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Critiques de Patrick Autréaux (46)
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Quand la parole attend la nuit

En guise de préliminaires à cette lecture, la photo de Mimmo Jodice (Neapolis, 1986) sur le bandeau, les fameuses céramiques de Bernard Palissy évoquées page 62 et la chanson de Nina Simone, Wild is the wind (Sauvage est le vent), en toile fond sonore (p. 54-55) : Love me, love me, love me, say you do (Aime-moi, aime-moi, aime-moi, dis que tu m’aimes)/Let me fly away with you (Laisse-moi voler avec toi)/For my love is like the wind (Car mon amour est comme le vent)/And wild is the wind (Sauvage est le vent), etc.



C’est un roman sur l’amour et la mort qu’écrit ici avec finesse, élégance et sensibilité Patrick Autréaux. Il utilise la troisième personne du singulier pour nous narrer l’histoire de Solal, depuis ses études en médecine et jusqu’aux premières années d’internat, autant dire cette décennie particulière :

« Pendant une large décennie bordée en amont par la célébration d’un bicentenaire et ces révolutions qui firent tomber le bloc de l’Est, et en aval par la chute de deux colonnes américaines, accueillie par les youyous de joie des uns et la désolation plus ou moins effrayée des autres, on aura répété, et certains se seront laissés aller à cette douceâtre illusion qui tient pourtant du roman d’anticipation, que l’Histoire venait d’entrevoir sa fin, c’est-à-dire que nous étions entrés dans la phase ultime de l’harmonisation mondiale et que devant nous, vers l’éternité, s’étalait son fécond et serein delta. » (p. 17)



Solal est ainsi décrit : « Coupe au bol, silhouette de kangourou, c’était un grand type qu’étonnaient la passivité des carabins et leur indifférence devant ce qui était en train de bouleverser l’Europe » (p. 16). Il a écrit et publié des poèmes, et apprécie Théophile Gautier au point d’en lire un poème lors de l’enterrement de son ami Schull. « Son rapport à l’Histoire, c’est ce que Solal s’était mis à interroger depuis qu’il avait rencontré Schull » ; « pouvait-on être concerné, intimement concerné, pas quelque chose qui ne nous touchait que par les infos, par des images ? »(p. 107)



Le romancier nomme de façon très pertinente, selon moi, la quête initiatique de Solal : « la liberté de voir par soi-même, c’est-à-dire d’échapper à tout ce qu’on apprend, mais une fois qu’on l’a appris. » (p. 12)



La poésie de la chair et de l’âme sous toutes leurs coutures et sutures ! Elle se manifeste surtout la nuit, quand la parole se délivre des turpitudes de la vie quotidienne. Le silence retombe et l’histoire se termine de « façon heureuse » (p. 172) car « l’Histoire vient de reprendre son cours au rythme de cet étrange tocsin qu’ont été les images d’effondrement vues en boucle par le monde entier » (p. 173).

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La voix écrite

Après de longues hésitations, après avoir laissé les amis choisir en premier, j'ai succombé aux tentations des opérations masse critique. J'ai beaucoup de chance avec ce livre dont je ne connaissais pas l'auteur mais dont l'éditeur m'inspire une certaine admiration, notamment pour cet aspect que j'ai déjà évoqué, la sobriété des couvertures. Le titre aussi me semblait prometteur. Cela m'évoquait spontanément les notices pharmaceutiques et leur indication standardisée « administration par voie orale », la proximité si polyvalente avec voie, comme dans cheminement hiérarchique, et surtout une nécessaire forme de mysticisme.

J'ai eu raison, puisque d'élévation spirituelle et d'une certaine forme de mysticisme il est bien question.

Je trouve qu'il est important d'insister sur l'absence de précision, adossée au titre. S'agit-il d'un roman, d'un récit, d'un essai ? Ce sera d'ailleurs un des enjeux puisque, dans la recherche de la forme d'écriture éminemment thérapeutique, qui se veut « remède esthétique contre l'effilochement », « radeau », apte à combattre « le(s) bestiole(s) des profondeurs », de guerroyer « intérieurement contre ce morcellement qui menace de partout », le roman est d'emblée écarté (cf. mes citations).

Le texte sera donc introspectif, voire contemplatif, mais attention la force de la littérature est avant tout fictionnelle, et, bien qu'écrit à la première personne, bien qu'instillant des éléments clairement autobiographiques tels que la publication en 2008 du livre « Thérèse de Lisieux. La confiance et l'abandon », ou bien la profession d'urgentiste psychiatrique (« Mon métier m'avait convaincu que toute manifestation psychique devait être entendue, écoutée. »), l'épreuve de l'annonce de la maladie et l'appréhension de la mort, constitue un texte érigé au rang de preuve de la confiance que nous devons octroyer à l'oeuvre littéraire.

Pour faire court, je pourrais dire que c'est ici une histoire de grâce comme le dit l'auteur lui-même « pour employer ce mot désuet et ambigu ». Mais je pense qu'il convient d'écouter cet appel qui est par un subtil effet de mise en abyme à la fois celui de Jésus qui s'adresse au jeune homme riche en lui disant : vends tout ce que tu as, distribue-le aux pauvres et viens, suis-moi, mais aussi celui du narrateur en passe de devenir écrivain, et dont le sentiment de l'urgence face au cancer incurable deviendra vocation littéraire.

Le texte est d'abord la rencontre du son de la voix d'un éditeur, Max, lui-même auteur « d'essais de psychanalyse qui avaient fait date », personnage à part entière dont je ne dirai pas plus par crainte de trop dévoiler.

Un style qui sert humblement, mais avec grande élégance et avec la pudeur du frugal en matérialité, mais gourmand en esthétique. Des références motivées avec justesse, telle que celle à Annie Ernaux qui « me semblait réduire la complexité de la genèse d'un individu, écartant les voies vagabondes dans le chemin intime, et, paradoxalement, borner la lucidité à laquelle elle aspirait », à Hölderlin qui s'interroge avec clairvoyance « à qui bon des poètes dans les temps de détresse ? » ou à Yeats avec son expression de la « longue préparation ».

J'espère que je vous ai suffisamment préparés au bleu de ce texte qui sera votre radeau, « quand les livres films gravures peintures » des autres (liste généreuse aux pages 126-127) ne suffiront plus à sublimer le silence. Quelle belle réussite dans son « exigence de vérité » !
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Se survivre : Et autres tableaux

Se survivre est un court récit puissant en sept tableaux, sept étapes personnelles à la fois d’un parcours de renaissance d’un homme jeune face à la maladie, brutale, mortelle, terrifiante, le cancer, et aussi de témoignage envers un vieux poète dissident vietnamien à qui il avait promis d’écrire son histoire.

L’épreuve, combinée à la nécessité de témoigner enfin, donne naissance à une expérience intérieure singulière que Patrick Autréaux parvient de façon sensible et magistrale à nous faire partager.



« Elle (la maladie) me laissait en séquelle une urgence qui ne tolérait pas de tiédeur et que rien ne semblait capable de satisfaire. »



Bien sûr, le corps souffre, tous les repères habituels volent en éclat dans l’univers de la chimiothérapie, mais ce sont bien la confrontation avec la douleur, la peur de mourir et la nécessaire résistance en soi qui constituent le noyau essentiel de ce livre-source où puiser, s’abreuver grâce à la prose subtile de l’écrivain qui flirte en permanence avec la poésie ; cette poésie intime et palpitante qui n’advient peut-être que quand le superflu reste accroché aux rives de l’insignifiance, « prose qu’on découvre au pied du mur où tout tremble. Le lieu même de l’évasion. ».



Quasiment en apnée, solitude et fatigue intense poussent à l’abandon, et pourtant « Ce qui avait résisté ? Je suis incapable de dire ce que c’était. Je savais seulement que quelque chose avait résisté en moi. »

Vous l’aurez sans doute compris, j’ai infiniment apprécié la façon dont le médecin psychiatre Patrick Autréaux dévoile ici sa nouvelle voie, son espace littéraire salvateur.



A chacun de trouver sa propre voie pour se sur-vivre après une lourde épreuve.

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La sainte de la famille

Sainte-Thérèse de Lisieux et moi

À l'heure de se retourner sur sa vie, Patrick Autréaux s'interroge sur la place que Sainte-Thérèse a joué tout au long de son parcours. Et découvre combien l'écriture est un acte de foi.



Pour certains la question est essentielle, pour d'autres elle est accessoire, mais titille un peu quand même, surtout quand l'âge vient: quel rapport ai-je à la transcendance?

Pour le narrateur, il faut remonter aux premières années de l'enfance, quand il découvrait avec bonheur le jardin de sa grand-mère. C'est sans doute vers cinq, six ans qu'il a entendu parler pour la première fois de la petite sainte. Une sorte de compagne dans les moments difficiles, qui soulageait les peines, qui réconfortait les âmes meurtries et qui faisait même quelquefois des miracles. C'est sans doute pour cela que la Mémé avait fait le voyage jusqu'à Lisieux. Elle avait même mis ses pas de ceux de la jeune fille et touché les reliques. Même si, au bout du compte, elle avait été emportée par la Camarde. Alors pourquoi continuer à la vénérer? «Ma grand-mère était morte après son pèlerinage. Mes parents avaient divorcé. On continuait de croire en toi. De n'importe quel médecin, on se serait détourné, on aurait crié au charlatan. Mais traversant les âges, plus ou moins dissimulé, restait cet attachement à ce qui, faute d’être une infaillible panacée, renfermait une étrange et vivante force.»

La Sainte de la famille est aussi pour le jeune garçon qui cherche sa voie une sorte de lueur dont les écrits définissent un itinéraire, bien davantage qu'un objet de culte. Un peu comme ce message qu'il veut voir dans les premières minutes du Docteur Jivago, au moment des obsèques ou encore lorsqu'il écoute les Kindertotenlieder de Gustav Mahler. Dès lors, il va avancer dans la vie aux côtés de celle qu'il tutoie et qu'il interpelle. Quand sa mère a un cancer et finit par en sortir et quand on lui découvre à son tour une tumeur. Et qu'il réussira lui aussi à vaincre. Comment dès lors ne pas suivre ce mouvement frénétique? «On écrit de partout au carmel normand. On vient sur ta tombe, on y apporte des offrandes et des demandes, on murmure des prières, c'est une chapelle de mots et de désirs, de petits objets, de souffrances qu'on dépose dans l'air ou sous forme d'une médaille, d'un papier, d'un stylo, d’un bouquet de violettes ou de roses, c'est aussi là qu'on sent se serrer contre soi des inconnus, morts ou vivants, exaucés ou déçus, qu'on attend son tour, car parfois la queue est impressionnante.»

S'il n'est pas question de foi à proprement parler dans ce livre qui se veut le premier volume d'un cycle autobiographique, il est beaucoup question d'écriture, avec cette idée sous-jacente que l'un a beaucoup à faire avec l'autre. Avec Victor Hugo, qui affirmait que le but de l'art est presque divin, Patrick Autréaux voit dans son œuvre et dans sa vocation les traces de cette compagne imaginaire. Il a désormais bouclé la boucle en écrivant sur elle.


Lien : https://collectiondelivres.w..
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La voix écrite

Livre choisi dans une de mes cavernes d'Alibaba préférées : la Librairie Tschann

( BD du Montparnasse-Paris)- 2 Février 2017- Enfin achevé et relu en août 2022





Une lecture qu'on ne peut oublier !...



Un texte interpellant, douloureux, allant dans les profondeurs de la nécessité d'Écrire , retraçant le parcours unique d'un jeune médecin- urgentiste en

" psychiatrie", se retrouvant à l'Aube de ses 35 ans, de l'autre côté de la barrière., en tant que malade atteint d'un grave cancer...



Patrick Autréaux raconte, détaille son " parcours du combattant" contre la maladie, contre certains soignants , contre la peur , contre la souffrance,..., son besoin vital de l'Écriture ( désir personnel préexistant de longue date) pour "se soigner" autrement, et surtout pour "Survivre"..!



L'extrait suivant que j'ai choisi ,exprime au plus près la démarche du narrateur-auteur :



"Qui sait vraiment rester seul avec un incurable, avec un mourant ? Qui sait ne sait rien faire à côté d'un désespéré, d'un endeuillé ? Qui sait soigner jusqu'en cette réclusion- là ?

La personne qui parle est très bruyante : le livre est la possibilité de parler en étant silencieux.C'est en tout cas ce type de livres que j'avais compris pouvoir, devoir écrire. Et en ce sens, cela avait été une découverte : c'était la compréhension de ma route singulière, qui ne reniait ni le soin ni la littérature, qui les unissait, qui m'unifiait en eux et faisait tendre la main aux autres, à tous ceux qui voulaient bien la saisir.

Écrire, mais écrire pour les temps de malheur. "



L'écrivain nous fait partager ses abondants et douloureux questionnements, quelque part universels, comme La Vie, la Mort, la Maladie, son éthique et sa pratique de Médecin, la nécessité de " thérapies " parallèles comme l'Écriture, La Littérature, la Lecture....



Le "récitant" nommé ceux qui l'ont aidé par leurs écrits, comme Primo Levi, Kertész, Chalamov...Des survivants , en somme, comme lui, d'une toute autre manière !



Il détaille une autre influence notable dans l'appréhension de l'Écriture, et du style: Annie Ernaux...



Et puis tout le long du récit, l'ombre affectueuse , tutélaire d'un vieil ami, éditeur, qui va l'accompagner des années durant dans son cheminement d'"Ecrivain" et nous reconnaissons le célèbre et bienveillant psychanalyste, écrivain, Pontalis ...!



Un ouvrage essentiel, précieux, riche d'enseignements d'un cheminement exemplaire de courage , de lucidité et de vaillance et de talent littéraire..!













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Les irréguliers

Merci à Babelio et aux Editions Gallimard pour le roman « Les irréguliers » de Patrick Autréaux.

Ivan apprend que son ami Virgilio a été arrêté et emmené en tant que sans-papiers au centre de rétention de Vincennes et que celui-ci risque d’être expulsé le lendemain.

Virgilio est un jeune homme d’origine péruvienne qu’Ivan vient de rencontrer et qu’il connaît à peine. Et pourtant, sachant l’expulsion possible et imminente, il se précipite au centre de rétention.

Au cours du trajet, où chaque minute supplémentaire décuple l’inquiétude, le temps de l’attente puis de ces quelques minutes au parloir, ressurgissent des souvenirs liés à d’autres pertes : celles de son demi-frère et de sa mère. Souvenirs de relations difficiles, de ses souffrances et vexations, de ces tentatives de n’être pas tenu à l’écart.

Au fil des heures et des pensées, ce qui étaient pour nous, des images de relations familiales un peu brumeuses, se font un peu plus claires et compréhensibles. Se dévoilent des relations « irrégulières ».

Par des phrases courtes, ciselées, parfois poétiques, Autréaux montre les souffrances de cet homme, ses quêtes pour approcher ces deux êtres qui ont compté dans sa vie mais aussi ses manques. Et par l’entremise de la séparation prochaine d’avec Virgilio, il peut réussir enfin à se réconcilier avec son passé et les deux membres de sa famille, malgré leur décès, malgré l'absence.

L’univers des sans-papiers, et même sa relation homosexuelle avec Virgilio, sont finalement peu détaillés dans ce court roman. Ils ne sont que les déclencheurs des réflexions d'Ivan.

J’ai apprécié l'écriture poétique de l'auteur, ce texte aux divers thèmes d’ «irréguliers ». Mais si je peux comprendre le choix de ce thème grave des sans-papiers telle une séparation violente que le narrateur ne peut contrôler et n’a pas le pouvoir d’empêcher ; cette séparation qui fait remonter en lui tout son passé et les autres séparations qu’il a vécues, je n’en ai pas moins été étonnée que ce sujet ne soit pas plus approfondi (ne pouvant le considérer comme anodin).

Certes, je ne pourrai plus me balader près de Vincennes sans une pensée pour eux. Pourtant, si j’ai pu apprécier ces phrases courtes, ces mots choisis qui marquent l’émotion d’Ivan, paradoxalement, que ce sujet ne soit pas traité plus en profondeur a été peut-être ce qui m’a manqué justement pour être totalement emportée.

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Dans la vallée des larmes

Avec en exergue cette phrase de Susan Sontag, "Dans la vallée des larmes, étends tes ailes."



Il s’agit d’un récit, celui d’un médecin urgentiste qui apprend, à 35 ans, qu’il est atteint d’un cancer, un lymphome digestif, d’assez mauvais pronostic.



"Pendant quelques années, on voit par les livres, et les livres conduisent vers des brancards et des lits. On le sait, on l’oublie et on se laisse entraîner: on vogue loin de la souffrance, là où rien ne meurt pour se régénérer selon la grande roue de la biologie. Cette masse de connaissances enivre et fait admirer la beauté de l’ordre et la logique de ses défaillances, jusqu’à ce qu’on se retrouve, gêné et maladroit, pour la première fois devant un regard où se lisent la peur d’avoir mal, l’angoisse de savoir, l’angoisse tout court.

Malade, c’était la distance du biologiste que je recherchais: je me plaçais loin de moi et descendais vers l’élémentaire, je faisais face en pensée à cette tumeur et contemplais ce qui menaçait de me désorganiser."



Vient le moment classique du traitement, les interventions, la chimiothérapie.

Et des aides, pour supporter l’angoisse, à chacun les siennes.

Et puis..:

"Au printemps suivant, mon cancer était déclaré en rémission complète. Et là, gourmand de tout et beaucoup plus jeune qu’avant, sans avoir eu besoin de signer de pacte, j’étais un faune sorti d’hibernation."



Après le vide complet, une sorte de deuxième naissance. Avec recherche de sensations et d’émotions multiples, des aventures sexuelles , au départ dans un désert.

A la recherche finalement de sensations comparables sur le plan intensité à celles qu’il vient de vivre. Ce n’est bien sûr plus possible.



"Pour devenir un être cosmique, il fallait errer, ramper, avoir soif, que les yeux brûlent, que la sueur irrite le visage; il fallait chercher de l’ombre, craindre la solitude et regretter de toutes ses forces d’être là; il fallait voir l’horreur du désert et s’y savoir prisonnier; et puis il fallait avoir la chance de s’en tirer…

Rechercher ce qui s’était montré une fois ne pouvait qu’être sacrilège -une imposture. Je ne devais rien désirer. Ni survivre, ni mourir, ni voir.

Le voyage commence lorsqu’on ne choisit plus. Mon désert, c’était un lit d’hôpital."



Une fois compris cela, la vraie re-naissance peut commencer.



Fort beau , honnête et lucide récit d’une expérience vécue jusqu’au bout dans ses conséquences mêmes, et un très bel hommage, encore une fois, à Primo Levi:



"Primo Levi m’aidait à tirer de mon expérience une autre leçon. Comme tout homme jeté dans un des cercles infernaux, sous cette menace continue qui l’y terrorise et à laquelle il s’habitue au point de ne plus la discerner de lui-même, comme tout homme qui se trouve enclos dans une parcelle de ce Mal et qui s’en sort, je portais désormais quelque chose d’infiniment plus important que moi."















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Soigner

"A ce qu'on m'a dit et redit, enfant, je décrétais déjà que je serais médecin. Après avoir vu Le docteur Jivago un soir à la télé, j'ai ajouté: et poète. Médecin et poète. L'émoi suscité par Omar Sharif ne devait pas y être pour rien.

Confiant, j'ai commencé à écrire, même si j'avais lu que pour un seul vers , il faut avoir parcouru bien des villes et des pays. Mon grand-père m'en avait tant raconté. J'avais l'impression d'être très vieux. Ses histoires s'ouvraient sur un arrière-pays plein de promesses d'avenir, mais, assurait-il, j'aurais à me confronter à la vie. Le jeune Jivago cherchait cela aussi. La médecine le permettait.

Je laisse à qui voudra le mot " vocation" qui m'arrangerait bien. Il est trop peu solide et, plutôt qu'un socle, un aggloméré de doutes et de souvenirs rajustés. En matière de destin, les dalles sur lesquelles on s'appuie pour comprendre sont suspendues dans le vide. On avance en suivant les marches d'un escalier qui, n'ayant ni haut ni bas, vallonne dans un pays brumeux, et dans sa propre histoire comme un lettré errant dans les montagnes."



Patrick Autréaux avait écrit un bouleversant récit de sa propre traversée de la maladie dans " Dans la vallée des larmes".

Il livre ici un autre récit ou plutôt des réflexions parsemées de références littéraires sur les conséquences de cette expérience.

Notamment sur les changements profonds qu'elle a provoqué en lui, en particulier dans sa pratique professionnelle.



Ce n'est pas du tout quelqu'un qui a des certitudes, par exemple à la question : l'expérience de la maladie fait-elle d'un médecin un meilleur médecin, il répond qu'il n'en est pas du tout sûr. Mais que les souvenirs personnels conduisent bien sûr à une plus grande attention au malade, à ce qu'il évoque en nous, car la maladie devient moins abstraite.. Reste qu'il faut toujours garder de la distance..

Ces réflexions sont couplées à son témoignage assez bouleversant de l'accompagnement de son grand père jusqu'à la fin et ce deuxième très court livre de Patrick Autréaux est encore une fois beau et émouvant.



"Soigner, c'est à dire soigner jusqu'au bout, c'est traverser un champ dont on ne connait ni l'état du sol, ni la nature des herbes. C'est accepter les fleurs d'ortie, la gadoue putride, les entorses et aussi les odeurs fraîches, l'ombre piquetée de soleil d'un arbre solitaire. C'est fatigant et dur. On se fait mal au dos, on en a marre, on voudrait que ça se termine vite, on se le reproche, on essaie de sourire et de ne pas se presser, et on pleure en cachette après l'avoir entendu appeler ce nom d'enfant que lui seul utilisait."



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Le dedans des choses

«Un kaléidoscope où on se prend à guetter quelque chose de moins manifeste que le fil des images.»



Paru en 2012 aux éditions Gallimard, le troisième livre de Patrick Autréaux, est comme une fantaisie, l’exploration d’une boîte à trésors intérieure, une collection de souvenirs et de moments intimes ou essentiels pour la construction d’un parcours de vie et d’écriture.



«Supposons que vous soyez enfermé une nuit dans une grotte, la crypte d’une église, les réserves d’un musée ou que vous soyez acculé à une de ces impasses existentielles quand on ne contrôle rien ; supposons que ce soit un jeu de dupes et que ce qui était un jeu devienne une souricière : déballer sa boite à trésors est alors bien utile. Non pour en faire l’inventaire comme autrefois, quand on vérifiait que tout était là ou qu’on cherchait une place pour le nouveau venu, caillou graine insecte mousse ou lichen, mais pour se tenir à ce qu’on croit posséder, et de très près, afin que tout ne se mette pas à se disloquer en même temps, que la vague qui monte en soi et autour de soi ne détruise pas ça aussi.»



La suite sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2016/01/30/note-de-lecture-le-dedans-des-choses-patrick-autreaux/

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Soigner

De la folie dévorante du réel au vide nécessaire pour écrire.



Patrick Autréaux voulait dès l’enfance être médecin et poète, un désir de réel et d’écriture que son expérience de la maladie a transformé. Dans un cycle littéraire de quatre livres, initié avec «Dans la vallée des larmes» (2009) et conclu avec «Se survivre» (2013), il raconte ce parcours d’écriture, né d’une ambition dévorante de saisir le réel, métamorphosée par l’expérience de la maladie.



Paru en 2010 chez Gallimard, dans la collection L’un et l’autre, «Soigner» explore le chemin de cette métamorphose après la guérison, dans l’ombre de la figure tutélaire du grand-père, inspirateur et guide du médecin et de l’écrivain, dont il a conservé le nom Autréaux pour signer ses écrits.



Dès l’enfance, sa vocation première fut la médecine, non pas guidée par une ambition de réussite ou d’ascension sociale, mais par celle, insatiable, de comprendre le vivant, jusqu’à son échelle la plus minuscule. Il est finalement devenu psychiatre, à cause de son goût et de son aptitude innée pour dénouer les histoires embrouillées, un parcours dont les influences sont évoquées ici, toujours dans la subtile teinte de leur incertitude, l’effervescence inouïe des conflits entre des parents irréconciliables, et la figure atypique d’un grand-père toujours présent.



La suite sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2016/01/27/note-de-lecture-soigner-patrick-autreaux/

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Dans la vallée des larmes

Le récit de la voie étroite qui mène de la maladie à la rémission, de la guérison à la résilience.

Patrick Autréaux est médecin, quand on lui découvre un cancer, il bascule dans un autre monde : celui des soins, de l'attente, du silence effrayé devant un avenir incertain. Dans une écriture tout à la fois nette, qui sertit ses phrases dans la douleur du malade, sa brutale hébétude face à la trahison du corps, et hantée par l'angoisse du vide et de la mort, l'homme s'abandonne à cette vallée des larmes qui s'ouvre sous ses pieds. Il lui faut affronter la maladie, la lourdeur des traitements, prendre conscience de la fuite du désir, comme de l'éloignement scellant le sort de sa relation avec son conjoint Benjamin.

J'ai été happée par la première partie du récit, celle qui décrit l'intériorité d'un être foudroyé par la maladie. Par contre, la seconde partie – la reconquête du corps dans une recherche hédoniste – m'a moins intéressée. La sincérité de l'auteur sur sa sexualité aiguisée par le retour à une vie normale n'est pas une pose, loin s'en faut. Il ausculte avec honnêteté sa « seconde naissance », cherche ce qui le pousse vers ces aventures brèves, triviales, consommatrices de chair. Mais, la doublure quasi mystique dont il les enrobe (anges, prophètes se tenant là pour que « le corps entier participe à cette fulguration ») ne me passionne pas.

Patrick Autréaux a puisé des forces dans la lecture de Primo Levi et Fritz Zorn, tous deux restés à jamais dans l'ombre de la mort. Tout au contraire, son bref récit est résolument ancré dans la lumière de la vie.
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Le grand vivant

Une jolie découverte pour moi qui ne connaissais pas cet auteur. Le texte est juste magnifique et je serais curieuse de voir le spectacle. J'ai été vraiment touchée lors de ma lecture, l'auteur partageant des émotions très personnelles, intimes. Un coup de coeur.



Merci à Babelio et aux éditions Verdier qui m'ont fait ce cadeau lors de l'opération Masse Critique du 20 janvier.
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Le grand vivant

«Après tout, qu’est-ce qu’un cyclone, sinon une immense tristesse qui n’arrive pas à se dire ?»



Un homme isolé dans sa maison assiste au déferlement progressif d’un ouragan. L’arrivée de cette tempête vient réveiller ses turbulences intérieures, liées au deuil d’un grand-père qu’il a «suivi au bord de la mort», et à des terreurs familiales évoquées pudiquement, comme un œil du cyclone qu’on ne pourrait atteindre.



«La tempête s’est renforcée d’heure en heure. L’image passe en boucle sur les chaînes. Elle est explicite. Nuages et vents se sont enroulés autour d’une turbine géante.

Une force aveugle s’est donné à elle-même un œil, qui regarde fixement. Des cernes l’auréolent déjà. […]

Celle-ci me bouleversera moins que le fantôme dont je n’ai parlé à personne.

Seul le vieil arbre devant les fenêtres de ma chambre aura été jusqu’ici mon confident.

Une turbulence d’une nature bien différente s’est formée en moi. Depuis des mois, presque chaque nuit, j’ai affaire à son œil terrible.»



Cet homme a pris l’habitude de confier les turbulences affleurant dans ses cauchemars à un vieil orme rouge, présence imposante à rassurante face à sa maison, arbre fort, fatigué et doux qu’il compare à Baku, cette chimère japonaise entre fauve et tapir qui dévore tous les rêves.



Tandis que l’œil du cyclone se rapproche, et que le vent forcit et tourne, l’homme comprend soudain que le vieil orme est menacé par la tempête, sans savoir comment mettre le grand corps de cet arbre à l’abri du vent.

La tempête qui menace l’arbre-bouclier de ses peurs libère un chagrin insondable et les tremblements d’une angoisse écrasante, dont le pouvoir de nuisance demeuré intact ressurgit avec le tumulte du vent.



L’ouverture d’une brèche intérieure qui fait ressurgir les absents était déjà le thème de son roman «Les irréguliers». Dans ce texte écrit pour le théâtre, créé au Festival Hors Limites en mars 2015, et à paraître en Janvier 2016 aux éditions Verdier, qui évoque le texte poétique et fort de Gabriel Josipovici, «Tout passe», Patrick Autréaux réussit à saisir, à nouveau, un instant de déséquilibre intérieur, le dévoilement pudique d’une souffrance intime.



Retrouvez cette note de lecture sur mon blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/12/25/note-de-lecture-le-grand-vivant-patrick-autreaux/
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La voix écrite

Il m'a fallu du temps pour le reprendre, abandonné au printemps.

Vivre pour écrire, écrire pour vivre, le virus m'est passé.

Néanmoins, je suis toujours preneur des moteurs d'écriture, confiés au public, sous la forme d'un récit de survivant. Après avoir frôlé la mort, le médecin psychiatre cesse d'exercer, fidèle à l'appel intérieur, réveil d'une urgence latente, celle d'écrire, afin d'éroder un moi rétif et d'ensuite atteindre les autres.

Cette introspection autobiographique requiert une attention soutenue, exige du lecteur la patience de suivre un cheminement très cérébral vers l'essence du mouvement d'écriture.

Donner forme à l'informe en soi,

exorciser la solitude,

accepter une fragilité fertile,

faire de la maladie un support de renouveau,

voilà ce que dit La voix écrite, d'un verbe extrêmement travaillé, tantôt austère, tantôt vibrant d'une démarche inspirée.

J'ai accepté de suivre Patrick Autréaux.

Je ne regrette rien mais ne rééditerai pas l'expérience.



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Pussyboy

Pussyboy, c'est l'histoire de deux hommes intimement liés. L'histoire d'un amant imprévisible qui lutte entre son attirance envers son partenaire et son amour pour sa religion. C'est un voyage poétique dans un monde de passion, de désarroi, et d'espoir. Les sentiments s'emmêlent et nous mènent dans une bulle intimiste.
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Pussyboy

Une tornade de sexualité et de passion. On termine notre lecture-orgasme le souffle court. C’est le récit des corps qui fusionnent, qui se manquent, qui se troublent. L’histoire de deux hommes qui se font jouir le cœur. Une lecture intense et haletante.
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Se survivre : Et autres tableaux

L'écriture, pan d'humanité au bout de la maladie.



«Les livres se sont tous tus. Comprendre qu’on en sait plus qu’eux est effrayant. On se sent au milieu des ruines.»



Paru aux éditions Verdier en 2013, Se survivre est composé de sept courts récits, et vient clore un chemin d’écriture né de l’exil dans la maladie, ce cancer dont Patrick Autréaux a découvert l’existence à trente-cinq ans.



Du dénuement d’un homme mis à nu par le cancer, par les médicaments et les machines qui sondent ses cellules, puis de la guérison ont surgi une force poétique singulière et impressionnante, une écriture forcée par cet espace bouché d'une maladie au diagnostic initial définitif.



«Depuis mon hospitalisation en urgence un soir, après qu’on m’eut annoncé que les douleurs sans cause dont j’avais souffert depuis des mois étaient en fait un cancer, j’étais devenu un habitant de ce rien qui entoure tout. Au-dessus des bruits du monde et des nuées d’explications qu’on essaie de rassembler pour faire face, il y a un espace où les dieux ne vivent pas, où on n’entend plus rien des panthéons et des chants, où les échos cohérents de la vie ne sont pas perçus, non qu’ils se soient éteints, ils ne nous concernent plus. On peut ne pas s’apercevoir immédiatement qu’on y est entré, mais à force de zigzags en fauteuil roulant, de murs contre lesquels on est laissé, d’étoiles qu’on voit percer dans la douleur, à force d’attendre et d’épier, on renonce à tenter de rien déchiffrer. Certains nomment cela solitude.»



Soumis au protocole des traitements, le corps amaigri et menacé de stérilité avec la chimiothérapie ouvre une voie à un nouveau langage, à une nouvelle écriture mûrie dans cet espace au bord d’un trou noir.



Patrick Autréaux réussit à dire avec pudeur le ressenti intime de la maladie et le bonheur paradoxal de réussir à écrire à partir de cette situation-là.



«Le terrassement. Tant qu’on n’a pas vécu cela, il y a une part de soi qui reste inéclairée. De même que l’expérience d’être soulevé, maintenu en apesanteur dans un ailleurs d’une étrangeté et d’un exotisme nouveaux. Continent fendu. L’exil véritable. Même guéri, pas de retour possible.»



L’auteur s’était promis d’écrire la biographie d’un poète dissident rencontré des années plus tôt au Vietnam et semble saisir enfin avec la maladie l’expérience humaine de ce vieil homme au bord d’être anéanti.



«Le vieux poète avait été à certains moments de sa vie séparé de tout. Son regard en avait gardé trace. Il n’osait plus reprendre racine.»



Retrouvez cette note de lecture, et toutes celles de Charybde 2 et 7 sur leur blog ici :

https://charybde2.wordpress.com/2015/03/25/note-de-lecture-se-survivre-patrick-autreaux/
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Les irréguliers

Venant d’apprendre l’interpellation de son ami Virgilio, Ivan, sous le choc, se rend avec difficulté au centre de rétention de Vincennes, où celui-ci a été incarcéré car il n’avait pas de papiers.



«Mais Ivan ce soir-là ne pensait pas à son père. Il regardait le bâtiment sombre, étonné de la différence qui existait entre la dénomination d’hippodrome de Vincennes, farci d’une sorte d’excitation festive, de rage de gagner et de déception, plein d’une férocité mangeuse d’argent et suscitant un emballement calculé de défis à la chance, et ce vaste bloc gris, qui de loin avait des allures de promontoire, vers la ruine manigancée plutôt que vers la victoire.»



Devant ce centre qui lui apparaît comme «une escarre de plus sur le corps du monde», attendant l’autorisation de voir Virgilio alors que la nuit tombe, Ivan est bousculé par les ombres qui refont surface au crépuscule, ce choc affectif ayant ouvert une brèche vers le passé et révélé les liens multiples insoupçonnés jusque-là entre sa relation avec Virgilio et le passé de sa mère et de son frère Gilles aujourd’hui disparus.



«Savoir un être aimé en prison fait de soi un prisonnier.»



Le récit au départ assez distant de celui qui se sent un témoin impuissant et lâche de l’arrestation de Virgilio et de son expulsion probable de France, atteint une profondeur singulière et poignante tandis que cette partition peut-être irrémédiable d’avec celui qu’il aime le réconcilie avec les morts.



«Il pense que l’étranger est celui qui nous fait nous découvrir malgré nous, que c’est peut-être pour cela qu’on le désire ou qu’on le persécute. Que l’étranger est notre guide, même si c’est souvent à son insu.»



Plongée dans les souvenirs après cette arrestation qui le réveille d’une longue anesthésie mémorielle, «Les irréguliers» est un beau et court roman autour d’un drame intime, qui évoque aussi en filigrane le lien immatériel que le langage et la littérature peuvent maintenir, au travers de la langue espagnole qui lie Virgilio et Ivan et que ce dernier a hérité de sa mère exilée en Espagne pendant la guerre, ou de ces poèmes échangés avec Virgilio et qui ne pourront être expulsés de leur mémoire.



«De la bibliothèque, il n’avait conservé que quelques volumes de poèmes en espagnol. Ivan les lui avait si souvent emprunté, il n’avait pu s’en débarrasser. C’était les livres de la vie sauve, comme il aimait dire enfant – et dont il avait apporté un exemplaire pour Virgilio au centre ce soir-là.»

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La sainte de la famille

Mais quel beau récit personnel : La Sainte de la famille. La famille ce sont les parents, les grands parents, la grand-mère surtout, malade et qui va mourir alors que le jeune Patrick se nourrit intellectuellement et s’éduque avec Châteaubriand, Tolstoï, Dostoïevski, Gautier, Jankélévitch, comme il l’écrit d’ailleurs : « Dans les livres, les vinyles Deutsche Grammophon et à l’école, j’avais trouvé par où m’échapper. Je m’étais engouffré dans tous ce qu’il y avait à apprendre. » Les coulisses de son histoire, ce sont un peu celui les corons du Germinal de Zola. La Sainte, c’est Thérèse de Lisieux, que l’auteur lit passionnément. « C’est ainsi que tu entres dans ma vie, marquant la limite du royaume des morts, et me tenant la main chaque fois que j’approche cette frontière. » Car la passion plus que la foi, n’est pas exempte de questionnements et est remplie de doutes, tout ce qui fait les fragments de sa vie. Fragments ? Pour l’auteur il s’agit même de débris : « On établit le compte de ces débris qui font l’armature d’une vie. » Sa vie tournera autour de ce désir, de ce rendez-vous improbable, entre Sainteté et Littérature, né après le visionnement de l’adaptation du roman de Pasternak, Le Docteur Jivago. Il s’agira, pour Patrick Autréaux, de parler du deuil, de la maladie, de sexualité (et de son homosexualité), d’écriture – beaucoup ! et il se trouve en ce livre des pages magnifiques -, mais aussi de « ce qui n’a plus de nom dans aucune langue et qui me fait écrire ce livre. » L’une des belles surprises de cette rentrée 2023, d’une grande sensibilité, d’une rare intelligence, toujours pudique, partageant l’intime mais préservant le privé.
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Quand la parole attend la nuit

Sans Masse critique, je serais totalement passée à côté de ce livre publié chez Verdier. Et je me serais privée d'un passage sublime concernant une chanteuse que je vénère, Nina Simone.

Tout un chapitre est construit autour d'une chanson : Wild is the wind.Un souvenir d'un soir où Solal fait écouter ce morceau à son amant Simon. Où il lui parle du son des magnolias alors que c'est celui des mandolines. Ce chapitre pourrait être une nouvelle à lui tout seul. Ce chapitre a suffit à me convaincre que j'avais entre les mains un très beau livre. Parce qu'une chanson dit bien plus que ce que l'on entend.

C'est un roman sensible, poétique, finement écrit. On suit Solal de la chute du mur de Berlin à celle des Twin Towers, un futur médecin, idéaliste, qui va comprendre au fil du temps qu'il peut seulement faire de son mieux. Solal aime Simon, puis Lou, mais pas comme elle le voudrait, Solal ne comprend pas ses parents mais rencontre Schull, un vieil homme qui deviendra son ami.

C'est un livre beaucoup moins social que ce que la quatrième de couverture peut laisser croire, le résumé est trompeur et c'est un peu au détriment du texte. Car ici on entre dans la littérature de l'intime, et cela demande du temps de lecture et du calme. Et une bande-son appropriée. Pourquoi pas la voix si émouvante de Nina Simone ?

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