AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Ottessa Moshfegh (65)


Tout l’été, j’avais été tellement fière de faire des tours en barque et de contempler la terre ferme, l’ensemble de ma propriété. C’était à moi. Je la possédais, je possédais ce sublime bout de la planète Terre. Il n’appartenait qu’à moi. Et l’île, avec son étrange promontoire et ses rochers dangereux, ses quelques pins solitaires, son myrtillier, enfin sa clairière juste assez vaste pour qu’on puisse y poser une couverture, tout ça aussi m’appartenait. Posséder me rassurait énormément. Personne ne pourrait jamais interférer. Le titre de propriété était à mon seul nom — l’ensemble des cinq hectares. Je n’avais même pas tout vu, à cause de mon allergie aux pins.
Commenter  J’apprécie          150
Entendons-nous: je ne me suicidais pas. C'était même tout le contraire d'un suicide. Mon hibernation relevait d'un instinct de conservation. Je pensais qu'elle me sauverait la vie.
Commenter  J’apprécie          130
La dernière fois que j’étais entrée dans cette église, c’était pour je ne sais quelle fête catholique. Je m’étais assise au fond et j’avais fait de mon mieux pour m’agenouiller, me signer, remuer les lèvres au son des prières en latin, et ainsi de suite. Je n’avais absolument rien compris, mais ça ne m’avait pas laissée indifférente. Il faisait froid. Mes tétons étaient au garde-à-vous, mes mains étaient gonflées, mon dos me faisait mal. Je devais puer l’alcool. J’avais regardé les élèves en uniforme faire la queue au moment de l’eucharistie. Ceux qui se mettaient à genoux devant l’autel le faisaient avec une telle intensité, une telle candeur, que j’en avais eu le cœur fendu. L’essentiel de la liturgie était en ukrainien. J’avais vu Popliasti jouer avec la barre rembourrée sur laquelle on s’agenouillait ; il la soulevait, puis la laissait violemment retomber. Il y avait des vitraux magnifiques, beaucoup d’or.
Mais, quand je suis arrivée ce jour-là avec ma lettre, l’église était fermée. Je me suis assise sur les marches en pierre humides et j’ai terminé mon Coca light. Un clochard, torse nu, a passé par là.
« Priez pour la pluie, a-t-il dit.
– D’accord. »
Je suis allée chez McSorley’s et j’ai avalé un bol entier d’oignons au vinaigre. J’ai déchiré la lettre. Le soleil brillait.
Commenter  J’apprécie          120
Elle s’appelait Magda. Personne ne saura jamais qui l’a tuée. Ce n’est pas moi. Voici son cadavre. 
Commenter  J’apprécie          80
Ne montez pas dans la voiture d’inconnus » et « Hurlez si quelqu’un essaie de vous attraper », nous disaient nos professeurs pour nous mettre en garde. Mais leur inquiétude ne m’a jamais fait peur. Au contraire, être kidnappée ou violée ou battue était l’un de mes rêves secrets. Au moins, j’aurais su que je comptais pour quelqu’un, que j’avais de la valeur. La violence avait beaucoup plus de sens pour moi comme moyen de communication qu’une conversation convenue.
Commenter  J’apprécie          80
Quelque chose était en train de se mettre en place. En mon for intérieur, je savais - c’était peut-être la seule chose que mon for intérieur ait sue à l’époque - qu’une fois que j’aurais assez dormi, j’irais bien. Je serais renouvelée, ressuscitée. Je serais une personne totalement nouvelle, chacune de mes cellules aurait été régénérée assez de fois pour que les anciennes ne soient plus que de lointains souvenirs nébuleux. Ma vie passée ne serait qu’un rêve, et je pourrais sans regret repartir de zéro, renforcée par la béatitude et là sérénité que j’aurais accumulées pendant mon année de repos et détente.
Commenter  J’apprécie          80
Méditant là-dessus dans la chambre noire de Reva, sous ses draps tristes et pelucheux, je ne ressentais rien. Je pouvais penser à des sentiments, des émotions, mais je ne pouvais pas les faire surgir en moi. Je n'arrivais même pas à identifier l'endroit d'où provenaient mes émotions. Mon cerveau ? Ça n'avait pas de sens. L'irritation était ce que je connaissais le mieux -un poids sur ma poitrine, une vibration dans mon cou comme si ma tête montait en régime avant de décoller de mon corps. Mais cela semblait directement lié à mon système nerveux -une réaction physiologique. En allait-il de même pour la tristesse ? La joie ? Le désir ? L'amour ?
Commenter  J’apprécie          70
Le week-end, je faisais ce que les jeunes New-Yorkaises comme moi étaient censées faire : je me faisais faire des lavages intestinaux, des soins du visage, des mèches, je fréquentais une salle de sport hors de prix, je restais allongée dans le hammam jusqu’à devenir aveugle et je sortais le soir en portant des chaussures qui me cisaillaient les pieds et me collaient une sciatique. Je rencontrais des hommes intéressants à la galerie, de temps en temps. Je couchais à droite et à gauche, par phases, je sortais, d’abord beaucoup, ensuite moins. Rien n’a jamais marché comme prévu en matière d’ « amour ». Reva parlait souvent de « se caser ». Pour moi, c’était synonyme de mort.
Commenter  J’apprécie          70
Chaque fois que je me reveillais ,de jour comme de nuit,je me trainais à travers l'étincelant vestibule en marbre de mon immeuble, je remontait la rue et je tournais au coin ,où se trouvait une Bodega qui ne fermait jamais.( Page 11).
Commenter  J’apprécie          50
C'était un opportuniste et un styliste, un fabricant de divertissement plus qu'un artiste. Néanmoins, comme un artiste, il estimait que la situation dans laquelle nous nous trouvions - lui le gardien de mon hibernation, avec toute latitude pour se servir de moi, en plein trou noir, comme de son "modèle" - était une projection de son propre génie, comme si l'univers était agencé de manière à l'amener vers des projets qu'il avait inconsciemment prévus des années auparavant. L'illusion d'un accomplissement prédestiné.
Commenter  J’apprécie          50
Ah le sommeil. Rien ne pouvait me donner autant de plaisir, autant de liberté, le pouvoir de sentir, de bouger, de penser, d'imaginer, loin des misères de ma conscience éveillée. Je n'étais pas narcoleptique - je ne m'endormais jamais sans le vouloir. Une somnophile. J'avais toujours adorer dormir. C'était une chose que ma mère et moi, quand j'étais petite, aimions faire ensemble. Elle n’était pas du genre à rester assise pour me regarder dessiner, ou à me lire des livres, ou à jouer à des jeux, ou à me promener au parc, ou à préparer des gâteaux. Là où on s'entendait le mieux, c'était quand on dormait. Page 57.
Commenter  J’apprécie          50
Chez Ducat, les œuvres d'art étaient censées être subversives, irrévérencieuses, choquantes quand en réalité ce n'était que de la sous-contre-culture formatée, "punk avec de l'argent"...
page 47
Commenter  J’apprécie          50
C’est ainsi que j’ai compris que le sommeil avait un effet : je devenais de moins en moins attachée à la vie. Si je continuais comme ça, me disais-je, je finirais par disparaître complètement, puis je réapparaîtrais sous une forme nouvelle. C’était mon espoir. C’était mon rêve.
Commenter  J’apprécie          40
En amour, je n'ai pas pris le plus court chemin : je me suis arrêtée dans toutes les maisons en cours de route avant de comprendre. Maintenant, finalement, je vis seule.
Commenter  J’apprécie          30
A la Bodega, j’ai pris deux cafés et une tranche de carrot cake préemballée, j’ai acheté tous les sacs poubelle que les Egyptiens avaient en stock, puis je suis remontée chez moi et j’ai tout emballé. Tous les livres, tous les vases, toutes les assiettes, les bols, les fourchettes, les couteaux. Toutes mes vidéos, y compris la collection Star trek. Je savais que je devais le faire. Le sommeil profond dans lequel j’allais bientôt entrer, si je voulais en ressortir régénérée, exigeait que je fasse le vide complet. Je ne voulais que des murs blancs, des sols nus, de l’eau de robinet tiède. J’ai emballé toutes mes cassettes, mes CD, mon ordinateur portable, mes bougies intactes, tous mes stylos et crayons, tous mes fils électriques, mes sifflets anti-viol et mes guides Fodor sur des endroits où je n’étais jamais allée.
Commenter  J’apprécie          30
Mes derniers jours dans la peau de cette petite Eileen révoltée, je les ai vécus fin décembre, dans une ville froide et brutale où j’étais née et où j’avais été élevée. La neige était tombée – une couche d’un bon mètre s’était installée pour l’hiver. Elle campait sur ses positions dans chaque jardinet de devant et montait à l’assaut des rebords de fenêtres des rez-de-chaussée comme le flot d’une inondation.
Commenter  J’apprécie          30
Une semaine plus tard, je devais m’enfuir de chez moi pour ne plus y remettre les pieds. Ce récit est celui de la façon dont j’ai disparu.
Commenter  J’apprécie          30
Le 11 septembre je suis allée m'acheter un nouveau magnétoscope -téléviseur chez Best Buy pour pouvoir enregistrer les reportages sur les avions qui s'étaient écrasés sur les Twin Towers.( Page 315).
Commenter  J’apprécie          20
« Don’t be that way,” Reva crooned drunkenly. “Soon we’ll be old and ugly. Life is short, you know? Die young and leave a beautiful corpse. Who said that?”
“Someone who liked fucking corpses. »
Commenter  J’apprécie          20
« Dieu est une invention, comme le Père Noël, nous avait dit notre mère. Personne ne vous observe quand vous êtes tout seul. Vous décidez vous-même ce qui est bien ou mal. Il n’y a pas de récompense pour les petites filles sages. Si vous voulez quelque chose, battez-vous pour l’obtenir. Ne vous laissez pas avoir. » Je ne pense pas qu’elle nous ait donné une plus grande preuve d’affection que le jour où elle a fait cette réflexion terrifiante : « Que Dieu aille au diable. Et votre père aussi. » (91)
Commenter  J’apprécie          20



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Ottessa Moshfegh (693)Voir plus

Quiz Voir plus

Tonton Tata, Papa Maman, Cousin Cousine, frères et soeurs

Régis Franc est connu pour sa BD sociale ..........?............. je sais ça vole pas haut

Tonton Marcel
Tata Marcelle

10 questions
5 lecteurs ont répondu
Créer un quiz sur cet auteur

{* *}