses mains. c'est une représentation en manchot, cadrée serré, sur l'essentiel."
Après
Esquisse d'un pendu, Michel Jullien m'offre un autre joli coup de coeur!
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