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Critiques de Oswalds Zebris (14)
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

°°° Rentrée littéraire #12 °°°



Ce roman letton met en scène l'enlèvement de trois enfants en 1906 dans la ville de Riga encore bouleversée par les émeutes révolutionnaires qui ont éclaté dans les ornières de la révolution russe de 1905 ( celle du fameux épisode du cuirassé Potemkine, bien avant celle de 1917 et des Bolcheviques de Lenine ).



Voilà une fiction historique qui ne fait pas le choix de la facilité : proposer au lecteur un personnage attachant à travers le prisme duquel sont présentés des événements relevant de la Grande histoire afin de les rendre lisibles. Très clairement, il n'y a aucun personnages sympathiques ou pouvant susciter de l'empathie. Et il faut s'accrocher dans les soixante-dix premières pages, très hermétiques, pour comprendre quelque chose à l'intrigue, tant des chapitres a priori disparates se succèdent, entre présent, retours en arrière et nombreux personnages, sans pouvoir s'accrocher à l'un qui nous guiderait dans cet apparent désordre.



Le mouvement du récit est donc très exigeant mais progressivement, il s'éclaire et devient passionnant lorsqu'on commence à en comprendre les mécanismes. La trame polar n'est en fait qu'un prétexte pour développer un projet beaucoup plus vaste : raconter un des moments décisifs de l'histoire de la Lettonie, ce moment où la population se soulève contre le régime tsariste oppressif pour réclamer plus de libertés, lorsque le futur pays balte entame son chemin vers l'émancipation ( la Lettonie ne naîtra officiellement qu'en 1920 ). Sans tabou, sans triomphalisme, au plus près des habitants.



C'est dans la reconstitution très terrienne de cette insurrection populaire que l'auteur convainc le plus. Les émeutes paysannes de 1905 sont excellemment rendues, notamment le mouvement des foules manipulées par d'habiles agitateurs, la misère en toile de fond. Pour un lecteur français qui ne connait rien à rien à l'histoire lettone, ça évoque très nettement la Révolution française, plus particulièrement la Grande peur de l'été 1789 avec le peuple qui s'en prend aux nobles propriétaires et à leurs châteaux sous l'exhorte des bolcheviks.



Un an après, le climat est encore très agitée en Lettonie entre répressions policières et expéditions punitives des milices pro-tsariste des Cent-Noirs. Et c'est dans ce climat tragique que l'auteur parvient à mêler avec intelligence grande Histoire et histoire plus intime. Le vrai sujet de ce roman est quasi existentialiste : une réflexion sur le choix personnel, sur la place de l'individu pris dans la tourmente collective, sur ces actes que l'on commet dans l'exaltation et dont les conséquences nous ronge pour la vie. Le personnage principal, auquel on accède par un flux de conscience hallucinée aux confins de la folie, ne dépareillera pas dans un Dostoïevski, hanté par la culpabilité, sans que la lumière ne semble vouloir éclairer son chemin de pénitence.

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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Elles ne sont pas légion les traductions de romanciers baltes en français et peut-être encore moins en letton, par rapport à l'estonien et au lituanien. Ces dernières années, hormis le très bon Metal de Janis Jovevs, aux Editions Gaïa, il n'y a pratiquement rien eu à signaler. A l'ombre de la Butte-aux-Coqs d'Osvalds Zebris tombe donc à pic, d'autant plus qu'il permet de visiter une période assez mal connue de l'histoire de la Russie tsariste (même si l'on a vu Le cuirassé Potemkine), à savoir la révolution de 1905, dont l'échec ressemble à une répétition générale de 1917. En Lettonie, comme ailleurs dans l'empire russe, les troubles furent sanglants et Osvalds Zebris les décrit de l'intérieur avec quelques uns de ses protagonistes, dont le personnage principal du livre. Cependant, si le récit des faits, et notamment de la répression, est passionnant, l'auteur ne facilite pas la lisibilité de sa narration en y incluant un fait divers qui a lieu un an plus tard à Riga, à savoir l'enlèvement de trois enfants. Tout est lié évidemment, eu égard à la personnalité du héros schizophrène du livre, mais Zebris aurait peut-être pu simplifier la construction de son roman de manière à rendre sa progression plus limpide. A l'ombre de la Butte-aux-Coqs mérite cependant qu'on n'abandonne pas la partie et que l'on suive avec attention ses entrelacs car l'effort est gratifiant, tant pour ses qualités littéraires que pour sa leçon d'Histoire.
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Petit voyage en Lettonie avec ma chronique du jour, un ouvrage mêlant habilement petite et grande Histoire. On est vite captivé par les personnages et leurs parcours.

Un homme enlève trois jeunes enfants, c’est le ravisseur lui-même qui se livre sur des feuillets qu’il écrit. Il revient sur son enfance notamment dans une famille de paysans modestes vivant à côté d’un grand domaine prospère, la Butte-aux-Coqs où vit Arvids. Une grande amitié va les lier et les années passent. Le destin et la vie va les séparer puis les réunira lors d’un événement douloureux, qui provoquera une véritable descente aux enfers pour l’un d’entre eux. En parallèle, nous suivons l’enquête de police qui tente de démêler ce mystère et de retrouver au plus vite les enfants.

Est-ce une vengeance ? Un complot ? Un rapt ? L’œuvre des Rouges ? Les pistes peuvent paraître très nombreuses. la conclusion sera sans appel et d’une mélancolie confondante.

Des flashbacks reviennent longuement sur le parcours de Rudolfs (le ravisseur) mais aussi sur le climat révolutionnaire de l’époque. Les destinées s’entrecroisent, des liens se créent.

On accroche finalement assez vite à l’histoire grâce aux personnages charismatiques et complexes qui la composent. Confusion et immense souffrance ont conduit Rudolfs jusqu’à un point de non retour. En parallèle, on suit aussi les fêlures familiales qui ont mené à ce résultat. L’ensemble est très bien mené. Les événements se déroulent lors des soulèvements de 1905 et 1906 contre le pouvoir du tsar. La Lettonie n’est pas indépendante à l’époque. Elle le sera que vers 1920.

Cet ouvrage vaut aussi le coup pour sa dimension sociologique et historique. Les temps évoqués sont agités. On suit une opération en cours de révolutionnaires en herbe, mais aussi la répression féroce des troupes tsariste. Pour autant, le camp des révoltés n’est pas exempt de tout défaut non plus. Beaucoup de cruauté jalonne ce roman, mettant dos à dos des ennemis irréconciliables. Cela répond parfaitement au parcours intérieur tourmenté de Rudolfs.

Ce fut un plaisir de découvrir une page méconnue de notre histoire européenne.

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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

La Lettonie est un petit pays balte qui fait partie de l’Union Européenne depuis 2004.

Mais au début du siècle dernier elle appartient encore à l’Empire russe .

A travers quelques personnages centraux , l’auteur letton nous le fait découvrir en plein bouleversement idéologique et politique. Qu’ils rêvent de révolution communiste , de liberté ou d’anarchisme , leurs membres sont minoritaires et mal organisés face à l’oppression du pouvoir qui oblige le peuple à renier la culture et la langue lettonne au profit du russe . Ils manquent également d’instruction, le nerf de la guerre à tout renouveau politique.

A Riga , la capitale , c’est un événement dramatique qui occupe les esprits : l’enlèvement de trois jeunes enfants dans une fête foraine .

Plutôt que de faire un focus sur l’enquête permettant de les retrouver et de mettre la main sur le criminel qui a commis cet acte ignoble , l’auteur choisi de nous faire pénétrer dans les souvenirs d’un des protagonistes de cette histoire : Rüdolfs .

Dès son plus jeune âge , ce dernier a toujours vécu dans l’ombre de la Butte aux Coqs , où habite son jeune voisin , Arvids Gailkalns . Plus âgé de quelques années que Rüdolfs , c’est un gamin précoce et intelligent qui a d’abord ébloui son jeune voisin par sa force et son culot puis qu’il a fini plus tard par jalouser , pour son plus grand malheur …



Une plongée captivante dans les heurts de l’Histoire lettone à l’aube du soulèvement communiste qui embrasera toute la région quelques années plus tard .

Mais n’est pas révolutionnaire qui veut , encore faut-il avoir une force de conviction et un courage à tout épreuve . C’est donc aussi l’histoire d’un ou plusieurs échecs que nous conte Osvalds Zebris . Des échecs pouvant conduire jusqu’à la folie .

A travers Rüdolfs et Arvids c’est un peu deux mondes qu’oppose l’auteur . Celui du passé qui vit dans le doute , tiraillé qu’il est entre ses idéaux et la rudesse de la réalité et celui de l’avenir , conquérant et gonflé par l’espoir de jours meilleurs .



Un roman pour mieux connaître ce pays à quelques milliers de kilomètres de nous , portant haut les couleurs de l’Europe .

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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Je crois bien n’avoir jamais lu d’auteur letton, ni même avoir entendu parler de l’un d’eux. Ce qu’il y a de merveilleux avec les éditions Agullo c’est qu’ils nous permettent de découvrir des Pays et leurs auteurs auxquels nous ne sommes pas habitués en France. Osvalds Zebris est pourtant un auteur primé.

Mais voilà qui est chose faite avec la lecture de A l’ombre de la Butte-aux-Coqs. Ce roman nous emporte à Riga au début du siècle dernier pendant la révolution Russe où le peuple s’insurge contre le Tsar. Riga est secouée d’émeutes, d’actes qu’on qualifierait de terroristes à notre époque, de répression armée et policière. La Lettonie refuse la dictature moscovite, d’abandonner ses terres et sa langue, sa religion. Emergent également des poussées d’antisémitisme et d’anticommunisme.

Rüdolfs est un jeune homme issu d’une famille de paysans. Prédestiné à être instituteur, il se retrouve au cœur d’un comité de résistance communiste et de leurs actions contre des riches propriétaires. Mais un seul instant va changer le cours de sa vie.

Un seul instant a parfois ce pouvoir faramineux de créer une emprise qui se prolonge durant des années, voire une vie entière – un geste en apparence insignifiant, un mot qu’on n’a pas dit, un pas qu’on n’a pas franchi, une peur.

En 1906, trois enfants sont enlevés en pleine rue et dans l’esprit disloqué de Rüdolfs, passé et présent se mêlent et s’entremêlent.

C’est le récit d’un homme que l’Histoire et les évènements ont détruit, qui a vécu des choses qu’il n’a pas comprises et encore moins assimilées, c’est une quête d’identité, de place dans cette nouvelle société en création. C’est aussi une peinture sans concession des inégalités, de la pauvreté, du désir de liberté, d’amour et d’amitié, de reconnaissance, de pardon.

Ce n’est pas forcément un texte à la lecture facile et il demande parfois un peu d’attention mais c’est ce qui fait aussi son intérêt pour qui s’intéresse à l’Histoire d’une future Europe alors aux balbutiements de sa construction et du début de la chute d’un empire. L’auteur nous parle de la jeunesse du début du siècle dernier, des jeunes pleins d’idéaux, de rêves et d’espoir en un monde différent, de désir de liberté.

Sur l’Esplanade, les premiers patineurs commencent à arriver. Ce sont quatre étudiants de l’Institut polytechnique voisin, et ni les tornades de neige ni les souvenirs à vif de « l’année terrible » ni même l’incertitude vis-à-vis du lendemain ne sauraient tarir leur soif de gaieté. Ils ont beau avoir passé le gros de l’année académique en réunions et en métingues d’ampleurs diverses, en manifestations de toutes sortes, en obsèques de camarades tombés dans la lutte, ils ont appris au fil des deux dernières années quelque chose de plus précieux que tout : l’audace.

C’est un texte riche avec un personnage, Rüdolfs, pour qui on ressent très vite de la compassion, un jeune avec ses qualités et ses défauts, à qui son époque n’aura laissé guère de choix. Un homme qui a toujours manqué d’amour et qui en a tant à donner. Un homme maladroit vivant dans une période que ne pardonne pas la moindre erreur.

C’est un pays et un pan d’Histoire qu’on ne connait pas forcément et qu’on découvre au fil des pages.

Comme souvent avec les romans publiés par Agullo, on apprend beaucoup tout en lisant une belle histoire d’Hommes.


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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Année 1906 - en Lettonie. Noël est bientôt là et trois enfants disparaissent, enlevés par un homme.



Le responsable de cet enlèvement, Rudolf - quelle ironie - s’isole avec eux dans un hôtel. Et rédige. Tout ce qui l’a mené à cet acte, synonyme pour lui de rédemption.



L’inspecteur Davuss, en charge de l’enquête, n’est que peu préoccupé par la disparition des enfants. Ce mystère est, pour lui, une façon d’enquêter sur les parents des disparus, qu’il soupçonne d’accointance avec les anarchistes responsables de meurtres de policiers. 



Son adjoint est, quant à lui, persuadé qu’il s’agit de meurtres rituels juifs. 



Au final, cette enquête n’est qu’un point de départ. Mis à part les parents, tous les protagonistes se moquent du destin de ces enfants. Comme si le futur n’était pas si important. 



Ce récit se déroule pendant une période très trouble pour la Lettonie : la révolution russe de 1905 a vu l’émergence d’une conscience nationale lettone, mais mena également à des violences contre les nobles. La répression par les forces russes tsaristes fut sanglante.



Ce récit offre une plongée très intéressante dans une période passionnante d’un pays peu connu, la Lettonie. Il interroge sur les responsabilités individuelles dans des situations de révoltes, des choix de chacun et de la culpabilité qui en résulte. 



La quête de rédemption du kidnappeur d’enfants semble ainsi fallacieuse, certains actes étant impardonnables.



Le climat ambiant, fait de peur et d’incertitudes, de préjugés et d’ignorance, est très bien retranscrit dans un récit riche qui donne matière à réflexion. 
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Les meurtrières hallucinations de l'Histoire. Riga 1905, soubresauts révolutionnaires, répressions, noir antisémitisme. À l'ombre de la Butte-aux-coqs parvient à restituer la folie cet instant par une histoire d'enlèvement d'enfants et surtout par ses douloureuses justifications. Osvalds Zebris signe un roman plaisant aux allures de polar.
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Rentrée littéraire 2020 et les éditions Agullo me propose de découvrir la Lettonie avec le roman d’Osvalds Zebris. Plus que la découverte d’un pays, ce roman nous permet surtout d’en apprendre l’histoire.





A Riga, trois enfants sont enlevés. Ce kidnapping a lieu un an après la révolution russe de 1905 dont les stigmates sont encore perceptibles dans la capitale lettone. Entre cet enlèvement et le chaos politique ambiant, le lecteur découvre l’histoire lettone.



Ce serait mentir que de dire que j’ai plongé corps et âme dans ce roman. En effet, les quatre vingt premières pages sont complexes, ardues tant les chapitres semblent disparates et confus et il est difficile de se repérer dans l’histoire et d’en démêler les fils. Mais je n’ai pas l’habitude d’abandonner une lecture et je voulais faire honneur à mon premier roman letton.



En m’accrochant, j’ai compris que derrière la fiction, Osvalds Zebris nous raconte surtout l’Histoire de son pays, ses luttes, son désir et espoir de liberté. Il éclaire le lecteur sur les événements historiques qui embrasent l’Europe au début du XXème siècle.



Cette lecture n’est pas une lecture de vacances, il faut avoir l’esprit disponible et prêt à ouvrir la porte de l’histoire lettone.



En résumé : une découverte historique de la Lettonie
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Belles descriptions, personnages bien caractérisés mais parmi lesquels on se perd un peu, souffle historique... j'espère que l'auteur letton ne m'en voudra pas de trouver des airs russes à son roman. 1905, ça commence à se compliquer pour le tsar et la Lettonie, ville et campagne, se demande quelle est son identité en dehors des empires germaniques et russes. Au milieu de la grande Histoire, traversée par les mouvements révolutionnaires (j'ai pensé à Les Dieux ont soif) et par l'antisémitisme, un homme qui pense expier une faute en enlevant trois enfants et nous raconte son histoire. Ce n'est pas facile à suivre parce que c'est le récit d'un homme fou entrecoupé d'événements un peu disparates mais ce roman Prix de l'Union Européenne 2017 (qui nous parvient grâce aux formidables éditions Agullo) mérite l'effort et la curiosité pour sa forte puissance évocatrice d'un endroit peu connu de notre continent.
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

L'écriture de cette chronique, je dois vous l'avouer, a été un peu retardée par rapport à la fin de ma lecture. J'ai eu besoin de poser mon esprit, de laisser le roman s'imprimer doucement et implanter ses idées dans ma tête ; pour qu'à mon tour je puisse le laisser murir et enfin taper mon avis sur ce clavier. Car ce roman est monstrueux. Monstrueux tant il est réaliste, monstrueux tant il est maîtrisé, monstrueux quand, deux mois après l'avoir lu, je tends à me souvenir encore des détails qui y sont imprimés. C'est quelque chose d'assez dingue pour moi, car j'ai tendance à effacer très vite les souvenirs de mes lectures pour en graver de nouvelles ; mais ce roman est resté dans ma tête et ne veut plus en sortir.

À l'ombre de la Butte-aux-Coqs, c'est l'histoire de Rudolfs, un jeune instituteur qui vit sous l'ombre permanente d'Arvids, un autre homme habitant sur la Butte-aux-Coqs, juste au dessus de chez lui. Et c'est dans un récit rétrospectif de sa vie que Rudolfs nous emmène et nous montre comment il a, de tout temps, dû entrer en compétition, bataille de coqs avec cet Arvids ; Arvids meilleur à l'école, si intelligent, si bon, si calme... Au travers de ceci, on comprend le titre, superbement bien trouvé, métaphore de la vie de Rudolfs, le poteau-Rudo qui sera toujours en dessous du Gailkans et de toutes les manières possibles.

Le fil conducteur de ce livre, c'est tout de même la disparition de trois enfants, dans un contexte letton assez tendu : les groupes de résistance s'organisent tant bien que mal pour assoir leurs maigres volontés sur le tsar russe ; tandis que l'antisémitisme plane toujours entre deux théories du complot. Et l'on suit la recherche de ces enfants, le narrateur omniscient alternant les temps, nous emmenant avec lui dans le passé de Rudolfs, pour mieux nous balancer sa réalité en pleine figure, le tout en pleine enquête d'enlèvement. Vous avez intérêt à bien vous accrocher si vous voulez arriver à suivre ces temporalités ! C'est donc dans un environnement réaliste qui dépeint les débuts de la révolution russe que l'auteur nous accueille, et j'ai trouvé cela fort intéressant puisque que je ne connaissais pas le sujet. D'autant plus que la conjoncture fiction/histoire est très bien réalisée !

Les personnages sont très bien décrits, et on arrive à comprendre leur fonctionnement, leurs idées ainsi que leurs manières de vivre. On arrive à s'attacher à eux, malgré leurs défauts (voir leurs très gros défauts, genre enlever des enfants... voilà voilà). Leur individualité colore le récit, et ils font avancer l'histoire avec leurs vies défaites, tristes, ou bien faussement joyeuse, et nous attache au sentiment de désillusion qui teinte toute la lecture de ce roman. Car, chacun ayant leurs différences, nos personnages semblent tous désabusés par la vie telle qu'elle se déroule dans leur temporalité.

Le travail d'écriture, de narration et donc de traduction (puisque je n'ai malheureusement pas la chance de pouvoir lire et comprendre le letton), est tout bonnement remarquable. Le langage est assez soutenu et la lecture peut paraître compliquée au premier abord ; et on retrouve une alternance entre l'argot paysan et la narration élaborée, ce que j'aime tout particulièrement et qui rend le récit encore plus vivant ! Le tout abondé par une arabesque de figures de style maîtrisées, montrant un style littéraire de qualité.

Finalement, si je devais résumer ce roman à de simples phrases, je dirai que l'on suit un instituteur désabusé dans une Lettonie en feu, accablée par son passé et effrayée par son présent.

Si vous aimez les romans historiques, et que vous n'êtes pas effrayés par de la fiction "noire", n'hésitez plus à vous procurer ce roman dès sa sortie !
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Osvalds Zebris est un journaliste et écrivain letton et c'est grâce à lui que son pays entre dans la maison Agullo.



Roman historique qui mêle la grande histoire de l'empire russe à de la fiction et à des anecdotes réelles. Osvalds Zebris prend de la hauteur pour raconter son pays au début du siècle dernier, à la manière d'un historien ; il sait, à la manière d'un journaliste y ajouter des histoires plus locales, moins théoriques et il sait à la manière d'un écrivain accoler une fiction qui part de l'enlèvement des trois enfants. Il y a le risque de ne pas plaire à ceux qui ne jurent que par l'une ou l'autre des fonctions, mais il y a surtout le risque de passionner tous les lecteurs. J'y ajoute celui d'être très dense et parfois, à force de vouloir dire beaucoup de choses, de perdre un peu le-dit lecteur, moi en l’occurrence. Ce bémol personnel mis à part, ce roman est dépaysant et très instructif. Le contexte est fort, celui d'un petit pays qui voudrait s'affranchir du joug du tsar et tout cela est fort bien dit tant dans les parties historiques que dans les fictives. On sent également chez certains personnages, la peur de l'étranger et des juifs, toujours les premiers à trinquer lorsque ça va mal.



Je le disais c'est un roman dense, formidablement écrit -et donc traduit, enfin j'imagine, je ne parle pas couramment le letton- qui n'oublie pas les descriptions des paysages, du temps, des personnages. Beaucoup de longues phrases et pas mal de dialogues donnent un rythme qui alterne entre moments rapides et d'autres plus lents.



Encore une fois une belle découverte chez Agullo et cette belle couverture...



"Râblé, voûté, le type avance à grandes enjambées depuis la voie de chemin de fer de Dünaburg. Un tête volumineuse penchée de côté, le souffle lourd et irrégulier, il traverse la place de la gare flambant neuve, puis la rue adjacente -la neige dure, tassée par le piétinement continuel des passants, crisse sous ses brodequins bistrés." (p. 11)
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

On aborde tout doucement la rentrée littéraire de septembre 2021 avec ses premiers titres qui seront en librairie dès la première quinzaine d’aout. Avant de m’y attaquer, j’ai envie de revenir à la rentrée précédente avec un titre dont je n’avais pas pris le temps d’en faire la chronique. Pourtant, ce n’est pas l’envie qui m’en manquait ! Car ce roman de Osvalds Zebris, auteur letton est apparu, pour moi en tout cas, comme un épiphénomène parmi ces cinq cent onze titres publiés. C’est le premier de ses romans traduit en français, le troisième titre qu’il ait sorti dans sa langue d’origine après un recueil de nouvelles et un premier roman. À l’ombre de la Butte-aux-Coqs a été récompensé en 2017 du fameux Prix de l’Union Européenne. On peut relever que depuis, Agullo Editions a opté pour une autre charte graphique, doté d’une illustration, qui met peut-être davantage en valeur la qualité de ses auteurs. Derrière ce sobre néanmoins éclatant magenta se cache un texte très coloré, heureusement traduit par Nicolas Auzanneau.





Ce n’est pas souvent que des auteurs lettons parviennent jusqu’à nous, encore moins des auteurs publiés durant cette période particulière qu’est la rentrée littéraire. C’était, compte tenu de mes goûts, logiquement un des titres qui me faisaient très envie. Osvalds Zebris nous offre un avant-propos bienvenu sur l’histoire de ce petit pays balte dont la renommée est encore très discrète en France. Il faut dire que son histoire reste relativement aussi obscure que le titre de ce roman à première vue. Avec les repères essentiels que nous offre donc le traducteur en préambule – l’indépendance du pays en 1918 qui suit la révolution de 1905 contre l’autorité russe -, nous voilà déjà mieux armés à aborder un texte qui plonge en plein dans les pages brulantes de l’histoire lettone. La narration de ce texte est partagée entre deux temporalités, le passé, soit l’enfance du narrateur, Rūdolfs Reiznieks, qui finit par rejoindre le présent narratif, l’année 1905.





Un merveilleux incipit s’ouvre sur cette Riga encore chargée des émotions des derniers évènements, prise entre les festivités qui approchent, la vie qui grouille, une belle image dont la beauté un peu trop brillante et forcée est tachée par cet homme sombre et mystérieux qui enlève deux enfants. Comme si le beau tableau que nous présente Osvalds Zebris d’une capitale lettonne festoyante n’était que le fruit d’une illusion aussi fragile qu’éphémère. Pour comprendre l’enjeu de cette scène qui porte le titre solennel de rédemption, voilà que l’on remonte en ce début de XXe siècle. Des destins personnels, ceux de Rūdolfs Reiznieks, de son ami et voisin Arvīds Gaiļkalns, du professeur Brods, et de tant d’autres, se mêlent à une destinée nationale qui connaitra un siècle bien chaotique. La voix de notre héros qui commet l’irréparable n’est étonnamment pas celle d’un vulgaire voleur d’enfants ou de maitre-chanteurs, elle a cette profondeur de ceux qui détiennent des secrets immémoriaux, celle qui déterre un passé mort et enterré, elle a cette cassure des traumatismes passés. Derrière les parures étincelantes de Riga, le beau tableau du départ dissimule en effet des dessous moins clinquants, il y a ses arrière-fonds ou les révolutionnaires, anarchistes et insurgés de tout horizon, devisent, préparent, revivent les bagarres, préparent les plans. Riga, c’est assurément une ville embrasée par une multitude d’esprits surchauffés, l’auteur par sa narration alterne les différents visages de la Lettonie, la rurale, la citadine, la riche, la joyeuse, la morne, la sombre, la violente, comme une entité qui a du mal à s’unifier. On peut saluer la capacité de l’auteur à avoir pu établir un récit qui se tient, qui aurait pu facilement être décousu. C’est un témoignage précieux de toutes ces forces vitales en jeu pour gérer le pays et qui s’entrecroisent, se heurtent, les uns optant pour des mouvements séditieux et insurgés sans réelle cohésion et organisation, souvent doublés d’une violence brute, les autres, dont ces instituteurs, choisissant la réflexion et le pragmatisme, dont Arvīds, qui de leur côté empruntent la voix pacifique. Et, Rūdolfs, au milieu de tout cela.



Àl’ombre de la Butte-aux-Coqs c’est ce témoignage qui voit une Lettonie se transformer, se libérer des jougs russes, du labeur de la terre à une liberté certaine qu’offre l’instruction, l’indépendance lettone. C’est aussi ce lieu qui ancre l’enfance du narrateur et d’Arvīds, un sombre triangle ou les complots qui se fomentent dans l’ombre font échos aux sombres secrets de famille qui finissent par émerger à un moment ou à un autre. J’aime ce titre, car il contient en sept petits mots, et trois en letton, toutes les facettes de ce roman, la richesse de ses lieux, de ses personnages, de ces époques, de ces pactes qui se signent loin des regards, dans la bienséante discrétion des intimités et entre-soi honteux



Il y a cet impérialisme, qui marque tous les pays colonisés ou envahis, cet enseignement du russe obligatoire au dépit de la langue vernaculaire, qui démontre de l’acharnement de cet impérialisme russe à tout uniformiser selon ses critères au détriment des identités nationales. C’est une Lettonie déchirée entre rouges, partisans des Romanov, anarchistes et ceux qui ne se retrouvent dans rien de cela, le tout saupoudré d’une désagréable odeur d’antisémitisme. Il ne peut avoir de roman de la libération sans sa figure héroïque, incarnée par Arvīds Gaiļkalns, l’ancien voisin et ami, et plus que tout modèle du narrateur, voix vers l’autonomie d’une Lettonie nouvelle ou l’enseignement en letton devient la règle. Ce sont là mes passages préférés de tous.





J’ai donc lu ce roman une première fois au cours du mois d’octobre dernier sans en prendre le temps de noter mes impressions. Au moment d’en rédiger mon avis en ce mois de juin, il m’a fallu une seconde relecture, certes plus rapide, mais nécessaire et salutaire, le texte est truffé de références historiques, culturelles. Mais quiconque s’intéresse à ce pays balte ou à l’histoire de l’Europe Orientale, ce roman est un passage essentiel.












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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

En 1905 la Lettonie fait partie de l'empire russe et de nombreux allemands ont aussi fait mains basses sur les richesses de ce pays.

L'enseignement se fait en russe et la culture et l'identité lettone ont du mal à se frayer un chemin.

La révolution de 1905 en Russie parvient jusqu'à Riga et les campagnes avoisinantes. Socialistes et anarchistes se battent contre l'empire pour réclamer leur indépendance. Cette révolte est réprimée dans la violence et en 1906 il ne reste que quelques rares protestataires, poursuivit par la police. Rūdolfs a grandi dans une petite ferme à l'ombre de l'imposant domaine sur la Butte-aux-Coqs. Il devient instituteur et s'engage dans le combat pour la Lettonie. Mais que faire quand on n'a pas l'envergure d'un combattant ? Quand la violence qui s'abat transforme les hommes. En 1906 à Riga, 3 enfants sont enlevés. Y a t il un lien avec les événements précédents ?

Une plume intéressante, torturée, qui nous fait vivre ces événements au cœur de l'hiver glacial de 1905, prémices de bien des chamboulements ultérieurs.
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À l'ombre de la Butte-aux-Coqs

Riga bien qui Riga le dernier



Riga, 1905. Au tournant du XIX° siècle, la Lettonie est en proie à des tensions politiques nationalistes. L’empire russe est durement malmené et la révolution qui fait rage en Russie provoque des remous un peu partout, notamment en Lettonie à coup de grèves et de manifestations.



Dans ce contexte politique chargé, trois enfants disparaissent en pleine rue au sein de la capitale. Le roman d’Osvalds Zebris se décompose, de manière assez classique somme toute, en plusieurs fils narratifs. L’un se concentre sur les événements liés au triple enlèvement à travers la vision de l’enlèvement par Rudolfs, le kidnappeur, et l’enquête et ses à-côtés avec les partis pris des policiers. L’autre permet au lecteur d’appréhender l’Histoire lettone récente à travers le passé de Rudolfs et d’Arvid, le second protagoniste de ce récit.



Arvid et Rudolfs viennent du même endroit provincial, ont vécu le même style d’enfance, ont traversé la même révolution lettone et pourtant ils ont pris des directions totalement différentes. Les événements historiques qui ont jalonné leur vie depuis l’enfance ne les ont pas « traumatisés » de la même manière. Leurs trajectoires ont commencé à bifurquer dès l’adolescence. Cet aspect du récit d’Osvalds Zebris montre parfaitement bien que l’instruction et l’éducation forment les fondations de la liberté. Les instituteurs l’ont d’ailleurs payée chèrement en étant une des populations les plus martyrisées des événements qui ont secoué la Lettonie : arrêtés arbitrairement, pendus ou exécutés sommairement… ils faisaient partie de ceux qui s’opposaient à la dérive fasciste, antisémite et nationaliste (notamment représentée par des groupes tels que les Cents Noirs) prise par leur pays (dérive nationaliste ouvertement pro-russe et pro-monarchie).



Dans cette Lettonie fascisante, les courants antisémites ont le vent en poupe y compris au sein de la police dont les partis pris sont légions… Osvalds Zebris prend toutefois le soin de contrebalancer ces tendances racistes en positionnant un enquêteur « neutre » qui se concentre sur les faits et ne cèdent pas à la facilité en pointant du doigt des victimes pour en faire des coupables de l’enlèvement. L’auteur sauve la face de son pays…



La liberté est l’un des piliers de ce roman. Rudolfs et Arvid l’appellent de tous leurs vœux. Mais l’un, Arvid, sait rester droit dans ses bottes en se battants pour des idéaux de fraternité et d’égalité tandis que l’autre, Rudolfs, est faible avec ses propres idéaux : il renvoie l’image d’un pleutre qui ne tente même pas d’assumer ses idées ou ses actes, sauf peut-être devant sa mère dans l’espoir vain d’y trouver du réconfort.



A travers ces deux personnages et à travers l’histoire de la Lettonie, deux notions de la liberté s’affrontent ouvertement. Il y a la liberté en tant qu’indépendance et émancipation par rapport au tsar et à la Russie (avec la crainte des représailles). Il y a aussi la volonté pour certains de prendre leurs distances avec leurs démons intérieurs.



L‘intérêt du livre d’Osvalds Zebris ne réside donc pas dans la résolution de l’enquête sur le triple enlèvement : on sait qui l’a fait, la découverte de sa cache n’est qu’une histoire de temps… Cet enlèvement n’est qu’un prétexte même si les trois enfants kidnappés ne le sont pas innocemment ou gratuitement. Ils ont été choisis en fonction du passé de Rudolfs. Mais les actes de Rudolfs s’inscrivent dans une histoire plus ancienne et plus complexe qu’une basique question de vengeance. C’est ce contexte historique global qui prend tout son sens dans la narration d’Osvalds Zebris et qu’il rend parfaitement bien.



C’est une aussi belle réussite qu’une bonne découverte !


Lien : https://garoupe.wordpress.co..
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