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Critiques de Olga Slavnikova (11)
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La locomotive des sœurs Tcherepanov

Je poursuis ma découverte des auteurs russes contemporains, parmi lesquels se trouvent des écrivaines de grand talent comme Marina Stepnova, Irina Bogatyreva,

auxquelles j’ajouterais avec ce présent livre Olga Slavnikova, née en 1957, originaire d’Ekaterinbourg. Dans ce livre qui recèle dix histoires, elle nous embarque dans différents trains, métaphores de la Russie contemporaine.

Dés la première nouvelle nous voici à Moscou à la gare de Kazan, à bord du « Russie », « rapide comme une balle de revolver », prêt à partir dans une demi-heure pour son premier voyage Moscou-Irkoutsk. Vu la vitesse du bolide au pilotage automatique, un des protagonistes se demande « comment un ordinateur aurait-il pu contrôler les mouvements imprévisibles de tous les objets terrestres pour lesquels la trajectoire du train n’était qu’un simple chemin de fer qui faisait depuis longtemps partie du paysage ? », effectivement......,

Dans la seconde, nous embarquons en compagnie de Victor Padérine le 8 mars avec trois dames à bord d’un train en partance pour Moscou. Alors que les dames font la java dans le compartiment, fêtant « Leur Jour », notre bonhomme juché sur son lit du haut, pleure son destin de mâle et d’apparatchik raté. Mais....l’odeur de chocolat émanant du sieur ( explication dans le texte) va corser les choses....,

Dans la troisième, on évitera d’être à bord, car ce train transportant une matière illicite et dans ce cas précis, toxique, vient de dérailler. La suite probable ou improbable, vous pouvez vous en douter.....Secrets d’Etats et autres bazars pour cacher l’innommable, avec une fin surprise déroutante.....

Slavnikova enchaine avec,

Un mec qui à bord du wagon-lit qui roule vers Moscou a la surprise d’ouïr l’histoire de sa propre vie , «  Le Bouledogue et la Chatte », un livre d’enfant écrit par son ex et lu par une jeune femme à son mioche, ses compagnons de voyage,

Des apparatchiks qui ne savent que faire de leur argent,

«  Le zigoto » des sœurs Tcherepanov, une “distillerie ambulante“ stupéfiante,......



Bref dix nouvelles plus originales les unes que les autres, foisonnantes de portraits et faits aux descriptions burlesques et surréalistes («  Lisa avait un mari du nom de Frolov. Qui rappelait à Sitnikov l’image d’un oiseau de mer mazouté / une petite vieille énergique pareille à une commode recouverte d’une housse de soie à volants»), où le fantastique s’immisce dans la réalité tout naturellement, comme la pièce manquante du puzzle. Une première rencontre avec une écrivaine à l’humour et style très particuliers, fortement caustiques, dans la Russie de Poutine, un pays encore et toujours ancré dans l’alcool, la misère et la corruption.

Un livre drôle, intelligent et intéressant !



« Savez-vous pourquoi Dieu protège la Russie ? ......Parce qu’à part Dieu, la Russie n’a vraiment personne pour la protéger. »

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La tête légère

"De temps en temps, les liens de cause à effet entrent dans une période végétative. Surgissent alors des individus que nous appelons « Objets Alpha ». Aussi surprenant que cela paraisse, c’est d’eux que dépend le cours de nombreux, de très nombreux événements. Et pardonnez-nous de vous l’apprendre, Maxime Térentiévitch, mais vous êtes l’un de ces objets-là." Voilà, le livre débute par un offre de l'Etat à notre héros Maxime T. Ermakov de se tirer une balle dans la tête pour la simple raison qu'il est un objet Alpha, et vivant, il sera et va être la cause d’évènements tragiques.

Bien que refusant ce raisonnement délirant, mais ayant quand même conscience d'être doté d'un pouvoir indéniable, notre homme, à la pensée de la mince membrane entre la vie et la mort, se débarrasse de tout scrupules, règle ses neurones à sensibilité zéro, pour s'adonner à des occupations purement matérielles. Mais les choses vont se corser, devenant l'ennemi public numéro 1, sa résistance va être mise à rude épreuve, la nôtre aussi......



Dans cette image sombre de la Russie post-soviétique, utilisant l'absurde Slavnikova nous infiltre dans la machine étatique et les recoins de la société russe. La liberté de l’individu y compte pour des prunes, et l'Etat peut décider de faire porter le chapeau de n'importe quel désastre ou malheur, à qui bon lui semble, surtout à notre époque où avec internet embobiner les masses avec les « fake news  » est plus facile que tromper un enfant. Ici, c’est encore plus subtil. Le Mensonge est diffusé sous forme d’un jeu vidéo qui s’appelle La Tête légère, le nom du personnage principal, qui n'est autre que notre Maxime Térentiévitch. Un support idéal pour encourager les gens à confondre jeu et réalité.



Satire féroce de l'Etat et de la société russe, qui tombe facilement dans ses pièges et où toute notion de liberté, responsabilité, innocence, justice, respect de la vie privée, tout mais tout y est viscéralement touché, violé.

Critique acerbe d'un pays qui échappé à la grande farce que fût le communisme avec ses illusions bidons tel le stakhanovisme (relaté ici à travers le fantôme de pépé Valéra, grand-père de " Tête légère "), tombe dans un "capitalisme sauvage", où celui qui attrape sa chance vole, pille et acquiert des fortunes en peu de temps, et ceux qui l'ont ratée traînent dans la misère, entre les deux des gens qui végètent, biberonnés à l'alcool.

Satire féroce à portée universelle de notre époque où ceux au pouvoir en général, sont prêt à tout pour pouvoir y rester, mentent comme ils respirent et les masses ignorantes y croivent et suivent comme des moutons ("Liberté, liberté ! Il n’y a pas de liberté sans pensée indépendante, sans la capacité de réfléchir par soi-même !")



Un texte brillant d'intelligence avec une fin surprenante, illuminé par une écriture puissante, une langue pétillante d’un humour féroce qui subjugue, grâce à une superbe traduction !

Attention les féministes, la Slavnikova n'est pas tendre avec les femmes ! ....ni avec les hommes.





"Nous vivons une époque où plus rien n’a de sens, ni l’amour, ni la richesse, ni la dignité, ni le patriotisme ".
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La locomotive des sœurs Tcherepanov

C'est en 2008 que la lauréate du Prix Booker russe de 2 ans auparavant - pour son oeuvre "2017" - publie ce recueil de nouvelles pour lequel elle recevra le Prix Iouri Kazakov du "meilleur nouvelliste de l'année" et 3.000 dollars.



Olga Slavnikova est née en 1957 dans la 4e ville du pays (après Moscou, Saint-Pétersbourg et Novossibirsk), au temps où cette ville de Sibérie occidentale avait été rebaptisée d'Iekaterinbourg à Sverdlovsk. C'est là que furent exécutés, 4 décennies avant sa naissance, le dernier tsar et les membres de sa famille impériale.



Elle a commencé à écrire très jeune, mais son premier livre n'est publié qu'en 1997, lorsqu'elle avait 40 ans. Avec son 3e roman, 4 ans plus tard, "L'immortel : Histoire d'un homme véritable", il y a eu la controverse de plagiat avec le régisseur allemand, Wolfgang Becker, du film à succès et César "Good Bye, Lénine" de 2003 avec David Brühl. Les similitudes sont effectivement frappantes, mais de là à conclure au plagiat est évidemment une autre paire de manches.

Olga Slavnikova est mariée et vit à Moscou et a 3 enfants.



Le recueil compte 10 nouvelles et 271 pages. Ce sont des nouvelles qui varient en longueur entre 15 et 32 pages.



La première nouvelle nous fait monter, à Moscou, dans le train pour Irkoutsk, en Sibérie. Mais attention il ne s'agit pas de n'importe quel train, mais d'un train à réaction, très modestement baptisé "Russie" , et qui doit couvrir les 5.192 kilomètres en 6 heures vingt, soit réaliser 824 km/h. Peu évident, si l'on considère le record mondial actuel à "seulement" 603 km/h (le Maglev expérimental japonais à sustentation magnétique).

À bord pour ce "maiden trip" (1er voyage) : des politiques, leurs gardes de corps et quelques journalistes spécialisés triés sur le volet, sans oublier le personnel ferroviaire bien sûr.

Est-ce que le rapide "Russie" réalisera cette prouesse et qu'en est-il pour ses passagers ?



La seconde nouvelle est située un 8 mars, Journée internationale des droits des femmes, une occasion qu'aucune dame ou jeune fille russe ne manquera de célébrer. À son grand étonnement, le pauvre Victor Padérine se trouve seul dans un compartiment de train avec 3 femmes qui ont décidé de fêter copieusement cette journée.

Le problème veut que sa chapka en fourrure sente le chocolat. Et, hélas, pour le pauvre Victor pas un petit peu. Ni l'odeur des cigarettes ni la laque à cheveux ne peuvent "vaincre les effluves chocolatières" de la chapka. Il comprend que ses joyeuses covoyageuses s'attendent à ce qu'il leur offre du chocolat, mais il n'en a pas.... du moins, il le pense.



Un train de marchandises, "au lieu de prendre tranquillement un virage, s'était soudain cabré pour jaillir hors des rails tel un accordéon ivre". À première vue, même pas la peine d'en publier un entrefilet minuscule à la page 16 de la "Pravda" (= vérité) ou la page 23 de la "Literatournaïa Gazeta". Erreur, car dans un wagon endommagé il y avait des lingots de plomb et dans un wagon suivant une "substance" (le titre de la nouvelle) en soi inerte, mais qui devient hautement toxique si les vapeurs des 2 se mélangent. Selon Ivan Ivanovitch Ivanov, un obscur haut gradé de la défense, il ne restera plus rien de vivant sur plusieurs milliers de kilomètres carrés... et les évacuations systématiques commencent. Est-ce que le colonel Guennadi Zabeline responsable de la direction des situations urgentes et chargé du dossier pourra cependant éviter la catastrophe ?



Et comme cela Olga Slavnikova continue, dans un style de réalisme magique et fantastique avec un sens d'humour bien à elle et un vocabulaire tout à fait original. Elle a eu la chance que ce soit Christine Zeytounian-Beloüs qui a traduit ou transposé les trouvailles de l'auteure dans un Français exquis.

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Anthologie de la jeune poésie russe

Les premières pages, de l’anthologie, très intéressàntes, nous présentent le prix “Début”, prix littéraire russe décerné de 2000 à 2015 et qui avait comme particularité d’être réservé à de jeunes auteurs écrivant en russe.

Les 52 jeunes poètes russes de cette anthologie sont tous lauréats ou finalistes de ce prix.



Ce sont des jeunes qui n’ont que peu connu l’union soviétique dans leur prime enfance, et cette caractéristique les fait différer radicalement des générations de poètes précédentes.



J’avoue que je n’en connaissais aucun d’eux et j’ai été dès lors heureux de les découvrir.



Il est néanmoins difficile de rédiger une critique sur une anthologie comprenant plus de 50 écrivains car chacun est différent... Remarquons cependant une grande liberté dans les formes : vers libres, poèmes en prose, slam...



Un univers à découvrir !

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La locomotive des sœurs Tcherepanov

Le recueil (2008) est composé de dix récits originaux tragi-comiques qui ont en commun le train. le fantastique s'immisce dans la réalité comme si de rien n'était. Les personnages principaux sont de curieux provinciaux idéalistes englués dans un monde gris, absurde et brutal, celui de la Russie post-soviétique. Ils sont à côté de leur pompes et sont tous en quête de changement. Ce changement arrive comme une parenthèse enchantée. Et puis le train repart en crachotant.

J'ai particulièrement aimé :



Le train Russie : métaphore hilarante de la nouvelle société russe qui file à toute vitesse mais qui ne peut éviter une vieille épave rouillée. Peinture tordante du milieu de la presse, journalistes arrivistes ou alcooliques, vieux scientifiques oubliés. le récit est drôle, grotesque au début puis devient plus émouvant avec une touche de poésie finale.



La substance : le colonel Zabeline, chef des forces d'intervention spéciales de la direction régionale des situations d'urgence pensait enfin pouvoir se la couler douce chez lui dans son Oural natal. Mais il est averti d'un accident ferroviaire apparemment sans gravité. L'impassible Ivan Ivanovitch Ivanov arrive sur les lieux et lui apprend que l'incendie ne peut être éteint qu'avec de la mousse car le chargement contient une certaine substance…Récit à suspense, avec une tension qui monte et une chute réussie.



La statue du Commandeur : le Commandeur était un mafieux notoire. Sa compagne hérite de sa fortune à condition qu'elle vienne se recueillir sur sa tombe tous les jours... La description de l'allée des mafieux est croquignolette, le récit alerte et la chute réussie.



Le secret de la Chatte : la nouvelle la plus merveilleuse. Kracheninnikov, un commercial raté et malheureux prend un train de nuit. Dans son compartiment couchette un enfant turbulent l'empêche de dormir. La mère du garçon commence à lire un conte intitulé : « La Chatte et le Bouledogue »



La locomotive des soeurs Tcherepanov : on est dans une province désindustrialisée où les hommes boivent de l'eau de vie à tire-larigot. Les soeurs Tcherepanov survivent grâce à leur talent de mécaniciennes. Elles réparent les machines à distiller, entre autres. Un jour une équipe de télé débarque et l'un des journalistes reconnaît le portrait de l'aïeul, un scientifique de renom. Les deux femmes construisent alors une locomotive révolutionnaire. La nouvelle est fameuse, elle fait rire et pleurer.
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L'immortel : Histoire d'un homme véritable

J'avais commencé à lire ce livre en russe à sa sortie il y a plus de 20 ans, et abandonné. Je pensais que cela venait de moi, de mon niveau en russe. A la lecture de la traduction française, j'ai compris que ni mon niveau en russe ni la qualité de la traduction n'étaient en cause. C'est autre chose : l'écriture est le contraire de fluide, je ne sais pas trop quel mot employer ; peut-être résistante, revêche ? Les phrases sont un peu longues, mais sans grande complexité syntaxique, pourquoi me faut-il donc aussi souvent les relire ? On est loin de la complexité de Proust pourtant ! Il m'a fallu un bon moment pour comprendre que ce qui freinait ma lecture était des comparaisons inattendues, tout en ne me faisant pas faire un bond de surprise sur le coup. Des comparaisons sensorielles surtout, et toujours glauques, péjoratives. C'est à ce titre un roman d'atmosphère particulièrement réussi. Mais sorti de la mafia et des nouveaux riches, il faut s'accrocher pour lire un roman sur la Russie ordinaire des années 90 : c'est le quotidien bien réel de certains personnages de «La fin de l'homme rouge» avec en prime, seul côté comédie de ce roman, les dessous d'élections trafiquées. C'est un inestimable témoignage d'une époque et de son atmosphère.

L'auteur a été «victime» d'un piratage d'idée, elle a perdu son procès pour plagiat. A mon avis à juste titre. Juridiquement c'est un peu compliqué, car en gros ce qui a été piraté, c'est le pitch, la quatrième de couverture (avant la sortie de son livre !) par le film « Good bye Lénine ». le point commun, c'est le départ de l'histoire : un enfant cache à un parent alité le cours de l'histoire et utilise ses compétences personnelles et relationnelles pour créer des actualités télévisées fictives. Rien de plus, rien de moins non plus. Dans le roman tout commence en pleine stagnation, avant même la mort de Brejnev (1982 tout de même !), le personnage trompé est grabataire, extrêmement diminué (au moins totalement privé de l'usage de la parole et de ses jambes), sans grand espoir d'amélioration, aucune pointe d'Ostalgie (la famille vit si mal qu'elle ne cuisine que des produits bruts, et le grabataire est bien incapable d'exprimer le moindre souhait ou désir). Good-bye Lenin est une tragie-comédie qui tend vers la comédie sur la réunification, le roman d'Olga Slavnikova est une tragédie sur le thème du grand-âge et de la misère sociale dans une société en déliquescence suite à la fin du communisme, avec des moments de tragi-comique sur les élections locales.

De plagiat, il ne peut être question, mais que le roman d'Olga Slavnikova en est subi des dommages, c'est un peu indiscutable aussi : le roman est sorti en Russie en 2001, le film « Good bye Lénine » en 2003 pratiquement partout. le roman n'a été traduit qu'en 2004, en français, et en 2006, en italien. Jamais en anglais, ni en espagnol, ni en allemand ! En plus, tapez «L'immortel» pour chercher ce livre sur Babelio, sur Google, et même en cyrillique sur Yandex, aucune chance de voir apparaître ce roman. Trop d'homonymes ! N'empêche qu'il souffre réellement d'être sorti en Occident après le film et du fait qu'il soit plus triste que ce qui est perçu comme l'original, et cela n'est pas très juste. Sans compter qu'ignorer un tel roman, c'est ignorer ce qui se passait en Russie, avec les résultats que l'on voit...
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La locomotive des sœurs Tcherepanov

En choisissant le train comme point commun aux dix nouvelles qui composent La locomotive des sœurs Tcherepanov, Olga Slavnikova donne à son recueil une véritable unité, bien que les récits soient différents, pas si commune pour ce genre d'exercice. Chaque nouvelle constitue un roman miniature, prenant le temps de caractériser ses personnages avec soin et de décrire les paysages avec un luxe de détails. Le seul reproche que l'on pourrait lui faire serait d'user et d'abuser de métaphores et de comparaisons, même si son art très visuel de la description fait partie du charme de son écriture. Les récits racontent chacun à leur façon la Russie contemporaine et les "dysfonctionnements" en tous genres de ses habitants, qu'ils soient oligarques ou miséreux. Les deux états se rejoignent d'ailleurs dans une nouvelle étonnante intitulée La huitième balle du jongleur où des hommes d'affaires vivent la vie de SDF pour une journée. Au train où vont les choses, les histoires d'Olga Slavnikova sont souvent imprégnées d'un réalisme magique qui se marie assez bien avec les vapeurs d'alcool fort. C'est le cas notamment dans La statue du commandeur ou encore dans Amour dans le wagon n°7. Jamais l'écrivaine ne se départit de son style ironique voire franchement caustique en tant qu'observatrice des mœurs dans son pays, lesquelles finalement n'ont pas tellement changé depuis le temps de Gogol, écrivain auquel on pense parfois tout au long des rails que suit La locomotive des sœurs Tcherepanov.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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La locomotive des sœurs Tcherepanov

Quelle magnifique galerie de portraits nous offre Olga Slanikova, écrivaine russe !

Déjà consacrée dans son pays, en 2005 par le prestigieux Prix Booker russe(*), les éditions Gallimard ont publié 2 autres de ses écrits :  "l'immortel" et" 2017".

Ici, dix nouvelles décrivent la société russe, aisée ou misérable, très vivante, manifestement aimée de l'autrice, avec ses travers, petits, mesquins ou terrifiants !

Cette fresque humaine est tracée à la plume avec humour, truculence, de facon imagée et très inhabituelle, .... "un gamin d'environ sept ans, aussi bronzé que le flan d'une boite d'allumettes et tout aussi couvert de griffures, aux yeux blonds, pareils à des copeaux de bois."

ou : "... reporter de la télévision locale de Vologda, un échalas ambitieux au visage pareil à un filet de poisson grillé, qui rêvait constamment de.... ".(**)

ou encore: _" Long et voûté, il se déplaçait en traînant les pieds, avec la grace d'une girafe malade,..."

Dix nouvelles donc, impliquant aussi bien :

_  un journaliste  moscovite invité à inaugurer la derniere merveille ferroviaire de l'état russe, 

_ qu'un obscur homme d'affaire n'ayant pas réussi dans la vie..." suspendu entre ciel et terre..."

_ que deux soeurs  appelées a organiser "leur propre production alternative" , dans un village ouvrier abandonné par l'etat central... avec entêtement et génie (génétique ?) .

_ que des oligarques jouant _pour quelques heures _ aux déshérités SDF sur la place des trois gares. ...

_ Et d'autres éléments de cette société slave si bien décrite .

Les conséquences des divers actions sont parfois surprenantes.

Et surtout, l'élément fédérateur de ces dix nouvelles est : le train, veritable héros du livre:

Qu'il soit :   _ Expérimental

_ ou à combustion alcoolique _ carburant généré durant le déplacement du véhicule par un alambic.

Son  wagon-couchette  devient lieu d'échanges ... littéraires .

Il sert aux tentatives d'évasion d' une veuve, encore sous l'emprise de son défunt truand de mari.

Il peut dérailler et générer une potentielle catastrophe écologique, fort bien décrite , ainsi que les efforts des autorités qui tentent d'eviter le pire pour une region entière .  Le fautif(?) est finalement embrassé par le chimiste responsable... avant d'etre remis aux autorités :"je vous souhaite bonne chance.."

Et en conclusion ".... A part Dieu la Russie n'a personne pour la protéger ..."

Donc, pour ces magnifiques  nouvelles _ à déguster lentement, comme une tablette de chocolat : carreau par carreau, avec ou sans café  _ 5/5.



(*) ce prix a été décerné de1992 à 2017.puis, faute de financement, il a cessé d'exister.

(**)À l'avenir, je regarderai d'un autre oeil le filet de cabillaud au fond de la poêle.
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La tête légère

Voici officiellement ma première « Alerte coup de coeur » pour 2017. Et oui, ça y est Mirobole a encore frappé! J’ai littéralement adoré cette lecture qui m’a fait passé par tout un tas de sentiments, de réflexions, de questionnements, et je sais d’avance que cette critique sera chaotique car je ne parviens pas clairement à dégager tout ce que ce livre a fait naître en moi. C’est comme une bourrasque littéraire dans mon esprit! Parce que La Tête légère est déroutant d’originalité. Olga Slavnikova nous propose un récit noir cynique et ironique où l’aspect fantastique ne vient qu’en toute petite touche pour souligner de nombreux travers de l’humain et de la société. Maxime Ermakov a [...]



Pour lire la suite de cette critique, rendez-vous sur yuyine.be !
Lien : http://yuyine.be/review/book..
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La locomotive des sœurs Tcherepanov

Olga Slavnikova est une auteure russe contemporaine, qui était annoncée par le dernier Salon du livre russe Russkaya Literatura, et qui fait partie de ce challenge que je me suis lancée en octobre dernier. C’est encore une fois une auteure russe dont je savais peu de choses, encore une fois une voix à découvrir. Plus connue pour son roman L’immortel, à l’origine d’une controverse, elle est aussi l’auteure d’un recueil de nouvelles que je vous présente maintenant. Le journal anglais The Guardian a inclu son roman 2017 dans la liste des meilleurs romans se déroulant en Russie, dans son propre pays il a reçu le prix du livre russe en décembre 2006. Héritière du « réalisme magique« , on en trouve d’ailleurs quelques traces dans la truculente nouvelle La statue du commandeur, ou le train sert de cadre réaliste pour l’évènement de nature surnaturelle. Ce recueil des sœurs Tcherepanov occupe une place particulière dans son œuvre, parce que décrié par la critique russe, notamment par Lev Danilkin, qui le considère comme le pire ouvrage de son œuvre. Rien que cela.



Naturellement le titre de ce recueil est le titre de l’une des nouvelles, l’avant-dernière de l’ouvrage. Dès le moment où vous avez connaissance des titres des autres nouvelles, Le train Russie, Histoire d’amour en voiture 7, vous vous rendrez vite compte que chacune d’entre elle tourne autour du monde ferroviaire, de ce moyen de transport, encore le plus économique et donc le plus démocratique pour traverser l’immensité du territoire russe. D’ailleurs, la version russe a adopté Histoire d’amour en voiture 7 en tant que titre de recueil, je serais bien curieuse pourquoi l’édition française a choisi d’en changer. Je ne connaissais pas le reste de l’œuvre de l’auteure russe, je ne suis donc pas apte à effectuer une quelconque comparaison avec ce qu’elle a écrit avant et après ce recueil. En ce qui me concerne, donc, je ne dirai que du bien, ou presque, des nouvelles que j’ai lues.



Lorsqu’on parle de train en Russie, ce qui me vient en premier temps, c’est l’image du mythique Transsibérien. Mais il n’est heureusement pas le seul à déchirer les vastes espaces qui constituent la fédération de Russie et Olga Slavnikova se concentre, elle, sur ces simples locomotives qui sont en charges des déplacements journaliers ou ponctuels de tout à chacun. Le train, à l’image du métro dont elle parle dans un roman, est le moyen de transport emblématique du pays, j’attendais de ce que roman me fasse voir du pays. Je n’ai pas été déçue ; j’ai effectivement bien voyagé, j’ai fait connaissance avec des personnalités, pour le moins, exceptionnelles, à l’instar des sœurs Tcherepanov, ce qui explique peut-être bien le choix de cette nouvelle pour porter l’ensemble du recueil. Quoi de mieux que le train pour parler de la Russie, ce pays qui s’étend sur l’un des plus grands territoires du monde, ce pays qui abrite de nombres de peuples autochtones, de paysages, de biotopes différents et un panel de fuseaux horaires.



Le train est donc le personnage principal de ce recueil, autour duquel gravite, on s’en doute bien, une multitude de vies et se greffent une multitude d’histoires. La première nouvelle le Train Russie est tout à fait dans le ton de la nouvelle introductoire, avec l’inauguration du Train à Grande Vitesse à la gare de Moscou. À travers ce train d’un nouveau genre, l’auteure nous offre une nouvelle vision de la Russie, une tentative d’unifier ses peuplades, de rejoindre ses contrées orientales comme Irkoutsk qui borde la Mongolie. Objet de fascination, étape historique, il devient tellement adulé que les gens essaient de s’en accaparer un morceau, un peu comme ceux qui se sont octroyés un morceau du mur de Berlin, de s’approprier cette innovation, son pouvoir de maîtriser la Russie.



Mais le train n’est pas que modernité, puissance, vitesse. Il est aussi lieu de rencontres inopportunes, en tant qu’espace de repos, lieu de couchettes, lieu d’espaces clos au milieu des vastes espaces qui rapprochent des gens qui n’ont rien à faire ensemble, une espèce de lieu magique qui remet certains sur la bonne voie de leur existence.



Le train donc mais surtout les Russes. Avec quelques remarques acerbes sur la curiosité du caractère Russe, qui semble avoir des tendances à l’autodestruction en sabotant ses propres chances de survie. Ces récits ne manquent pas d’humour et d’autodérision. J’ai beaucoup aimé, notamment dans la deuxième nouvelle, ce ton, très caractéristique du roman russe moderne, à la fois moqueur et désabusé, caustique et goguenard, sur l’homme russe, coincé entre quatre femmes, lui qui est justement en train de ruminer sa hargne contre le monde féminin. Mention spéciale à l’Ivan Ivanovitch Ivanov, ce fantôme qui traverse la troisième nouvelle La Substance, le plus russe d’entre tous, il se serait appelé Fédor Mikhaïlovitch Dostoïevski que son nom n’aurait pas été plus incongru. Journalistes, colonels, des civils aux militaires, on ne fait pas que traverser le pays, c’est un échantillonnage en profondeur de la société qu’Olga Slavnikova effectue-là. Et le train est le transporteur, le support, le médiateur de cette exploration, parfois au centre, parfois sur le côté, mais toujours présent car il est inhérent à la Russie, ce que j’ai assimilé peu à peu en déchiffrant les nouvelles les unes après les autres.



Je pense qu’il serait inutile d’affirmer encore plus explicitement que j’ai apprécié ce recueil, évidemment certaines nouvelles ont trouvé ma préférence notamment La Substance qui aborde le thème de l’absurdité d’un certain monde, celui de l’administration et des fonctionnaires, des plus ou moins hauts-gradés qui représentent ce système étatique aberrant. Le style de l’auteure est très imagé, très vivant, sans concession, le train à grande vitesse devient une créature, les journalistes se métamorphosent en insectes nuisibles sous sa plume, même les voies ferrées acquièrent des fonctions vitales. Il est autant empreint d’aphorismes percutants que de descriptions suggestives des divers paysages qui sont traversés.



Ma première immersion dans le monde d’Olga Slavnikova est réussie et prometteuse, ce recueil donne un bon aperçu de l’éventail des talents de l’auteure russe. Contrairement au critique cité précédemment, ces nouvelles me semblent très abouties, tant par le style éloquent, suggestif et bien rodé que par les échafauds narratifs de chaque récit. Elle a su exprimer une vision de la Russie très personnelle et très juste, en tout cas qui rejoint celle de divers autres auteurs que j’ai pu lire.






Lien : https://tempsdelectureblog.w..
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2017

Malgré mon total manque d’objectivité concernant la culture russe et sa littérature en particulier… totalement assumé, j’avoue avoir eu du mal à parcourir cet opus qui a reçu le Booker russe. Ecrit dix ans avant le centenaire du coup d’état bolchévique, l’auteur y dépeint les mœurs de la société post-soviétique en proie au capitalisme sauvage. Ceux qui ont survécu à la Perestroïka, aux maffias diverses, tentent de vivre à leurs manières. Les mentalités des nouveaux riches sont illustrées au travers d’une société de pompes funèbres et une autre de fouilles de gemmes, dans les montagnes de l’Oural. La préparation des manifestations du centenaire, avec ses défilés de militaires à plumes et à médailles amusent l’auteur et un peu le lecteur, du moins les non-initiés. Tout ceci n’est pas déplaisant mais manque singulièrement de nouveauté. Le style ironique alliant perfidie et persiflage fait passer beaucoup de choses, mais l’ennui sort vainqueur à la fin, comme à l’issue du défilé des badernes soviétiques.
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