Citations de Mikhaïl Boulgakov (529)
" qu'a - t - il donc à s'entêter sur son idée ? pensai-je avec déjà quelque impatience. Je lui parle de syphilis, et lui, il me parle de sa gorge "
Vous vous tenez sur l'échelon inférieur de l'évolution, cria Philippe Philippovitch encore plus fort. Vous n'êtes encore qu'un être en voie de formation, intellectuellement démuni, tous vos actes sont purement bestiaux, et, en présence de deux personnes dotées d'une éducation supérieure, vous vous permettez, avec une effronterie totalement insupportable, de formuler je ne sais quels avis à l'échelle cosmique et d'une stupidité tout aussi cosmique sur le partage universel, alors qu'au même moment vous vous êtes gavé de poudre dentifrice...
Dites-moi, pourquoi Marguerite vous nomme-t-elle le maître? demanda Woland.
- C'est une faiblesse pardonnable. Elle a une trop haute opinion du roman que j'ai écrit."
- Sur quel sujet?
- Sur Ponce Pilate.
- Sur quoi? Sur quoi? Sur qui? Par les temps qui courent ? C'est stupéfiant! Faites moi voir ça.
- Je regrette, je ne peux pas, car je l'ai brûlé dans mon poêle, répondit le maitre.
- Excusez-moi, je ne puis vous croire, répondit Woland, c'est chose impossible. Les manuscrits ne brûlent pas.
On trouve toujours le temps si on ne se presse jamais.
Non, il n’est pas question de partir d’ici, si libre qu’on soit ailleurs. Il ne faut pas se raconter d’histoires, se lamentait le chien en reniflant. J’ai pris des habitudes. Je suis un chien de seigneur, un être intellectuel, j’ai goûté à la douceur de vivre. D’ailleurs qu’est-ce que la liberté ? Rien du tout : fumée, mirage, fiction… Un délire de ces misérables démocrates… »
Il s’inquiète de moi, pensa le chien. C’est un homme très bon. Je sais qui c’est. C’est un enchanteur, un mage, un nécromant sorti d’un conte de chiens… Car il est impossible que tout ce que j’ai vu soit un rêve. Et si c’était un rêve ? (Le chien frissonna dans son sommeil.) Je vais me réveiller… et il n’y aura rien. Ni lampe entourée de soie, ni chaleur, ni rassasiement. Ce qui va reprendre, ce sera la porte cochère, le froid insensé, l’asphalte verglacé, la faim, les hommes méchants… La cantine, la neige… Dieu, comme ce sera pénible !
Si vous prenez soin de votre digestion, je vous donne un bon conseil : ne parlez à table ni de bolchevisme ni de médecine. Et que Dieu vous préserve de lire des journaux soviétiques avant dîner.
J’ai tout vécu, je suis résigné à mon destin, et si je pleure maintenant, c’est seulement à cause du froid et de la douleur physique, parce que mon âme n’est pas éteinte… C’est vivace, une âme de chien.
- Je me suis précipité, racontait Béhémot, dans la salle de réunion, celle qui avait une colonnade, messire, comptant en extraire quelque chose de plus précieux. Ah, messire, mon épouse, pour peu que j'eusse eu une épouse, aurait risqué de rester veuve ! Mais par bonheur, messire, je ne suis pas marié, et je vous le dirai franchement, je suis heureux de ne pas être marié. Ah messire, comment est-il possible d'échanger la liberté du célibat contre un joug pesant!
P. 507 (Éditions inculte)
Ce sale petit moineau s'appuyait sur la patte gauche, il faisait très clairement le pitre en la traînant, il avançait par syncopes – bref, il dansait le fox-trot au son du pathéphone comme un ivrogne devant le zinc. Il prenait des airs les plus canaille qu'il pouvait, il lançait des regards égrillards au professeur.
Ivan poussa un cri, regarda au loin et vit le détestable inconnu. Il atteignait déjà la sortie du côté de la ruelle du Patriarche, et il n'était pas seul. Le plus que suspect chef de choeur avait eu le temps de le rejoindre. Et ce n'était pas tout: le troisième de cette compagnie s'avérait être un chat, sorti d'on ne sait où, gros comme un cochon, noir comme de la suie ou comme un freux et doté d'invraisemblables moustaches de hussard. Le trio se dirigeait vers la ruelle des Patriarches - et le chat avançait sur ses pattes de derrière.
P. 76 (Éditions Inculte)
Voici la première phrase du roman dans 3 traductions différentes :
Au déclin d'une chaude journée de printemps, sur la promenade de l'étang du Patriarche, apparurent deux citoyens. (trad. Claude Ligny)
Au déclin d'un après-midi de printemps torride, deux citoyens débouchèrent de compagnie sur le square des étangs du Patriarche. (trad. Françoise Flamant)
Par un torride crépuscule de printemps, au bord des étangs du Patriarche, parurent deux citoyens. (trad. André Markowicz et Françoise Morvan)
Source: En attendant Nadeau, 18/11/ 2020
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On eût dit que le Maître attendait ce moment, tandis que, debout et immobile, il regardait le procurateur. Il joignit les mains en porte-voix, et cria de telle sorte que l’écho roula par les montagnes sans arbres et sans vie : — Tu es libre ! Libre ! Il t’attend ! Les monts transformèrent la voix du Maître en un tonnerre, et ce tonnerre provoqua leur ruine. Les infernales parois rocheuses s’effondrèrent. Seule la plate-forme au fauteuil de pierre demeura debout. Dans le gouffre noir où les murailles s’étaient écroulées s’alluma une ville immense que dominaient des idoles étincelantes, dressées au-dessus d’un jardin qui, au cours de milliers de lunes, avait poussé avec une luxuriance fantastique. Et voici que la longue attente du procurateur était récompensée et que le chemin de lune était là qui s’étendait aux portes du jardin. Le chien aux oreilles pointues fut le premier à s’y lancer. L’homme au manteau blanc et à la sanglante doublure se leva de son fauteuil et cria quelque chose d’une voix rauque et cassée. On ne pouvait discerner s’il pleurait ou s’il riait, ni le sens de ses cris. On put seulement constater qu’à la suite de son fidèle gardien, il s’élança à son tour, frénétiquement, sur le chemin de lune. — Et moi, dois-je le suivre ? demanda anxieusement le Maître, en touchant ses rênes. — Non, répondit Woland. À quoi bon se précipiter sur les traces de ce qui n’est déjà plus ?
Tu t’endormiras, avec ton éternel vieux bonnet de nuit tout taché, tu t’endormiras avec le sourire aux lèvres. Ton sommeil te donnera des forces, et tu te mettras à raisonner sagement. Et tu n’auras plus jamais l’idée de me chasser. Quelqu’un veillera sur ton sommeil, et ce sera moi.
Du reste, vous êtes... excusez-moi encore, mais je suis certain de ne pas me tromper, vous êtes - dis-je - tout à fait ignare ?
- C'est incontestable, convint Ivan, qu'on avait peine, décidément à reconnaître.
Quelles difficultés incroyables ne me faut-il pas endurer. On peut m'amener n'importe quel cas insidieux ou complexe, relevant souvent de la chirurgie, je dois tourner vers lui mon visage, mon visage mal rasé, et le vaincre. Et, si je ne parviens pas à le vaincre, il ne me reste qu'à souffrir, comme en ce moment, alors qu'on me roule dans les ornières et que je laisse derrière moi le cadavre d'un bébé et sa mère.
C'est au point du jour que la nuit s'épanouit pleinement, glacée, toute semée d'étoiles. En croix, en buissons, en carrés, les étoiles s'étendaient au-dessus de la terre ensevelie, au plus haut du ciel et au loin, par-delà les forêts silencieuses à l'horizon. Le froid, le gel et, se détachant sur la pente du ciel, la couronne irisée de la lune.
Je m'en souviens parfaitement. Il gelait à près de moins quinze, le ciel était plein d'étoiles...Des étoiles comme il n'y en a qu'en Ukraine. Cela fait sept ans que je vis à Moscou, mais j'ai toujours le mal du pays. Parfois j'en ai le cœur serré, et il me prend une terrible envie de sauter dans un train et de retourner là-bas. Revoir les escarpements du fleuve enseveli sous la neige...Le Dniepr...il n'est pas au monde de ville plus belle que Kiev.
Tougaï-Beg se recroquevilla dans son fauteuil, se gratta le menton de ses ongles, puis enserra sa barbiche dans son poing, faisant ainsi apparaître une ressemblance frappante avec le portrait aux yeux bridés coiffés d'un bonnet de fourrure. Son regard se voilà de cendres funèbres.
-- Épouvantable, dis-je d'une voix mourante en portant un doigt à ma tempe.
-- Je vois que cela ne vous passionne pas... Vous êtes un homme inflexible! Du reste, votre pièce n'est pas mauvaise non plus, reprit-il en m'examinant d'un œil scrutateur - il faut seulement la refaire, et tout ira bien...