D'un style alerte Nadia Hashimi, nous fait entrer au cœur d'un "gynécée" afghan.
Deux parents et cinq filles, pas de garçon, un père en colère en but à des tracas, une mère au foyer qui règne avec bienveillance sur sa famille.
Un événement les filles ne vont plus à l'école, pour ne plus être la proie de garçons qui n'ont rien d'autres à faire, que de tourner autour...
La narration se fait à deux voix : Rahima la troisième des filles et Shekiba, arrière-arrière-arrière grand-mère de ces cinq filles racontée par leur tante, sœur de leur mère.
Shekiba signifie "cadeau", cependant elle n'est pas une jolie fille, et son père n'a pas pu la marier à un beau parti. Elle vivait dans un petit village impitoyable.
Jolie elle le fut jusqu'à l'accident qui lui valut une moitié de son visage, brûlée à l'huile bouillante.
Au début du XX ème siècle, le choléra emporta ses frères et sœur, et sa mère mourut de chagrin un an plus tard. Elle vécut seule avec son père et travailla à la ferme comme un fils.
A dix-huit ans, son père mourut et elle se retrouva seule...
Quelques mois plus tard elle se retrouva sous la coupe de la matriarche, sa grand-mère.
Le père de Rahima a fait la guerre très jeune et est toujours sous la coupe des seigneurs de guerre qui maintiennent leurs troupes sous l'emprise de l'opium, c'est pourquoi il a du mal à faire face à ses obligations familiales. De plus n'ayant pas engendré de fils sa situation est critique face à sa famille et aux villageois.
Lorsque les Talibans gagnèrent en puissance, le village vécu sous les feux croisés de ceux-ci et du seigneur de la guerre qui régnait et défendait son territoire.
Le père de Rahima fut de nouveau enrôlé et devint de plus en plus irascible.
Un lien entre ces générations se perpétue : le devoir d'avoir des fils pour agrandir le clan et travailler la terre.
Face à la faiblesse de son mari, à l'ostracisme que sa famille subit, la mère à un recours un seul, le :
"Bacha posh ("habillée comme un garçon" dans la langue dari) est une pratique culturelle dans certaines parties de l'Afghanistan et du Pakistan où des familles qui n'ont pas eu de fils font le choix d'élever leur fille comme un garçon. Cela permet à l'enfant d'avoir plus de libertés: aller à l'école, accompagner ses sœurs en public, travailler. La famille surmonte ainsi la honte à laquelle elle aurait fait face pour ne pas avoir eu de fils. " Wikipedia
Ces deux destins à un siècle de différence montrent à quel point les traditions sont tenaces, et la place des femmes reléguée à l'utilitaire, l'échange...
Ceci, et c'est plus grave avec la complicité de certaines femmes qui n'ayant pas voix au chapitre, humilient, infligent et perpétuent. Elles aussi instaurent une hiérarchie et s'attaquent aux plus faibles, celles qui sont nées avec des anomalies ou qui n'ont plus de famille et pire si elles allient les deux handicaps.
Au fil de ma lecture je me répète inlassablement une phrase qui devrait être inscrite aux frontispices de tous les monuments : "La détermination du sexe est une caractéristique du père mais reste un hasard que seule la nature peut contrôler. "
Lorsque les femmes sont conviées à participer à la vie publique, se met en marche une grande mascarade où tout le monde est de connivence. Il s'agit de faire accroire que les apparences sont réalités.
Ainsi va la vie dans les pays où les femmes sont privées d'éducation.
Nadia Hashimi, nous fait vivre un pays l'Afghanistan dans toute sa complexité et ses contradictions.
C'est un conte avec son oralité, en effet sur plus de 500 pages ces voix croisées nous disent l'indicible, l'insoutenable, l'invivable de ces vies de femmes de génération en génération, soumises à la barbarie au nom d'un texte sacré qui ne dicte rien de ces ignominies.
Du courage il en faut à ces femmes pour avoir accès à l'éducation qui pourrait les sortir de cette ignorance, mère de tous leurs maux et qu'elles nommes trop souvent "nasseb".
Au fil des siècles, chaque pas en avant est vite réprimé...
Je terminerai pas cette citation, qui pour moi résume toute la problématique :"Pauvre fille. Elle a quitté un toit qui fuyait pour se retrouver assise sous la pluie."
Pour celles qui arrivent à se hisser hors de cette servitude, il faut plus que du courage...
Pour que la Perle sorte de la Coquille, il faut que cette dernière s'entrouvre, s'ouvre ou se casse...
Merci Babelio et Milady pour cette belle découverte
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