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Critiques de Michel Ossorguine (9)
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Une rue à Moscou

Le bouillonnement culturel russe des temps revolutionnaires est peut-etre facilement comprehensible pour la sociologie historique, mais moi je reste ebahi a chaque decouverte personnelle d'un livre ou d'un auteur. C'est le grand avantage de n'etre pas un specialiste, chaque nouvelle lecture dans ce filon est pour moi incursion en terras incognitas, n'en deplaise a tous les Colombs, et je pousse in petto le cri exalte de l'explorateur.



Je lis et apres je me renseigne un tant soit peu. Mikhail Ossorguine, ou Michel Ossorguine vu qu'il a vecu en France de 1923 jusqu'a sa mort en 1942, a publie ce livre en 1928 ou 1929. Des 1930 il est traduit en anglais, mais bien que je ne sois sur de rien je crois que sa premiere traduction en francais est celle des editions L'age d’homme en 1973. Et je ne peux qu'encenser les editions Noir sur Blanc qui viennent de la reediter.



Ce livre est une somme. Une somme de personnages de toutes classes sociales, aux postures differentes et aux actions differentes, une somme de situations, d'evenements differents, une somme d'emplacements, de paysages differents, pour évoquer une courte epoque de grands changements, de bouleversements.

Ce sont les derniers moments de l'engagement russe dans la grande guerre et les premieres annees de la revolution bolchevique. Et ils sont tous la, campes devant nous. Non, j'exagere, pas tous, mais beaucoup. L'idealiste qui s'engage pour le front et y perit et le paysan qui deserte et essaye de rejoindre a pied son village. Celui qui a garde son arme et s'en sert pour intimider et devaliser ceux qu'il croise. Celui qui s'engage dans la nouvelle armee populaire. L'ordonnance devoue qui assiste son ancien officier, estropie, jusqu'a sa mort. Le vieux savant force de vendre ses livres pour pouvoir acheter un peu de millet. Le debrouillard qui s'auto-erige en chef de quartier. Le jaloux revanchard qui savoure la depossession, l'appauvrissement des plus aises. Le juge d'instruction pour qui tout bourgeois est coupable d'office de trahison et sabotage. L’erudit qui meprise les presque illetres peuplant la nouvelle administration. Ceux qui profitent du nouvel etat de choses et ceux qui tentent de survivre. Ceux qui se decouragent, ceux qui tentent de fuir, d'emigrer, et ceux qui revent d'un avenir ou tous les espoirs sont permis. Et au centre de tout ce cirque une jeune fille, qui devient jeune femme et decouvre l'amour.



Pas de grands heros dans ce livre, mais une multitude de pauvres heres et de braves gens pris dans la tourmente. Paradoxalement, malgre la durete, la cruaute des temps, au coeur de ce paysage de pertes et de morts, de resilience, de trahisons, de vilenies et a l'oppose d'actes de courage, pointe une humanite petillante, qui peut se ressaisir, peut rebriller au sein d'une nature en eternel renouvellement. Parce que pour Ossorguine, l'homme a sa place dans la nature, mais qu'une place, a coté de beaucoup d'autres etres et elements. Il le signifie dans les nombreuses pages qu'il alloue aux rats (et a leurs pensees) et surtout aux hirondelles, qui reviennent chanter tous les ans, voletant de chapitre en chapitre. Avec les hirondelles, Il y aura toujours, a nouveau, un printemps pour les hommes. Apres avoir, en une multitude de courts chapitres, denonce l'absurdite se la guerre (“Quand des salves d’artillerie secouaient la terre, les os de Hans se pressaient plus étroitement contre ceux d’Ivan et le crâne disait en ricanant : – Nous sommes hors de danger, n’est-ce pas, Ivan, mon ennemi ? Notre abri est le plus sûr. Et Ivan répondait, claquant des dents : – On ne peut mourir qu’une fois, Hans, mon ennemi ! Et tous deux, dans le froid de la confortable tombe, se riaient des hommes dans les tranchées proches que des poux gris bien gras dévoraient à loisir.”), vilipendie les atrocites de la révolution (“De l’autre côté de la rue, dans la rue Fourkassovski, se trouve le centre de toute la lutte : la section spéciale de la Tchéka panrusse. L’ordre y règne, tout le monde y est réduit à une totale soumission. Là, pas de poésie, pas d’angoisse sans objet. Émettant des ordres silencieux, plane sur tous, omnipotent, le génie oppresseur et sage de la lutte et de la revanche, l’austère compagnon de la vieille école qui a goûté toute l’horreur des travaux forcés tsaristes. C’est un idéaliste désintéressé, incorruptible, inaccessible à tous, le vengeur du peuple, qui a pris sur lui toute la responsabilité du sang versé. Que son nom soit oublié de la postérité !”), note rageusement ses resultats (“La vie, cette année-là, était rude et l’homme n’aimait pas son prochain. Les femmes cessaient d’enfanter et un enfant de cinq ans était considéré comme un adulte, ce qu’il était en vérité. Cette année-là, la beauté disparut et fut remplacée par la sagesse. Depuis ce temps, il n’y a pas peuple plus sage que le peuple russe.”), Ossorguine clot son livre par un dernier chapitre intitule “Quand reviendront les hirondelles”: “– Dites-moi, Piotr Pavlovitch, que sera la vie pour les jeunes ? Sera-t-elle meilleure que de mon temps, ou semblable, ou plus difficile ? [...] – Des hommes viendront, des hommes nouveaux qui essaieront de tout faire d’une façon nouvelle, à leur façon. Et, ayant essayé et échoué puis réfléchi, ils comprendront que rien de nouveau ne peut durer sans les vieilles fondations et que sans ces fondations-là, tout ce qu’ils construiront s’effondrera inévitablement. Ils comprendront aussi qu’ils ne peuvent se passer de la culture des temps anciens, qu’ils ne peuvent se permettre de la rejeter. Et ils reprendront les vieux livres et apprendront ce qui fut appris avant eux et rechercheront les résultats de l’expérience passée. Cela doit venir”.



Ossorguine le banni, le deracine, a perdu sa Russie. Mais il espere que la Russie, sa chere Russie, n'a pas tout perdu. Du fond de son exil francais il espere pour elle et pour ses anciens compatriotes un avenir plus souriant, un nouveau printemps. Et son livre, ce livre, est autant un requisitoire pour le passe qu'une priere pour cet avenir. L'avenir que merite Tanioucha, son heroine, qui a trouve l'amour. Un autre de ses personnages ne cite-t-il pas l'Ecclesiaste: un temps pour detruire et un temps pour bâtir, un temps pour hair et un temps pour aimer? Ossorguine n’est pas naif, mais pas pour autant desespere. Il ne pouvait bien sur prevoir, ni les horreurs de la deuxieme guerre mondiale, ni celles du stalinisme.



Et moi? Moi aussi j'espere. J'espere que ce livre aura les nombreux lecteurs qu'il merite. Et de nombreuses appreciations.

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Les gardiens des livres

Un petit trésor absolu... à lire et relire, pour dire et redire la nécessité de la culture, de la protection vitale des livres, de la liberté de penser, de rêver, de

s'instruire, cette magie des échanges humains à travers les époques, les civilisations, le monde dans sa richesse, etc...



"En dépit d'un débit parfois énorme, il était rare que nous puissions vivre uniquement sur les revenus de la librairie, et chacun se débrouillait comme il pouvait, avec des conférences ou une activité d'enseignant, un peu grâce à la littérature - traductions, participation à de maigres ouvrages imprimés par des éditeurs privés. Néanmoins, en demeurant parmi les livres, nous remplissions une tâche discrète, mais capitale : nous étions les gardiens et les propagateurs des livres, et nous aidions les gens qui liquidaient leurs bibliothèques à ne pas mourir de faim."



Une lecture acquise depuis déjà un bon moment... que je me prends à relire, avec bonheur, le récit d'une expérience étonnante de résistance, pleine d'humanité, d'amour des personnes, de la littérature et de la culture dans l'histoire russe, avec ses soubresauts politiques , l'effondrement monétaire,

les nationalisations, et réquisitions, ainsi que ses périodes de censure et de chasse aux écrivains et artistes...!



"Et c'était vrai, nous parvenions à tout trouver, on nous achetait des livres par charrettes, par camions entiers. Etant donné la dévaluation quotidienne de l'argent, ce commerce à l'échelle de "toute la Russie" nous permettait de manger non seulement du millet, mais parfois même de la viande de cheval, et de venir en aide à des familles d'écrivains et de professeurs dans le dénuement. "(p. 40)



Des auteurs décidèrent d'agir face à la censure et à la condition terrible de leur statut, ainsi que face à la destruction des valeurs culturelles, humanistes... ainsi surgit une expérience unique et précieuse: une "Librairie des écrivains" !



Je me permets de mettre un extrait du résumé de cette publication proposée par l'éditeur, qui est parfaitement explicite :

"Moscou, 1919.

Sur les décombres d'une Russie meurtrie par la guerre civile et la révolution, on brûle les livres pour se chauffer, on les troque contre de la farine et des harengs. À l'instigation de Mikhaïl Ossorguine, journaliste et romancier, une poignée d'intellectuels va pourtant fonder une librairie qui deviendra légendaire. Gardiens des livres passés et à venir, ils recueillent patiemment les débris des bibliothèques éparpillées ou pillées, ils diffusent, sous forme de manuscrits enluminés, les livres qui continuent à s'écrire, ils aident poètes, écrivains et philosophes à survivre tant matériellement que moralement, en leur offrant, outre des secours concrets, un refuge contre le prosaïsme d'un quotidien misérable (...)"



Cet ouvrage, en plus de son intérêt historique et littéraire est un très joli livre comme tous les ouvrages des éditions Interférences, entre l'esthétique réussie des couvertures, ainsi qu'un papier crème de belle qualité [***j'ai un grand souvenir du texte de Varlam Chalamov, "Mes Bibliohèques ", chez ce même éditeur]

Le récit est complété par le catalogue des éditions manuscrites de "La librairie des Ecrivains", ainsi que par deux plaquettes originales, imprimées sur papier de couleur, d'Alexei Rémizov et de Marina Tsvétaïeva (Poèmes de 1920, imprimés sur vergé bleu)



"Il est possible que, dans ces souvenirs consacrés à notre enfant chéri, je n'aie pu m'empêcher d'idéaliser un peu le caractère de cette entreprise commerciale. Je pense néanmoins que ce fut un phénomène historique, ne serait-ce que par l'époque même de son existence (les années 1918 à 1922), et qu'il valait la peine d'en dire quelques mots. La Librairie des écrivains représente un paragraphe assez particulier de l'histoire de la culture russe et plus précisément, celle du livre russe. "(p. 33)



Une très belle lecture à tous niveaux, dont la principale, est cet engagement sans faille d'artistes, d'écrivains pour sauver un maximum de livres tout en permettant à leurs congénères de survivre, de ne pas "crever de faim"...

Une expérience unique, magnifique dans des temps obscurs et obscurantistes, sans parler de la misère générale , qui met au pilori , en tout premier lieu, la culture, le savoir..et l'existence de tous les jours des écrivains et artistes,en général.!!

@Soazic Boucard- 7 mai 2020
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L'histoire de ma soeur

J'aime, lorsque je vais dans une librairie, baisser mon regard pour que celui-ci soit interpellé par un roman qui n'a pas la chance d'être exposé au regard de tous sur les tables ou encore têtes de gondoles. Voilà comment j'ai découvert "l'histoire de ma soeur" le titre m'a d'emblée plu et la couverture, illustration du peintre llya Glazounov a fini de me convaincre d'emporter avec moi ce roman et d'en savoir plus sur "l' histoire de ma soeur".

Il s'agit en fait du récit de l'amour d'un frère pour sa soeur aînée, ce frère n'est autre que l'auteur lui-même qui a chéri sa soeur, morte d'un cancer à l'âge de 37 ans. L'amour qu'il éprouve pour cette soeur dès son plus jeune âge est sans failles et ne cessera de l'habiter. "Si nous n'avions pas été frère et soeur il est probable que nous aurions été des amants passionnés". Cette phrase montre la force qui l'unit à sa soeur adulée mais n'est en rien ambiguë. Il l'admire comme une grande soeur.

Ce roman écrit en 1931 se passe en partie à Moscou et nous laisse entrevoir la vie estudiantine de l'auteur ainsi que la place omniprésente de sa soeur qui ne connaîtra que peu de bonheur. Comme dans la plupart des romans de littérature russe que j'ai pu lire, l'atmosphère est lourde et sombre mais elle est ici desservie par une belle plume riche et ciselée.
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Les Jeux du destin

Treize très courtes nouvelles écrites entre 1927 et 1938

Dans ces anecdotes nous découvrons de riches portraits, et des petits faits ou événements anodins de la vie. L’anecdote devient parfois tragique et la vie s’arrête, les rêves sont brisés, le destin a frappé.



« L’aveugle né » vient de subir une opération et angoisse à l’idée de rentrer dans le monde des voyants et de perdre ses capacités à capter le monde au delà de la vision, écouter, toucher, sentir… il craint un peu de perdre son âme. Très belle nouvelle



« Le pion » un homme atteint d’une grave maladie prend conscience de sa « fin proche ». Son angoisse éclate quand il constate la perte d’un pion d’échec. Ce petit fait insignifiant le plonge dans l’incapacité d’agir, il se lance dans une recherche fébrile de ce pion !



« La grand –mère et le petit fils »

Très belle leçon de philosophie de la vie. Fuite du temps, souvenirs du pays natal et des siens : « On revient et on est étranger les mots semblent les mêmes, les idées sont autres ». Nouvelle nostalgique et pleine de tendresse, exilé deux fois Michel Ossorguine dit que hors de la Russie il ne s’est jamais senti chez lui.



« Les choses de l’homme » Une courte anecdote pour un événement grave, la mort d’un homme, et soudain, mille petits objets, « des bricoles » qui lui étaient chères perdent leur vie, deviennent superflu. Un galet bien lisse ramassé sur une plage, un stylo qui s’animait sous ses doigts…

Ces récits très intimistes, sont écrits tout en finesse, avec humour, tendresse, et même amour, il pointe, aussi, un brin de fatalisme et de nostalgie. Toutes ces petites choses insignifiantes somme toute, et ces évènements qui rythment notre vie, nous unissent à ceux que l’on aime, et, nous mènent, inexorablement vers notre destin.

Il ressort de ces nouvelles un amour pour sa terre et pour la nature, les bords du fleuve Kama et les forêts de Sibérie furent son terrain de jeu. Ces valeurs furent transmises par son père.

Une postface d’Elsa Gribinski, la traductrice, retrace les évènements importants de la vie de l’auteur et les caractéristiques de son œuvre littéraire.











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Les gardiens des livres

Parfois quelques minutes volées au temps vous rendent très heureux.

Lors de la journée passée au salon du livre, en fin d’après midi quand tout le monde se presse pour faire des photos, pour apercevoir tel auteur à succès, j’ai flâné chez les petits éditeurs, ceux où il n’y a pas foule, pas de grand nom qui dédicace.

Attirée par les couvertures magnifiques des éditions Interférences, j’ai feuilleté et emporté 3 petits livres, celui-ci est le premier lu et je souhaite vous faire partager mon plaisir et mon émotion.



Tout d’abord il ne s’agit pas d’un livre à la mode, ni de ces livres distribués largement à tous les chroniqueurs de blogs et de Navarre pour qu’ils en fassent un compte rendu dithyrambique...non c’est un petit volume datant de 1994, qui dit en quelques pages comment dans la tourmente de la révolution russe, quelques écrivains ont tenu ouverte une librairie, se sont organiser pour venir en aide à des écrivains démunis, ont permis à des propriétaires de bibliothèques de vendre leurs livres et ainsi d’échapper pour un temps à la famine.



Mickaïl Ossorguine raconte comment un petit groupe va faire vivre cette « Librairie des écrivains »

Il le raconte avec une simplicité pudique, à ceux qui s’étonneraient de la tolérance des autorités, Ossorguine répond « pourquoi nous tolérait-on ? Sans doute parce qu’au début, nous étions passés inaperçus, ensuite, on ne comprit pas très bien quelle sorte d’institution nous étions, ou peut-être estima-t-on malséant de s’en prendre à des écrivains travaillant sur les bases d’une coopérative sans employer de salariés. Une fois que la librairie eut acquis sa popularité, on la toléra par inertie, tout simplement. »



L’inflation les obligeait à changer le prix de livre chaque jour aussi l’inscrivaient-ils au crayon et convertissaient-ils les prix devenus fous en denrée alimentaire, le livre valait une livre de farine, un litre d’huile.

L’argent étant uniquement consacré à acheter des livres, l’aménagement de la librairie recourait au système D.

« Un menuisier fabriqua d’après nos plans des bibliothèques pour lesquelles nous extorquâmes des planches à une coopérative. Sur les rayonnages s’alignèrent des livres transportés à dos d’homme, certains venant de maisons d’édition survivant encore, d’autres de chez nous – de nos réserves, dont nous étions contraints de nous séparer – d’autres enfin de chez des amis. En guise de caisse, une boîte en carton, en guise de vitrine, une planche inclinée devant une fenêtre qui se couvrait de givre le soir et se réchauffait vaguement au matin. »

Mais qu’on ne s’y trompe pas c’était une vraie librairie : « Les classiques, russes et étrangers, occupaient à eux seuls une pièce entière. »

Ossorguine agrémente son histoire d’anecdotes parfois cocasses ou émouvantes et dresse en annexe la liste des livres publiés par la libraire en effet lorsque papier et la possibilité d’imprimer ont disparus, les écrivains vont vendre leurs livres sous forme de manuscrits, formidables défis et volonté hors du commun.



vous trouverez en fin de volume des reproductions d’illustrations et des fac-similés en particulier des poèmes de Marina Tsvétaïeva ainsi publiés.
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Ce doux nom : Natacha

En 1925 la Régie française désireuse d'aider les réfugiés russes lance sur le marché des cigarettes " Natacha". le narrateur songe alors "à ce doux nom auquel sont liés plusieurs souvenirs touchants".

Ne vous fiez pas à cette couverture ebook. Il ne s'agit pas de femmes mais de petites filles, réelles ou imaginées, qu'il faillit adopter, qu'il adopta, qu'il inventa etc. Milieu des exilés, problèmes politiques, tracasseries administratives, chantages : les fragiles Natacha passent de mains en mains. Et le désir sincère de paternité du narrateur est sans arrêt contrarié comme si le destin s'acharnait sur lui. Le récit est original, le ton enlevé, moderne mais il faudrait revoir la traduction ( Acverdi, 1930).

A découvrir gratuitement sur le site de la bibliothèque russe et slave ( 25 pages).
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Les gardiens des livres

Créée en 1918 à Moscou par un groupe d’hommes de lettres passionnés, la Librairie des écrivains a incarné en quatre années d’existence (1918-1922) le symbole d’une contre-révolution intellectuelle dont l’histoire méritait bien d’être racontée : après les révolutions de 1917, la Russie ruinée par la guerre civile, laisse à la rue des populations affamées. Alors même que les campagnes de nationalisation des commerces étaient censées réguler l’économie et permettre une répartition équitable des ressources, la fermeture progressive des librairies classiques ou leur conversion massive vers des modèles de littérature exclusivement socialiste, ont paradoxalement, à cause de la misère et de la crainte des réquisitions forcées, incité de nombreux bibliophiles à brader leurs trésors parfois même en échange de sucre ou de farine. Selon Mikhaïl Ossorguine, l’un des premiers commanditaires de cette singulière librairie coopérative et auteur des textes de cet ouvrage : « La librairie des écrivains fut sans doute en Russie, l’unique institution culturelle et commerciale à sauvegarder son indépendance morale et matérielle au travers de ces années terribles de chaos, de terreur et d’effondrement des valeurs spirituelles. » (p.11). Initialement publiés dans la revue Vremmenik obchtchestva drouzeï rousskoï knigui, ces quelques textes de Mikhaïl Ossorguine sauront toucher le coeur des bibliophiles car, au delà de la fabuleuse aventure de la librairie coopérative des « Gardiens des livres », ce que ces textes donnent à voir, c’est que quelle que soit sa forme d’expression, la résistance (ici intellectuelle et artistique) contre toute forme de suprématie, implique un processus de réflexion indispensable pour une société en bonne santé... En somme, une belle " leçon de résistance " à découvrir...



Outre les reproductions des plaquettes originales de deux manuscrits d'Alexeï Rémizov (dessins) et de Marina Tsvétaïeva (poèmes), notons la présence du catalogue unique en son genre, des éditions manuscrites de la Librairie des écrivains. Pour les bibliophiles et amateurs, ce catalogue regorge d'informations insolites que je vous recommande de découvrir comme par exemple les matériaux de support utilisés : écorce de bouleau, papier peint ou encore billets de roubles non découpés, on réalise avec plaisir l'inventivité des auteurs qui, ne disposant pas de papier, n'hésitaient pas à diversifier leurs supports d'écriture. On constatera aussi avec étonnement les indications de troc pour le paiement des manuscrits qui pouvaient se faire en échange de livres d'huile ou de farine. Ce qu'il faut voir par là, c'est qu'avec un peu d'imagination, il est toujours possible de (ré)inventer de nouveaux modèles économiques " vertueux" capables de fédérer des communautés de passionnés autour d'un projet solidaire. Ayant durablement marqué l'histoire de Moscou
Lien : http://embuscades-alcapone.b..
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Les gardiens des livres

Merci Dominique qui a la suite d’un article de Goran, m’a conseillé et prêté ce petit livre. Il est enrichi par des dessins d’Alexeï Rémizov et de beaux poèmes de Marina Tsvétaïeva. Cet essai témoigne d’une expérience vécue par l’auteur qui a d’abord fui la Russie tsariste pour revenir ensuite participer à la révolution. Sous le régime bolchevique, s’installe une censure impitoyable, un régime de terreur et une grande famine. Comment ces gens qui faisaient vivre une librairie indépendante ont-ils réussi à survivre et à ce qu’elle dure quelques années ? Sans doute, parce qu’au début « on » ne les a pas remarqués puis, ensuite, parce que leurs compétences étaient utiles. On voit dans cet ouvrage l’énergie que des êtres humains sont capables de déployer pour faire vivre la culture. Les écrivains créaient de petits livres manuscrits pour faire connaître leurs œuvres. J’avais appris dans mes cours d’histoire que la NEP avait été un moment de répit pour les populations. en réalité c’est la NEP qui aura raison de la librairie car si la propriété privée est bien rétablie tout ce qui peut rapporter un peu d’argent est très lourdement taxé avant même d’avoir rapporté .



L’autre aspect très douloureux qui sous-tend cet essai, c’est l’extrême pauvreté dans laquelle doivent vivre les classes éduquées à Moscou. C’est terrible d’imaginer ces vieux lettrés venir vendre de superbes ouvrages pour un peu de nourriture. Et c’est terrible aussi, d’imaginer tout ce qui a été perdu de la mémoire de ce grand pays parce qu’il n’y avait plus personne pour s’y intéresser.
Lien : http://luocine.fr/?p=8880
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Les gardiens des livres

Moscou, 1918, dans le chaos hérité de la guerre civile et des révolutions, une poignée d'intellectuels et de journalistes mus par l'amour des livres fonde La Librairie des Écrivains, un espace coopératif célèbre de la rue Léontiev et qui perdura jusqu'en 1922.



Alors que le rouble s'effondre, le livre devient monnaie d'échange. Les bibliothèques et les maisons d'éditions privées se vident par charrettes et traîneaux entiers, Ossorguine et ses amis rachètent ou troquent contre du pain, de la farine, des harengs, du bois de chauffage mais jamais ne spéculent. Pourtant leurs rayonnages se couvrent de livres qui vaudront parfois de l'or, des ouvrages français du XVIIIe, des italiens du XVIIe, beaucoup de gravures, des lettres manuscrites de Catherine II et de dignitaires connus qu'ils céderont finalement au Musée historique de Moscou. La Librairie approvisionne les bibliothèques ouvrières, les universités, les écoles, les clubs. Elle apporte également son soutien à l'Union des Écrivains.



Profitant de ce que la censure n'est pas encore en vigueur, des auteurs russes, ayant beaucoup de difficultés à se faire éditer faute de papier, d'encre, d'imprimeries, se virent offrir par la Librairie des Écrivains la possibilité de diffuser leurs oeuvres manuscrites et illustrées par leurs soins. Deux reproductions de livres-autographes (dont des poèmes de Marina Tsvétaïeva) sont joints aux articles de Mikhaïl Ossorguine. La Nouvelle Politique Économique (la NEP) instaurée en 1922 et qui autorisait le commerce privé mais, en contrepartie, exigeait des impôts exorbitants, sonna le glas de cette fabuleuse aventure. Ne reste que ce beau témoignage.
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