Citations de Nathalie Rheims (198)
Nous avions vu notre mère en dialyse pendant vingt-cinq ans. Ce n’était pas une illusion. Elle recevait chez elle, dans son lit, accrochée à sa machine. Comment l’oublier ? Comment ne pas imaginer que cela nous frapperait à notre tour ?
A quoi sert la mémoire ? A partir de quoi et pour aller où ? Glisser sur cette pente sans fin, vers la disparition de chacun; Dès l'instant où l'on voit le jour, on commence à mourir. Pourquoi se raconter une vie qui avance à reculons ?
(...) mes souvenirs deviennent des ombres chinoises même si, parfois, un instant apparaît dans le vide, un éclat du passé semblable à du verre, fragile et transparent.
"Je savais, depuis longtemps, par où cela devait commencer, mais j'ignorais quand viendrait le moment d'écrire ce chapitre de ma vie."
Je l'observai dans le miroir, je me voyais aussi le regarder, comme s'il s'éloignait dans la glace, le long d'une ligne de perspective imaginaire
Plus j'écoutais le texte, plus nos situations se croisaient, s’inversaient, devenaient symétriques. Phèdre se sentait coupable d’avoir été foudroyée d’amour par le jeune fils de son mari. Pierre était aussi un fruit défendu .Ma passion était la plus forte ; pour lui, j’aurais tout envoyé promener sans réfléchir une seconde. »
Je me retourne, cherche une position, pour alléger mon cœur. Ma main ne te trouve pas. Tends moi la tienne à travers les parois du néant.
Il n’est pas surprenant que les plus respectables aient voulu s’installer dans ce lieu, se rapprochant ainsi de leurs racines. Ce sont des savants désintéressés, qui ont le courage de poursuivre leur quête de la vérité, dans un monde livré à des marchands de mensonges et d’illusions.
Si nous mettons de côté la folie des hommes, sinistres intermédiaires d’un affrontement entre ces puissances, le divin, lui, se présente comme unique, exigeant, jaloux, et finissant toujours par triompher. Si nous sommes capables d’admettre que douze mages gouvernent les jours sous l’emprise des planètes, pourquoi refuserions-nous l’aide d’un seul, du Dieu souverain, du monarque absolu ?
C'était, soi-disant, pour ne pas bouleverser mes habitudes, pour que j'apprenne à connaître davantage mon père, qui n'était qu'un courant d'air, au point que je risquais de m'enrhumer à force de l'attendre....
La nuit, j'étais toujours aussi agitée, découvrant que le sentiment amoureux m'était familier car il ressemblait à de la douleur, mais au lieu de me faire penser à la mort, il provoquait une envie irrésistible envie de vivre (...) (p.71)
L'exemple de mes parents ne m'avait sans doute pas donné de repères suffisants dans mon paysage affectif. Les dernières années n'avaient rien changé, forgeant, à même ma chair, un tout autre territoire. Cela m'avait détournée des réalités superficielles, je ne me sentais armée que pour des combats à mort. (p.74-75)
« Aujourd’hui, c’est mon anniversaire. » Cette annonce un peu brutale le prit au dépourvu. Je vis, au mouvement de ses yeux, qu’il cherchait une posture, une expression qui ne trahirait pas son émotion. Le seul mot d’anniversaire, ma tenue provocatrice, tout le renvoyait à ce qui lui interdisait de me désirer, à ce qui l’empêchait même d’imaginer qu’il pourrait m’aimer. Ce fut la seule et unique phrase que je parvins à prononcer. J’aurais eu envie d’ajouter, pour détendre l’atmosphère : « Au secours, Phèdre, au secours ! » mais je trouvai que j’en avais assez dit comme ça et restai muette, attendant sa réplique. « Ah oui » fut sa réponse, puis, me regardant droit dans les yeux : — Et qu’est-ce qui te ferait plaisir, pour un si grand jour ? — Que vous m’embrassiez.
Sur la première image, on pouvait voir très distinctement le fantôme de Blanche flottant au-dessus d’Émile. Son visage était entouré d'un halo gris. Sur la seconde, la forme devenait floue, évanescente. Sur la troisième, son visage avait pris les traits de Sarah.
Nous réfléchissons à la manière dont les sujets réagissent aux différents tours de passe-passe, à ce que l'on croit voir, à ce que l'on pense deviner. Nous voulons comprendre les ressorts de l'illusion.
— Quel est votre signe ?
— Pardon ?
— Oui. Votre signe astrologique. Votre mois de naissance.
— Balance. C'est aujourd'hui mon anniversaire.
— Ah oui. Eh bien vous devriez lire votre horoscope.
Maya sourit et lut. « Balance. Premier décan. Côté cœur, le désert. Pensez à faire plus d'efforts pour séduire. Peut-être une rencontre lors d'un déplacement. Cela dépend de vous. Au travail, prudence. Ne tirez pas de conclusions hâtives. Agissez, croyez en vous. » Le chauffeur guettait ses réactions dans le rétroviseur. Elle croisa son regard. La jeune femme sourit : peut-être s'imaginait-il être la rencontre prédite par l'astrologue.
— Ça ne m'avance pas beaucoup. D'ailleurs il n'y a pas grand-chose qui avance, ce matin, lui dit-elle d'un air malicieux.
Il murmura :
— Aujourd'hui, c'est votre ascendant qui compte.
Maya se prêta à ce drôle de jeu, mais elle était mal à l'aise. Elle lut : « Taureau. Il vous reste douze jours. »
Impossible de tomber amoureuse, impensable de m'attacher à quelqu'un qui, comme elle, aurait pu m'abandonner.
J'avais moi aussi appris à envisager le pire, mais pas ce cataclysme qui m'avait enlevé ce que j'avais de plus cher.
Je butais sur cette question : pourquoi l'amour devait-il toujours mal finir, toujours être accompagné par son lot de souffrances et de trahisons ?
Ma solitude devenait chaque jour plus profonde. Je m'enfonçai davantage encore dans le silence, persuadée qu'exprimer ma tristesse ou mon indifférence risquait de changer l'aiguillage de ma vie.