Citations de Monica Hesse (62)
L'amour n'est-il pas le contraire de la raison ?
L'amour n'est-il pas le contraire de la raison ?
Il y a tant de choses que j'aimerais oublier. Les passages les plus durs. Les vilaines blessures, sous les cicatrices, toutes ces choses que je voudrais voir disparaitre en les ignorant.
L'absence de souffrance n'est pas la même chose que la présence de bonheur.
"l'absence de vérité n'est pas pour autant la présence d'un mensonge"
Dieu a créé le monde et les Néerlandais ont créé les Pays-Bas.
Soeur Thérèse ferme les yeux et porte son chapelet à ses lèvres. Je suis ébranlée par ce geste de dévotion en public, qui me rappelle que certaines personnes ont traversé la guerre en étant capables de croire que Dieu veillait toujours sur le monde.
[p179]
Le jour où nous avons été séparés, je lui ai dit que nous nous reverrions à Sosnowiec. La dernière fois que je l’ai vu, je lui ai dit que, s’il n’était pas à Sosnowiec, je le retrouverais où qu’il soit.
J’ai écrit ce roman, le troisième ayant pour cadre la Seconde Guerre mondiale, parce que, après cinq années à réunir des informations sur cette terrible période, je me suis rendu compte que la plupart des ouvrages et des documentaires s’arrêtaient tous au même moment : à la fin de la guerre. Ils s’arrêtaient avec la libération d’un camp de concentration, la débandade d’une unité militaire, la liesse dans les rues... Il y en avait nettement moins sur ce qui s’est passé durant les semaines et les mois d’après-guerre, alors qu’un continent entier avait à se remettre des souffrances qu’il avait endurées et des atrocités qu’il avait commises.
Nous avons besoin de filles jolies pour que les soldats ne s'aperçoivent pas qu'elles sont également intelligentes et courageuses, et qu'elles luttent contre eux !
Un jour, longtemps avant la mort de Bas, nous avons fait semblant de nous disputer pour savoir qui de nous deux était tombé amoureux le premier. « C’est ta faute, m’a-t-il dit, parce que tu es adorable. » Je lui ai répondu qu’il se trompait. Que c’était un peu facile de m’accuser. C’était même irresponsable.
Je me rappelle toute cette conversation. Ça se passait chez ses parents, dans le salon, et nous étions réunis autour du nouveau poste de radio familial pendant que je lui posais des questions sur un devoir de géométrie qui ne nous intéressait ni l’un ni l’autre. L’Américaine Judy Garland chantait You Made Me Love You. C’est comme ça que la discussion avait commencé. Bas a dit que c’était moi la responsable s’il m’aimait. Je me suis moquée de lui parce que je ne voulais pas qu’il sache combien mon cœur s’emballait en l’entendant prononcer les mots « aimer » et « toi » dans la même phrase.
Il s’avère qu'il existe bien des manières de tuer : les Allemands ont tués Bas à coups de canon, Elizabeth et moi avons tué notre amitié à coups de mots.
J'en ai assez de ces comparaisons avec la fille que j'étais avant la guerre.De cette façon qu'elle a de me répéter en quoi j'étais tellement plus gentille avant et toutes ces choses perdues à jamais.
_Cette fille-là n'existe plus,lui dis-je d'un ton résigné.Elle est partie et ne reviendra pas.
- Explique-moi ! Qu'est-ce qu'il y a dans le landau ? Des armes ? Des explosifs ?
Elle a l'air penaude.
- Un appareil photo.
- Un appareil photo ?
- J'ai lu un article sur des photographes dans un journal clandestin, commence Mina à voix basse. Ils prennent des photos de l'Occupation et rassemblent des documents pour qu'à la fin de la guerre les Allemands ne puissent pas nier ce qu'ils ont fait ici.
- C'est un collectif ? Tu en fais partie ?
Mina rougit.
- Non. Ce sont tous des professionnels. Mais il y a beaucoup de femmes parmi eux. Elles peuvent cacher leur appareil dans leur sac à main ou leur cabas, et prendre des photos sans que personne ne les remarque. C'est ça qui m'a donné l'idée.
- Et à la place du sac à main, tu utilises le landau... Et pour l'objectif ?
- J'ai fait un petit trou à l'avant. Il ne se voit pas, à moins de regarder très près. Maintenant, chaque fois que j'emmène un bébé en promenade, je peux prendre des photos en cachette. J'ai toute la guerre dans mon appareil et sur des tas de pellicules.
- Quel genre de photos ?
- Des photos de rafles, des soldats... De gens parqués au théâtre. De gens arrêtés chez eux pendant que leurs voisins ne font rien pour leur venir en aide...
Elle s'interrompt un instant.
- Mais j'ai aussi des choses plus intéressantes, reprend-elle. Comme des photos de la Résistance, pour que le monde sache que certains d'entre nous se sont battus. Des photos de cachette où se réfugient les clandestins. Et les enfants du théâtre, je les ai tous pris en photo pour qu'ils puissent retrouver leur famille après la guerre.
[...] Voilà tout un aspect de la Résistance dont je n'avais jamais entendu parler. Les nazis nous ont interdit de les photographier...
Aujourd'hui nous sommes censés vivre aux côtés de gens qui ont soit souhaité notre mort, soit regardé ailleurs quand ça s'est produit.
"L'absence de souffrance n'est pas la même chose que la présence de bonheur"
Je pense que nous devons accueillir les miracles dès qu'ils se présentent. Nous devons aimer les gens que nous avons en face de nous. Nous devons nous pardonner ce qu'on a dû faire pour survivre. Ce qu'on a brisé. Ce qui nous a brisés.
Ça suffit ! je m’ordonne en essayant d’interrompre la boucle infernale. Arrête ! Voilà ce que fait mon cerveau en ce moment. Il s’enraye. Il tourne en rond. Il m’empêche de penser à certaines choses et m’empêche de m’arrêter de penser à d’autres. Il y a des moments où mon cerveau fonctionne bien. De plus en plus souvent. Mais il réagit encore à des détails tout à fait imprévisibles, comme si je glissait sur une plaque de verglas.
Et puis il a dit que c’était aussi ma faute s’il avait envie de m’embrasser. Après quoi je lui ai dit que c’était sa faute si je le laissais faire. Là-dessus, son frère aîné est entré dans la pièce et nous a dit que c’était notre faute si notre discussion lui donnait mal au cœur.
Ce n’est que bien plus tard ce même jour, en rentrant à la maison – à l’époque où je pouvais encore rentrer à la maison sans m’inquiéter d’être contrôlée par les soldats ou de rater l’heure du couvre-feu ou d’être arrêtée – que j’ai réalisé que je ne le lui avais pas dit en retour. La première fois qu’il m’avait dit qu’il m’aimait, j’avais oublié de le lui dire aussi.
J’aurais dû. Si j’avais su ce qui allait arriver et ce que j’allais découvrir sur l’amour et la guerre, je me serais arrangée pour le lui dire à ce moment-là.
C’est bien ma faute.
-Il me l'a dit, qu'il ne voulait pas y aller. Au cours de sa fête de départ. Je suis parti et il m'a couru après. Il m'a dit qu'il ne voulait pas y aller, et je lui ai répondu qu'il le fallait. Je lui ai dit aussi que c'était son devoir. Et il m'a donné une lettre au cas où il mourrait, mais je ne l'ai pas lue. Je l'ai rapportée à la maison et je l'ai jetée, car j'étais absolument sur qu'il allait revenir, et je me suis complètement trompée, car il n'est pas revenu. Tu comprends, Ollie? C'est moi qui l'ait poussé à partir!