Citations de Michelle Adams (57)
Mes cigarettes et mon Valium. Et mon téléphone. Mon seul accès au monde extérieur, ce monde sans histoire, où les souvenirs ne me sautent pas à la gorge, pour la bonne raison qu’ils n’existent pas.
C'est ce que nous faisons nous autres humains. Nous attendons que le pire arrive à nos semblables, et nous allons nous asseoir aux premières loges, en salivant d'avance au spectacle, pauvres tarés frustrés et voyeurs que nous sommes.
[...] mais une fois qu'une erreur est commise, on ne peut l'effacer. Tout ce qu'on peut faire, c'est essayer de se frayer un chemin à travers le bordel innommable qu'on a laissé derrière soi.
Ce n'est pas seulement la soif d'en savoir plus qui me ramène au bercail. J'ai besoin de revoir El, aussi. Je suis irrémédiablement liée à elle, en dépit du danger. Je n'y peux rien. J'ai cru pouvoir la repousser, toutes ces années durant, mais j'en suis incapable. Je croyais que je pouvais me passer d'elle. C'est faux. Et cette idée me terrifie [...]
El est mon destin. Je ne lui échapperai pas. Elle est revenue, et elle va tout détruire. J'ai toujours su que ça finirait comme ça.
La vibration de mon téléphone évoque la course d'un cafard sous le lit. Pas de danger réel. Et pourtant, je suis terrifiée. Le même pressentiment qui veut qu'un coup frappé à la porte alors qu'on se prépare à aller se coucher annonce de mauvaises nouvelles ou la visite d'un assassin qui vous a choisie pour réaliser ses fantasmes.
"Je réalise brusquemment à quel point il est difficile de soulager la souffrance d'autrui. Il n'y a pas de méthode pour améliorer le passé. Pour le rendre meilleur. Mais pour la première fois de ma vie, je sais qu'il est temps d'oublier mes problèmes passés pour essayer, au moins, d'aider un peu les autres."
- Ce n'est pas du tout ce que tu penses.
- Si tu savais ce que je pense, Antonio, tu serais surpris.
En atteignant la porte, je lance un regard par-dessus mon épaule. Franck est toujours en train de me regarder. Il le fait avec une pointe de compassion qui peut paraître étrange, compte tenu du fait que je ne suis au fond qu'une parfaite étrangère.
(Chapitre 6)
El m'observe froidement de ses yeux gris-bleu. Elle saisit ma main et glisse ses doigts entre les miens, comme elle l'aurait fait, enfant, si l'on nous avait donné une chance de vivre entre sœurs.
(Chapitre 3)
J’observe l’image de ma mère. Je voudrais pouvoir lui demander ce qui s’est passé. La vérité. Mais il est trop tard, maintenant, pour exiger des réponses. Tout est enterré avec elle, hors de portée. Je me souviens de ce que Matt m’a dit. Quand nos parents meurent, ils emportent avec eux une part de nous. Une part qui était la leur, depuis le début. Je me demande si l’inverse est vrai aussi. Peut-être qu’ils laissent une partie d’eux-mêmes derrière eux. La part d’eux qu’il nous revient de conserver. Si je le veux vraiment, peut-être que sa part d’elle continuera de vivre en moi ?
J’ai comme l’intuition que quelque chose est arrivé dont personne ne veut parler. Je lui ai demandé si on s’était disputés avant l’accident, si j’avais une raison de rouler vite ce soir-là. Il m’a répondu que tout allait bien. C’était juste un accident terrible, m’a-t-il dit, rendu encore plus terrible par la vision distordue que m’en donne ma mémoire à moitié grillée.
Mais, au fond de moi, bien que je ne puisse pas expliquer pourquoi, je sais qu’il ment. Il y a quelque chose qu’ils refusent de me dire, sur ma vie avant l’accident. Je le sens dans leurs silences, dans mon isolement, dans le fait que ma sœur et ma mère sortent tous les jours sans avoir apparemment nulle part où aller. Tant que je ne saurai pas exactement ce qui est arrivé cette nuit-là, je ne pourrai pas avancer. Je suis le jouet d’un homme qui refuse de me dire la vérité et qui ne fait que m’embrouiller l’esprit de plus en plus, à chaque séance.
Si j’ai raison, ça signifie que je vais devoir trouver toute seule ce qui s’est réellement passé.
Dans un premier temps, j’ai refusé de m’installer ici avec eux. Mes parents. Ma famille. Je trouvais bizarre de vivre dans une maison avec des gens que je ne connaissais pas. En privé, j’ai confessé au docteur Gleeson, le neurochirurgien qui a interrompu l’hémorragie dans mon cerveau, qu’ils étaient peut-être des imposteurs. Peut-être cherchaient-ils simplement à tirer bénéfice de mon amnésie ? Je leur trouvais une drôle d’odeur. Et c’est encore le cas maintenant. Apparemment, l’hypersensibilité olfactive est un effet secondaire de l’opération. Un coup de scalpel dans la matière grise, ça peut vraiment vous brouiller les sens. Ça l’a fait rire.
Ils me disent que je m’appelle Chloe. Quand je me suis réveillée à l’hôpital, j’étais blessée à la gorge, je n’avais presque plus de voix. Je ne savais pas qui j’étais. Je ne me rappelais rien de ma vie. Qui j’étais, ce que j’avais fait. De quoi je vivais. J’ai posé la question à une infirmière. Une femme pulpeuse du nom d’Helen. Ses petites lunettes en équilibre au bout du nez, elle m’a demandé :
- Vraiment ? Vous ne vous souvenez pas ?
Si j’étais toi, poursuit Matt, je n’essaierais pas de me demander pourquoi ils n’ont pas voulu de moi, mais plutôt :
qu’est ce qui a fait que, après avoir été tes parents pendant trois ans, ils n’ont plus été capables de l’être?
L’esprit humain crée des images. Il se débrouille pour les articuler ensemble quand nous ne parvenons plus à le faire consciemment.
Je dois fuir. M’échapper. Sortir. Quitter cet endroit. Des menteurs. Ils mentent, tous. Je ne les supporte plus. Je remonte l’allée. J’y suis presque. Mais je n’arrive pas à me concentrer. Quel était que ce code, déjà ? Qu’est-ce que j’ai noté sur la page de garde de cette bible ? Quels numéros ? J’écrase les boutons du clavier, encore et encore, mais la grille reste désespérément fermée. Je m’y agrippe, la secoue, d’autant plus fort que j’entends les pas de ma mère se rapprocher. Il faut que je m’en aille.
Je me dis que c’est le symptôme de la vérité. J’ai du mal à respirer. Pour la première fois, je m’approche d’une certaine forme de vérité. Je suis en train de découvrir ce qu’ils tentent si désespérément de me cacher.
Quand on ne peut pas se fier à soi-même, on ne peut faire confiance à personne.
Je voulais savoir à quoi ressemblait le fait de toucher une femme comme toi. De te caresser et de sentir tes mains sur ma peau. C’était comme un rêve, Chloe. Tu étais un rêve. J’ai tout de suite voulu que tu deviennes ma femme.