L'an dernier, j'ai eu la chance de lire le sublime et marquant Chant d'Achille de Madeline Miller qui revisitait déjà la Guerre de Troie d'un point de vue original, celui de Patrocle, le bras droit d'Achille. J'étais donc très curieuse de voir ce que la relecture de Pat Barker allait proposer d'autre avec son roman du point de vue de Briséis, l'esclave sexuelle qu'Achille avait auprès de lui.
Je vais aller droit au but, le roman n'est pas sans intérêt, mais il est extrêmement loin du coup de cour que j'avais eu pour Le Chant d'Achille, dont il n'a ni la force, ni la poésie, ni le drame. Bref, en comparaison, il est fade et sans incarnation, je suis un peu triste de le dire.
Pat Barker a fait le choix de vouloir porter un regard neuf sur ce qui se passait dans l'armée d’Agamemnon à laquelle appartenait Achille. Elle a voulu nous en montrer crument la violence, la saleté et l'absurdité parfois. Pour cela, elle utilise comme narratrice Briséis, une ancienne noble, capturée par les grecques et offerte en trophée à Achille, leur champion. On découvre donc à travers ses yeux le sort réservé aux femmes capturées, leur vie dans le camp, leur vie auprès des hommes qui les ont revendiquées, mais ce n'est pas tout. Avec elle, nous revivons également les grands moments de la Guerre de Troie du point de vue du camp grec : les batailles, les distensions au sein du groupe, les rivalités, les mauvaises décisions et leurs conséquences dramatiques, etc.
Pour quelqu'un qui aime la mythologie et qui souhaiterait redécouvrir ce moment phare, le roman de Pat Barker est une jolie porte d'entrée pour y revenir ou y aller pour la première fois. Pour quelqu'un qui connait déjà, il ne réinvente rien. Les moments mentionnés sont archi connus. Le regard de l'héroïne n'apporte pas grand-chose, surtout que l'autrice ne pousse pas le concept jusqu'au bout et est assez soft au final sur les horreurs que pouvaient vivre ces femmes. De plus, l'héroïne ne se sentant pas bien, elle porte un regard froid et dépassionné sur tout, ce qui fait que nous aussi nous ressentons cette apathie à la lecture. On ne tremble pas pour les personnages, on ne souffre pas vraiment avec eux, alors qu'il y aurait de quoi. Cela manque d'un souffle épique, souffle que j'avais largement trouvé en revanche sous la plume de Madeline Miller. La comparaison est rude pour Pat Barker.
Même si cela aurait pu être intéressant, j'ai eu l'impression tout du long que l'autrice se contentait de rester en surface et qu'elle ne parvenait pas à m'impliquer dans ce qu'elle racontait. Pourtant, c'était chouette de découvrir un récit ouvertement féministe, qui disait bien que non les esclaves sexuelles ne tombaient pas toutes amoureuses de leurs bourreaux, peu importe qu'ils soient beaux ou gentils ou forts. C'étaient avant tout des victimes et on ne leur faisait pas de cadeau à cette époque. Car oui, j'en parle comme si cela avait existé, mais il faut dire que l'Iliade s'inspire énormément de la réalité d'alors. Alors oui, ça fait du bien de lire un texte du point de vue d'une femme, pour dénoncer les atrocités que la guerre a pu leur faire subir. Et c'est beau de voir autant de force et de résilience à travers le personnage de Briséis, qui ici, n'a rien à voir avec la version romantique que j'avais l'habitude de lire. Pour ça, le titre mérite d'être lu.
Si la Guerre de Troie vous intéresse et que vous souhaitez la découvrir autrement, n'hésitez pas à vous lancer dans Le silence des vaincues qui offre vraiment un regard intéressant, mais faites-le avant de lire Le Chant d'Achille, sinon vous risquez d'être déçu, ce dernier étant vraiment un chef d'oeuvre qui malheureusement rend Le silence des vaincues bien fade en comparaison.
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