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Critiques de Miguel de Cervantes (233)
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Don Quichotte

Qui est Don Quichotte ?

Pour écrire cette critique il m'a fallu non seulement rassembler des souvenirs, ce qui n'est pas encore si difficile, mais également tâcher d'aller au-delà et, ce faisant, affuter mon propre sens critique et le diriger vers moi-même dans un lourd travail d'introspection.

En effet, qui est Don Quichotte ? Question a priori simple qui appelle des réponses complexes et variées, presque aussi diversifiées qu'il y aura de sombres illuminés pour se la poser.

Don Quichotte, c'est quelqu'un qui est en décalage avec le monde dans lequel il vit. Un membre d'une époque qui rêverait d'en habiter une autre, plus ancienne, plus noble, plus féérique à ses yeux. Cette époque rêvée il ne la connaît pas, il l'a seulement fantasmée à partir de livres désuets et fabulateurs qui, même en leur temps, étaient des légendes, des symboles, des paraboles tout sauf la réalité d'un moment.

Don Quichotte refuse de voir les évolutions en marche, il reste campé, braqué, les quatre sabots fichés dans le sol comme une vieille bourrique qui refuse d'avancer.

Ouvrir les yeux, voir la réalité en face c'est renoncer à son rêve, c'est renoncer à sa définition du bonheur, c'est perdre le sens de sa vie. Voilà pourquoi son cerveau, qu'un oeil extérieur pourrait juger défaillant, s'ingénie à déformer les réalités, les patentes erreurs qu'il commet, les lourds revers qu'il essuie pour les faire cadrer avec son monde fantasmé, bâti de toute pièce, son monde chéri, ce qui lui donne l'impression de vivre. C'est la définition même du bovarisme poussé à l'extrême.

Quand je dresse ce tableau et que j'ai l'outrecuidance de me regarder moi-même à l'oeuvre, mes classiques à la main, ces livres d'un autre temps, quand je sonde mon coeur pour découvrir quels sentiments j'attendrais de mes concitoyens, force m'est de constater que moi-aussi, moi surtout, peut-être, je suis une manière de Don Quichotte.

Qui est Don Quichotte ? Don Quichotte, c'est moi.

Quand, par les temps qui courent, je m'en vais au vent mauvais, qui m'emporte, deçà delà, pareille à la feuille morte dans sa monotone chanson d'automne, que je furette à droite et à gauche, que j'observe tout le monde, que j'observe chacun, je vois que nombreux sont ceux qui affectionnent les histoires de pirates ou de Moyen-Âge, les mondes peuplés d'elfes et de Hobbits, les ouvrages dits de fantaisie héroïque, les enquêtes fabuleuses des années 1920 ou bien encore les sagas étoilées riches en sabres laser qui débutent toutes par un lancinant " Il y a longtemps, très longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine... " bref toutes choses fantasmées et révolues. Je me dis alors que vous aussi vous vivez dans les brumes, dans les vapeurs éthérées d'un rêve qui vous extrait, l'espace d'un instant, des noirceurs et des contours trop nets de la réalité ; je me dis que vous aussi vous vous téléportez par la pensée dans des époques lointaines et qui jamais, sûrement, n'ont existé ou n'existeront ; je me dis enfin que tuer cette aptitude à rêver vos vies ce serait vous tuer pour de bon car même les dictatures les plus féroces qui ont pu faire tant de mal aux hommes n'ont jamais totalement réussi à les empêcher de s'extraire du réel par le rêve.

En somme, qui est Don Quichotte ? Don Quichotte, c'est vous.



À ce stade, il me faut certainement dire un mot ou deux de l'impression suscitée par ce roman à la lecture. J'ai souvenir d'un démarrage sur les chapeaux de roues, particulièrement drôle et efficace au début, peut-être jusqu'au premier tiers, d'un milieu de roman qui, sans être désagréable, m'a semblé plus poussif, un peu lassant à la longue et répétitif par ses situations toujours un peu téléphonées, mais d'une fin qui retrouve un élan magistral.

C'est ce milieu surtout qui explique mes quatre étoiles sur le ressenti global. Il me faut aussi préciser que L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche est une oeuvre à facettes ou à plusieurs niveaux de lecture.

Il y a d'une part la narration et son style, qui sont responsables d'une bonne partie de l'impression générale de la lecture et il y a d'autre part la portée philosophique, politique, sociétale, littéraire et historique du roman.

Don Quichotte c'est la naissance du roman. Avec votre oeil d'aujourd'hui, vous pouvez peut-être lui trouver un petit côté poussiéreux, mais si on le met en place dans la succession historique de la production littéraire, ce livre marque une évolution heureuse, l'un des tout premiers apanages de ce que l'on nomme désormais le roman.

La technique narrative est basée sur le décalage. Dit autrement, c'est la définition même de l'humour et de la situation comique. Est drôle ce qui est décalé par rapport à ce que l'on sait d'une norme ou d'une réalité.

Miguel de Cervantès a aussi la géniale intuition de rafraîchir le dialogue à la Platon. Il fallait donc un interlocuteur privilégié à Don Quichotte. Il a encore l'intelligence de jouer sur le contraste : l'un sera aussi haut et grêle que l'autre sera court et replet. le maître sera d'autant plus évanescent dans les nuages que le serviteur sera prosaïque les pieds dans la fange. L'un aura un langage aussi affecté et recherché que l'autre maniera la langue torse de ceux qui lèchent les pots de confiture.

Vous avez deviné que cet acolyte de choix n'est autre que le paysan Sancho Panza. C'est un personnage-clé car il permet soit de mettre en évidence les décalages de son maître, soit d'être un degré de folie intermédiaire entre les " saints d'esprit " et Don Quichotte, soit de permettre un double décalage comique de part et d'autre d'une ligne médiane.

À mon avis, la plus grosse portion de la critique sociale, de la dénonciation politique de Cervantès repose sur ce personnage de Sancho. Comme s'il nous disait : " Vous êtes sains d'esprit vous, pourtant ! Vous êtes aptes à voir la réalité vous, pourtant ! et vous foncez tête baissée dans les discours et les chimères de ceux qui vous gouvernent. L'autre, c'est un fou, mais, vous, VOUS, qu'êtes-vous si vous adhérez à sa folie ? "

Je me plais à voir dans le Quichotte une bourrade farouche contre la religion, faite de fantasmes qu'on nous demande de suivre aveuglément, une institution sclérosée incapable de percevoir les évolutions du monde, qui répète ses dogmes inlassablement même quand les plus élémentaires réfutations viennent contredire tout l'édifice nébuleux dont elle est constituée. On sait que l'Espagne de Cervantès est étranglée par une religion omniprésente, omnipotente et omnipressante.

Ce qui caractérise le couple Don Quichotte / Sancho Panza c'est cette incroyable naïveté à toute épreuve. Dans ce long voyage initiatique on perçoit l'annonce des Lumières, tels le Candide de Voltaire ou, plus flagrant encore, le Jacques le Fataliste de Diderot. le message étant : il y a le monde comme on vous l'a dit et le monde tel qu'il est. Les deux images ne concordant pas, vous vous en doutez.

Nous même, depuis que nous sommes petits, on nous rebat les oreilles avec ces histoires de démocratie, de république, de choix des citoyens et de " élu par le peuple pour le peuple ". Certains y croient toute leur vie, ils pensent sincèrement qu'ils ont le choix alors qu'un élémentaire esprit d'analyse leur prouverait que tous ces hommes, de gauche, de droite, du milieu, du haut, du bas, sont tous des copains de promo, qu'ils viennent tous du même milieu et qu'ils repensent périodiquement au peuple, quelques semaines avant le renouvellement de leur CDD. On sait bien que le suffrage universel n'est qu'un leurre et que ce qui compte c'est le choix dans le candidat, choix qui n'existe absolument pas. On sait bien que toute notre vie on se fait rouler dans la farine de ce gigantesque dîner de cons, mais pourtant, nombreux sont ceux qui s'imaginent encore vivre dans une réelle démocratie, que les informations sont objectives, qu'ils ont une parfaite liberté de choix, etc...

Qui est Sancho Panza ? Sancho Panza, c'est nous.

Oeuvre majeure s'il en est, qu'on a intérêt à lire soit pour son volet de critique sociale, soit pour son volet de critique politique, soit pour son volet philosophique, soit pour son volet d'information historique sur l'Espagne du siècle d'or mais je persiste à penser que le grand, grand intérêt du Quichotte, c'est de le lire pour tout le comique qui est contenu dedans et qui, à lui seul, nous ouvre les portes d'une réflexion tournante et enlevée, comme les ailes d'un moulin. Au demeurant, ceci n'est que mon avis, long et grêle monté sur animal squelettique, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Don Quichotte

Dans ce conte à épisodes, histoire à n'en plus finir d'une grande drôlerie,

Cervantes nous invite à rire de la folie de son héros à la tête farcie de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie — genre très prisé notamment en Espagne entre 1300 et 1600, où tout le monde aime à en écouter (on en fait des lectures publiques) ou à en lire, le peuple comme les têtes couronnées.



Parodie désopilante des romans de chevalerie, véritable critique sociale au moment où la puissance espagnole connaît une crise décisive, Don Quichotte est aussi une oeuvre émouvante. Peut-être parce qu'elle a beaucoup à voir avec la vie mouvementée de Cervantes, qui fut blessé pendant la bataille victorieuse de Lépante contre les Turcs, puis plus tard emprisonné à Alger pendant cinq longues années en attente d'être racheté.



Des épisodes traumatisants qui furent malheureusement suivis d'autres. Mais si toute sa vie Cervantes rencontra des difficultés familiales, professionnelles et financières, celles-ci ne furent sans doute pas étrangères à l'ironie tendre et la bonté foncière portées à ses personnages, qui d'une oeuvre d'une modernité immarcescible en ont fait un inoubliable chef-d'oeuvre d'une humanité profonde.



Challenge MULTI-DÉFIS 2020

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Don Quichotte

L'avantage d'avoir peu de grands lecteurs dans son entourage, c'est de pouvoir découvrir les grands classiques comme les sorties littéraires du mois, sans avoir la moindre idée de ce qui nous attend. De don Quichotte, je ne connaissais qu'une très vague histoire de moulins, qui a d'ailleurs le bon goût d'apparaître très tôt dans le livre, faisant des 1400 pages restantes une surprise continue.



Cervantès développe le thème, qui reviendra à chaque nouveau média, du virtuel qui contamine le réel : à force de lire des romans de chevalerie, don Quichotte se persuade que le monde est peuplé de géants vindicatifs, de princesses désespérées et d'enchanteurs malicieux. Il décide alors de ressusciter l'errante chevalerie, et se met en route, avec une vieille rosse, une armure de carton, et Sancho, son écuyer d'une naïveté sans égale, en quête de royaumes à sauver et d'orphelins à défendre.



Et ces aventures, contre toute attente, le duo les trouve ! L'imagination débordante de don Quichotte lui fait prendre les moulins pour des géants, et les troupeaux de moutons pour des armées en campagne. Devant son comportement étrange, certaines personnes s'énervent et en viennent aux mains, devenant dans l'esprit du chevalier un duel dans les règles de l'art. D'autres s'amusent à leurs dépens en les plaçant dans des situations impossibles. Même quand le pot aux roses est sur le point d'être découvert, les incohérences sont mises sur le compte d'un enchanteur particulièrement tenace.



Je m'attendais bien à tomber sous le charme désuet des livres anciens avec celui-ci, mais certainement pas à rire autant. Que ce soit dans les situations ou dans les répliques, le mélange de sagesse et de folie fait souvent mouche. J'ai aussi trouvé l'écriture étonnamment moderne (caractéristique du roman ou tour de force du traducteur?). Ce roman m'a accompagné pendant deux mois, et c'est avec regret que j'ai tourné la dernière page. Les classiques, ça fait peur, mais c'est souvent payant !
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Don Quichotte

CDXLVIIMXIX

Qui traite de mes impressions de lecture sur les aventures d'un Chevalier Errant



Les Moulins de Don Quichotte (à pas confondre avec ceux de Michel Legrand). Voilà l'image d'épinal pour l'imaginaire collectif, notamment des espagnols pour qui le Quichotte est un livre incontournable du parcours scolaire. La France a connu les farces de Rabelais, avec Cervantès, l'autre versant des Pyrénées n'a rien à nous envier.



Avec Don Quichotte et Sancho Panza, Cervantès invente, avec génie, le duo comique. Ce duo nous parait aujourd'hui familier et répandu, le cinéma s'en est largement emparé. L'humour débridé, les nombreux gags potaches, qui ont besoin de la personnalité de l'un comme de l'autre pour fonctionner semblent nous indiquer une permanence dans le comique. En effet, quatre siècles plus tard nous rions encore des quiproquos, de la bêtise et de la folie et les sketches « bigardiens » n'ont rien à envier à la scène déconcertante de la colique de Sancho Panza que l'on pourrait écrire à l'identique aujourd'hui !



Avoir un léger « background » en littérature chevaleresque n'est pas un prérequis mais peut être un atout utile, qui m'as sans doute manqué, car la dérision de Cervantès n'est pas hors sol (codes, errance, pénitence, langage etc) mais, en plus d'être très érudite, elle aime à détourner nombre d'oeuvres connues des afficionados de cette littérature, condamnée par l'Eglise, mais adorée par les puissants eux-mêmes comme Charles Quint ou François Ier.



Cervantès aime à nous faire croire que cette oeuvre monumentale a été rapportée par un historien maure et ce n'est peut-être pas tout à fait un hasard, certaines exégèses de son oeuvre y voient une forte influence arabe.



Mise en abime. C'est aussi un roman à « épisodes » à l'image de l'Heptaméron de Marguerite de Navarre, où nous laissons à plusieurs reprises l'intrigue principale de l'Hidalgo de la Mancha pour nous plonger dans des contes ou longs souvenirs narrés par les personnages eux-mêmes. Cela peut parfois être exaspérant pour le lecteur qui a l'impression de lire plusieurs livres en un mais cela participe de l'intérêt du livre.



« La bonne volonté peut faire autant de dégâts que la méchanceté, si elle n'est pas éclairée ». Don Quichotte me semble être l'incarnation de cette phrase d'Albert Camus. En effet alors même que Don Quichotte s'engage sur un code d'honneur moral sans faille, dans la réalité (qu'il perçoit si peu) il fait exactement l'inverse. Qu'il libère des prisonniers justement condamnés ou qu'il pense faire le bien en libérant un serviteur qui sera, dès son départ, roué doublement de coups, chaque fois qu'il entreprend de venir en aide à son prochain, l'enfer étant pavé de bonnes intentions, cela se termine mal, sans mentionner les nombreuses fois où, aveuglé par le folklore de son imaginaire chevaleresque, il s'attaque gratuitement à de simples voyageurs ou passants sans aucune raison. C'est le paradoxe de Don Quichotte qui nous pousse à réfléchir sur la notion d'intention et sur celle de conséquence.

A l'heure du bilan, suffit-il de vouloir faire le bien ou n'importent que les conséquences positives y compris d'une action que l'on voulait nuisible au départ ?



Ensuite, comme l'explique dans sa contre-histoire de la littérature Michel Onfray, pour Don Quichotte, le réel n'a pas eu lieu. Cela est immanquablement illustré par ses dialogues avec Sancho Panza qui s'évertue à le confronter au réel (alors même que le curé et le barbier savent que pour venir à bout de l'entêtement de l'Hidalgo, il faut entrer sur son terrain, dans son jeu).

A chaque fois qu'il est rattrapé par l'évidence, Don Quichotte met toute sa volonté, toute sa foi, et toute son intelligence à la fuir, à la contester, Onfray parle de « dénégation ». Il fait le lien avec notamment la politique, hypertrophie de la dénégation. On se crée un monde illusoire et cohérent et surtout lorsque la réalité nous rattrape, lorsque l'on est pris la main dans le pot de confiture, toute la rhétorique est mobilisée pour nous dire que ce n'était pas notre main, et que ce ne n'était pas non plus un pot de confiture.



L'imaginaire n'est excusable et admis que chez les enfants et les vieillards n'est-ce pas ? Qui imagine un homme, dans la force de l'âge, intégré dans la société, commencer à jouer la comédie, à inventer sa vie. Qui peut devenir chevalier sans passer son “diplôme”, sans être coopté par ses pairs, dans son milieu ? Il n'y a que deux formes d'inventions permises dans la société, la catharsis du théâtre ou du cinéma, confiné à un espace limité, et l'hypocrisie sociale, la « communication ». Autrement, la société a prévu des infrastructures psychiatriques où isoler les fous.



Mais Don Quichotte, avec ses chimères et son panache, n'a cure de ces conventions sociales, il s'autorise l'imaginaire, il va vivre plusieurs vies en une. Est-ce pour fuir l'ennui de n'être que soi ? Valéry écrivait « mon possible ne m'abandonne jamais », l'Hidalgo n'est il pas simplement à la recherche de son « possible » ? N'a-t-il pas décidé qu'il vivrait son « possible » dès à présent, sans se confronter aux obstacles qu'une carrière de chevalier lui infligerait dans la vraie vie ?


Lassé des pastiches et des usurpateurs avides de faire du commerce sur le dos de l'Hidalgo, Miguel de Cervantès reprendra la plume, près de quinze ans plus tard, pour faire revivre son Don Quichotte dans un second tome.



“Toi chevalier, avec ta droite épée

Dans les bois rigides, tu poursuivras

Ton pas, le temps que dureront les hommes,

Imperturbable, illusoire, éternel”

Jorge Luis Borgès.



LXVCIXIVI

Où d'autres lecteurs donnent leur avis sur les aventures de l'Hidalgo Don Quichotte de la Mancha : Qu'en pensez-vous ?
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Don Quichotte

Don Quichotte, c’est avant tout une guerre littéraire que Cervantès entreprend en faveur d’une littérature plus réaliste et originale contre les romans de chevalerie qui sont, d’une part, pleins de rêve et de magie, et d’autre part, une répétition à l’infini autour d’un même thème jusqu’à la saturation.

L’absurdité et le ridicule de l’idéal chevaleresque seront d’abord exposés par le biais du personnage de Don Quichotte, ce petit provincial à qui les romans de chevalerie ont tourné l’esprit à un tel point qu’il se croit réellement chevalier en mission dans un monde rempli de sortilèges et d’enchantements. Comme tout chevalier a besoin d’un écuyer, Cervantès lui fournit le secours de Sancho Panza, petit gros bonasse, peureux et superstitieux, mais également doté d’un gros bon sens rusé de paysan. Comme cheval, Don Quichotte devra se résoudre à une rachitique bestiole nommée Rossinante et en guise de dame à aimer, Dulcinée du Toboso, une paysanne des environs qu’il ne verra jamais deviendra l’élue de son cœur. Enfin, toute l’histoire consiste à promener son illuminé sur sa branlante monture avec son paysan d’écuyer dans les parages de leur village où ils s’émerveillent, s’effraient et s’enorgueillissent de leurs mésaventures insignifiantes pour le plus grand plaisir du lecteur.

D’autre part, Cervantès impose son propre style, déjà moderne, en intervenant personnellement afin d’introduire un constant rapport à la réalité au cœur même de son écriture. (À noter que Chrétien de Troyes intervenait aussi déjà personnellement dans ses premiers romans de chevalerie, mais que c’était plutôt pour faire de la surenchère vers le merveilleux que pour ramener son lecteur sur terre.) L’auteur s’amuse aussi à singer l’expression souvent fleurie à l’excès des mauvais romans de chevalerie pour accentuer la bouffonnerie et le ridicule des situations.

Cervantès use également de la position de « fou » qu’il a donné à Don Quichotte pour juger, en étranger d’occasion, les absurdités qui se glissent, par quelque détours de l’histoire, au sein de toutes structures sociales normales, comme le feront Montesquieu dans ses Lettres persanes ou encore Cyrano de Bergerac dans ses voyages sur la lune et le soleil.

Enfin, et c’est l’essentiel pour qu’une œuvre intelligente et brillante devienne un classique de la littérature, le roman, dans tous ses détails, est un véritable plaisir à lire. On se laisse entraîner à survoler les excursions de Don Quichotte, Rossinante et Sancho Panza, toujours le sourire aux lèvres, parfois en riant franchement et même, comme il m’est arrivé quelques fois, en riant au point de devoir interrompre ma lecture car je riais jusqu’aux larmes. Et le plaisir quelque peu extrême qu’a provoqué chez moi ce livre ne date pas d’hier. Prosper Mérimé, dans une préface au chef-d’œuvre de Cervantès, rapporte, en effet, que « Philippe III étant à un balcon de son palais de Madrid...aperçut un étudiant qui lisait au bord de la rivière, riait, se frappait le front et donnait les signes d’un plaisir extraordinaire. « Ce garçon est fou, dit le roi, ou bien il lit Don Quichotte. » Un courtisan s’empressa d’aller demander le titre de ce livre si amusant : c’était en effet le Don Quichotte. »

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Don Quichotte, tome 1

J’ai longuement hésité avant d’écrire une critique sur le tome 1 du Quichotte.



Quoi écrire que vous ne sachiez déjà ? Quoi écrire, du haut de mon insignifiance, qui puisse vous enjoindre ou vous dissuader de lire cette œuvre après que des très grands l’ont commentée, analysée, décortiquée, pris appui dessus ou, au contraire, lui ont volontairement tourné le dos, preuve s’il en est de son importance ?



De simples impressions de lecture, c’est tout ce que je sais faire, et encore, pas des plus fraîches, ces impressions, car je ne l’ai pas relu tout à fait récemment.



Tout d’abord, Don Quichotte, c’est l’exemple parfait de l’incarnation d’un portrait type, un personnage qui est rentré dans la culture collective de l’humanité, comme dans l’expression populaire de tout un chacun « se battre contre des moulins ».



Ils ne sont pas si nombreux les romans (ou toute autre forme d’écrit) ayant marqué d’une telle empreinte l’inconscient collectif. Il y a probablement le Gargantua de Rabelais, le Don Juan de Molière, le Faust de Goethe, le Frankenstein de Mary Shelley, le Quasimodo d’Hugo, le capitaine Nemo de Verne, le père Ubu de Jarry, lequel tient sûrement beaucoup de son grand frère espagnol. Je sais qu’on pourrait encore en citer quelques uns, voire quelques dizaines au grand maximum, dont bon nombre issus de la BD franco-belge d’après guerre, mais dans l’ensemble, ils ne sont pas très nombreux, et celui-ci, sans être nécessairement le premier (Ulysse aurait sûrement plus d’arguments pour revendiquer ce titre), marque un tournant dans l’histoire mondiale de la littérature. Un peu comme après la basilique de Saint-Denis, on ne construira plus jamais un édifice chrétien exactement de la même façon, une porte s’est ouverte, un passage s’est offert. Ce n’est pas nécessairement la plus grande réalisation de ce style, mais c’est celle sans laquelle rien ne serait arrivé.



Don Quichotte (on devrait d’ailleurs écrire Don Quichotte et Sancho Pança, car c’est le couple qui est génial, pas de Laurel sans Hardy, pas de Quichotte sans écuyer) est donc un symbole, symbole d’un monde en mutation en sa qualité autoproclamée de chevalier errant, vestige des temps révolus du moyen âge, symbole d’un renouveau de l’écriture qui ose se gausser des chansons de gestes et autres œuvres passées de mode, symbole de l’Espagne et de ses emblématiques moulins qui tournent et qui tournent sans forcément avoir grand chose à moudre, symbole d’une Espagne elle aussi vestige, celle qui dominait le monde et qui va très bientôt entamer son déclin.



Miguel de Cervantès a donc eu, certes ce génie de la création littéraire, mais aussi, et peut-être, surtout, ce génie de trouver un étonnant baromètre pour annoncer les temps à venir. Voilà, en gros, en très gros, les impressions que m’ont laissées Don Quichotte.



J’ai souvenir également d’une lecture particulièrement drôle et efficace au début, peut-être jusqu’au premier tiers, d’un milieu de roman qui, sans être désagréable, m’a semblé un peu lassant à la longue et redondant par ses situations toujours un peu téléphonées, mais d’une fin qui retrouve un élan magistral. Mais, quelle incorrigible insatisfaite suis-je pour m’exprimer ainsi, rassurez-vous, ce n’est là que mon avis, c’est-à-dire, pas grand chose.
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Don Quichotte, tome 1

Dans ce conte à épisodes, d'une grande drôlerie, Cervantes nous invite à rire de la folie de son héros à la tête farcie de ces absurdités que l'on trouve dans les romans de chevalerie — très prisés en Espagne entre 1300 et 1600, où tout le monde aime à en écouter (on en fait des lectures publiques) ou à en lire, le peuple comme les têtes couronnées.



Parodie désopilante des romans de chevalerie, véritable critique sociale au moment où la puissance espagnole connaît une crise décisive, Don Quichotte est aussi une œuvre émouvante. Peut-être parce qu'elle a beaucoup à voir avec la vie mouvementée de Cervantes, qui fut blessé pendant la bataille victorieuse de Lépante contre les Turcs, puis plus tard emprisonné à Alger pendant cinq longues années en attente d'être racheté.



Des épisodes traumatisants qui furent malheureusement suivis d'autres. Mais si toute sa vie Cervantes rencontra des difficultés familiales, professionnelles et financières, celles-ci ne furent sans doute pas étrangères à l'ironie tendre et la bonté foncière portées à ses personnages, qui d'une œuvre d'une modernité immarcescible en ont fait un inoubliable chef-d'oeuvre d'une humanité profonde.
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Don Quichotte

Que dire si ce n'est de vous encourager à courir acheter ce livre et à le lire ! Enfin, dans la traduction offerte par la collection Points Seuil, bien plus accessible que d'autres pour avoir lu les prologues dans trois éditions différentes.



L'histoire des moulins à vent, ce n'est que la première aventure, il y en a tellement d'autres. Et puis, l'auteur profite de la moindre occasion pour faire l'une ou l'autre digression sur les moeurs de son époque, avec un modernisme étonnant.



Mais surtout, Cervantes nous offre un humour indéfectible, une immense parodie de son temps et c'est fort plaisant à lire. Pour ceux de ma génération, qui ont vu les films des Monty Python, je dirai qu'ils ont dû s'inspirer de l'humour de Cervantes tant le leur est comparable.



Ne vous dites pas, c'est vieux, certes l'ouvrage date, mais pas ces aventures qui m'ont bien divertie.
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Don Quichotte

J'aurai mis le temps à découvrir ce grand classique! Pour être honnête, je redoutais justement le classicisme de ce roman. Je craignais que cette écriture du 17ème siècle racontant les aventures d'un chevalier errant et de son écuyer soit particulièrement ennuyeuse et poussiéreuse... et je freinais des deux pieds à l'idée de me plonger dans la lecture d'un ouvrage de plus de 1 100 pages! Et puis, ce fût une excellente surprise. Nos deux héros, don Quichotte et Sancho sont deux personnages sympathiques et attachants. Ce livre est très drôle, alerte, très agréable à lire, et excessivement moderne. J'ai adoré au point de recommander cette parodie de roman de chevalerie à mes amis lecteurs. Donc ce Cervantès est vraiment une valeur sûre et un roman qui amuse et dépayse. Excellent livre!
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Don Quichotte

Je remercie Masse Critique- Babelio jeunesse de m'avoir offert la possibilité de revisiter l'immense Don Quichotte à travers cette édition pour tout-petits ( les parents sont les bienvenus...), en papier cartonné, superbement illustrée. Quelques pages au graphisme de qualité ( le dessinateur Frédéric Laurent a le trait sûr et les couleurs de ses pinceaux régaleront les pupilles des lecteurs ) permettront aux uns et aux autres de s'immerger dans la légende de ce gentilhomme tellement féru de livres de chevalerie qu'il décide de devenir l'un d'entre eux et de se faire le défenseur des faibles et des opprimés. Ses aventures leur permettront de découvrir ou de retrouver sa monture "Rossinante", son fidèle serviteur " Sancho Panza", sa bien-aimée " Dulcinée du Toboso ", ainsi que quelques uns de ses incontournables combats contre " les moulins-géants ", contre " une armée de moutons ", son duel contre " le chevalier de la Blanche Lune ". Bref un panorama qui met en relief ce que tout un chacun se doit de connaître sur ce mythe monument de la littérature.

Une très bonne surprise, et à l'approche des fêtes, pour un anniversaire ou tout simplement en cadeau pour le plaisir de faire plaisir, je n'hésiterais pas, si j'avais des enfants, des petits-enfants, des neveux, des nièces ou un gamin à qui offrir du rêve intelligent, à me tourner vers ce genre de présent... présent qui donnera sûrement aux lecteurs devenus grands l'envie d'acquérir l'oeuvre originale du grand Miguel de Cervantès...

Un petit livre que je recommande vivement.
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Don Quichotte

Je remercie chaleureusement les Éditions Balivernes ainsi que Babelio pour cette lecture et leur confiance !



Quel plaisir pour les parents d’initier leurs tout-petits à un texte aussi inventif, truculent, joyeux et drôle que le célébrissime roman d’aventure de Miguel de Cervantès « Don Quichotte » devenu un mythe à transmettre de générations en générations.



Le texte adapté pour les tous petits par Pierre Crooks d’après Miguel de Cervantès est un pur bonheur pour petits et grands. En 20 pages, votre tout jeune enfant va suivre cette histoire cocasse qui va le faire rire grâce aux merveilleuses illustrations d’un dessinateur, Frédéric Laurent, qui a déjà travaillé avec les Editions Balivernes pour l’adaptation des « Trois Mousquetaires ».



La collection « Farfadaises » des Editions Balivernes réserve de très jolies surprises. Ma nièce de 5 ans, Léane, a adoré « Don Quichotte » et les illustrations savoureuses de Frédéric Laurent. Un livre qui pour un prix modeste (moins de 10 euro) va faire rire votre enfant, développer son imaginaire, le faire rêver tout simplement.



L’épisode des Moulins à vent pris pour des géants par Don Quichotte est sans doute la plus emblématique des séquences. Don Quichotte et son fidèle destrier « Rossinante », Sancho Panza son modeste écuyer, et des aventures nombreuses pour retrouver la belle princesse Dulcinée de Toboso.. Tout est mis en place pour que texte et illustrations accompagnent aux mieux la lecture des parents et le regard amusé de vos tout-petits.



En ces temps difficile pour les petites maisons d’éditions, les librairies, les illustrateurs, les auteur(e)s, pensez à offrir à vos enfants, neveux et nièces en bas âge, pour les fêtes de noël et pas seulement, des livres des Editions Balivernes. Ils sont un gage de qualité et ils offriront un moment de doux partage entre les parents, grands parents et leurs tout-petits.



« Don Quichotte » c’est intemporel, culte et surtout c’est très drôle. Je tiens à saluer tout particulièrement le travail d’illustrateur de Frédéric Laurent qui est une franche réussite. Je vous recommande chaudement ce « Don Quichotte » paru aux Editions Balivernes.
Lien : https://thedude524.com/2020/..
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Don Quichotte

Un coffret somptueux . Je n'ai pas souhaité qu'il soit emballé dès son achat, pour pouvoir en profiter, juste un peu, avant de l'offrir, cadeau de Noël pour un de mes proches.

Une édition prestigieuse , traduite par Louis Viardot (1800-1886) , illustrée par Gustave Doré (1832-1883). Les dessins sont hyper réalistes, ils expriment avec une rude vérité les physiques, les mentalités, les tourments, ceux de ce pauvre hidalgo utopiste, fiévreux, maboul , de son serviteur, le replet Sancho, de bien d'autres personnages, ils décrivent férocement par de multiples détails cette Espagne du Siècle d'or, riche et rigide , on y retrouve les paysages spectaculaires de Castille et de la Manche, les géants de Consuegra, Don Quichotte dans son lit, agonisant...
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Don Quichotte, tome 2

Voici les secondes aventures de Don Quichotte, écrites dix ans plus tard, Cervantes étant furieux qu'un écrivain d'alors ait essayé de le plagier. Et le thème du plagiat est omniprésent dans ce second ouvrage.



J'ai retrouvé avec un égal plaisir Don Quichotte et, plus encore, son écuyer Sancho Panza, qui est, quelque part, le véritable héros de ces histoires.



Le tout m'aura tellement plus que je mets ces livres dans ma valise indispensable pour me rendre sur une île déserte, tant l'oeuvre de Don Quichotte nous rappelle sans cesse de ne jamais nous prendre au sérieux, que celui qui paraît fou est souvent bien plus sage que le plus sérieux des personnages et que la vie est bien trop courte pour la vivre de manière par trop austère.
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Don Quichotte, tome 2

Alors que le premier Don Quichotte a été écrit par Cervantès afin de combattre les mauvais romans de chevalerie, ce deuxième tome ne s'attaque avant tout qu’à un mauvais plagiaire. Par contre, si l’adversaire est incomparablement plus modeste, les exigences du génial auteur ne diminuent pas pour autant.

En effet, malgré l’immense succès de son premier opus, Cervantès ne va pas se contenter de reproduire le même type de roman, mais pousser encore plus loin son art en donnant encore plus de précision et de crédibilité à ses personnages.

Tandis que le tome I était donné au lecteur comme le récit de l’historien Ced Hamet Benengeli, ce qui implique une certaine distance d’un historien rapportant son interprétation de faits qui lui ont été rapportés souvent indirectement, le tome II part du regard critique direct, de Don Quichotte et de Sancho eux-mêmes, sur les récits qui ont été faits de leurs (més)aventures. Ceux-ci ne sont d’ailleurs pas pleinement satisfaits du travail d'historien accompli par Cid Hamet Benengeli: certains passages auraient pu être laissés de côté, d'autres auraient du être ajoutés, certains passages restés obscurs méritent aussi des éclaircissements que les deux « héros » n’hésitent pas à apporter, etc. Mais surtout, ils se sentent carrément insultés par le récit du plagiaire qu’ils critiquent sans merci.

Si le contenu idéaliste et bouffon de leurs aventures reste le même, celles-ci se déroulent donc désormais à un niveau de réalité supérieur. Leurs traits psychologiques sont d’ailleurs tracés beaucoup plus clairement, les détails des conversations apparaissent d’avantage, et ils nous semblent donc beaucoup moins bêtes que dans le tome I, surtout Sancho.

Cette fois-ci, ce ne sera donc pas la lecture trop surabondante de mauvais romans de chevalerie, mais la lecture de ses propres aventures qui donnera à Don Quichotte l'envie d'aller se risquer à de nouvelles aventures chevaleresques et c’est d’ailleurs ce qui se produit aussi pour tout lecteur de ce tome II : ils vont le lire parce qu’ils ont d’abord lu le premier. En espérant que vous apprécierez, comme moi, cette nouvelle incursion du chevalier à la triste figure et de son écuyer autour de son village encore d’avantage que la précédente.

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Le rufian bienheureux

Publiée en 1615 avec sept autres pièces plus quelques Intermèdes, sans doute qui n’ont pu être jouées, Le ruffian bienheureux est une des pièces de Cervantes parmi les plus citées. La date de l’écriture demeure incertaine. L’auteur peut s’être inspiré de textes parus à la toute fin du XVIe siècle, l’un rédigé à Mexico dans un couvent dominicain et l’autre à Salamanque et à Séville. Il s’agit d’une histoire édifiante, d’un malandrin converti, rentré dans les ordres et donnant un exemple de piété remarquable et devenant saint.



La pièce est composée de deux parties, l’une qui illustre la vie menée par Lugo avant sa conversion, entre larcins, coups de force, fréquentation de prostituées et excès divers. A l’issue d’un pari, il décide de se convertir. La deuxième et troisième journées se passent à Mexico, où il est moine dominicain. Nous le suivons dans sa vie pieuse. Il est appelé au chevet d’une femme qui va mourir, Ana. Elle est persuadé d’être une si grande pécheresse, que se confesser ne sert à rien, car Dieu ne pourra lui pardonner. Lugo devenu le père de la Croix essaie de la persuader, puis lui propose de prendre tous ses pêchés sur lui, ce qui permet à Ana de mourir apaisée après s’être repentie et confessée. La troisième journée est centrée sur la mort édifiante du père, sa résistance aux démons qui viennent le tenter, qui laisse entrevoir sa sainteté.



La pièce délivre un message qui est qu’un pêcheur, quelle qu’ait été sa vie, peut toujours être pardonné. Lugo s’est converti en un seul moment, et le repentir d’Ana à la dernière heure, lui permet de ne pas être damnée. C’est la parabole des ouvriers de la dernière heure, c’est aussi une illustration de la miséricorde divine. C’est également une mise en cause de la vision protestante rigoureuse de la grâce, accordée ou non, sans que l’homme y puisse quoi que ce soit. Cervantes y oppose une possibilité de salut à condition d’un repentir sincère qui est toujours possible et qui dépend de l’homme.



Cela peut sembler déconcertant, mais c’est plutôt réussi. La première journée accumule des épisodes réalistes de la vie des petits délinquants, des prostituées, de tout ce petit monde qui tente de survivre dans un monde dur, sans pour autant abandonner humour et dérision. Les deux journées suivantes sont d’une tonalité très différente, même si la truculence n’en est pas complètement absente, même les moines ont leurs égarements. La sainteté surgit du pêché et des faiblesses des hommes, là où l’on ne l’attend pas. C’est sans doute très difficile à jouer sur une scène, à cause du nombre de personnages et des scènes très différentes. On comprend très bien en lisant la pièce pourquoi Lope de Vega n’a eu aucun mal à surclasser Cervantes comme auteur à succès sur les théâtres. Mais le texte de Cervantes est quand même passionnant, à cause de son caractère atypique, original, pas formaté.

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L'amant généreux

L'amant généreux est une des nouvelles composant le recueil "Nouvelles exemplaires" parues à Madrid en 1613. Cet ouvrage ne comporte que des nouvelles dont le sujet est l'Amour.

Celle-ci parle d'amour, naturellement, mais aussi s'attarde sur le trafic d'esclaves, organisé par les Turcs et les Maures qui sévissaient sur les côtes et îles du nord de la Méditerranée. Ce sujet tient particulièrement à coeur à Cervantes et il connaît bien le problème car en 1575 la galère sur laquelle il se trouvait a été attaquée par les Turcs, fait prisonnier et conduit à Alger, il devient alors esclave de rachat. Il ne recouvrira la liberté qu'en 1580 contre remise d'une forte rançon.

J'ai apprécié cette nouvelle, qui parle d'aventures maritimes, batailles, naufrages, mais elle n'a bien sûr pas la force de L'Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche, qui offre des passages très savoureux par leur drôlerie. "L'amant généreux" se contentant d'amour et d'aventure, mais restant un texte sobre et sérieux.
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Don Quichotte



Même si on ne l’a jamais lu, on a l’image du chevalier Don Quichotte dans la tête. Tout le monde sait qu’il s’est battu contre des moulins à vent. Il fait partie des personnages littéraires passés dans l’imaginaire de tous, comme la créature de Frankenstein, Long John Silver et beaucoup d’autres.

Mais aujourd’hui peu de gens le lisent. Il faut dire que les 1400 pages environ du livre peuvent refroidir. Moi j’ai profité d’une intervention des yeux pour l’écouter. La version de ma BM est une traduction d’’Aline Schulman lue par Jean-Pierre Cassel. L’enregistrement ne dure que cinq heures. Il manque donc apparemment un certain nombre de chapitres. Ceci dit j’ai pris beaucoup de plaisir à cette écoute. J‘ai même parfois rit, ce qui m’arrive très rarement en lisant. Si vous avez le moral un peu bas, je vous conseille ces CD, en cas de vraie dépression je ne crois pas que cela suffirait mais pour simplement un ras le bol de l’accumulation de soucis ça peut aider.

Faut-il vous raconter les aventures de ce chevalier qui prend les auberges pour des châteaux, les filles de joie ou les servantes pour des châtelaines et de Sancho Pança, paysan transformé en écuyer qui trouve toujours un proverbe pour illustrer pas forcément de façon appropriée leurs aventures. Sous le rire il y a bien sûr la critique, le mariage contre leur gré des filles, la dureté de la justice, l’Inquisition...

Je recommande ce livre ou si la longueur vous fait peur un enregistrement.

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Don Quichotte, tome 1

J'achève le premier tome du roman le plus célèbre de la littérature classique, et qui compte parmi les quelques romans du XIIème siècle encore lus aujourd'hui.



"Don Quichotte" tient bonne place parmi les mythes fondateurs de notre culture. Fleuron du genre picaresque, ce roman résolument moderne donne ses lettres de noblesse à la parodie. L'humour est d'ailleurs omniprésent. Autre innovation, la structure narrative. Le lecteur est invité à suivre différents personnages et non pas à rester chevillé au seul Alonso Quichano, hidalgo désargenté mais animé d'un grand esprit chevaleresque, inspiré de ses nombreuses lectures de tradition médiévale (chansons de geste, récits héroïques, légendes...).



Les situations cocasses et graves se succèdent à un rythme effréné, dans une langue superbe et très accessible contrairement à ce que certains lecteurs pourraient craindre. Véritable roman d'apprentissage, "Don Quichotte" est à la fois un grand roman d'aventures et une oeuvre de réflexion et de philosophie.





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Le Siège de Numance

La gloire du Don Quichotte est telle, qu’elle a eu tendance à repousser dans l’ombre tout le reste de l’oeuvre de Cervantes. Peu de gens savent qu’il écrivit aussi de nombreuses pièces de théâtre. Il en fit représenter un grand nombre à Madrid entre 1581 et 1581, dont deux seules sont parvenues jusqu’à nous, dont ce siège de Numance. Mais il a continué à en écrire, et en 1615, donc un an avant sa mort et après la parution de Don Quichotte, il publie un recueil de 8 pièces et quelques intermèdes, ce qui montre à quel point il tenait à cette partie de son œuvre. Une longue préface expose sa vision du théâtre et dit tout son attachement à ce genre. Il ne s’est toutefois jamais imposé comme un auteur dramatique de son temps, son théâtre a été d’une certaine manière atypique, très éloigné de la comedia nueva de Lope de Vega qui a triomphé à la fin du XVIe et au XVIIe siècle et que Cervantes a vilipendée.



Le siège de Numance est peut-être la pièce la moins oubliée dans la production de Cervantes. Elle semble avoir été créée entre 1581 et 1587, sans qu’il semble possible d’être plus précis dans la datation. Il s’agit d’une tragédie historique, qui se base sur des faits réels, le siège de la ville de Numance qui finit par être prise par les Romains commandés par Scipion Émilien en -133. Ce siège a un caractère en partie mythique : les habitants auraient préféré un suicide collectif plutôt qu’une capitulation. Cela en fait un épisode héroïque exemplaire, susceptible de frapper les esprits, provoquer de l’émotion et faire surgir un esprit patriotique exacerbé. Cet épisode historique a été exploité par d’autres auteurs espagnols, en particulier au XIXe siècle. La pièce de Cervantes a connu des représentations, après des adaptations, y compris en France.



La pièce est en quatre journées et comporte un très grand nombre de personnages. Scipion veut à la fin d’un siège interminable, la victoire, et pouvoir obtenir un triomphe à Rome. Il ne laisse rien au hasard, veut minimiser les risques et les pertes. Il encercle la ville, pour empêcher les habitants de sortir, et compte sur la faim pour gagner, voulant éviter de se battre en perdant des hommes. Nous passons successivement du camps romain à la ville assiégée, dans laquelle les habitants continuent à espérer, à vivre et à aimer. Mais les conditions de vie deviennent progressivement de plus en plus insoutenables, les gens meurent de faim. Malgré des exploits et le dévouement, la fin devient inévitable, et les habitants choisissent la mort plutôt que le déshonneur et la servitude. Ce qui va empêcher Scipion d’obtenir son triomphe pour lequel il aurait eu besoin de captifs qu’il aurait pu amener à Rome, ce dont le frustre le suicide des habitants.



C’est assez statiques et prévisible, mais cela ne manque pas d’une forme de grandeur. Au final il y a quelque chose du théâtre antique, dans le déroulé d’une tragédie dont tout le monde connaît la fin, sauf les protagonistes, qui espèrent et luttent malgré tout. Le grand nombre de personnages et l’accumulation d’épisodes parfois brefs rendent toutefois difficiles une représentation.
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Don Quichotte, tome 2

Don Quichotte et Sancho... on retrouve les tribulations de nos deux compères à travers l'Espagne. Si l'on est habitué aux déboires de Don Quichotte, empalant des ailes de moulin avec sa lance sous l'oeil sceptique de Sancho, c'est une toute autre histoire dans ce deuxième tome. En effet, on vit au fil des pages la "quichottisation" de Sancho. Don Quichotte semble revenir à la réalité, parfois assez durement, à force de coups et de blessures, et perdre la force de croire en ses divagations. Cervantes nous dévoile alors un Sancho qui se laisse prendre au jeu, enthousiaste et téméraire, décidé à se lancer dans de nouvelles aventures délirantes, comme pour indiquer que c'est bon, la relève est assurée.
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