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Citations de Nakajima Atsushi (22)


Le cadavre d'un chat gelé était collé sur le pavé comme une huître. Par-dessus courait follement une pancarte rouge de marchand de marrons arrachée par le vent.
Un panache de vapeur blanche s'élevait des cinq ou six gargotes roulantes qui se serraient au coin de la rue. Debout à l'écart, une femme dépoitraillée dans un durumagi sale d'où sortaient ses tétons durcis comme une cuirasse de pourpre noire, aspirait un bol de nouilles généreusement arrosées de piment rouge en soufflant son haleine fumante.
L'agent Jo Gyoyong, qui rentrait du commissariat, attendait son train en suivant la scène d'un œil rêveur. Devant lui passèrent en hâte deux Chinois vêtus de toile jaune rembourrée, portant palanche. Dans leurs paniers brillait un reste invendu de radis blancs. C'était le moment où le départ de la foule s'esquisse comme un ressac. Sous le ciel crépusculaire qui semblait se couvrir d'une pellicule de glace, les cloches de l’Église Française rendaient un son lugubre.
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Tout à coup, il vit devant lui, posée depuis quand sur la soucoupe de porcelaine très blanche, une sauterelle légère couleur du jade le plus éblouissant, qui agitait ses antennes en silence. Ô la splendeur de ces ailes docilement allongées. Sous la dure lumière blanche, même la soucoupe semblait vouloir se teindre en vert. Pendant quelques temps encore, fasciné par ce vert et ce blanc, Sanzô écouta M. discourir sur sa femme.
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1923. L’hiver était crasseux et glacé.
Tout était sale. Et cette crasse s'était figée dans la glace. Dans les ruelles à l’extérieur de la porte S., cela touchait au paroxysme.
Odeur d'opium et d'ail des Chinois, odeur mêlée de tabac bon marché et de piment rouge des Coréens, odeur des punaises et des poux écrasés, odeur des entrailles de porcs jetées dans le ruisseau et des peaux de chats écorchés, toutes ces choses qui semblaient s'être figées dans la glace à cet endroit, en préservant leur puanteur.
Et pourtant au matin l'atmosphère finissait quand même par se décanter un peu. Vers le point du jour, au moment où les pies commençaient à chanter dans les branches des acacias gelés, on respirait un air légèrement plus pur. Et c'est toujours à cette heure qu'on voyait sortir de ces ruelles beaucoup d'hommes, qui rentraient chez eux hébétés mais se frottant frileusement les mains.
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Dans sa boîte de disques il a au moins les derniers quatuors de Beethoven au complet, et plus aucune envie de se les passer. La grande carapace de tortue de mer rapportée d'un voyage à Ogasawara ne lui souffle plus aucune invitation au voyage. Alignés sur les rayons de sa bibliothèque, témoins de préoccupations fort différentes des études qu'il a suivies, Voltaire et Montaigne prennent tristement la poussière. Même donner à manger au perroquet ou aux deux perruches agapornis jaunes est une corvée. Sanzô restait étendu sur le lit, hébété. C'était comme si les ressorts de son corps et de son esprit avaient cassé. L'inanité de la vie jour après jour avait-elle creusé un abime en lui ? Ceci n'avait rien à voir avec l'angoisse sans fond qui s'était réveillée tout à l'heure dans sa mémoire. Une épave, voilà ce qu'il est devenu, pris dans une torpeur où il ne ressent plus ni angoisse ni souffrance.
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Le soleil couleur de cuivre, suivant sa trajectoire glacée de décembre, tombait en tremblant sur les collines rouges et pelées. Le mont Pukhan semblait figé par le gel en dents de scie blêmes dans un ciel de cendre. Depuis son sommet, un vent aiguisé filant comme la lumière venait vous raboter les joues. Il faisait un froid à vous briser les os.
On découvrait chaque matin, sous la Porte du Sud, des pèlerins dont le chemin s'était arrêté là. Certains d’entre eux étaient morts les bras tendus, agrippés aux vrilles de lierre desséchées de la muraille.
D'autres, renversant leur visage tacheté de violet, gisaient comme ensommeillés.
Sur le fleuve Han, des vieillards ouvraient des trous dans la glace et soufflant la fumée de longues pipes de fer taquinaient la carpe d'un air transi. Dans les forêts des berges les pauvres chapardaient sans relâche du bois de chauffage pour alimenter leur ondol. Des mâchoires des bœufs qui allaient tirant leur chargement de glace telle une montagne bleutée, la bave descendait en aiguilles de glace.
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L’agir suprême est non-agir, la parole suprême rompt avec la parole, le tir suprême ne tire pas.
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Folie, ô coup du sort, m’a rendu inhumain
Je n’ai pu éviter ni malheur ni chagrin

Aujourd’hui, griffe et croc, à qui ne fais-je peur ?
Jadis, au moins de nom, nous avions même hauteur

Me voici animal entouré d’herbe folle
Et vous, plein de vigueur, juché sur la carriole

J’ai devant moi la lune, les pics et les vallées
Mais le souffle me manque, je ne sais que feuler
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Les Égyptiens considèrent l’ombre d’une chose comme une partie de son âme ; les caractères ne seraient-il pas, justement, une ombre de cette sorte ?

Le caractère « lion » n’est-il pas l’ombre d’un lion véritable ? Et le chasseur qui connaît le caractère « lion » ne poursuit-il pas une ombre à la place du lion véritable, tout comme l’homme qui a appris le caractère « femme » embrassera l’ombre de la femme au lieu d’une femme véritable ? Avant le déluge de Pir-napishtim, en des temps reculés ou l’écriture n’existait pas, toute joie et toute sagesse entraient directement en l’homme. À présent, nous ne connaissons plus qu’une ombre de joie et une ombre de sagesse recouvertes du voile de l’écriture. Les gens de nos jours ont mauvaise mémoire. Les génies de lettres leur ont aussi joué ce mauvais tour. Ils ne peuvent désormais se souvenir d’aucune chose s’ils ne l’ont mise par écrit. La peau des hommes est laide, affaiblie, depuis qu’ils portent des vêtements. Laides et affaiblies sont leurs jambes, depuis qu’a été inventé le moyen de se faire transporter. Avec la banalisation de l’écriture, leur tête a définitivement cessé de fonctionner.
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Quatre ou cinq femmes racolaient, claquant des dents sous le fard écaillé, le dos collé au mur, là-bas dans les ruelles. Sous la lumière réfractée d'un lampadaire, les ombres des conduites de terre cuite dressées contre le mur faisaient comme un alignement de prisonniers muets.
- Chéri, tu viens ? Allez...
- Ah, laisse tomber, laisse tomber ! L'homme mit les mains dans les poches de son pantalon et les secoua en riant. Ce visage juvénile en casquette sous une capuche de laine disparut rapidement de la lueur du lampadaire. Quand il ne passait plus personne, il y avait toujours quelque part dans l'air le son pur d'un mur qui craque au milieu du silence.
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Combien de belles "étoffes de mots et de rêves" aurait-il le temps de tisser, avant que la froide main de la mort ne s'abatte sur lui ? Ce pari lui semblait fastueux. Il écrivit avec la hâte du voyageur qui sent l'heure du départ approcher. Et laissa, de fait, quelques beaux tissus de rêves et de mots.
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La vertu, voyez-vous, c' est la faculté de jouir.
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la réalité est aussi incertaine, et demeure aussi incompréhensible, qu'un songe ou l'on se dit : il me semble que je rêve
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Quoi d’autre que la suffisance pour nous faire croire que les critères de nos jugements de valeur sont absolus?
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Il éteint la lampe, frotte une allumette. De minces traits de lumière durs et mats jaillissent dans le noir, des aiguilles de pin, des feuilles d'érable s’épanouissent et disparaissent aussitôt. L'odeur de la poudre lui pique au nez; son esprit, après un instant d'inertie, s'émouvait de cette beauté délicate, hors saison.
Une pauvre petite émotion, triste et toute recroquevillée sur elle-même.
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Une grosse pendule électrique est accrochée au mur blanc du restaurant, la longue aiguille jaune des secondes tourne comme une créature inquiétante, reflétant les lumières. Elle chemine en rond, sans arrêt, avec une froideur qui haché la vie sans pitié.
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Et malgré tout, cette attente passionnée de quelque chose de neuf et de rude avait fini par se dissiper dans la douceur de la brise marine; seules m'entouraient maintenant une indolence et une paresse qui étaient comme un rêve, mélancoliques et joyeuses et sans aucun remords.
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Ignoramus et ignorabimus
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Aimer le Soleil, la Terre et les êtres vivants; mépriser les richesses; donner à celui qui demande; tenir la civilisation des Blancs pour l'un de nos plus grands préjugés; marcher à grands pas dans la compagnie d'hommes incultes débordants de vigueur, dans le vent joyeux et dans la lumière, et se réjouir après le travail de sentir le sang qui circule sous la peau trempée de sueur; oublier la peur d'être moqué et dire vraiment ce que l'on pense, faire vraiment ce que l'on veut.
Telle était sa nouvelle vie.
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Plongée dans l'ambiance asiatique, songes et mensonges des personnages se mêlent aux animaux somptueux du Japon. Contes et histoires à méditer pour profiter sainement de la vie.
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X octobre
Violents maux d'estomac depuis le matin. J'avale quinze gouttes de laudanum. Rien fait pendant trois jours. Mon âme est vacante.

Jadis je fus un jeune homme brillant. C'est ce qu'il semble, car à cette époque tous mes amis appréciaient la magnificence de mon caractère et de ma conversation davantage que mes oeuvres. Mais on ne peut pas être éternellement et uniquement Ariel ou Puck. Le style, les idées de Virginibus Puerisque sont ce qui me dégoûte le plus à présent. Après avoir craché le sang à Hyères, j'ai senti que j'avais fait le tour de toutes ces choses. Je n'ai plus aucune espérance. Semblable à une grenouille écrasée. Je me glisse partout avec un désespoir tranquille. Exactement comme quand je vais à la mer, avec, à tout moment, l'assurance que je peux m'y noyer. Ce qui ne veut pas du tout dire que je me désintéresse de ce qui peut m'arriver. Au contraire, jusqu'à ma mort je garderai la joie. Il y a même dans ce désespoir assuré une sorte de félicité.
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