Citations de Olivier Houdé (25)
(ajout à la réédition de 2017)
J’avais aussi cela à l’esprit en publiant en 2016 mon Histoire de la psychologie où un chapitre s’intitulait « L’inconstance de l’humain ». J’y consacrais plusieurs pages à Montaigne, prince des psychologues à la Renaissance. Son souci, le seul véritable, était une éducation au contrôle de l’esprit, dès l’enfance, pour lutter contre le conflit d’opinions religieuses qui dévastait le XVIe siècle en France et en Europe : les guerres de Religion entre catholiques et protestants. Ce conflit a jadis été initié et amplifié via une fabuleuse innovation technologique : l’imprimerie. La nouvelle guerre de Religion que nous connaissons aujourd’hui est conduite via Internet et mondialisée : le radicalisme islamiste contre l’Occident. Les époques se ressemblent ; la fragilité des cerveaux et des esprits demeure.
Ce sont les plus faibles et les plus manipulables d’entre eux – ceux qui résistent cognitivement le moins –, à un moment donné de leur vie, souvent à l’adolescence et au début de l’âge adulte. Ces cerveaux, fragilisés par un décrochage scolaire ou une déception affective, un traumatisme familial et (ou) tout simplement une quête de sens, deviennent alors durs, rigides, radicalisés ! Même s’ils étaient, pour certains d’entre eux, auparavant a priori « bien éduqués ».
Déjà Montaigne, dans ses Essais, se disait effaré par l’égocentrisme et le sociocentrisme des adultes, dont l’ancrage est d’abord physiologique et corporel. « Nos yeux ne voient rien en arrière » écrivait-il ! Et cet égocentrisme corporel devient rapidement cognitif et moral. Apprendre à inhiber dès l’enfance cet égocentrisme du cerveau, par des jeux de rôle et de coordination des points de vue spatiaux et sociaux (se mettre à la place d’un autre), ou encore par du théâtre, c’est éduquer à la tolérance, à la pluralité des opinions. On éveille ainsi la sympathie et l’empathie. Il s’agit de se construire une « théorie de l’esprit » (pensées, émotions, croyances) du cerveau de l’autre et, surtout, de l’exercer en permanence.
Heuristique
Une heuristique est une stratégie très rapide, très efficace - donc économique cognitivement -, qui marche très bien, très souvent, mais pas toujours ! à la différence de l’algorithme, plus lent, plus analytique, mais qui conduit toujours à la bonne solution (voir Algorithme).
Par souci d’efficacité, les humains utilisent beaucoup d’heuristiques car l’adaptation rapide aux situations rencontrées l’exige, et cela très tôt dans le développement de l’enfant (voir Objet). Il s’agit souvent d’automatismes, alors que les algorithmes sont plus contrôlés (voir Contrôle).
(page 43)
L’apprentissage est une modification de la capacité à réaliser une tâche sous l’effet d’une interaction avec l’environnement.
Dès la naissance, le bébé est programmé pour apprendre. Il est par exemple capable de reproduire des modèles que lui présente l’adulte (voir Imitation-Empathie), ce qui montre que son cerveau est d’emblée construit pour être réceptif à l’apprentissage culturel humain.
(page 9)
Le but était de leur proposer des tâches cognitives un peu difficiles, sans qu’elles n’excèdent trop leurs possibilités, en les aidant avec bienveillance à trouver leur autonomie : « être aidé et non servi ». Du point de vue social, la vie scolaire devait se dérouler dans l’ordre et le calme, avec un seul principe : donner à sa propre liberté (ses choix, ses envies d’apprendre) la limite de l’intérêt collectif.
C’est le domaine de la neuroéducation ou neuropédagogie. Il s’agit de comprendre comment les comportements et processus d’apprentissage sont contraints par les lois de fonctionnement du cerveau – que les professeurs doivent donc connaître (comme les autres organes du corps pour un médecin) – et, en retour, comment l’environnement, l’école en particulier (telle pédagogie, telle méthode, telle pratique) modifie et fait progresser le cerveau des enfants. (p. 92-93.)
Il ne s’agit pas de tout réinventer, mais au contraire de capitaliser les acquis intéressants et scientifiquement validés de l’éducation nouvelle, depuis un siècle […] et les découvertes plus récentes sur le cerveau et la cognition des enfants. (p. 79.)
Mais avant d’aller à l’actualité de la recherche, retournons aux racines historiques de l’intérêt pour l’enfance, sa psychologie, son intelligence et la façon de l’éduquer par des pédagogies appropriées. Ce sont les véritables racines des sciences cognitives et du cerveau en la matière. Mieux, c’est leur écrin. (p. 18.)
Chez l'adulte comme chez l'enfant, nous allons découvrir de quelle manière l'apprentissage, l'attention, la conscience, mais aussi nos émotions et nos intuitions, s'imbriquent pour former nos pensées, notre culture, notre économie, notre créativité et - pourquoi pas ? - notre génie. (page 3)
Les sciences cognitives confirment aussi l'importance du geste d'écriture : tracer chaque lettre du mot au tableau, sur une ardoise ou sur une feuille (voire sur une tablette tactile), tout en l'épelant renforce son organisation spatiale et temporelle. Montessori l'avait bien pressenti avec ces lettres rugueuses alliant les formes alphabétiques à la restauration tactile fine.
La sécurité affective était également assurée, dans l'école l'Ermitage (pédagogie Freinet, après-guerre), par la confiance faite aux enfants via des responsabilités qui leur étaient confiées au sein du groupe.
C'était, résolument, l'éducation précoce à l'autonomie, encouragée par tous les tenants de L'école nouvelle.
Ce qui comptait pour Freinet, c'était le " bain de la vie ", de l'action, l'apprentissage par la pratique et le projet concret, contre l'idée illusoire, mais commune, de l'éducation classique formelle et verbale. " C'est en forgeant qu'on devient forgeron", rappelait-il.
Avec ce matériel montessorien précieux, l'éducation des petits passait par les sens, les gestes et l'attention. Le but était de leur proposer des tâches cognitives un peu difficiles, sans qu'elles n'excèdent trop leurs possibilités, en les aidant avec bienveillance à trouver leur autonomie : " être aidé et non servi ". Du point de vue social, La vie scolaire devait se dérouler dans l'ordre et le calme, avec un seul principe : donner à sa propre liberté (ses choix, ses envies d'apprendre) la limite de l'intérêt collectif.
Avec le psychologue Suisse Jean Piaget c'est le regard porté sur l'enfant qui a changé. Il est devenu un " petit savant " qui s'interroge sur le réel, bricole, expérimente et, ainsi, découvre les lois du monde.
Selon lui le développement de ces comportements, et donc de l'intelligence sous-jacente, passe de façon incrémentale par une série de stades.
C'est ce qu'on appelle le modèle de l'escalier : chaque marche correspond à un grand progrès, un stade bien défini ou à une structure unique de pensée dans la jeunesse de l'intelligence logico-mathématique
La théorie dit constructiviste de Piaget montre aussi que l'interaction entre l'individu et son environnement prend appui sur les objets ( exploration - manipulation – expérimentation), conception totalement opposée à l'idée d'un apprentissage passif propre à l'empirisme.
Cette idée au cœur de la psychologie piagétienne reste évidemment très actuelle.
Elle est aujourd'hui toujours défendue en neurosciences cognitives.
La pédagogie est un art qui doit s'appuyer sur des connaissances scientifiques actualisées.
Chez l'enfant, comme chez l'adulte, savoir ou plutot ressentir pourquoi l'esprit "dit non" (inhibe), c'est avant tout de l'émotion, un sentiment intellectuel, une forme de théorie (même naïve) de l'esprit, et non pas seulement, comme l'aurait dit Piaget, un pur calcul logique.
Pour bien comprendre la complexité de la psychologie de l'enfant, il faut non seulement aller voir du côté du bébé et même du singe, mais aussi du côté des "grands enfants" que sont l'adolescent et, d'une certaine façon l'adulte.
La logique est une axiomatique de la raison dont la psychologie de l'intelligence est la science expérimentale correspondante.
(Comme nous l'a confié Jean d'Ormesson en 2012, cette phrase de Piaget a été le sujet donné à l'agrégation de philosophie en 1949. (Jean d'Ormesson a "planché dessus")).
Le message pédagogique de Montaigne, incroyablement moderne, était qu'au lieu d'encombrer la mémoire de l'élève, il faut former son esprit, lui apprendre à penser.
La première définition simple du raisonnement est que " savoir raisonner, c'est savoir réfléchir ". C'est faire appel à sa raison pour dominer ses réponses trop rapides, impulsives : intuitions, croyances et émotions. Il s'agit d'une qualité, certes, mais cela peut aussi devenir un défaut.