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Citations de Paco Cerdà (15)


En écoutant Héctor [instituteur] on découvre, peu à peu, cette bulle hermétique et isolée de l'extérieur, que constitue l'école rurale. On est d'abord surpris par les failles. Il y a un manque de socialisation chez ces enfants fréquentant de si petites écoles et vivant dans ces villages si déserts où une chose aussi basique que celle de jouer au football, au basket ou encore au volley s'avère impossible. Il n'y a pas suffisamment de joueurs pour pratiquer de façon normale des sports d'équipe, et on essaie d'y remédier par de sporadiques journées portes ouvertes avec les autres écoles rurales. Parfois tu aimerais partager tes secrets avec ta copine de classe: à Moros, ils sont quatre et Arancha est l'unique fille, il n'y en a pas d'autres avec qui parler, jouer et grandir; au village, ses seules amies sont des adultes.
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[A propos de la province de Teruel:]
On identifiait le monde rural à un monde de ploucs et on a cru que l'avenir se jouait en ville. Avec le temps, néanmoins, on a constaté que les fortes massifications humaines engendraient des poches de pauvreté, des ghettos et de l'insécurité. Et malgré cela, la dynamique urbaine continue. Moi, parfois, je me demande si le mépris envers le monde rural ne répond pas à une manoeuvre qui viserait à le vider pour ensuite faire de la spéculation avec ses terres. Si ce n'est pas le cas, on ne comprend vraiment pas comment il est possible que l'Etat ne valorise pas un territoire avec un tel élevage, un tel patrimoine agricole, minier et culturel, une telle diversité de paysages. C'est ridicule de perdre autant de forêts et de cultures. Et il ne sert à rien de convoquer de vaines excuses: ce n'est ni à cause du froid ni à cause du relief. Cette terre a été peuplée pendant des milliers d'années de façon constante jusqu'à il y a un siècle. Si on n'intervient pas et si personne ne décide de s'engager, nous aurons bientôt une moitié d'Espagne surpeuplée et une autre à moitié vide, lance-t-il, presque d'une traite.
[Propos de Miguel Angel Fortea, coordinateur du mouvement "Teruel existe"]
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[Conversation avec Maria del Mar Martin (Coordination pour le développement intégral de Ségovie):]
- On a tout écrit sur le dépeuplement. Mais c'est tout ce qu'on a fait, écrire et analyser. Comme le dit un ami: j'en ai marre qu'on m'étudie, on a l'air de bêtes de foire. Pourtant on n'est pas des bêtes de foire. On en a ras la casquette de recevoir des leçons. Tout le monde vient ici pour nous dire ce qu'il faut faire pour nous en sortir. Mais personne ne reste pour s'y mettre. Les gens viennent, parlent et se cassent. Et c'est usant.
C'est plus que ça, c'est épuisant, car malgré les efforts constants pour attirer de nouveaux habitants dans le milieu rural, les perspectives sont plutôt funestes. Mari Mar raconte les deux processus de dépeuplement parallèles qui se sont développés. Le premier, vers l'extérieur, c'est celui que tout le monde connaît: ceux qui partent du village pour la ville. [...] Le second processus, vers l'intérieur, est méconnu mais il a laissé une trace indélébile en laissant un territoire dévertébré: les plus grands villages de la comarque ont mangé les plus petits, les vampirisant dans une réaction d'autodéfense face à l'exode massif qu'ils subissaient. Ils ont par conséquent laminé la base sociale des plus faibles. Le premier type de dépeuplement a démarré dans les années 1960. Le second est lui aussi toujours actif.
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[Conversation avec Maria del Mar Martin (Coordination pour le développement intégral de Ségovie):]
- Il y a une grande ignorance sur ce qu'est un village. Une partie de la société a mythifié l'ambiance rurale; une autre l'a méprisée. Il existe deux extrêmes. Et ici nous ramenons le terme à son juste milieu pour que les gens ne se trompent pas sur l'endroit où ils veulent aller.
Il est facile de lire Thoreau, d'en avoir assez du patron, du bureau, des embouteillages de la ville et de se laisser aller à rêver d'une vie slow. Il est facile de prédisposer l'âme pour embrasser un mode de vie en vogue, stylé et glamour: le néoruralisme. Ca, c'est facile. Ce qui l'est moins, c'est de laisser Walden sur la table de chevet, une fois arrivé à Campo de San Pedro et, à partir de là, lutter contre ce qu'on n'avait jamais imaginé de la vie dans un petit village. Parce que, bons ou mauvais, les clichés sur la campagne ont la vie dure.
Mari Mar explique qu'ils sont las de devoir répondre à toutes ces sollicitations qui ne sont ni plus ni moins que des fuites en avant dans des contextes de crise, qu'elles soient générales ou personnelles. Ce n'est pas "je veux vivre au village", mais plutôt "on me chasse de chez moi, je n'ai plus de travail et comme au village il n'y a personne, vous allez pouvoir me donner un logement et du travail et m'aider à résoudre mes problèmes". Et ça, ce n'est pas possible, s'exclame-t-elle. Et de continuer: il y a des gens qui ressentent le besoin de partir, d'emménager dans un village et de travailler la terre pour en vivre. Mais, même si elle est dépeuplée, cette terre n'est pas abandonnée. Il y a des propriétaires qui ne sont pas prêts à la lâcher pour une bouchée de pain ou qui n'ont pas envie de se défaire, pour des raisons sentimentales, de ces sillons tracés par leurs ancêtres. Et alors, aussi paradoxal que cela puisse paraître, les nouveaux venus se retrouvent dans l'impossibilité de cultiver le moindre millimètre de terrain dans ces parages, pourtant vides.
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Maintenir un tel monde n'était pas intéressant. Il valait mieux soutenir les périphéries et l'industrie. Ici personne ne dépensait, il était préférable que les gens s'en aillent ailleurs; comme ça, on louait ou on rachetait leurs terres. Et on a ainsi tué les petites exploitations. On a offert aux habitants mille manières d'émigrer dans les villes. En Navarre, au Pays basque. Ils ont réussi à les embobiner. Mais une fois arrivés en ville, les gens se sont rendu compte qu'il fallait se lever à cinq heures du matin pour aller à l'usine. Qu'il fallait prendre des bus bondés. Qu'ils perdaient tout contact avec la nature et qu'ils passaient des heures à l'usine, assis à leurs postes, à voir passer des pots, des conserves ou n'importe quoi. Il est clair qu'on ne vit pas mieux en ville qu'en campagne. En ville, celui qui a une bonne situation vit bien, mais pas l'ouvrier ni la personne qui balaie les trottoirs. Le domaine de qualification des gens qui partaient d'ici, c'étaient la terre et les brebis, mais dans les grandes villes ça ne leur servait à rien. A la longue, beaucoup ont regretté. Mais la vie suit son cours, la plupart du temps très vite. Et il arrive un moment où le manque se fait sentir. Mais alors on est trop vieux, on a des petits-enfants qui eux sont très attachés à leur lieu de naissance. Et le village reste dans les souvenirs qui amplifient, embellissent, idéalisent les choses. Beaucoup ont passé la moitié de leur vie à se rappeler leur terre, leurs champs, leurs bois. Et un jour ils retournent au village, retrouvent l'endroit à l'état d'abandon et découvrent que ce n'était pas si grand, ni aussi beau et idéal qu'ils l'imaginaient.
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Reculer : rêve impossible pour le pion, privilège de la noblesse.
(Page de 223)
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Le proverbe italien titille : A la fin de la partie, le roi et le pion retournent dans la même boîte. Une boîte fermée, sans compartiment de classe, où l'obscurité lugubre fait disparaître les prééminences et efface toute distinction. Pour qui ne possède qu'un socle, un cou et une tête, sans défense devant les assauts de la partie, les royales couronnes ne scintillent plus et la simple nudité n'effraie plus. La métaphore est belle. Omar Khayam, mathématicien perse du XIe siècle, l'a résumée dans ses "Rubayat" en quatre vers :
"Pour parler selon le vrai, pas de métaphores,
Nous sommes les pièces d'un jeu, le Ciel est le joueur; que joue le ciel;
Nous jouons un petit jeu sur l'échiquier de l'existence,
Puis, un par un, nous rentrons dans la boîte de la non-existence."
Ennemi des doctrines qui enferment et autres moutons de Panurge, Khayam laissa un message destiné aux rois et aux pions. Il s'adresse peut-être davantage à ces derniers, ceux qui ont toujours le regard fixé sur le huitième rang de la métamorphose ou l'esprit prisonnier de leur devoir de protection au roi. Ce libre-penseur accusé de nihilisme hédoniste dit que l'espérance mondaine dans laquelle les hommes mettent tout leur coeur se transforme en cendres ou, au contraire, porte ses fruits; mais bientôt, comme la neige sur la surface poussiéreuse du désert, après avoir brillé une heure ou deux , tout s'évanouit. La seule chose qui reste alors c'est l'obscurité lugubre de la caisse. Le noir, la poussière, le néant, la non-existence.
(pp.54-55)
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Le roulement de tambour retentit et le pion se met en mouvement. Il veut croire qu’il décide. Il croit décider ce qu’il croit. Le roulement de tambour transmet l’ordre, marque le rythme, impose la cadence. Les pions obéissent. La plupart du temps sans même voir le tambour ou le percussionniste. Il suffit d’entendre les coups pour ensuite les sentir, ces coups.
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La Cour Suprême lui a donné raison et a obligé l’université à lui ouvrir ses portes aujourd’hui, 1er octobre 1962, et ainsi permettre qu’il devienne le premier noir à s’inscrire et étudier dans ce cadre enclavé du Sud, dans le bastion de la suprématie blanche ; le cœur de l’Amérique raciste, l’Amérique à la cagoule blanche et aux trois K.
Lundi. le pion noir, le plus noir de toute l’Amérique, avance sans peur. On le hue, on lui crache dessus, on lui jette des pierres. La foule, le bruit et la fureur. Mais lui, costume-cravate, mallette dans la main droite, un pas après l’autre, visage serein, ne se démonte pas. En réalité, il ne voit personne, il n’entend rien. Le silence, l’esprit vide. Aucune once de crainte,. Je n’ai pas peur, se dit-il, car je suis un noir du Mississippi, s’explique-t-il, et cette condition à elle seule signifie que je suis déjà mort. Et un homme mort n’a pas peur.
(Page 140)
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On tuait froidement, systématiquement. C’était l’idéologie gouvernementale : tuer, détruire l’esprit démocratique du peuple, écraser la tête à coups de culasse, le cœur de la classe ouvrière et des forces progressistes. Le général Franco s’imaginait qu’enveloppé dans ce bain de sang, il pouvait dormir tranquille. Mais il s’est trompé. Ni la prison ni la mort n’ont pu venir à bout de la lutte et de la résurgence d’un peuple.
(136)
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Le proverbe italien titille : à la fin de la partie, le roi et le pion retournent dans la même boîte. Une boîte fermée, sans compartiment de classe, ou l’obscurité lugubre fait disparaître les prééminences et efface toute distinction.
(Page 54)
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Le héros ne profite jamais de sa victoire, car en règle générale, sauf à de rares exceptions, il meurt dans son effort. C’en est d’autres qui tirent l’usufruit de la victoire : les calculateurs, ces imperturbables lâches, restés à l’arrière, bien à l’abri.
(Page 15)
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Titre espagnol : Los Ultimos. Voces de la Laponia española
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Avant de prendre congé, Maria Pilar Burillo montre sur des cartes l'évolution de la densité de chaque municipalité tout au long du XXe et du XXIe siècles. La couleur noire, qui distingue les villages ayant une densité critique de 0 à 2 habitants au kilomètre carré, envahit peu à peu l'ensemble de la Serrania Celtibérica. Le noir s'étale et finit par gangrener tout le corps. On devine toute la chaîne évolutive derrière cet obscurcissement de la carte : manque d'opportunités et d'aménagement, émigration, vieillissement, dépeuplement, extinction. La démothanasie.
- C'est comme un cancer, ça avance en dévorant tout sur son passage, sans s'arrêter. C'est affreux, dit-elle.
(pp.58-59)
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Je suis venu à Motos pour voir et entendre ça. Le chemin monte ou descend selon le sens d'emprunt de la route principale. Pour celui qui arrive, il monte, pour celui qui part, il descend. Est arrivé le temps de descendre et de laisser derrière moi le souvenir de Matias et de la solitude que j'ai rencontrés une après-midi dans ce lieu où rien ne blanchit la terre ni ne l'éclaire la nuit. Ce lieu où plus personne ne soupire pour y retourner. Motos : le village semble si seul, comme s'il était abandonné, comme si personne n'y habitait, malgré le berger et son troupeau.
- Et pourquoi ça a l'air si triste ?
-C'est l'époque, monsieur.
L'époque de la désolation.
(p.45)
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