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Citations de Patrick Boucheron (153)


Patrick Boucheron
Lorsque l'on parle de la peur du tyran, qui a peur de qui ? Ne finit-il pas toujours par tomber dans le piège de la peur qu'il inspire ? Et inversement, le gouvernement injuste n'est-il pas celui qui se targue de n'avoir peur de rien, celui dont les dirigeants sont sans vergogne - c'est-à-dire, disait Machiavel, privé de la honte que laisse craindre la colère des autres ? L'histoire redevient alors comme Walter Benjamin l'avait rêvée : un avertisseur -d'incendie.
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Patrick Boucheron
Lire, c’est s’exercer à la gratitude.
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(...) certains jours je commence à trouver que ça pèse, je me dis qu'il se pourrait bien que ce soit ça, finalement, ce que les manuels d'histoire nommaient « la montée des périls » pour désigner, avec leur confortable recul, les années trente en Europe. Il y a beau temps que je me demandais ce que ça pouvait bien faire au corps, au cœur et à l'esprit de vivre une période où d'une année à l'autre tous les signaux passent au rouge: est-ce qu'on s'en aperçoit, est-ce qu'on en prend la mesure, est-ce qu'on y pense, est-ce qu'on en rêve, est-ce qu'on en est malade, est-ce qu'on se laisse prendre par surprise, est-ce qu'on se sent condamné à l'impuissance, est-ce qu'on décide d'agir, mais alors pour faire quoi, est-ce qu'on pense à partir, si on peut, et quand?
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Dans le champ de l’économie politique, le management est le laboratoire d’une politique de la peur : la crainte qu’inspire le chômage aux salariés est le principal levier de domination, alors que les employeurs, pour leur part, n’ont rien à craindre de personne. 
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L’unité de la peur n’est donc pas un artéfact de la psychologie de masse ; c’est un projet politique qui s’élabore par le biais des autorités, de l’idéologie et de l’action collective.
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Patrick Boucheron
Dans le champ de l’économie politique, le management est le laboratoire d’une politique de la peur : la crainte qu’inspire le chômage aux salariés est le principal levier de domination, alors que les employeurs, pour leur part, n’ont rien à craindre de personne. 
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Une brèche peut être minuscule, elle ne se referme jamais tout à fait, dès lors qu'elle lézarde et rend friable ce que l'on croyait si intangible et solidement établi. Car ce que l'on a aperçu au travers de cette brèche, aucun pouvoir ne pourra faire en sorte qu'on l'ait pas vu. Dès lors s'y engouffre une autre histoire, qui a toujours à voir avec l'effraction des discours, et qui rend impossible tout retour au cours normal des choses.
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Patrick Boucheron
- Manque-t-il à l’homme du XXIe siècle une dimension spirituelle qui l’aiderait à penser la réparation ?
- Elle nous manque car nous ne savons pas la reconnaître. Le "Yes We Can" de Barack Obama proposait le salut. C’est ce qu’on appelle le "Tikkoun Olam" : une conception de la mystique juive de la réparation du monde qui date du XVIe siècle. Son fondateur, Isaac Louria, soutient que le monde se recrée sans cesse. Le moment clef de sa recréation, c’est lors-que nous, humains, le réparons. Ce monde est organisé en sphères de lumière, les "sefirot", dix vases qui représentent des valeurs telles que la générosité, l’éternité, etc. Vient un moment où ces vases se brisent. Leurs lumières se dispersent et les hommes doivent les rassembler pour réparer le monde. Le "Tikkoun Olam" est le moment où les hommes, parce que les vases se sont brisés, parcourent le monde pour récupérer les étincelles.
- S’il devait y avoir une ordonnance délivrant un remède pour la réparation, ne devrait-elle pas prescrire plus d’art et de culture ?
- C’est exactement ce que répondait le philosophe Michel Foucault (1926-1984) à la fin de sa vie, dans un entretien au Nouvel Observateur, lorsqu’il affirmait que le problème de notre époque est qu’on ne propose pas assez d’art et de culture et qu’il en faudrait plus pour qu’advienne « un âge nouveau de la curiosité ». Par réparation, il ne faut pas entendre un retour racorni sur les plaies du réel.
(dans Télérama 3702-3703 du 23 décembre 2020)
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Le De natura rerum de Lucrèce était-il un livre dangereux ? Moins qu’on a pu le dire. Certains historiens se plaisent à imaginer que sa redécouverte en 1417 par l’humaniste Poggio Bracciolini, dit le Pogge, a pu faire dévier le cours du monde, le précipitant soudainement dans la modernité. On comprend pourquoi cette idée les tente : elle élargit aux sociétés humaines cette expérience littéraire qu’ils chérissent en tant que lettrés. Mais elles prêtent trop au pouvoir de lire. Jamais les livres ne produisent de révolutions. Ils ne deviennent nos alliés que si nous sommes préparés à les lire. Ils sont des maîtres de liberté, oui, mais seulement pour ceux qui sont suffisamment libres.
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Nous sommes au coeur de la tourmente, car qui ne voit aujourd'hui qu'elle prend deux formes également assourdissantes : celle des bavardages incessants et celle du grand silence apeuré ? Nous ne pourrons les affronter que par une conjuration de patience, de travail, d'amitié, d'invention, de courage - bref une conjuration d'intelligences qui trouve sa forme dans l'ordre des livres dont je veux défendre la cause. Lire, c'est s'exercer à la gratitude. (p. 28)
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Varietas est donc le maître mot. Nous devons être divers, variés, indisciplinés – c’est-à-dire tristes et gais à la fois pour ne pas désespérer du métier de vivre.
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"Varietas" est donc le maître mot. Nous devons être divers, variés, indisciplinés - c'est à dire tristes et gais à la fois pour ne pas désespérer du métier de vivre.
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La chance de Machiavel est d'avoir toujours été déçu par les hommes d'État qu'il a croisé sur son chemin. Aucun, en somme, n'était à la hauteur de la situation, aucun n'était prêt à agir avec la netteté, la vitesse, le tranchant qu'exigeait la qualité du temps. C'est une chance, oui, d'une certaine manière, quand on voit de quelles dégringolades morales et littéraires se paye la fascination des intellectuels pour les hommes de pouvoir. Dès qu'ils trouvent à admirer, les voici perdus pour l'intelligence.
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Patrick Boucheron
[...] ce que l'on retient du passé n'est rien d'autre qu'un amas de réponses à des questions que l'on ne connaît pas. Et, si on ne les connaît pas, ce n'est pas, précisément, parce qu'on ne se les pose plus mais, au contraire, parce qu'elles se posent encore à nous. Et donc, on est, au fond, dans l'aveuglement de ce questionnement.
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Dantesque, kafkaïen, sadique. Machiavélique. C’est un douteux privilège que de baptiser de son nom propre une angoisse collective.
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Nous allons le voir à présent : ce qui rend "Ambroise vivant" est bien le rajeunissement de son souvenir par les luttes politiques, ouvrant le champ aux appropriations successives et conflictuelles des dépouilles de son passé.
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Il y a toujours un pléonasme un peu comique à parler du déclin de l'occident puisque son nom ne recouvre rien d'autre que les "pays de la nuit qui vient". (p. 62)
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Passer l’été avec Machiavel, vraiment ? Quelle drôle d’idée. L’auteur du Prince n’est pas à proprement parler un écrivain en vacances, le compagnon des siestes estivales. Mais d’abord un homme d’action, toujours sur la brèche, pour qui décrire le monde, en dresser le constat désabusé, c’est travailler à le transformer. « Si on me lisait », dit-il en 1513 à propos du Prince, « on verrait que pendant les quinze ans où j’ai fait mon apprentissage dans le métier de l’État, je n’ai ni dormi ni joué. »
On le lit, en effet, depuis sa mort en 1527, on ne cesse de le lire, malgré les calomnies et les censures, et toujours pour s’arracher à la torpeur. En ceci, pourquoi pas, Machiavel est implacable comme un soleil d’été. C’est l’astre qui rend sa prose cinglante, jetant sur toutes choses une lumière si crue qu’elle rend les arêtes plus vives. Nietzsche l’a dit mieux que quiconque, dans Par-delà le bien et le mal : « Il nous fait respirer l’air sec et subtil de Florence et ne peut se retenir d’exposer les questions les plus graves au rythme d’un indomptable allegrissimo, non sans prendre peut-être un malin plaisir d’artiste à oser ce contraste : une pensée soutenue, difficile, dure, dangereuse et un rythme galopant, d’une bonne humeur endiablée. »
Mais si tout est affaire de rythme, comment ne pas voir que ce qu’il appelait la qualità dei tempi, la « qualité des temps », était à l’automne des certitudes ?

(INCIPIT)
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Il y a pourtant une distinction posée d'emblée, et à laquelle il se tient. Machiavel ne traite pas des républiques mais des principautés, et il ne traite pas des principautés qu'on hérite - seulement celles qu l'on conquiert, par force, par ruse, par chance, de ces Etats qui se donnent aux héros audacieux de la fortune, les princes nouveaux. Maintenant, ne nous racontons pas d'histoire : il est beaucoup plus facile de prendre le pouvoir que de la conserver. Dans la langue de Machiavel; "mantenere lo stato" signifie à la fois maintenir l'Etat et se maintenir en l'état. Ceux qui s'en montrent incapable ne ruinent pas seulement leur chance de conquérir la durée - qui reste la grande visée de la politique - ils attentent à la grandeur de l'Etat en tant que souveraineté, régime, institution.
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Patrick Boucheron
On n'échappe pas si aisément à la domination masculine. Et s'il existe des révoltes de l'obscène ; en mettant le derrière devant, elles risquent toujours, dans une logique carnavalesque, de reconduire et de renforcer l'efficace des pouvoirs.
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