Citations de Nathalie Azoulai (283)
Il fête l'événement avec ses cousins, ses amis, propose même à Molière, qu'il rencontre enfin, de boire autre chose que du lait. Le vin qu'il verse dans son pot rougeoie comme le sang d'une fraternité nouvelle.
Uzès a du bon, écrit-il à ses amis, c'est une ville de passions. Quoi de plus favorable à l'écriture d'une tragédie ?
Grâce à Racine, elle en arrive à se passer de confidents.
Allez, arrête, ne touche pas à Racine. ..Tu t'y casseras les dents. Tes pauvres petites mains n'empoigneront jamais ce marbre. Racine ne t'appartient pas, Racine, c'est la France. Mais elle veut y toucher, y mettre les mains justement. C'est un défi plein de dépit. C'est un pari. Si elle comprend comment ce bourgeois de province a pu écrire des vers aussi poignants sur l'amour des femmes, alors elle comprendra pourquoi Titus l'a quittée.
Je raconterai tous les cahots de l'abandon, se dit Jean, celui qui ne peut s'admettre, invente, implore, puis qui s'admet et rugit, avant de plonger l'âme dans la mort, de couper tous les fils qui la reliaient encore, pour l'installer dans une immobilité parfaite, sans perspective, sans distinction entre le jour et la nuit, hier et demain.
Comme sa langue, l'espace se scinde aussi : d'un côté, il y a Dieu, l'abbaye, la nuit, et de l'autre , le roi, la poésie, la lumière.
Racine, c'est le supermarché du chagrin d'amour, lance- t- elle pour contrebalancer le sérieux que ses citations provoquent quand elle les jette dans la conversation
Pour l'heure, tout ce qu'il conclut de ce départ impromptu, c'est que Charles ne lui manquera pas, et que, dans sa vie, les personnes se suivent et se succèdent comme les degrés d'une échelle. N'est-ce pas d'ailleurs le cas de toutes les vies ?
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Il sait que dans son théâtre infusent désormais ses lectures, ses modèles, ses ambitions mais surtout de la chair, de la vraie chair humaine, blessée, comblée, impatiente.
Comment parler de la gloire sans être du côté des ambitieux et des vaniteux? Comment expliquer cette exaltation à l'idée qu'un jour, il ne soit plus seulement un homme mais un nom? Un nom vaste comme une nation. Comme Homére, comme Virgile.
La jalousie le pince, la chair n'aime pas partager.
Les frères Corneille l'obsèdent au point de penser que c'est pour cela qu'il a mis des frères au cœur de sa première pièce, parce qu'il rêve de fendre cette fratrie comme une pierre... Après tout, se dit-il, Sophocle a écrit contre Eschyle, Pascal contre Montaigne, les grands auteurs sont toujours pris dans des duels. Mais comme on ne s'attaque bien qu'à ce que l'on connaît, il fait comme on lui a appris, il dissèque l’œuvre de Corneille.
Si la lecture est une dissection, alors le commentaire ne peut être qu'une cicatrice.
...de toute écriture, ce qui compte, c'est la lecture qu'on en fait.
C 'est absurde, illogique, mais elle devine en Racine l'endroit où le masculin s'approche au plus près du féminin, rocher de Gibraltar entre les sexes.
Elle trouve toujours un vers qui épouse le contour de ses humeurs, la colère, la déréliction, la catatonie... Racine, c'est la supermarché du chagrin d'amour.
_Détrompez-vous, la vie n'est vraiment pas ce que l'on croît.
Jean aime cette maxime, simple et naturelle, presque candide. Elle lui paraît à la fois vague et précise, grossière et infaillible. p. 118
C'est parce qu'il y a la logique que la poésie est belle. p. 57
Il aime que les langues se parlent en sous-main, qu'elles tissent des dialogues impalpables, invisibles à l'oeil qui ne les traduit pas. p. 41
[...] de toute écriture, ce qui compte, c'est la lecture qu'on en fait. Jour après jour, il ouvre un peu plus le texte, le fouille, détache les phrases comme s'il les pelait. p.35