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Critiques de Nathalie Sarraute (279)
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Ouvrez

Jouissif ! J’ai dévoré « Ouvrez » de Nathalie Sarraute, car le livre est bref, et parce que la vie qui est donnée à la langue, aux mots, est magistrale.

Ces « drames », tel que les définit l’auteur, rendent concrets « sous-conversations » et « tropismes » chers à l’écrivain, montrant à l’œuvre les pouvoirs du langage, avec les expressions fréquentes, voire toutes faites, qui disent des choses d’une mentalité, des rapports entre les générations, des différences de classe sociale,...

L’écriture uniquement dialoguée m’a fait penser au brio de l’écriture des sketchs de Raymond Devos, même si l’objectif premier ici n’est pas de faire rire. Certains propos scandalisés m’ont fait sourire et évoqué les dialogues remarquables de « la minute vieille » sur Arte. Comme si l’art de Nathalie Sarraute avait engendré d’autres pépites.

Mais c’est sans doute une oeuvre que certains peuvent juger désarçonnante, voire difficile car très littéraire, et le propos peut rester obscur à des lecteurs.
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C'est beau

Créée sur France Culture en 1972, la pièce sera jouée pour la première fois en 1975, dans une mise en scène de Claude Régy, dans la petite salle du théâtre Orsay et publiée la même année.



Une pièce à trois, dans un cadre familial avec trois protagonistes : Elle, Lui et Le fils. Une œuvre d'art indéfinie, que Lui trouve beau et veut faire dire à Elle qu'elle aussi. Mais la présence du fils empêche Elle de répéter « C'est beau ». Un conflit entre les deux homme s'exprime, le fils est renvoyé dans sa chambre. Elle et Lui discutent du problème, essaient de le cerner : qu'est-ce qui fait que dire « C'est beau » est impossible en présence du fils. Le retour du fils semble amorcer un compromis, il est prêt à dire « C'est chouette », mais un autre différent surgit aussitôt sur un sujet musical...



Alors évidemment il y a une multitude d'interprétations possibles. Le différent est-il de nature esthétique (tout le monde n'apprécie pas les mêmes créations) ou porte-t-il sur la manière d'exprimer son ressenti ? Le « C'est beau » qui confine au cliché est-il refusé uniquement à cause de cela ? Mais toute forme d'expression ne vire-t-elle pas au cliché à la longue ? Et comment faire la part d'une véritable émotion devant une œuvre d'art et la mise en scène sociale, du spectateur devant une œuvre d'art, en présence d'autres spectateurs, qui ont des attentes sur le comportement à avoir dans cette situation ? Ce que l'on aime ou pas, la manière dont on l'exprime, nous situe dans un groupe, nous identifie. Qu'est-ce qui est vraiment authentique et personnel dans le rapport que l'on a avec une œuvre d'art et qu'est ce qui relève de codes sociaux, d'une communication sociale ? Mais la pièce renvoie aussi sur la question du pouvoir qu'instaurent les échelles de valeurs esthétiques : qui décide de la valeur d'une œuvre, et qui peut donc déclasser un autre individu qui porte les « mauvais » jugements ?



Cela semble terriblement sérieux et abstrait, mais je suis absolument certaine que ce texte peut-être parfaitement désopilant sur une scène, il y a un vrai potentiel burlesque dans ces répliques, dans ces personnages si proches de ceux que l'on pourrait rencontrer avec leurs phrases toutes faites, mais avec un petit quelque chose de décalé, d'un peu absurde. Mais qui oserait le monter aujourd'hui....
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Théâtre

Isma



Toujours conçue pour la radio, comme les deux précédentes pièces de Nathalie Sarraute, Isma est créée en 1970, à la fois en allemand à la Süddeutscher Rundfunk, et en français, dans le cadre des Ateliers de création radiophoniques de France Culture. Elle est publiée la même année chez Gallimard. Elle sera mise en scène en 1973 par Claude Régy à l’Espace Pierre-Cardin. Elle semble encore moins jouée que les autres œuvres dramatiques de Sarraute : une seule série de représentations notables, à Bruxelles en 1976.



Comme d’habitude, des interlocuteurs anonymes s’affrontent. Ici, Lui et Elle, opposés à un groupe de 3 H (Hommes) et 3 F ( Femmes). Au début de la pièce, un conflit émerge : H1 ne veut pas de dénigrement d’un couple absent, les Dubuit (les seuls à avoir un nom). Lui s’en prend assez violemment à H1, dans un premier temps le groupe suit H1 et ne veut pas consentir au jeu de massacre proposé par Lui et Elle. Mais le couple retourne le groupe et H1 s’en va. Le groupe va essayer de donner corps à l’antipathie de Lui et Elle envers les Dubuit en suggérant des choses qui pourraient ne pas aller chez eux, en allant parfois jusqu’à des accusations très graves, sans grand fondement. Mais le couple n’est pas satisfait : cela ne correspond pas à leur ressenti, ce qui les agace vraiment chez les Dubuit, c’est une transformation d’un certain nombre de vocable de isma. Par exemple au lieu de dire capitalisme, ce serait capitalisma, ou structuralisma etc. Cela provoque une impression indicible mais très désagréable chez Elle et Lui. Le problème semble insoluble, car il est impossible de reprocher cela à des gens sans passer pour un maniaque. Le groupe essaie de saisir cette problématique, qui comme conclut H3 est « ce qui s’appelle rien ».



A partir en effet de rien, d’un petit défaut de prononciation ou maniérisme, Sarraute s’attache à décrire le comportement d’un groupe. A quel point, une sorte de solidarité s’installe, qui permet de déchirer, de s’acharner sur des personnes, dans une manière de tribunal populaire qui a décidé qu’une condamnation doit être prononcée. Mais on oscille en permanence entre l’effroi et le rire, parce que la raison à partir de laquelle on s’apprête à condamner est tellement absurde, que le rire peut surgir. Rien n’interdit d'ailleurs de penser que Lui et Elle se livrent à une farce, même si on peut donner d’autres interprétations. La manière dont un groupe s’agrège en meute est montrée de manière impressionnante : c’est un peu comme un archétype de situations où des individus, acceptent sans les questionner les normes, aussi délirantes soit elles, pour faire partie du groupe. La situation qu’a choisie Sarraute, est une forme d’abstraction, qui peut s’appliquer à tout type de situations, de groupes.



C’est encore une fois remarquable d’intelligence, d’une très grande force, à partir d’un matériel qui peut sembler au départ minuscule, et qui contient en germe l’essence la plus indicible des êtres.
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Le Silence

C'est la première pièce écrite par Nathalie Sarraute, à la demande insistante de Werner Spies travaillant pour une radio de Stuttgart. La pièce sera créée en traduction allemande sur les ondes de cette radio en avril 1964 ; cette version sera reprise par diverses radios allemandes et européennes en général. En parallèle, le texte paraît en février 1964 au Mercure de France. La première création sur scène, dans la mise en scène de Jean-Louis Barrault, a lieu en 1967. La pièce est créée à l'occasion de l'inauguration de la petite salle de l'Odéon ; dans la même représentation figure Le mensonge, une autre pièce courte de Sarraute. Une autre mise en scène mémorable est celle de Jacques Lassalle, pour l'inauguration du Vieux-Colombier, devenu la deuxième salle de la Comédie Française. Certains ont reproché à cette mise en scène de trop tirer la pièce vers le comique, mais Sarraute n'y voyait pas d'inconvénients, et semblait même, d'après ses déclaration, préférer cette mise en scène.



La pièce comporte 6 protagonistes : 3 hommes et 3 femmes. Ils sont désignés comme H1, F1 etc. Une notable exception, le troisième homme, Jean-Pierre, le seul qui s'affiche sous son prénom. H1 raconte ses vacances, et il en vient à une sorte de cliché sur des ravissantes maisons en bois avec des auvents. Il en vient à douter de l'intérêt de ce qu'il raconte, malgré les encouragements de autres personnages. Enfin, de certains, parce que Jean-Pierre se tait. Et ce silence semble provoquer un malaise, le doute. Tout le monde se met à interpréter le silence en question : timidité, mépris etc. Chacun projette ses doutes, ses angoisses. Le silence de Jean-Pierre semble faire dérailler la machine social, obliger les personnages à s'interroger sur le sens des échanges banals, sans doute un peu creux, du discours qu'ils tiennent. Mais il suffit de quelques mots, aussi insignifiants soient-ils de Jean-Pierre, pour que la machine reparte, et que le doute disparaisse.



C'est à la fois très réaliste, dans ce récit de souvenirs touristiques un peu préfabriqués, et irréel, par le déraillement qui intervient tout d'un coup, sans raison, juste le silence d'un personnage qui vide d'une certaine manière de sens un échange social banal, ou plutôt qui fait apparaître son inanité. Une sorte de déchirure dans la trame du quotidien se produit, qui permet d'entrapercevoir un grand vide derrière le rideau. Qu'il faut cacher le plus vite, en faisant rentrer les choses dans l'ordre.



J'adorerais le voir sur scène, je pense vraiment qu'on peut le jouer de manières très différentes, entre un comique débridé, et quelque chose qui pourrait être tout simplement angoissant.

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Enfance

Paru en 1983 chez Gallimard, c'est sans doute le texte de Sarraute qui a le plus séduit critiques et lecteurs, même si certains y voient le signe que Sarraute rentre dans le rang, devient une auteure comme les autres, renonce à son exigence d'une écriture qui cherche de nouvelles formes, et qui refuse les conventions, l'inauthentique, le cliché.



Mais pour Sarraute, malgré ses spécificités, ce livre est dans le droit fil de ses œuvres précédentes. « Ce n'est pas une autobiographie » dit-elle, car « ce n'est pas un rapport sur ma vie », « J'ai sélectionné, comme pour tous mes autres livres, des instants dont je pourrais retrouver la sensation. Cette fois, j'ai dit qu'il s'agissait de moi, non pas d'il ou d'elle ». Les souvenirs qu'elle évoque sont des sortes de tropismes en somme, peut-être des archétypes des tropismes. Ces souvenirs ne sont pas racontés pour le charme de l'anecdote, mais ils sont la base d'un travail d'approfondissement de l'expérience psychique de l'enfant. D'où le côté fragmentaire du récit : l'auteure a choisi des moments, des sensations essentiels, signifiants, que la mémoire a retenus, parce qu'ils avaient un sens et une force particulière et qu'au-delà de ce qu'ils nous racontent sur l'enfance de Nathalie Sarraute, ils mettent en évidence un fonctionnement plus général.



Une autre originalité de la forme de ce récit, est le dédoublement de l'auteure : un narrateur à proprement parlé, puis quelqu'un qui le questionne, qui le met en cause, qui doute de la véridicité de certains souvenirs, qui interroge la façon d'arranger le réel, de construire un mythe. Cette deuxième voix n'appartient pas moins à l'auteure que la voix qui raconte, qui se souvient. C'est dans l'échange entre ces deux composantes de l'écrivain qui se construit le discours.



Nous suivons ainsi, dans un ordre à peu près chronologique, quelques uns des souvenirs les plus essentiels de Nathalie Sarraute. Une enfance partagée entre la Russie et la France, jusqu'à un abandon qui ne disait pas son nom de sa mère, qui n'est pas allée la reprendre chez son père, dont elle était séparée, à Paris. Les relations difficiles avec sa belle-mère, l'investissement scolaire exacerbé etc. Une enfance compliquée, qui aurait pu donner lieu à un torrent de sentiments, à un pathos de tous les instants. Evidemment le récit est tout sauf ça, il y a des instants captés, décrits de la façon la plus neutre, la plus objective possible, le questionnement du souvenir. Mais ces instants sont des moments vraiment forts, et résument tellement de choses intenses à chaque fois, que le lecteur, peut y mettre ses propres sentiments, ses propres souvenirs, être touché et ému, se projeter parce que cela renvoie à quelque chose son propre vécu, justement parce que l'auteure n'y met pas sa propre sensibilité, mais laisse la place à celui qui la lit. Sarraute essaie et arrive, à partir de son propre expérience singulière, à dire quelque chose de n'importe quelle enfance, et la mise à distance qu'elle pratique, au lieu de détruire l'émotion, la suscite, en même temps qu'elle permet une réflexion et un questionnement personnel du lecteur, sur ses propres souvenirs.



Bouleversant et essentiel.
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Tropismes

Dans les années cinquante, nombre de français ont été soumis à d'étranges expérimentations littéraires, toutes ayant pour objectif d'éprouver leur résilience à diverses contraintes telles que l'absence de sujet, de personnages ou la disparition de la ponctuation. Toutes ces expériences ont été regroupées sous l'appellation commune de « nouveau roman ». Elles se sont déroulées sur une dizaine d'années avant de disparaître mystérieusement. Personne n'est à ce jour capable d'expliquer le but qui était recherché ni pourquoi ces expériences ont été réalisées. Certaines théories évoquent la possibilité qu'il puisse s'agir d'une action de déstabilisation d'ampleur, réalisée par des groupes terroristes, des pays ennemis, voire par des puissances extra-terrestres. Cependant, aucune revendication ou preuve de ces affirmations n'a jamais été produite par quiconque. La communauté littéraire mondiale reste encore à ce jour avec cette interrogation : « mais enfin, c'était quoi, le nouveau roman ? »
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Tropismes

C'est en 1932 que l'auteure a écrit le premier des 18 textes qui feront partie de la première édition de Tropismes parue en 1939 aux éditions Denoël. Il faudra cinq ans à Sarraute pour rédiger ces 18 brefs textes (« On ne peut pas imaginer la lenteur de ce travail » écrira-t-elle), et ensuite deux ans pour être éditée, allant de refus en refus, tant son œuvre est atypique. Elle écrira entre 1939 et 1941 six nouveaux textes qui prendront place dans la nouvelle édition de l'ouvrage entreprise à la demande d'Alain Robbe-Grillet aux Editions de Minuit en 1957, un des textes de la première version a été en revanche supprimé, c'est cette édition que est considérée comme définitive et éditée en l'état actuellement. Cette genèse extrêmement longue montre l'importance de ce texte pour l'auteure : « Au fond, je n'aurai vécu que pour une idée fixe » déclare-t-elle à la fin de sa vie, tous ses textes poursuivant au fond la traque de ces tropismes.



Emprunté au vocabulaire de la biologie, la notion de tropisme est essentielle dans l'oeuvre de Sarraute. Elle traduit la démarche de l'ateure qui s'attache à saisir des manifestations infimes du moi, à transformer en langage les vibrations, les tremblements du « ressenti », les mouvements intérieurs produits sous l'effet d'une sollicitation extérieure, « des mouvements ténus, qui glissent très rapidement au seuil de notre conscience » et se déroulent comme de véritables « actions dramatiques intérieures ». Il s'agit de saisir le plus authentique, le plus véritable, l'essence des êtres, au-delà de l'anecdotique, d'un narratif convenu, les éléments originaires, les mécanismes de la conscience antérieurs à l'expression. Cela nécessite d'un travail particulier sur la langue, sur l'expression, sur la ponctuation. Chaque mot doit être signifiant et juste.



Tout cela peut sembler théorique, abstrait, froid, alors que c'est tout le contraire. Je ne sais trop comment traduire le plaisir euphorique et intense que ces textes m'ont procuré. La justesse des mots, le rythme des phrases, la densité des contenus : ces textes sont essentiels, rien n'est gratuit, rien n'est du remplissage, tout est là parce que cela signifie, capte quelque chose de fondamental, qui gît au fond de chacun d'entre nous. C'est comme une sorte de vibration à l'unisson de notre moi le plus profond.



Une des expériences les plus fortes que la littérature m'ait donnée.
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Enfance

Des souvenirs d’enfance, celle de Nathalie Sarraute. J’ai ressenti ses sentiments. J’ai dû lire cette autobiographie d’une traite.

Extraordinaire. Un de mes livres de chevet.

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L'Ere du soupçon

C’est Stendhal qui a dit que “le génie du soupçon est venu au monde” et c’est Nathalie Sarraute, partisane farouche du nouveau roman qui fait sienne cette notion, en l’adaptant dans sa prise de démolition et de déconstruction du roman traditionnel. Dans cet essai théorique, publié en 1956, Sarraute appelle à un “soulèvement” contre le roman classique dont le modèle le plus illustratif est le roman balzacien ; ce type de roman d’après Sarraute, s’attache plus aux formes qu’à la réalité. Aussi importants que sont les éléments constitutifs du roman traditionnel, ils sont incapables de rendre à la réalité son vrai visage, sa vraie dimension.



L’intrigue, les descriptions, les dialogues, les personnes et leurs caractères… Tous ces éléments du roman classique ne sont que pur formalisme. Pour Sarraute, la réalité est ailleurs. Et cet “ailleurs” ce sont “les tropismes”. Les tropismes, pour elles, sont à la source secrète de notre existence, elle les définit comme des “mouvements indéfinissables qui glissent très rapidement aux limites de notre conscience ; ils sont à l’origine de nos gestes de nos paroles, des sentiments que nous manifestons, que nous croyons éprouver”, tout auteur qui veut rendre son roman plus réaliste doit mettre à jour ces tropismes. “L’ère de soupçon” est, en quelque sorte, la synthèse de toutes les idées de Nathalie Sarraute sur le nouveau roman, idées qu’elle a d’ailleurs admirablement appliqués dans toutes ses œuvres.
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Tropismes

Modernité de ce petit livre saisissant tout ce qui n'est pas verbal dans la communication, même et surtout quand elle se présente comme une insipide conversation. Écriture en cela théâtrale, suite de scènes quotidiennes et intemporelles.



Curiosité de ces courts récits donnant également en 1957 une représentation minutieuse et datée des années 40 ou 50, anticipant de huit années les Choses de Perec, dans leur intérêt pour ce que montrent et cachent aussi les objets de notre vie.
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Enfance

Je viens juste de terminer " Enfance"..... J ' ai été sceptique sur l' intérêt de cet livre un long moment.Les anecdotes me semblaient parfois vraiment d'un intérêt minime ( mais, à d' autres moments, j' y retrouvais ces perceptions indicibles de la petite enfance..). Finalement, je me suis laissée prendre au charme de ce récit et à la dualité de la composition mettant en parallèle l ' auteur et son double. Je suis contente d' avoir lu ce livre, même si je ne lirai sans doute pas les autres livres de Sarraute, prêtresse du Nouveau Roman ,parce que c' est un genre que je ne prise pas trop...Je me suis également renseignée sur la biographie de l ' auteur , son enfance mi française- mi russe et la suite de sa vie.Tout cela était très intéressant.Donc, en résumé, satisfaite de ma lecture !.
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Enfance

Écrire ses souvenirs d'enfance à 83 ans. Nathalie Sarraute a consacré toute sa vie d'écrivaine à ce qui s'échappe, ne ressemble à rien et dont personne ne parle, ce qui se dérobe aux mots, ces mouvements sensibles et indéfinissables, à la limite de la perception, : "J'écris pour essayer de rendre compte de quelque chose qui m'échappe" fut son leitmotiv. Et là, elle voudrait mettre des mots sur des traces d'enfance, quelque chose de fixé, qui ne tremble pas ? Non-non, rétorque-t-elle à cette voix intérieure contradictoire, "...c'est encore tout vacillant [...] il me semble que ça palpite faiblement... hors des mots... comme toujours... des petits bouts de quelque chose d'encore vivant... je voudrais, avant qu'ils disparaissent...".







Quelques pages plus loin, apparaît un paysage de Russie, avec de la neige, éclaircie émergeant d'une brume d'argent : "Ah, tu vois..." fait la conscience, pointant l'image immuable. La voix du cœur répond : "Oui... mais [...] j'ai envie de la palper, de la caresser, de la parcourir avec des mots, mais pas trop fort, j'ai si peur de l'abîmer...". C'est donc un livre d'émotions. Faire remonter le souvenir, comme l'autofocus de l'objectif photo sonde le flou pour donner une image lisible, puis la choyer, l'effleurer d'une interrogation, la préserver avec les mots qu'elle peut.





Partagée entre des parents divorcés deux ans après sa naissance (en 1900 à Moscou), Natacha Tcherniak raconte avec sincérité ses onze premières années. Une prose sobre où, au fil des réminiscences, s'élèvent deux voix, dialogue de l'enfant et de la narratrice, pour freiner ou approfondir les interprétations avec grande finesse : "... une écriture exigeante, jamais assez exempte d'afféteries, toujours plus poreuse à la sensation de l'instant." ("Quinzaines", Rainier Rocchi)





Des mots coupables, disions-nous dans "C'est beau", il y a semblablement dans "Enfance" des mots prisons : "Quel malheur quand même de ne pas avoir de mère", lui dit une gouvernante. Ce mot «malheur» enferme la petite Nathalie, recroquevillée sur son lit. "Je ne resterai pas dans ça, où cette femme m'a enfermée... [...] combien de fois depuis ne me suis-je pas évadée terrifiée hors des mots qui s'abattent sur vous et vous enferment."



Même le mot «bonheur» : "Non, pas ça, pas un de ces mots, ils me font peur, je préfère me passer d'eux [...] ...rien ici, chez moi, n'est pour eux."



Sarraute enfant manifesta tôt une attitude critique à l'égard du langage, explique Laure Himy-Piéri.





Une très belle section est consacrée aux «idées» de Natacha. Ces réflexions qui lui viennent et qu'il est gênant de révéler à sa mère : "La poupée [vue dans une vitrine] est plus belle que maman", "Maman a la peau d'un singe" en voyant le décolleté et les bras nus bronzés. C'est douloureux, elle dit «J'ai mes idées» comme on dit «j'ai la migraine». La phrase, l'idée encombre, il faut la dire et maman la balaiera, d'un mot l'en délivrera. Mais ce ne sera jamais la réponse attendue d'une mère avare d'effusions.





"Enfance" est un projet autobiographique au "je" dédoublé qui ne vise pas à dégager quelque cause psychologique. Ce sont moins les souvenirs qui comptent que la sensation qui subsiste, "... essayer de m'enfoncer, d'atteindre, d'accrocher, de dégager ce qui est resté là, enfoui".





Simple et attachant, intelligent.
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Enfance

J'ai decouvert Nathalie Sarraute avec cet ouvrage. Et c'est peu dire que je ne suis pas à première vue le "lecteur cible".



Je me suis pourtant laissé bercer par l'histoire de cette enfant, laissée par sa mère restée en Russie à son père qui vit à Paris, avec sa nouvelle compagne Vera.



Bien que l'histoire soit assez banale , le charme opère grâce à la douceur de l'écriture et au côté vaporeux, évanescent qui s'en dégage. La forme joue un rôle important, avec ce recours quasi systématique aux points de suspension en fin de phrases.



J'ai également aimé ces dialogues entre la petite Nathalie et cet autre personnage : petite voix, amie imaginaire ?



Quelle qu'elle soit, elle oriente la narratrice, l'aide à se souvenir, à préciser ses émotions, voire parfois à lui indiquer qu'elle n'a pas pu ressentir à l'époque ce qu'elle croit avoir ressenti.



Au-delà de la relation complexe, mais assez classique, avec sa belle-mère, on retiendra sa soif d'apprendre, son amour de l'école et des mots.



Une courte parenthèse avant de reprendre des lectures plus "consistantes". Si le charme opère sur 200 pages, il en aurait été autrement si le livre avait été plus long.
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Enfance

Voilà une autobiographie bien originale! Nathalie Sarraute, âgée de 83 ans, revient sur les 11 premières années de sa vie, faisant dialoguer deux parties d'elle-même : l’une porte le récit et l’autre critique simultanément la forme et le fond de cette autobiographie en train de se construire. Cette période est déchirée entre ses parents, divorcés, et entre la Russie (Ivanovo) et la France (Paris).



Dans une démarche toute auto-analytique qui caractérise l’ensemble de son œuvre romanesque, l’auteur explore les tropismes de son enfance, c’est-à-dire les impressions, sensations, ressentis qui sont restés sans mot et qui cherchent à se dire dans cette œuvre. Evidemment, Nathalie Sarraute entre en contact avec des scènes, des paroles, des vécus infantiles avec ses parents, qu’elle déplie pour mieux les saisir dans l’après-coup de l’âge adulte.



J’ai lu cette œuvre juste après “Une Femme” et “La Place” d’Annie Ernaux qui y cherche sa mère et son père. J’ai été touché par la sincérité et la justesse des quêtes de ces deux femmes, qui ont nécessité une certaine rigueur pour se tenir à distance de tout embellissement ou noircissement. “Enfance” peut paraître par moment aride et confus, mais c’est bien dans ce travail ardu qu’on touche à sa vérité singulière.



Gaultier
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C'est beau

On dirait qu'une paroi tout d'un coup s'est ouverte.

Par la fente quelque chose s'est engouffré,

venu d'ailleurs… (Nathalie Sarraute)

_____________________________________________



"Lui : C'est beau, tu ne trouves pas ?

Elle, hésitante : Oui..."



C'est précisément là, entre ces deux répliques, que se glisse le tropisme. Il va déterminer la suite des dialogues entre les parents et leur fils : troubles, questionnements et désarrois. La mère et le père sont embarrassés de dire "C'est beau" devant leur fils. Ça ne passe pas.



Ce n'est pas l'oeuvre d'art désignée par ces mots qui compte – d'ailleurs on ne saura jamais de quoi il s'agit vraiment – mais la confusion éprouvée par des êtres si proches qui ne peuvent pas tout partager, certainement pas leurs goûts artistiques. "Et doivent nécessairement se meurtrir les uns les autres pour se construire en tant qu'individu", commente Arnaud Rykner dans la préface.



En disant c'est beau ou pas, en l'approuvant, on se désigne comme appartenant à tel groupe, tel clan, telle tribu : jeunes ou vieux, etc. On est juste après 1968 : conflit de générations ? C'est plus que cela. On retrouve la Sarraute qui glisse l'incapacité à dire le monde avec les mots, "parce qu'ils figent la sensation qu'ils prétendent désigner" (A. Rykner). On ne peut, on ne doit rien dire de telle merveille, non, surtout pas avec les paroles ordinaires. "C'est beau" est si banal, ne rend rien, pas plus que le "c'est chouette" du fils.





Difficile d'imaginer que ces dialogues duraient une heure et demie en scène (1975, théâtre d'Orsay) : "À peine une demie heure de texte si l'interprétation ne tenait compte, et ne devait tenir compte, de la partition invisible qu'a su lire, transcrire et exécuter en grand maître Claude Régy." (Dominique Jamet, "L'Aurore").



La version radiophonique de ce texte subtil est disponible sur France-Culture (J.P. Colas, 1972, diffusion avant la création au théâtre).



[Des sciences naturelles, "tropisme" est passé dans l'usage littéraire en parlant d'une force obscure, inconsciente qui pousse à agir d'une certaine façon (1914, André Gide). Nathalie Sarraute utilise le terme "tropisme" pour décrire un sentiment fugace, bref, intense mais inexpliqué.]
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Au bonheur de lire : Les plaisirs de la lec..

Entre 4 et 15 pages (Proust, bien sûr !), des extraits de romans illustrent un moment de lecture ou ce que la littérature représente pour les écrivain.es ou leurs personnages.

Je me suis essayé à leur associer un mot et un seul, après ma lecture :

Flaubert : évasion, Proust : gourmandise, Rousseau : conscience, Sarraute : identification, Sartre : destinée, Calaferte : espoir, Laurens : contrôle, Schlink : sensualité, Stendhal : différence, Zola : émerveillement, Bradbury : trésor, Sijie : pouvoir, Huysmans : bijou, Montaigne : vérité, Pennac : intimité.

Il y en aurait bien d'autres, sans aucun doute, et notamment dans d'autres œuvres…

voir plus sur anne.vacquant.free.fr/av/
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Enfance

Bon sang, que je déteste le nouveau roman, bon sang, que c'est mal écrit et bon sang, que c'est inintéressant !
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Enfance

Dans cette autobiographie ,la romancière prend ses distances avec le forme canonique de ce récit de vie. D’abord , elle n’évoque que la période allant jusqu’à son entrée au lycée, ensuite elle refuse la continuité du récit :chaque chapitre correspond à un « flash » de sa mémoire . Enfin elle adopte un dispositif très original en faisant dialoguer 2 narratrices dont l’une est chargée de critiquer l’autre et de réprimer les approximations ou ses élans trop littéraires . Peut être aussi faut-il y voir un reflet de la jeune Natacha déchirée entre Père et mère , entre France et Russie. Un des thèmes forts est le rapport à la langue , aux mots , à l’écriture et au livre. L’ensemble est assez froid , me semble-t-il , très « intellectuel » , mais intéressant.
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Le Planétarium

Simple
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Elle est là

Cinquième pièce de l'auteur, la première qu'elle dit avoir écrit vraiment pour le théâtre, c'est pourtant à la radio de Cologne qu'elle est créée en 1978. La création théâtrale en français eut lieu en 1980 dans la mise en scène de Claude Régy.



Le personnage principal, H. 2, est très perturbé par l'attitude de F., son assistante. Cette dernière a semblé par son silence réservé, mettre en cause l'exposition d'une opinion que H. 2 pensait d'un bon sens incontestable. Il n'arrive pas à chasser cette pensée de son esprit pendant une conversation avec H. 1. F. lui paraît avoir une idée en tête, différente de la sienne, et qui remet en cause cette dernière. H. 1 se retire, il est remplacé par H. 3 qui va essayer d'apporter son soutien à H. 2 pour faire abdiquer F. et chasser son idée. Mais F. résiste, et son idée, dont on ne saura rien, semble menacer tout le monde de H. 2 d'effondrement. F. finit par rendre les armes : mais le fait-elle vraiment, où joue-t-elle un jeu pour être tranquille ? Et l'idée qu'elle avait en tête, n'a-t-elle pas sa propre vie ailleurs ?



Une pièce que j'ai trouvée assez vertigineuse. La difficulté extrême à supporter la différence de l'autre, la menace que cela représente, la vie autonome des idées, qui se répandent, comme une maladie. L'impossibilité du contrôle aussi, l'autre est imprévisible et peut toujours échapper d'une façon ou d'une autre, même s'il semble se résigner. Un geste, une expression du visage, ont des sens qui peuvent ouvrir des perspectives sans fin.



Cela n'empêche pas la pièce d'être drôle pas moments, en particulier par des jeux d'interaction avec le spectateur (lecteur?). Une belle réussite.
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