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Critiques de Pat Barker (251)
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Le silence des vaincues

L'idée de départ est géniale : renverser le mythe de la guerre de Troie en féminisant l'épopée homérique. Les femmes muettes pendant des millénaires de l'Iliade ont désormais une voix forte qui n'est plus celle d'un choeur gémissant et se lamentant. Pat Barker sculpte les différentes figures de la femme ( épouse, veuve, mère, concubine ) autour de celle de Briséis, chargée d'être la narratrice.



Le roman démarre quelques mois plus tôt que l'Iliade. Lyrnessos, la capitale du royaume de Mynès l'époux de Briséis, vient d'être détruite par Achille. Briséis sera le trophée de ce dernier, forcée à partager sa couche avec celui qui a tué son époux et ses trois frères, rejoignant les autres femmes prises de guerre dans le camp des Grecs qui assiègent Troie depuis neuf ans.



La lecture est incroyablement immersive. On est directement et totalement plongé dans la cruauté de la guerre restituée de façon très sensorielle ( les rats, la puanteur des charniers, des corps, la sueur, les blessures ). Et dans ce chaos, Pat Barker explore parfaitement la tragédie de l'impuissance des femmes réduites à l'état d'esclaves sexuels et domestiques.



L'auteur ne s'appesantit pas sur le description des viols perpétrés. Les captives troyennes ont en elle quelque chose de douloureusement résigné, le temps a passé, nombreuses ont eu des enfants avec leurs bourreaux, certaines s'y sont attachées. Il y a bien quelques allusions aux séquelles de nuits difficiles, soignées à coup de graisse d'oie broyée dans des herbes médicinales. Même sans sentimentalisme ou sensationnalisme, le lecteur est tout autant en empathie avec ces femmes violées et échangées. le corps des femmes n'étant qu'un objet à travers lesquels les hommes luttent les uns contre les autres pour asseoir leur statut. Un passage est bouleversant, celui du sacrifice de la princesse troyenne Polyxène sous le regard de sa mère Hécube ( Pat Barker s'inspire ici de la pièce d'Euripide Les Troyennes ).



Il y a bien quelques longueurs, quelques anachronismes post MeToo, mais ce qui a perturbé l'appréciation de cette lecture, c'est le changement de braquet de l'auteure. Pourquoi quitter à mi-parcours la première voix de Briséis pour passer à la troisième personne, plus impersonnelle, plus masculine ? J'ai trouvé les raisons de ce changement assez opaques. On se retrouve avec des chapitres centrés sur Achille et qui reprennent des événements archi connus : la colère d'Achille lorsqu'Agamemnon lui ravit Briséis, son refus de participer aux batailles, son désespoir à la mort de Patrocle. Le personnage d'Achille est très bien traité, le présentant comme un homme brisé par la guerre et une terrible mère, celui de Patrocle aussi, tous les deux empêtrés dans la violence de la culture patriarcale de l'époque. Mais moi il me tardait de retrouver le point de vue féminin, l'âme du roman.









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Le silence des vaincues

N'en déplaise à Jean Giraudoux, la guerre de Troie eut bien lieu. Et d'autres encore après celle-ci.

Le silence des vaincues, c'est l'Iliade au féminin. 

La romancière anglaise Pat Barker s'est penchée sur le champ de bataille le plus célèbre de l'histoire de l'humanité, la guerre de Troie.

Elle nous rappelle ici un récit vieux de plus de deux mille cinq cents ans et qui résonne encore à nos oreilles aujourd'hui, parce que depuis l'Iliade, ce n'est qu'un éternel recommencement...

Rien n'a peut-être changé depuis deux mille cinq cents ans, la guerre, la gloire, la grandeur, les ambitions, l'humiliation, la haine, la revanche, les forts qui écrasent les faibles, la mort au bout du chemin, tandis que certains résistent...

Entre toutes les femmes qui ont joué un rôle primordial dans la guerre de Troie, Pat Barker aurait pu choisir Andromaque l'épouse d'Hector, Cassandre la prophétesse, ou bien encore Hécube femme de Priam le roi de Troie et mère de toutes les Troyennes. Et pourquoi pas la belle Hélène pour laquelle des hordes de soldats vont s'entretuer durant neuf ans ? Non, sûrement pas la belle Hélène, les Troyennes la détestaient tant...

Alors, entre toutes les femmes de Troie, ce fut Briséis. Elle les incarna toutes à sa manière, ici dans ce texte sobre et magnifique et dans la plaine ravagée de Troie...

Briséis, reine de Lyrnessos, cette cité aux avant-postes de Troie qui ne résista pas à l'assaut des Achéens venus laver le blasphème et récupérer la belle Hélène.

Voilà neuf ans que cette guerre perdure !

Entre toutes les femmes de Troie, elle est la mère, la soeur, la cousine, la fille, la concubine... Elle est celle qui appartient désormais à Achille, le grand guerrier grec chef des Myrmidons...

Entre toutes les femmes de Troie, elle est muette et passive, elle est captive, faite prisonnière comme ses soeurs d'âme devenues esclaves comme elle, elle est un tribut, un trophée de guerre. Est-elle encore une femme ?

Comme ses soeurs d'âme, elle écarte désormais les jambes le soir pour accueillir celui qui a tué pas plus tard que la veille son époux, ses frères qui étaient encore peut-être des enfants... Celui qui demain reprendra son glaive pour tuer d'autres parmi les siens...

Est-elle encore une femme dans ce camp retranché où d'autres femmes jettent sur leur métier à tisser inlassablement des scènes de guerre, des scènes de vie, leurs déchirures à jamais inconsolables...

Briséis, elle est celle qui involontairement jeta la brouille dans le camp adverse, entre Agamemnon, roi de Mycènes et Achille le meilleur guerrier parmi les Achéens...

Jeta ce dernier dans une bouderie de gosse parce qu'on lui avait pris son jouet, son beau trophée de guerre...

Jusqu'à ce qu'on vienne le supplier sous sa tente en la personne d'Ulysse, excusez du peu ! On te ramènera Briséis...

Briséis, forte et fragile à la fois, plus seule que jamais...

Sa seule résistance c'est la compassion pour les siens, sa seule résistance c'est de ne pas vouloir mourir.

Panser les cicatrices, y compris celles des ennemis ; fermer les yeux des morts, y compris ceux des ennemis...

Et puis nager le soir dans la mer infinie, se laver de la barbarie dans les flots immaculés...

Le récit de Pat Barker offre la cruauté de la guerre, vécue de manière lucide et crue, mais convoque aussi dans ces instants tragiques et douloureux la pureté de la lumière que l'on est capable d'étreindre comme quelque chose de vital et de précieux...

L'amitié du bon Patrocle, frère et confident d'Achille, seul personnage à savoir contenir la fougue et les pulsions souterraines de son ami...

Et puis tant d'autres moments où Briséis oublie la guerre, se souvient, dans le fardeau de la mémoire. Quelques jours d'une paix lumineuse, entre parenthèse dans le bruit des glaives et du sang. Parfois, des guerriers endurcis au combat écoutent une esclave chanter une berceuse troyenne à son bébé grec. Instant de tendresse... Ou bien d'autres instants encore où les combats s'arrêtent pour respecter le deuil des deux camps...

Survivre avec cela...

L'écriture de Pat Barker dit cela avec la pudeur d'une beauté tragique.

A la lisière du monde, d'autres guerres sont venues depuis.

Entre toutes les femmes, Briséis est celle qui dit la douleur universelle des femmes, otages des guerres.

Je continue d'entendre sa voix par-delà les plaines et les remparts de Troie, deux mille cinq cents après...

Femmes humiliées, martyrisées, tondues, violées, sacrifiées... Que ce soient dans les faubourgs d'Aleph ou de Groznyï, dans les villes pilonnées d'Ukraine, ou les stades de Kaboul...

Elles ont toujours payé le prix fort...

Entre toutes les femmes de Troie, l'autrice n'avait que l'embarras du choix. Dire l'Iliade au féminin, à travers leur mots, leurs yeux, leurs gestes, leur non-dits, leurs blessures, leurs silences...

Et puis les laisser repartir vers d'autres guerres...

Entre toutes les femmes du monde...

Les laisser venir jusqu'à nous.

Dépassant la dimension romanesque, acceptant d'entrer dans une sorte de vibration universelle..., les accueillir, combattre désormais auprès d'elles ainsi...

C'est pour tout cela que j'ai aimé ce texte, dans cette sororité à la fois lumineuse et douloureuse.

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Le silence des vaincues



Le silence.



Celui qui s’en vient après le massacre. Celui qui blesse après la défaite.

Le silence.



Celui de celles qui n’ont pas droit au chapitre dans les récits de guerre. Celui de ces femmes tombées dans l’oubli. Dont la voix n’a pu se faire entendre.



C’est ce silence-là, tonitruant et viscéral, qui raisonne dans cette réécriture de l’Iliade, et qui donne une voix puissante, parfois crue, toujours passionnée, à ces femmes jetées dans le long fleuve intranquille de l’Histoire…



La Guerre de Troie a bien eu lieu mais tout n’avait pas peut-être pas encore été dit. Car si les événements racontés paraissent déjà bien connus, c’est l’angle choisi qui offre une nouvelle perspective. Celui des perdantes. Des prisonnières. A travers Briséis, reine brisée, capturée, et jetée dans le lit d’Achille contre son gré, s’élève une nouvelle version d’un mythe …



Le quotidien est alors raconté par cette reine déchue, devenue esclave, qui va se battre, à sa manière, aux côtés de toutes ces femmes passées dans le camp des vainqueurs.



Le silence des Vaincues est un roman résolument féministe, empli de ce mot à la mode, qu’il ne faudrait pas vider de sens, qu’est la sororité. Souvent violant, le récit n’a rien d’une guerre en dentelles et frappe par son réalisme. La langue est belle, sans dissimuler la réalité d’une époque où le sang est versé et l’innocence sacrifiée.



Un roman original, entre réécriture et réinvention, entre modernité et classicisme. Un roman étonnant à plusieurs niveaux qui mérite vraiment qu’on s’y attarde.

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Le silence des vaincues

La guerre de Troie vue par les femmes, unique je pense. Briséis, reine de Lyrnessos, est enlevée durant la guerre de Troie par Achille (689-690) qui a tué son mari et ses trois frères sous ses yeux. Elle devient son esclave, son trophée, obligée de partager son lit selon ses envies. Elles sont plusieurs vaincues à vivre ainsi, n’ayant aucun droit de parole, sont des objets utilitaires pour ces barbares, c’est tout. Je trouve dommage qu’elle ne soit pas la narratrice tout le long du livre et que Achille prend beaucoup de pages avec cette folie de mère morte quand il était enfant. Une grande partie est également consacrée à son amour pour Patrocle, seul à dégager un peu d’humanité pour Briséis. Pas de voyeurisme sur les viols, ce que j’ai apprécié, mais compensé par des scènes de massacres, les rats, la puanteur. Quelques longueurs, des dialogues pas très bons. Sujet, malgré tout, intéressant.
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Le silence des vaincues

Nous avons là une réécriture de la captivité de Briséis, reine de Lyrnessos, devenue esclave du plus célèbre des guerriers grecs, Achille.



Une réécriture bien décevante en vérité. Peu subtile, linéaire, sans grâce.

Le mythe antique devient une pâle critique de l'exploitation des femmes et de l'absurdité de la guerre.

Les dialogues sont d'une platitude confondante.



S'il suffit de combler les ellipses et les lacunes des mythes fondateurs pour faire une bonne histoire, n'importe qui peut s'inventer écrivain... Ou auteur de fan-fiction.



Livre très court, pas d'abandon donc. C'est d'une fluidité magistrale...

Vraiment un parfait exemple de ce qui se vend comme profond et puissant de nos jours, avec un texte lisse comme la peau du front d'un nouveau-né. Mais si vous balancez un peu de culture, surtout si c'est ancien, vous trouverez toujours des gens pour dire que c'est merveilleusement intelligent.



Mais je vous aime tous, hein. N'allez pas vous énerver, la santé avant tout !
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Le silence des vaincues

Il y a encore une semaine, je ne connaissais ni le nom de Pat Barker, ni le titre de son dernier roman paru en 2020, ni les éditions Charleston qui ont publié celui-ci en France. Après vérification, il s'agit d'un éditeur publiant uniquement des femmes et qui semble ne s'adresser qu'à des lectrices. Mais bien qu'ayant le tort d'être du mauvais genre, je n'ai pas eu peur de me lancer dans la lecture de ce roman présenté comme une version féminine et féministe de l'Iliade... Reprendre des événements historiques ou des mythes bien connus en changeant de perspective, c'est le genre d'exercice qui me plaît tout particulièrement.



Avant tout, il faut évacuer le bullshit marketing à base de "voix de toutes les femmes laissées muettes par l'Histoire qui s'élèvent après 3000 ans de silence". D'une part, la seule voix que nous entendrons vraiment sera celle de Briséis, l'esclave dont Homère nous dit qu'elle fut donnée à Achille puis à Agamemnon, provoquant la fameuse colère du premier. D'autre part, quand on s'intéresse au sujet, on sait qu'écrire sur les vaincues de la guerre de Troie n'est pas une idée neuve, celles-ci ayant notamment inspiré à Euripide sa tragédie "Les Troyennes" vingt-quatre siècles avant #MeToo. Plus près de nous, on a un exemple de réinterprétation féminine (et misandre) de l'épopée homérique avec "La trahison des dieux" de Marion Zimmer Bradley. J'avoue d'ailleurs qu'en entamant "Le silence des vaincues" je craignais un peu le texte lourdement militant, avec des femmes fortes et courageuses opposées aux mâles bêtes et méchants... En réalité, on découvre dans ces pages un Achille en grand enfant plein de failles, un Patrocle en homme attentionné qui suscite la sympathie, et l'on trouve même des seconds rôles masculins présentés de manière très positive comme le médecin Machaon ou le vieux roi Priam.



Le roman part sur d'excellentes bases. La première partie sur les trois qu'il comporte est très convaincante, voire brillante. On a précisément ce qu'on est venu chercher : un autre regard sur la guerre de Troie, le mythe vu par le petit bout de la lorgnette. Ainsi on ne saura pas grand-chose des combats qui se déroulent hors-champ, et c'est tant mieux. Il n'y a rien d'épique ou de romantique dans le récit de l'infortunée Briséis, ce n'est que la triste réalité de la guerre vécue de l'arrière : l'ennui, la saleté, la maladie, le désespoir...



Et puis soudain, lorsque nous entrons dans la deuxième partie, patatras ! le bel édifice s'effondre. On cesse de tout voir à travers le regard de Briséis et les chapitres à la première personne alternent désormais avec des chapitres à la troisième personne, beaucoup plus classiques puisqu'on se focalise alors sur les habituels héros de la guerre de Troie. Pat Barker trahit ce qui semblait être son intention initiale, comme si, une fois confrontée aux faits narrés dans l'Iliade (Homère ne racontant pas toute la guerre de Troie, mais seulement les événements compris entre la dispute d'Achille et d'Agamemnon et les funérailles d'Hector) elle n'osait plus garder le cap qu'elle s'était fixé. On se retrouve donc plus ou moins avec l'histoire que nous connaissons depuis toujours, celle d'Achille pour l'essentiel... ce qu'admet la narratrice à la fin du roman, comme un aveu d'échec de la part de l'auteure. Cependant, une fois digérée la grosse déception de la deuxième partie et mes attentes revues à la baisse, j'ai pu davantage apprécier ma lecture, d'autant que les derniers chapitres se recentrent enfin sur le personnage de Briséis.



Autre chose qui, sans être rédhibitoire, m'a plutôt déplu : sans doute dans une volonté de "faire actuel" puisque c'est un des arguments commerciaux du roman (utiliser le passé pour mieux évoquer le présent), l'auteure a émaillé ses dialogues de vocabulaire familier (mais un guerrier grec qui s'adresse à un autre en l'appelant "mon pote", ça a tendance à briser l'immersion) et ne manque pas d'utiliser des concepts modernes tels que nos unités de mesures : centimètres, kilos, secondes... qui n'ont aucun sens dans un contexte antique. Dommage, car hormis ces quelques accrocs la reconstitution est crédible, on sent que Pat Barker connaît bien et respecte l'oeuvre d'Homère... Elle la respecte peut-être trop, d'ailleurs.



Au bout du compte, "Le silence des vaincues" aura été pour moi la parfaite illustration d'une lecture mitigée : beaucoup d'excellentes choses, et beaucoup de points décevants. Loin d'être un mauvais roman, il reste une honorable réécriture de l'Iliade, une parmi des dizaines d'autres... malheureusement pas aussi novatrice qu'elle aurait dû l'être, qui n'ose pas aller au bout de ses idées, et qui laisse un goût amer de belles promesses non tenues.
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Le silence des vaincues

Briséis, esclave d’Achille est le trophée de guerre offert à l’occasion de la prise de la ville de Lyrnessos. Étant l’ancienne reine de cette ville et apparentée à la famille régente de la ville de Troie, Briséis voit son destin totalement chamboulé et devient l’esclave d’un personnage sanguinaire aux multiples facettes.



Pat Barker offre une voix à ces femmes esclaves dans Le silence des vaincues. Tues dans les œuvres de références et souvent mises en arrière-plan dans les différentes adaptations modernes, Pat Barker nous offre ici un roman passionnant et scandalisant sur les conditions de ses femmes qui fait écho aux destins des femmes des camps vaincus de n’importe quelle guerre.



Le silence des vaincues est un roman percutant. On suit le quotidien de ses femmes oubliées devenues esclaves. Alors que beaucoup préfèrent la mort, d’autres doivent devenir les domestiques et les esclaves sexuelles des hommes qui ont assassinées de sangs froids leurs maris et leurs frères. Le silence des vaincues, en se penchant sur le destin de Briséis, permet également de proposer un regard plus proche du récit d’Achille et de Patrocle. On y découvre également une description précise et passionnante du quotidien de l’immense camp de guerre qui assiège la ville de Troie.



Passionnée par l’Histoire de la Guerre de Troie, j’y ai découvert un nouveau point de vue passionnant. Le silence des vaincues est un récit travaillé et passionnant à découvrir qui propose une réflexion sur le destin de ses femmes oublies des camps vaincus qui en perdent totalement leur condition d’humaine.
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Le silence des vaincues

Achille est un colérique, et un vaillant combattif. Il choisit la fille du roi de Lyrnessos, Briséis, parce qu’il a tué 60 hommes en un jour, comme trophée.

Le pillage des villages voisins de Troie, plats en or, meubles rares, tapis somptueux étant terminé, les vaincus tués, les grecs commencent la répartition des récompenses, les jeunes filles. En fait, des choses. Chacun sa chacune.



C’est, uniquement dans le livre de Pat Barker, elle, Briseis, qui sort du silence pour raconter son passage vers l’esclavage, car dans la vraie vie, elle doit se taire. Achille l’essaie au lit, ne la voit pas, ne la regarde pas, il l’exhibe, il ne soucie pas de ce qu’elle pense, et curieusement, elle même ne le sait même plus.



Dépossédée d’elle même, de fille de roi elle est esclave.



Pourtant, lorsqu’Agamemnon (obligé de rendre Chryséis à son père pour éviter que la peste continue, la peste envoyée par Apollon, pro troyen) s’empare d’elle, Achille l’enfant colérique que sa mère Thétis a abandonné boude, refuse de combattre, s’enfonce dans sa fameuse colère que Platon justifie en « saine colère » : ne pas accepter l’inacceptable. Il ne veut pas perdre une seconde femme.



Pat Barker nous embarque donc dans cette histoire d’Homère, à sa suite elle décrit la faiblesse et la couardise d’Agamemnon, sa manière de livrer ses concubines aux soldats, sa volonté de pauvre type de garder d’abord Chryséis puis Briséis pour lui, le désastre à venir du coté grec qu’il provoque puisqu’Achille refuse de combattre et que lui ne sait pas combattre.



A cette époque là en Grèce, puisque Pat Barker , quelle bonne idée, donne la parole à Briseis, le traitement des femmes est abordé, la guerre vue du côté des vaincues. Pas forcément mieux, d’ailleurs, d’être fille de roi que d’être esclave, les femmes doivent, toujours et partout, se taire, rester dans l’ombre, se voiler, ne pas regarder les hommes en face, rester cloitrées, ne pas exister sauf au lit.



A cette époque là, en Grèce, avaient lieu les sacrifices humains. Achille dans son désespoir d’avoir perdu Patrocle, égorge douze jeunes troyens, puis tous ses chevaux et même ses chiens sur le terre- plein avant l’inhumation.

Sur la tombe d’Achille, la fille de 15 ans de Priam, Polyxène, sera égorgée.

Georges Bataille parle de la « part maudite », le fait que les esclaves de guerre étaient si nombreux que les tuer importait peu.



Platon a bien essayé de condamner moralement dans « la République » ces coutumes, les Grecs ont essayé de prétendre que les sacrifices humains étaient le fait des Egyptiens, des Perses, et des Barbares du Nord, en fait, ils le faisaient.



Pat Barker le mentionne d’ailleurs sans trop insister, alors que dans de nombreuses pages elle nous détaille le lavage du corps d’Hector, tué par représailles de la main d’ Achille.



C’est un livre avec beaucoup de longueurs, beaucoup trop de longueurs, et à la fois plein de très bonnes pages, avec une super idée de départ, donner la parole aux dominées, mais finalement on ne sait presque rien de ce que pense Briseis sauf qu’elle doit se taire et qu’elle observe Achille ( qui préfère mourir jeune et couvert de gloire plutôt que vieux et oublié de tous. ) fou d’amour pour sa mère Thétis, la néréide qui plaide la cause de son fils auprès de Zeus ( tableau d’Ingres ) et fou d’amour pour Patrocle, un humaniste avant l’heure.

Finalement, on connaît mieux les hommes de l’Iliade que les pauvres esclaves. Les dominants.

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Le silence des vaincues

Un autre regard sur la guerre de Troie, pas celui de tous ces héros grecs, fiers et braves au combat, mais celui des femmes troyennes devenues esclaves des grecs, elles aussi dignes et courageuses dans leur combat et leur chagrin.

Oubliez la guerre de Troie racontée par Homère, ce récit poétique et légendaire, mettant en scène des héros grecs et troyens, chaque camp étant soutenu par diverses divinités comme Apollon ou Athéna.

Imaginez plutôt des femmes libres et dignes autrefois, épouses, mères, filles, vaincues, avilies, battues, violées, captives de guerriers grecs qui ont tué les leurs sous leurs yeux. Passant de mains en mains, portant les enfants de leurs bourreaux.

Invisibles, impuissantes, silencieuses, les femmes ont la parole dans ce beau roman. Je me suis laissée emporter par la belle écriture de Pat Barker, et j'ai passé un excellent moment de lecture.



*

Devenue trophée de guerre de celui qui a massacré sa famille, le grand Achille en personne, Briséis, reine de Lyrnessos, cité alliée de Troie, raconte sa terreur face à la sauvagerie des hommes et son combat pour survivre.



« Je fais ce que d'innombrables femmes ont été forcées de faire avant moi. J'écarte les cuisses pour l'homme qui a tué mon mari et mes frères. »



*

Son regard éclaire la guerre de Troie sous un nouveau jour où les héros de la mythologie ne sont que des hommes inhumains, brutaux et froids, avides de gloire, de conquête et de sang.

Le siège et le pillage de sa cité, puis celle de Troie condamnent les femmes et les jeunes filles troyennes à une vie de souffrance et de labeur, esclaves silencieuses d'hommes puissants et barbares, violeurs et assassins d'enfants.



*

L'écriture fluide et précise de l'autrice retranscrit bien les pensées de la jeune reine, elle plonge le lecteur dans le quotidien des guerriers et de ces femmes captives, observatrices muettes de la férocité des combats, des luttes de pouvoir entre les chefs de clan, des soirées d'orgie, de beuverie et de viols.

Bien malgré elle, Briséis sera au centre des discordes entre Achille et Agamemnon : elle deviendra un enjeu de pouvoir entre les deux hommes et fera basculer le destin d'Achille et la guerre de Troie.



*

« le silence sied aux femmes. »



Même « conditionnée pour obéir », Briséis, spectatrice de son propre destin, porte un regard plein de sagesse, de force et de clairvoyance sur le monde qui l'entoure.

Loin des récits glorieux et mystérieux de la mythologie grecque, ce récit, magnifiquement écrit et raconté, violent, parfois cru, résolument très féministe, a une portée très moderne, très actuelle, au vue de la couverture.



*

Roman de la rentrée littéraire 2020, « le silence des vaincues » fait entendre la voix des femmes dominées, offertes, asservies, violées, utilisées. Récit engagé nous rappelant que les guerres d'aujourd'hui, les victoires et les défaites, se bâtissent sur des charniers et sur la souffrance des pays vaincus, sacrifiant les plus faibles, les plus fragiles.

Un très beau roman sur le courage des femmes.

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Le silence des vaincues

Les années ont passé depuis la chute de Troie. Briséis, reine puis captive, se souvient de cette époque et prend la plume pour nous raconter sa rencontre avec Achille.

Epouse de Mynès, roi de Lyrnessos en Cilicie de Troade, Briséis assiste impuissante à l'invasion des Grecs, la chute de Lyrnessos et à la mort de son époux et de ses trois frères. Offerte en trophée à Achille, le héros de la guerre, elle entame une vie de prisonnière soumise en compagnie d'autres femmes.

Une ré-écriture du mythe d'Achille, du point de vue des femmes prisonnières de leur bourreau et de leur difficile condition de vie.



Le roman démarre fort avec la description du pillage de la ville et des combats. Des scènes assez gores s'enchaînent et le lion Achille est bel et bien représenté comme tenant plus de l'animal que de l'humain.

Une fois les combats terminés, c'est une autre violence qui s'exerce.

Les femmes n'ont pas le temps de pleurer leur époux, frère ou fils. Elles sont données en récompense aux vainqueurs. C'est sur cet aspect de l'histoire que l'auteure va insister. A travers le témoignage de différents caractères, entre celles qui se résignent, celles qui s'adaptent et celles qui périssent, Briséis nous raconte le quotidien de ces femmes soumises aux caprices de leur maître.

Loin de la légende dorée qui entoure Achille, Briséis va nous dépeindre un homme taciturne et brutal, traumatisé par l'abandon de sa mère. Là où la plupart des récits dépeignent la relation de Briséis et Achille comme une histoire d'amour, l'auteure prend un virage totalement différent. Briséis se soumet parce qu'elle n'a pas le choix. Achille la répugne et elle ne connaîtra que la rancoeur vis-à-vis de cet homme. Patrocle est représenté tel que dans les mythes : un soutien, une oreille et une épaule compatissantes.

Le récit suit la trame de la mythologie originelle mais l'auteure s'attache à déconstruire tout le romantisme et l'éclat du héros tels qu'ils apparaissent dans les écrits des anciens.



Et puis soudain l'incompréhension. Au détour d'un nouveau chapitre, le journal intime de Briséis est remplacé par le point de vue des deux guerriers Achille et Patrocle.

Je n'ai pas du tout aimé ce changement. J'ai trouvé qu'il n'apportait rien de spécifique au récit. Autant on peut comprendre le point de vue de Briséis, à travers le prisme de son esclavage forcé, autant donner voix aux conquérants en lieu et place des lamentations des femmes cela ne tient pas. Le récit est comme cassé. Je n'avais pas très envie d'avoir leur point de vue même si l'absence de Briséis dans le camp d'Achille aurait pu justifier, pour tenir au mythe original, d'introduire ces personnages.

L'auteure aurait pu tout aussi bien continuer sur sa lancée et décrire la situation dans le camp d'Achille par le biais d'une autre servante.

J'ai même eu du mal à retrouver de l'intérêt pour la complainte de Briséis dans la reprise de son journal intime.



A partir de là, j'ai trouvé des longueurs dans la suite du récit et des situations parfois incohérentes.

Une lecture qui ne m'aura pas franchement marquée ni emballée.

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Le silence des vaincues

Demain étant la journée de la femme, je me décide à poster ma critique sur le roman de Pat Barker " le silence des vaincues", ces vaincues étant le butin de guerre des grecs durant la guerre de Troie.

Plus de 2000 ans après les chants d'Homère dans L'Iliade" une femme du XXI siècle donne la voix à Briséis, reine de Lyrnessos et "trophée" d'Achille.

Ici les dieux n'interviennent pas dans cet épisode où le demi-dieu à la légendaire colère s'interdit d'intervenir dans la guerre. Briséis cristallise la discorde entre le roi de Mycènes Agamemnon et Achille. Ce sera la mort de Patrocle qui déclenchera la vengeance terrible d'Achille contre Hector.

D'ailleurs le passage du corps d'Hector tiré par les chevaux est saisissant. Ame sensible attention.

Dans cette atmosphère d'une cruauté palpable, nous voyons la noirceur de la guerre et le sort des butins humains, de ces femmes soumises au bon vouloir des hommes et aux tâches "féminines". Blanchisseuses, tisseuses, infirmières, apothicaires ou servantes leurs sorts sont terribles car même le sacrifice peut les atteindre.

Il existe une certaine sororité mais la servitude est omniprésente devant des machistes où ni pitié ni compassion n'existent. A la rigueur Patrocle montre un peu d'égard envers Briséis mais il est bien le seul parmi ces guerriers pétris de sang et de fureur.



L'esclavage féminin est ici décrit avec une précision chirurgicale au point que durant ma lecture les héros fictionnels se transformaient en véritables personnages: preuve du talent de l'auteure.

Pat Barker a su me persuader de la condition de la femme dans l'antiquité, de ces captives victimes de la vengeance des grands de ce monde.

Loin d'une "Bakhita" subissant son sort d'esclave avec silence, Briséis dans son for intérieur est une femme fière et révoltée qui n'a pas dit son dernier mot.

Un roman captivant qui se poursuit avec "Les exilées de Troie"
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Les Exilées de Troie

L’histoire reprend quelques temps après la fin du premier tome. Nous sommes dans le camp des grecs, au pied de Troie. La ville a été conquise, des ruines partout… Les éléments sont déchaînés et empêchent les vainqueurs de prendre la mer pour rentrer chez eux après la victoire. Briséis, enceinte, a été ‘’donnée’’ a un ami d’Achille, après la mort de celui-ci. Elle nous raconte la façon horrible dont les grecs passent leur temps en attendant de pouvoir naviguer vers chez eux. Violence quotidienne, mépris des femmes troyennes, considérées par beaucoup comme des objets, tensions, trahisons aussi… Bref, le temps est long et dur. Un récit qui fait mal à notre cœur de femme. Je connaissais peu ce temps passé entre la victoire et le retour à la maison. Barker nous le livre avec précision, et justesse, peut-être. Et puis, deux personnages sont plus présents dans ce tome : Hécube et Cassandre. Reine devenue sans âme et princesse condamnée à se faire considérer folle à cause de ses visions. Bref, une excellente lecture, qui se déguste, mais qui heurte…
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Les Exilées de Troie

Retournement de veste pour moi. J'avais été sévère avec le premier tome de la saga : le silence des vaincues, car je n'avais pu m'empêcher de le comparer à l'excellent Chant d'Achille de Madeline Miller qui avait été un énorme coup de coeur. La comparaison ne tenant plus la route ici, j'ai largement pu apprécier la plume et les propos de Pat Barker sur ce qui se passe après la chute de Troie.



En effet, on entre ici avec cette suite dans une partie de l'histoire que je connais bien moins et l'interprétation offerte par Pat Barker m'a beaucoup plu. Pourquoi ? Parce qu'elle s'intéresse sobrement à la nouvelle vie dans le camp grecque après la chute de Troie, la mort d'Achille et Patrocle et la victoire d'Agamemnon de Pyrrhus. C'est un nouveau temps sombre, lourd et pesant, vu ici à travers toujours le même regard, celui d'une femme autrefois vaincue : Briséis, mais qui tente de survivre au milieu de tous ces drames, en protégeant également ses congénères troyennes devenues esclaves après la chute de la ville. Passionnant et déchirant.



La plume tout en sobriété de Pat Barker qui m'avait semblé étrange et déstabilisante dans le premier tome, a pris toute sa mesure ici. Elle est parfaite pour raconter cette histoire particulièrement dure de femmes qu'on cherche à briser, à humilier, qu'on ne considère même plus comme des femmes mais comme des trophées, des objets, voire rien du tout. L'auteur en dit beaucoup sur le statut des esclaves et des prisonniers de guerre sous l'Antiquité. C'est aussi atroce que passionnant à lire car il a vraiment donné vie à tout ce camp.



On suit la vie de Briséis, désormais enceinte et mariée à un ami d'Achille, proche de Pyrrhus qui règne en tyran. On sent à ses côtés tout le mal être et le désoeuvrement de ce camp laissé à l'abandon après cette victoire qui a connu tant de pertes. On sent aussi le malaise face à ce que les guerriers considèrent comme des Dieux en colère contre eux. Ainsi, entre les histoires de femmes qui sont ici mises aux premières loges se dessine également celle d'un peuple très croyant et très fragile, qui ne sait plus où aller après tout ça et que faire. On parle beaucoup de leurs croyances autour de la mort, des dieux, des sacrilèges de la guerre... c'est rude et fascinant car un tout autre monde pour nous et l'ambiance créée par l'auteur comme si le temps s'était arrêté y contribue magistralement.



J'ai beaucoup cet aspect très historique de l'histoire appuyé par des personnages mythologiques qu'on connaît bien. L'auteur revient régulièrement avec une sombre nostalgie sur Achille, Hector et Priam. Il parle du destin d'Hélène et Ménélas. Il s'attarde surtout sur ce Pyrrhus qu'on ne sait si on doit le plaindre ou le détester. Mais il parle aussi beaucoup des femmes, le coeur de son histoire, que ce soit la reine déchue Hécube, sa fille Cassandre, sa belle-fille Andromaque, et bien d'autres qui étaient inconnues de moi avant tant leur nom ne sont pas restés dans L Histoire ou la mythologie. Mais c'est une vraie société qui est décrite ici, une société de femmes qui vivotent et se serrent les coudes au besoin pour survivre.



Les exilées de Troie est ainsi un texte passionnant et fascinant, qui relate du point de vue des femmes vaincues mais pas que, puisqu'on entend aussi parfois la voix désoeuvrée de ce pauvre Pyrrhus, un moment peu brillant de l'Histoire, celui d'après la chute de Troie, un moment terrible où le malaise est partout. Mais voir ses femmes se soutenir, faire face et avancer, au milieu d'un camp en ruine où la tristesse et la peur sont partout est très puissant et je remercie l'auteur d'avoir écrit ce texte pour nous faire revivre ce moment par trop méconnu.



Merci à Babelio et Charleston pour cette lecture. J'espère bien que nous aurons un troisième tome pour voir ce qu'il va advenir de Briséis ensuite.
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Le silence des vaincues

Ce qui est remarquable avec la mythologie c'est cette forme de connivence des dieux avec les mortels. Connivence qui ne s'exprime pas seulement par les turpitudes dans lesquelles les dieux entraînent ces derniers mais aussi par les alliances amoureuses dont ils se réservent l'initiative - à tout seigneur tout honneur - avec les inévitables descendances qui ne manquent pas d'en résulter. Dont on se demande toujours si le rejeton connaîtra l'immortalité, à défaut d'éternité puisque sa vie connaît un commencement. Achille, roi de Phthie, le plus valeureux guerrier de la guerre de Troie, en est un spécimen puisque fils de la Nymphe Thétis et du roi Pélée, un mortel. Un oracle prédit toutefois un terme à la vie d'Achille, une fois Hector passé au fil de son glaive.



La guerre de Troie, puisqu'il est question de cette épopée dans cet ouvrage de Pat Barker, est sans conteste le résultat de ces défauts bien humains qui caractérisent Zeus et consort. Consort étant en l'occurrence ces Belles du sommet des sommets : Héra, Pallas Athéna et Aphrodite, tout aussi anxieuses de se voir couronnées la plus belle de toutes. Jalousie, concupiscence, luxure et querelles conséquentes sont au programme, supposées corrigées par une valeur qui nous est désormais étrangère : l'honneur. La compétition aurait pu être loyale. C'était compter sans Eris, la méchante déesse de la Discorde qui, furieuse d'être oubliée dans la liste des invités au mariage de Pélée et Thétis, a jeté la pomme de la Discorde dans la salle du festin avec cette mention par laquelle tout s'enclenchera : « A la plus belle ».



Il n'en fallu pas plus aux trois déesses à revendiquer le titre d'intriguer et de fil en aiguille et en de sournoises manoeuvres de jeter Hélène, épouse de Ménélas roi de Sparte, dans le bras de Pâris, fils de Priam roi de Troie. Et patatras, la guerre de Troie fut bel et bien engagée. Et Grecs et Troyens de s'entretuer durant dix années avec la fin que l'on connaît. Nom d'un cheval de bois !



Cette guerre de Troie, une nouvelle fois colportée à nous mortels des temps modernes par Pat Barker, est révélée dans cet ouvrage par celles qui d'habitude conservent un silence prudent, le silence des vaincues. Celles qui de reine à femmes du peuple de Troie sont devenues des trophées de guerre. Puisque telle était la condition réservée aux femmes des cités conquises dans cette haute antiquité managée par les divins fantasques de l'Olympe, une fois leurs valeureux époux ôtés à leur affection.



La beauté ayant de tous temps ayant été la plus grande injustice originelle, même si les critères ont varié selon les époques, ne devenaient trophées auprès des rois que celles gratifiées de cette qualité. Briséis l'était. Belle femme de l'aristocratie troyenne, devenue depuis sa capture, l'esclave du roi Achille. A ne pas seulement le servir à table imaginons bien. C'est donc elle qui nous raconte sa guerre de Troie dans le silence des vaincues. Si Hélène a été le sujet de discorde entre Grecs et Troyens, Briséis l'a été entre Achille et Agamemnon. le roi de Mycènes, roi des rois de la Grèce antique et accessoirement frère de Ménélas-le-cocu fut donc obligé, par l'offense faite à la famille, extrapolée à tous les Grecs, de partir en guerre contre Troie.



Même si le mythe laisse une large plage d'interprétation aux détails des événements, Pat Barker reste dans le communément admis du poème original, éludant toutefois de ces péripéties les multiples interventions des dieux que la légende nous a laissé envisager. Excepté peut-être le rôle de Thétis, la nymphe mère d'Achille, nul autre dieu n'intervient aussi directement dans les événements relatés par Pat Barker, alors que la légende nous dit qu'ils savaient se rendre visibles à qui ils voulaient et faire usage de leurs super pouvoirs dirait-on aujourd'hui pour influer sur le cours des opérations. Diomède et Pâris entre autres ont su en profiter. Pat Barker fait donc de cette guerre une affaire entre mortels. C'est dommage car elle nous prive de toute la fantasmagorie qui enjolive les péripéties et dont les dieux de l'Olympe sont des instigateurs imaginatifs et impénitents.



Pat Barker choisit donc de nous faire vivre cette guerre interminable au travers du prisme de celles qui en d'autres temps ne pouvaient que se taire, le petit bout de la lorgnette. Ce que leur condition leur autorisait de voir, de subir. Sois belle et tais-toi si tu veux vivre. Vivre en esclave de roi pour le meilleur, c'est le cas de Briséis. Livrée à la troupe avinée pour le pire si tu ne combles pas ton nouveau maître de faveurs propres à le soulager des maux de la guerre.



Outre cet angle d'observation original, Pat Barker prend le parti d'évoquer cette guerre avec une écriture résolument moderne, peu châtiée, version Kaamelott d'Alexandre Astier. « Qu'ils aillent se faire foutre les dieux » - page 321 édition J'ai lu, pour que des lecteurs tout aussi modernes et mécréants que nous sommes devenus s'y reconnaissent sans doute bien dans leur langage commun. Autre temps, autres moeurs, autre langage, l'important étant de bien comprendre les enjeux de pareil conflit initialement rapporté par Homère, sous une autre forme à n'en pas douter.



Le pari était risqué quand des lecteurs, comme c'est mon cas, s'étaient auparavant délectés des ouvrages de Madeline Miller : le chant d'Achille en particulier pour l'Illiade, Circé pour l'Odyssée, dont on va dire qu'ils sont faits d'une écriture aussi rayonnante et policée que la documentation est fouillée. Mais, même si d'un ton en dessous, pari réussi à mes yeux pour cette version de l'Illiade. Je n'ai pas craint de voir les personnages se jeter des noms d'oiseau à la figure. L'angle d'observation du plus célèbre des conflits est original, tout autant que son écriture. Pourquoi pas. Moi qui ai toujours eu du mal à lire Montaigne dans sa langue native, je ne crains pas les efforts de modernisation pour nous rendre la mythologie accessible. J'inscris même dans mes projets de lecture la suite de cette « ambitieuse réécriture de l'épisode le plus célèbre de la mythologie grecque » : Les exilés de Troie.

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Le silence des vaincues

Une nouvelle réécriture de la Guerre de Troie? Arrêtez tout, j'arrive! Plus rien de doit exister que la renaissance de la cité de Priam, que la beauté sublime de sa catabase et celle d'Hector. Plus rien ne doit exister que le chant de Homère réinventé, chanté à nouveau.

Il est des histoires, des légendes, des mythes éternels et parmi eux, il en est que j'aime à la déraison, dont je collectionne passionnément les versions, quand je ne les pourfends pas si elles ont le malheur de me déplaire. Que voulez-vous, la mesure et moi…

Il y a la légende Arthurienne et l'Iliade, leur grâce tragique, leurs fracas, leurs grandeur… Je ne saurai dire quand la première m'a happée, en revanche, je me rappelle encore ce cours de latin en classe de 5° et cette professeur merveilleuse qui ouvrit pour nous toutes grandes les portes de la guerre d'Agamemnon.

Immédiatement, j'ai su que je serai troyenne. Pour la grandeur désespéré de Priam. Pour la tragédie. Pour la noblesse qui point si ardemment sous le sang et la défaite. Pour l'amour fou. Pour Hector.

Immédiatement, j'ai détesté Agamemnon et Ulysse, ce fourbe.

Depuis, depuis je traque Troie, je traque la légende et je me jette sur les ouvrages qui la racontent, encore et encore. Après "Le Chant d'Achille" et "Hélène de Troie", c'est donc le tour du roman de Pat Barker "Le Silence des Vaincues" que je viens de dévorer comme le loup dévore la brebis.



Si ce silence-là n'est pas à la hauteur du Chant d'Achille, il vaut bien l'épopée de Hélène et j'ai hâte, déjà, de me plonger dans sa suite.

Dans ce texte beau et violent, douloureux et remarquablement immersif, Pat Barker prend le parti de féminiser l'épopée de l'aède et de faire entendre les voix de celles qui furent contraintes au silence des siècles durant. A travers le personnage de Briséis, reine déchue de Lyrnessos, narratrice du roman, "Le Silence des Vaincues" donne la parole aux femmes, quelles qu'elles soient: reine, concubine, esclaves, mère, épouse, fille...



Le roman de Pat Barker s'ouvre un peu avant l'Iliade par la prise de Lyrnessos, l'une des cités alliées à Troie. Du haut des remparts, la jeune souveraine voit son mari puis ses trois frères périr sous les coups des achéens, des myrmidons et de leur chef Achille en particulier. Les pages qui ouvrent le roman sont particulièrement insoutenables et nous plongent dans cette guerre avec brutalité, cruauté. On sent l'odeur écœurante des charniers et celle de la sueur, on voit les rats dévorer les chairs putréfiées et abandonnées à la morsure du soleil, on devine l'épaisseur du sang qui poisse les murs, les sols, les corps... Pour Briséis et ses compagnes, la chute de leur ville ne signifie qu'une chose: elles ne seront bientôt plus rien qu'esclaves et prises de guerre, jetées en pâture aux achéens et à leurs appétits aiguisés par la violence et le sang, proies, victimes... La jeune femme sera le trophée d'Achille dont elle devra partager le lit, alors même qu'il a tué ses frères de ses mains.

Tout en restituant à sa manière, dure et grandiose, la Guerre de Troie, Pat Barker, non contente de faire de ces personnages de très belles héroïnes, ausculte avec finesse et sensibilité la tragédie de ces femmes réduites en esclavage. Certains passages du roman sont absolument poignants tel celui du sacrifice de Polyxène qui m'a laissée pantelante.

Pour autant la dimension engagé et féministe du roman ne l'empêche pas de se déployer et de nous donner à voir également un récit épique, volcanique, grandiose. Les pages consacrées au chagrin d'Achille sont à cet égard bouleversantes.



Bien entendu, "Le Silence des Vaincues" n'est pas parfait: je déplore une langue parfois trop moderne et relâchée pour être crédible ainsi que des anachronismes so 2020 et même si je me suis laissée prendre, consentante, au jeu du changement de point de vue et de narration - j'avoue ne pas en avoir bien saisi le sens.

Il n'en demeure pas moins que j'ai aimé cette version inédite , forte et engagée, intense de l'histoire, que j'ai aimé retourner à Troie et rêver à nouveau d'une autre issue qui ne viendra jamais. Troie et Hector tombent toujours et moi je suffoque.















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Le silence des vaincues

Ayant une fascination étrange pour la Guerre de Troie, c’est tout naturellement que j’ajoute les romans qui traitent de ce sujet dans ma PAL. J’avais une immense envie de lire celui-ci. C’est chose faite. Et ne sachant même pas si j’allais apprécier le style, j’ai acheté la suite. Fort heureusement, j’ai beaucoup aimé. Il faut dire que j’ai un parti pris ! ;)

La version de cette guerre en est une autre : celle des vaincues. Et c’est au-travers le personnage de Briséis qu’elle nous sera racontée. Princesse déchue, donnée à Achille comme trophée, elle nous racontera les horreurs vécues par les centaines de femmes devenues esclaves dans le camp ennemi. En plus d’avoir eu à voir, souvent, leurs maris, leurs pères, leurs frères, leurs fils décimés, elles devront subir les humiliations, les viols, la déshumanisation que les hommes conquérants commettront sur elles. Souvent difficile à lire pour la femme en nous. On se prend rapidement d’affection pour Briséis, qui, au final, n’a eu le tort que d’être une femme.

J’ai beaucoup aimé ma lecture, même si certaines choses n’ont laissé quelque peu perplexe. Notamment, les dialogues, ou plutôt, certains mots employés, qui sont beaucoup trop actuels, et qui cadrent difficilement avec l’époque. L’art du dialogue et des grandes rhétoriques étaient l’adage des Grands de l’époque. Ça casse le style. Et puis, le côté lyrique et plaintif de l’histoire m’a irrité, quelques fois. Mais dans l’ensemble, c’est une excellente lecture. J’aurais aimé que ce soit un coup de cœur, mais bon….

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Le silence des vaincues

Voilà « la guerre de Troie » présentée sous une forme pas banale. Oubliés Homère ou Giraudoux, Pat Barber ,femme, écrivain britannique et septuagénaire( qui connaît donc ses classiques)raconte cette épopée vue du côté des femmes:femmes du peuple ou princesses troyennes prises par les grecs vainqueurs , Achille en tête.

C'est qu'elles sont durement traitées ces femmes qui ont peur des nuits et d'éventuels changements de propriétaire.

C'est Briséis ,princesse troyenne devenue esclave d'Achille qui raconte le courage des femmes.

Jusque là tout va bien, mais l'effort est intense surtout quand le vocabulaire est celui d'aujourd'hui genre « elle est bonasse celle là » »crétin »j'en passe et des meilleures et après tout ,ces guerriers devaient avoir un langage adapté aux soudards...

Bref, vos Humanités vacillent de par le vocabulaire, et aussi par un féminisme exacerbé bien de notre temps . L'Odyssée pour les jeunes générations en quelque sorte.
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Le silence des vaincues

Je suis tombée par hasard sur ce livre et contre toute attente j’ai tout de suite accroché. L’histoire de ces femmes que les vainqueurs se distribuent comme des trophées et qui vont subir le viol et devenir les esclaves de ceux qui ont tué leur mari et leurs enfants est tout simplement percutante. Je connaissais le mythe d’Achille, mais ce que j’ai apprécié dans cette lecture c’est la parole qu’on donne aux femmes surtout à leur histoire. J’ai trouvé l’écriture de ce roman fluide et dynamique ce qui rend la lecture passionnante et addictive. En bref, J’ai tellement aimé ce récit que j’ai acheté le deuxième tome.
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Le silence des vaincues

L'an dernier, j'ai eu la chance de lire le sublime et marquant Chant d'Achille de Madeline Miller qui revisitait déjà la Guerre de Troie d'un point de vue original, celui de Patrocle, le bras droit d'Achille. J'étais donc très curieuse de voir ce que la relecture de Pat Barker allait proposer d'autre avec son roman du point de vue de Briséis, l'esclave sexuelle qu'Achille avait auprès de lui.



Je vais aller droit au but, le roman n'est pas sans intérêt, mais il est extrêmement loin du coup de cour que j'avais eu pour Le Chant d'Achille, dont il n'a ni la force, ni la poésie, ni le drame. Bref, en comparaison, il est fade et sans incarnation, je suis un peu triste de le dire.



Pat Barker a fait le choix de vouloir porter un regard neuf sur ce qui se passait dans l'armée d’Agamemnon à laquelle appartenait Achille. Elle a voulu nous en montrer crument la violence, la saleté et l'absurdité parfois. Pour cela, elle utilise comme narratrice Briséis, une ancienne noble, capturée par les grecques et offerte en trophée à Achille, leur champion. On découvre donc à travers ses yeux le sort réservé aux femmes capturées, leur vie dans le camp, leur vie auprès des hommes qui les ont revendiquées, mais ce n'est pas tout. Avec elle, nous revivons également les grands moments de la Guerre de Troie du point de vue du camp grec : les batailles, les distensions au sein du groupe, les rivalités, les mauvaises décisions et leurs conséquences dramatiques, etc.



Pour quelqu'un qui aime la mythologie et qui souhaiterait redécouvrir ce moment phare, le roman de Pat Barker est une jolie porte d'entrée pour y revenir ou y aller pour la première fois. Pour quelqu'un qui connait déjà, il ne réinvente rien. Les moments mentionnés sont archi connus. Le regard de l'héroïne n'apporte pas grand-chose, surtout que l'autrice ne pousse pas le concept jusqu'au bout et est assez soft au final sur les horreurs que pouvaient vivre ces femmes. De plus, l'héroïne ne se sentant pas bien, elle porte un regard froid et dépassionné sur tout, ce qui fait que nous aussi nous ressentons cette apathie à la lecture. On ne tremble pas pour les personnages, on ne souffre pas vraiment avec eux, alors qu'il y aurait de quoi. Cela manque d'un souffle épique, souffle que j'avais largement trouvé en revanche sous la plume de Madeline Miller. La comparaison est rude pour Pat Barker.



Même si cela aurait pu être intéressant, j'ai eu l'impression tout du long que l'autrice se contentait de rester en surface et qu'elle ne parvenait pas à m'impliquer dans ce qu'elle racontait. Pourtant, c'était chouette de découvrir un récit ouvertement féministe, qui disait bien que non les esclaves sexuelles ne tombaient pas toutes amoureuses de leurs bourreaux, peu importe qu'ils soient beaux ou gentils ou forts. C'étaient avant tout des victimes et on ne leur faisait pas de cadeau à cette époque. Car oui, j'en parle comme si cela avait existé, mais il faut dire que l'Iliade s'inspire énormément de la réalité d'alors. Alors oui, ça fait du bien de lire un texte du point de vue d'une femme, pour dénoncer les atrocités que la guerre a pu leur faire subir. Et c'est beau de voir autant de force et de résilience à travers le personnage de Briséis, qui ici, n'a rien à voir avec la version romantique que j'avais l'habitude de lire. Pour ça, le titre mérite d'être lu.



Si la Guerre de Troie vous intéresse et que vous souhaitez la découvrir autrement, n'hésitez pas à vous lancer dans Le silence des vaincues qui offre vraiment un regard intéressant, mais faites-le avant de lire Le Chant d'Achille, sinon vous risquez d'être déçu, ce dernier étant vraiment un chef d'oeuvre qui malheureusement rend Le silence des vaincues bien fade en comparaison.
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Les Exilées de Troie

Ce roman est la suite du Silence des vaincues. Après la ruse du cheval de Troie et la mort de Priam, Briséis est à nouveau la narratrice du récit. C'est donc par ses yeux de femme troyenne que nous voyons le camp des Grecs qui ne peuvent quitter les rives de Troie en raison d'un vent contraire qui souffle de la mer. Mais Briséis n'est plus tout à fait une captive comme les autres, elle porte l'enfant d'Achille et depuis la mort de ce dernier, elle est l'épouse d'Alcimos.

Si le premier volume était une réécriture au féminin de L'Iliade, ce deuxième volet semble disposer de moins de sources antiques (ou alors c'est moi qui les connais moins bien) et cela lui permet une création plus libre. On y retrouve les personnages d'Hécube, de Cassandre et bien sûr d'Hélène chez les femmes, ainsi qu'une certaine Amina très proche de l'Antigone antique. Du côté des hommes, tous les rois grecs sont là, et Pyrrhus y est dépeint sous un jour particulièrement peu flatteur.

L'auteure redonne ainsi un souffle épique à ses héroïnes, Troyennes parmi les Grecs, esclaves parmi les guerriers, et pourtant tout à fait capables de se poser en égales face à eux.

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