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Citations de Pablo Casacuberta (47)


je voulais affirmer très clairement, même pour moi seul, que jusqu’à ce jour, y compris dans des contextes plus extrêmes, j’avais été un homme fondamentalement censé, qui répondait de façon un peu tordue à des stimuli encore plus tordus que mes réponses.
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Dehors, l'orage redoubla soudain et une nouvelle rafale de vent et des gouttes grosses comme des grains de raisin frappèrent la fenêtre.
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« J'avais toujours senti que maudire mon père était une prérogative dont j'avais l'exclusivité, un droit dont personne ne pouvait me priver, car il faisait partie de mon être le plus intime. J'avais souvent dû supporter les conséquences de mon rejet dans la plus extrême solitude, entouré de foules qui suivaient partout le professeur et qui l'adoraient. Et même si j'avais imaginé que son impeccable image publique se ternirait un jour, jamais je ne lui avais souhaité le ridicule ou la honte. J'aurais préféré que mon père se rende compte de l'absurdité de son comportement sans avoir besoin que la vie le traîne dans la boue. En vérité, je souffrais quand quelqu'un se moquait de lui, sûrement parce que je savais qu'une part de cette moquerie me concernait, puisque je partageais certains de ses pires attributs, mais dans le fond j'étais aussi mal à l'aise d'assister à ces moqueries pour une raison plus obscure, parce qu'en réalité la critique méprisante était une espèce de territoire, de refuge qui m'était réservé, et que je ne voulais céder à personne. »
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Même dans mes souvenirs les plus anciens figurait déjà la conscience douloureuse d'être plus massif, plus grand et plus fruste que ce qu'aurait requis toute interaction vertueuse avec mon entourage ; d'être moins éveillé, sain ou rapide, mais surtout d'être moins présent dans le monde que les autres, de me voir condamné à percevoir des scènes de ma vie depuis une sorte de balcon éloigné des faits ; enfin, cette vieille impression que le monde m'appartenait un peu moins qu'à mes congénères et que c'était déjà tellement caractéristique de ma constitution interne qu'il paraissait impossible de la déloger de mon cadre vital.
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Cette plénitude avait quelque chose de triste. Comme une angoisse permanente de l'éphémère, qui rythmait le plaisir du moment, mais le problématisait, en faisait une sorte d'abîme.
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Dehors, la pluie redoubla tout à coup. Des gouttes virulentes frappaient la vitre de la fenêtre comme des doigts impatients et une branche agitée par le vent s'inclinait jusqu'à frôler de ses feuilles une lucarne au verre biseauté, en une abominable révérence. Je constatai qu'une congrégation de nuages noirs envahissait le cadre de la fenêtre, comme pour manifester en toute hâte, de la façon la plus imagée, le ton plombé et sombre de leur présage.
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Par ailleurs, elle était une personne qui éprouvait encore de la tendresse pour ses rêves inaccomplis.
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Je cédai sur la cravate, car je dus bien finir par accepter que la vie professionnelle exigeait, entre autres choses, de démontrer que l'on était capable de se sacrifier, comme disait maman. La cravate était seulement le signe le plus visible de cette disposition à mourir pour l'entreprise. Bien sûr, ma mère ne le formula pas ainsi, se limitant à remuer ses lèvres pour dire autre chose tandis que j'imprimais cette tournure à ses mots. J'aimais me servir de leur rumeur pour structurer ma pensée. Non que ma mère ne fut pas un être raisonnable et susceptible de faire des associations pertinentes, mais elle dédaignait les lectures de référence, ma petite passion, et par conséquent ses pensées se dépliaient en l'air sans l'appui d'un exemple, d'une donnée permettant d'épingler tant bien que mal ces fragments isolés et insaisissables.
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« Car de cette demi-minute passée sous l'eau, me restait surtout l'image de ma mère, mais aussi la sensation corporelle de sa présence. Ce visage gigantesque, brillant devant mes yeux comme une visitation angélique, m'avait fait revivre cette proximité que j'avais sentie dans tant et tant de nuits froides, lorsque maman venait me border dans mon lit et caresser mes joues, en partageant avec moi la chaleur de son haleine comme une sorte d'élan vital. Et j'emploie cette expression sans aucune exagération, car pendant ces moments-là j'avais l'impression de pouvoir inhaler exactement la bouffée qu'elle venait d'inspirer et que cet air, ainsi enrichi, me protégerait pour traverser les longues incertitudes de la nuit. La sensation d'avoir un nez, et qu'il soit si près du sien, la sensation d'avoir une poitrine étroite et nouvelle, comme d'un pigeon, qu'elle emmitouflait avec soin, comme si c'était la sienne, ou même plus, comme si elle logeait dans un coin de cette minuscule cage d'os, toutes ces réminescences de la petite enfance – cette époque où avoir une mère représentait une puissance évidente, inaliénable et éternelle – avaient été réactivées d'un coup et palpitaient aux tempes, aux oreilles et au nez, comme disant : « Anibal est toujours là, caché : cherchez-le ». »
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Toutes les cathédrales que j'avais bâties, persuadé que le sens de mes actes était implicite, avaient dû retourner à la poussière d'où elles étaient venues. C'était comme si chaque scène vécue constituait une espèce d'essai irrésolu, exigeant de moi une énorme dépense d'énergie dont, après tant de combats intérieurs, il ne restait plus rien. Ma vie entière pouvait se voir comme une longue succession de "choses qui étaient presque arrivées", de constructions et de tentatives susceptibles d'aboutir. Je me demandai si l'existence des autres, cette masse infinie d'yeux, de bras et de jambes qui parcourt les rues tous les jours et à laquelle je prêtais à tort ou à raison des intentions, ne serait pas une grande addition de petites odyssées individuelles qui laissaient les protagonistes à quelques pas à peine de l'endroit où elles avaient commencé, chacune faite de prétextes, de délais pressants et de doctrines justificatives, et néanmoins tout aussi vide et insignifiante qu'une colonie de moules.
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En voyant l’ampleur de l’angoisse que révélait son visage, j’eus la tentation de m’excuser, de faire une révérence et de me jeter tout simplement par la fenêtre
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Car la vérité est qu'avant de travailler comme charlatan, j'ai étudié la médecine. La vraie médecine, je veux dire, celle qu'on étudie dans les universités, puis je me suis spécialisé et j'ai fini par devenir un pneumologue acceptable. J’ai honoré la méthode scientifique, le doute et le scepticisme jusqu’à ce que la vie de luxe que j’avais bâtie autour de mon épouse exige de moi une clientèle de plus en plus nombreuse et avide de spectacle...
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Je restai quelques instants absorbé par ces éclats rouges qui enflammaient le bord de mes paupières et mon indignation initiale fut lentement déplacée par le retour de mon autre moi, l'encyclopedique, mon sosie guerrier, l'érudit héroïque qui se chargeait de mes collections et des questions importantes, au lieu de se soumettre à ces bêtises.
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Je fermai les yeux et fronçai les sourcils : si une illumination devait couronner la journée, je devais l'aider à venir. La pression sur mes paupières provoqua sur la rétine l'illusion de recevoir une fausse lumière, une lumière indéfinie née justement du froncement de sourcils. J'aimais créer dans les yeux cette espèce de feu de Bengale et l'observer, en supposant que suivre attentivement ses modulations était une façon de me pencher sur ce territoire inconnu qui s'étendait derrière mes yeux, la où le nerf optique conduisait au redoutable moi.
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Je pensais aussitôt que les pères et les fils ne se réunissent presque jamais dans l’herbe, ou au bord d’une rivière, et qu’ils échangent rarement des idées sur la vie. Passée la première jeunesse, pères et fils, plus simplement, perdent peu à peu le contact, et finissent par ne plus se voir qu’à Noël où à leur jour de fête.
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Je m’efforçai de ne pas perdre de vue l’oiseau qui sautait de branche en branche comme si les lieux lui appartenaient et que je devais lui demander la permission de l’observer.
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Je me rendis compte qu'Ernesto s'avançait déjà vers ce monde terrible qui l'attendait au coin de la rue, la redoutable adolescence. Un de ces quatre matins il allait arriver devant ce vide, découvrir qu'il ne pourrait plus être le même pour faire le bonheur des autres, mais qu'il devait être comme les autres...
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Brusquement je pensai à cette main caressante que j'avais passée un peu plus tôt sur la page du journal, cette très brève illusion de contact que j'avais ressentie avec l'écriture de mon père, et je me rendis compte pour la première fois que quelque part dans mon âme il me manquait, que son ombre tant redoutée avait été mon seul foyer depuis l'âge de sept ans, et bien que ce fût souvent un foyer inhospitalier et humiliant, c'était malgré tout le lieu où il m'avait été donné de vivre.
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À mesure que ses chaussures se mêlaient à des dizaines de pieds, je reconnus dans cette marée de jambes un petit chien errant qui rôdait souvent autour de l'immeuble. Comme il m'était arrivé de lui céder une bouchée de ce que j'achetais en sortant de la consultation, la pauvre bête me faisait fête comme au plus dévoué des êtres humains, son accueil haletant et sa queue frétillante étaient les meilleurs stimulants pour poursuivre mon chemin. Les employés qui surveillaient les voitures garées dans le parking du Mignón l'appelaient Hitler, car il avait une tache sur le museau, comme une moustache. Ce nom attribué à un animal si noble m'avait toujours paru d'une extrême cruauté, car même si la ressemblance avec la moustache était évidente, une âme sensible l'aurait plutôt appelé Chaplin, ainsi que je l'avais baptisé intérieurement sans jamais prononcer ce mot. C'était un chien reconnaissant, un gentil vagabond qui ne réclamait rien à personne mais fêtait n'importe quelle pitance comme s'il s'agissait du plus délicieux des mets, et j'aimais penser qu'entre nous s'était établie une certaine amitié.
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Je pensai combien le monde s'était réduit depuis l'époque où il était soutenu par des éléphants debout sur des tortues, devenant de plus en plus petit par rapport à la dimension relative prise par l'univers, et ce dramatique changement de dimension me consola un peu, comme s'il me faisait savoir que la dimension de ma tragédie personnelle allait à son tour diminuer par rapport à ma future expérience.
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