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Citations de Monika Fagerholm (40)


Sandra Nuit & Doris Jour. Doris Nuit & Sandra jour. Deux filles avec des tricots noirs identiques sur lesquels étaient tracés ces mots au niveau du ventre: la Solitude & la Peur, en letrres de peinture verte. des tricots à manches longues en plein été mais, et c'était le plus important, des tricots dont il n'existait que deux exemplaires exactement identiques dans le monde entier. Sandra les avait cousus pour servir à leurs jeux, au début pour d'amuser, mais petit à petit il en émergeait un message, un contenu plus profond. Encore informulé, pour l'instant; plutôt comme une note, une tonalité.
C'était maintenant au tour de Doris de diriger le jeu. Beaucoup de patience, ça commencait à devenir évident.
"Raconte!"
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On ne tombe pas amoureux parce que la personne vous est sympathique ou antipathique, ni même pour ses mille qualités. On tombe amoureux de quelqu'un qui réveille quelque chose qu'on porte en soi.
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[...] ... Ce fut donc ainsi que commença l'effondrement - d'une façon pas du tout inattendue, bien qu'on pût superficiellement penser le contraire. Sandra, pour sa part, attendait ce moment. C'était peut-être bizarre. Mais tout aussi bizarre de continuer comme si de rien n'était. Comme elle l'avait fait au début. Tout en sachant que ce n'était pas dans l'ordre des choses, pas normal. Mais normal, c'était quoi ? Maintenant que Doris n'était plus là, les mots aussi pâlissaient ; les mondes qu'ils recelaient, toutes les nuances, toutes les associations, les phrases inventées. Normal redevenait normal, dans un sens normal. Cela facilitait bien entendu la communication avec l'entourage, la possibilité d'établir un contact et une compréhension, mais cela retirait en même temps autre chose, d'essentiel, un goût, une saveur.

Et la grande question à laquelle il fallait répondre était tout simplement celle qui avait été continuellement repoussée jusque là : était-il même possible d'exister sans ce goût-là ? En répondant oui, on mentait tout autant que si on répondait non et qu'on agissait en conséquence - en se faisant de nouvelles camarades, par exemple, comme s'il était question de ça, d'avoir une "camarade." Tel était le dilemme de Sandra depuis la mort de Doris. Elle ne voulait pas mourir, mais elle ne voyait pas comment elle allait pouvoir continuer à vivre.

C'était la réalité toute crue. Et quand elle commençait à penser à ça - non, précisément, on ne pouvait pas y penser, pour des raisons tout à fait logiques. Il n'y avait qu'une seule solution, mourir la mort, mais ça, elle ne le voulait pas, alors il n'y avait plus qu'à repousser toute pensée et - hou là, que se passait-il, voilà que Doris se mettait à parler en elle - "continuer son bonhomme de chemin." ... [...]
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[...] ... Personne ne connaissait ma rose dans le monde à part moi. (Tennessee Williams)

Ici commence la musique. C'est si simple. Ca se passe à la fin des années 1960, à Coney Island, près de New-York. On trouve ici des plages, des aires de pique-nique, un petit parc d'attractions, quelques restaurants, des machines à sous amusantes, voilà.

Il y a beaucoup de monde. Elle ne se distingue pas de la foule. Elle est jeune, quinze, seize ans, robe légère, cheveux blonds pas très nets, ça fait plusieurs jours qu'elle ne les a pas lavés. Elle arrive de San Francisco et, avant, d'un autre endroit. Elle a toutes ses affaires dans un sac, qu'elle porte sur le bras. Un sac à bandoulière, bleu, dessus il est écrit Pan Am.

Elle se balade mollement, parle à quelques personnes, répond quand on s'adresse à elle, ressemble un peu à une hippie, ce qu'elle n'est pas. Elle n'est rien, en fait. Elle voyage. Vit au jour le jour. Rencontre du monde.

Do you need a place to crash ?

Il y a toujours quelqu'un pour poser cette question.

Et c'est possible de vivre ainsi, encore à cette époque.

Elle a dans la main quelques dollars que quelqu'un vient de lui donner. Elle a demandé cet argent, elle a faim, elle veut manger. En fait elle a juste faim, rien d'autre. Sinon elle est heureuse, c'est une belle journée, ici, en dehors de la ville. Le ciel est haut, le monde est vaste.

Quelques gamins s'amusent près de la cabine à enregistrer des disques. Il y en a encore un peu partout à cette époque, en particulier dans ce genre d'endroit : "Enregistre ta propre chanson et offre-la à quelqu'un. Ta femme, ton mari, un ami. Ou garde-la pour toi."

Comme un petit gadget-souvenir amusant. ... [...]
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Découvrir qui elle était. Nous faire une image d'elle. Apprendre à la connaître. Marcher dans ses mocassins, comme disent les indiens. On ne connaît pas quelqu'un tant qu'on n'a pas marché quelques jours dans ses mocassins.
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La maman de Gusten, Angela Gripe, qui était chanteuse d’opéra. En fait, qui l’est. Angela Gripe connait le succès, en ce moment même, en septembre 2014, dans la création de Dissections of the Dark Part III à Vienne… « Naked woman in the bath tub hohoho », pas plus tard qu’il y a quelques semaines, Emmy elle-même ricanait au téléphone avec Saga-Lill, qui venait de lui annoncer tout à trac que Gusten l’invitait, elle, Saga-Lill, en week-end à Vienne pour voir sa mère dans une mise en scène controversée.  « J’ai googlé la démo. La mère de Gusten à poil dans une baignoire transparente remplie d’une eau verte et trouble pendant tout le premier acte! Ah je meeeuuurs! »
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[...] ... Ces paroles-là, non pour une effet "solennel" mais parce que c'étaient ces paroles-là qu'on pouvait ressentir dans son corps, qui étaient d'une certaine manière déjà là, déposées en vous, et quand on les entendait, ces paroles, ça se ranimait : quelque chose de grand, un scintillement qui est le temps, pas dans le sens habituel mais comme une archéologie en vous, et pareil chez les autres, chez les êtres humains en général. Un instant ressentir aussi cela : cette participation. Que, d'une certaine façon, nous sommes tous les mêmes, que nous portons en nous le même paysage - et le même temps. Qu'il existe, a existé, un autre temps. Du temps qui n'est pas secondes minutes jours années décennies, ni ma vie, ni l'histoire de ma famille - mais du temps comme dans "les générations suivent le destin des générations." Un temps plus vaste, un paysage, le temps de tous.

Marcher en Dieu dans le temps, dans un paysage que nous partageons : nous faisons partie les uns des autres et parfois nous pouvons en avoir l'intuition fugitive. Une femme découpant des vêtements au-dessus d'un seau, longues bandelettes, soie velours guenille chiffon -

Dans cette langue-là, il y avait de la place. Pour tout. Je ne suis pas sans espace.

Et alors, dans ce temps-là, un instant, un fragment, voir sa propre vie. Un fragment dans un paysage avec des fragments d'autres paysages en soi, les paysages des autres. Par-delà toutes les limites. Par-delà les étroites frontières familiales, bien sûr : papa maman enfant, un héritage par-delà ces héritages-là, mais comprenant aussi ceux-là. Et avec quelle évidence il y avait aussi de la place dans ce paysage-là pour LA JOURNEE DU DESIR. Une vieillerie qui n'est pas toi mais qui est née en toi. La Putain Joyeuse, la Fille de Bornéo, whatever ; ce sont, n'étaient, que des appellations. Tout comme la Raclure, ainsi que ça s'était appelé un temps après l'enfance, l'enfance où il y avait eu un sens intuitif inné pour ce qui était soi et pourtant tellement plus grand que soi. Mais la Raclure alors, ainsi nommée par Tom Maalamaa, son altesse royale adossée à Gustav Mahler. La princesse du presbytère qui était l'héritière des mots, mais les mots soudain étaient là pour lui, il en avait fait sa propriété, et cette petite amie pathétique qui levait les yeux au ciel en silence à ses côtés. Parlant, acquiesçant, comme sur commande. En même temps, bien sûr, c'était plus facile : être d'accord, ça ne demandait pas de résistance. Etre dans son paysage à lui, qui se fortifiait plus il parlait, acquérait un cadre, le cadre de ses mots à lui, jusqu'à devenir le seul cadre possible.

Si bien que si on se trouvait être sa soeur Maj-Gun, on devenait pour sa part, tout entière, un excès. ... [...]
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[...] ... Les jumelles. Rita, Solveig, de la maison des cousins. Voilà pourquoi la baronne se rendait au marais de Bule ! Elle allait les retrouver. Les jumelles, toujours fourrées au marais, tôt le matin quand les honnêtes gens dormaient encore. Pour "s'entraîner." Devenir "championnes de natation." Et puis quoi encore ? Quel ramdam autour de ce "potentiel" qu'elles s'estimaient avoir. Dont elles se vantaient à tour de bras en faisant semblant de parler entre elles, mais à haute et intelligible voix pour que tout le monde l'entende. Et blabla, et que je te détaille tous les "sacrifices" requis, toutes les "exigences", "s'entraîner, s'entraîner, s'entraîner ..."

Oui, oui. Bien possible qu'on ait eu ce genre de pensées dans le Coin, à l'époque déjà, avant que tout n'arrive. Genre : pour qui se prenaient-elles, ces deux-là ? Ho ! En vrai, elles n'avaient vraiment rien d'extraordinaire. Pas de quoi s'exciter. Cette "maison des cousins" par exemple, d'où elles sortaient - c'était quoi, exactement, comme endroit ?

Dans ce nouveau contexte, voilà qu'on se rappelle tout ce qu'on croit savoir à leur sujet, pas grand chose, mais tout de même bien étrange. L'horrible vieux, celui qu'on appelait le "père des cousins", qui avait gagné le terrain au jeu, les parents morts - quel genre de "danseurs", au fait, ces deux-là ? Des forains, des artistes de cirque ? Et puis soudain un souvenir, tel l'éclair : musique de danse s'échappant par une fenêtre ouverte, rideaux fermés. Notes de rumba. Un rythme entêtant, hypnotique, par les jours d'été chauds et sans vent, autour de la villa de la Première Pointe. Le danseur et sa femme, qui s'entraînaient dans le grand salon en vue d'un concours de danse.

Ce rythme-là, et les enfants silencieux. Les trois maudits. Et, plus tard, après l'accident, les trois enfants en rang d'oignons, grands et costauds tous les trois, ils avaient toujours fait plus que leur âge, adossés au soubassement de pierre de la villa.

Note de rumba, entêtantes, comme si on pouvait encore entendre la musique autour d'eux.

Un tel héritage, un tel mauvais sang dans les gènes.

On frissonne quand on y pense. Ces enfants-là. ... [...]
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Il se rappelle ce jour-là, […] sur un banc, dans le parc.
Elle l’avait interrompu.
« J’ai froid . »
Elle était beaucoup trop peu vêtue.
Il s’était tu et avait maladroitement tenté de lui passer un bras autour des épaules. Tout en enfonçant le clou : « Je ne crois pas que notre relation ait le potentiel pour continuer dans la mesure où… »
Là, elle avait repoussé son bras.
« Dans la mesure où quoi? »
Elle s’était levée et elle était partie. Son dos à elle. Sa solitude à lui.
Et alors même qu’il pleuvait, le soleil avait transpercé la lourde couverture nuageuse. Un instant, il avait tout illuminé, arc-en-ciel, scintillement, lumière.
Ce jour DORÉ au début du mois d’octobre, un de ces jours où les feuilles étincellent de pluie.
Un moment.
Mais doré.
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Au pays du chagrin on voyage seul.
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Là dans la cuisine, peu avant la fin, une brève période, le dernier automne avant que tout ne s’effondre, un air de musique à la radio. Un air d’opéra ordinaire. Lui-même et Annelise (quand elle est là), attablés dans la cuisine rien qu’eux deux.
« Que votre petite main est froide, madame. »
Deux pauvres bohèmes chantent, ça se passe à Paris.
Verdi. Comme le dit parfois maman : « Pour les masses. » […]
«  INTÉRESSANTE, cette musique, Gusten, mais en quoi nous concerne-t-elle? » 
« Je veux dire : la musique n’est-elle pas faite pour nous toucher au coeur? »
Et elle monte le son.
« Vous avez pris ma main, madame. »
Et il prend sa main -
pendant qu’une basse dure pulse au sous-sol - c’est là que se trouve Nathan, au cours de ce dernier automne, parfois Sascha est avec lui. Dans son atrium.
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Monika Fagerholm
On ne tombe pas amoureux parce que la personne vous est sympathique ou antipathique, ni même pour ses mille qualités. On tombe amoureux de quelqu'un qui réveille quelque chose qu'on porte en soi
Monika Fagerholm
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... à certains enfants qui sont seuls ou qui ont juste besoin d'excitation, d'attention, d'une goutte d'extraordinaire, même autosuggérée, vient une Fifi Brindacier aux tresses rouges, une Mary Poppins avec parapluie et fiancé assorti en canotier et costume à rayures. À nous, Solveig et moi, est venue.... une Miss Andrews.
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La vie n’est pas quelque chose qu’on regarde à travers un trou de serrure ; il n’y a pas de portes. Ni de clés, sur lesquelles écrire des poèmes, « clé, la clé, je cherche la clé de l’existence .
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Le bonheur est un visionnaire.
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Ça ne veut pas dire qu’on veuille faire le secret sur quoi que ce soit. Mais tout ne doit pas nécessairement être porté sur la place publique. Si on veut arriver à quelque chose, mieux vaut s’abstenir. Ça ferait plus de mal que de bien.
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Mais ce n’était pas d’un autre côté, le genre de choses qu’on était prêt à admettre. Sa peur. Cette ‘répugnance - là’. Et alors dans une telle situation, la réflexion venait à vous (et la réflexion était justement faite pour venir à vous dans ce genre de situation) avec le message suivant : qu’on était jeune, qu’on avait l’avenir devant soi, garçon prometteur, Mission à accomplir, agir pour, genre, l’humanité. Et Gustav Mahler, mais de façon mesurée, pas de la manière dont ç’avait débordé derrière la porte de la chambre avec la petite amie dans les pires moments, pour atténuer l’angoisse du reniement - car on pouvait dire ce qu’on voulait de Tom, il n’était pas bête - de sa soeur en sa qualité de Putain joyeuse, comme une appellation joyeuse, pas scabreuse, juste hamba hamba, dans un état ouvert, illimité de l’enfance, mais qu’on ne laissait pas entrer dans la chambre et qui restait donc dehors, à tambouriner contre la porte.
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La vie comme une suite de pièces ou de chambres, Suzette. C’est ce qu’elle disait, pendant qu’on découpait les bandes de tissu dans la cuisine - une ambiance spéciale qui, une fois qu’on l’a connue, ne vous quitte plus jamais. Chambres, chambres, chambres, on peut entrer, sortir, continuer vers de nouvelles chambres, de nouvelles pièces. Cette maison là, à quoi elle ressemble de l’intérieur, on ne le sait pas, même si on croit que oui… soudain on se retrouve … pas dans une cave, ni dans un grenier poussiéreux… Mais peut-être juste quelque part où c’est … vide.
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Quand on revient, c’est comme si on ne s’était jamais absentée.
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La vérité est le fardeau des innocents.
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