Des mains d’éleveurs. De paysans gras et lourds, abrutis par les discours de plus en plus extrémistes de certains politiques. Il faut faire confiance à l’Europe , qu’on leur répète. Aux subventions qu’elle étale sur la table, aux quotas, à tout ce qui est censé aider le monde agricole à tenir bon, à faire face à la concurrence. Pas question de partager avec ceux qui viennent d’ailleurs, de l’autre côté des frontières en particulier. Tous des étrangers, des profiteurs, des empêcheurs de travailler en rond. Le partage, c’est un mot que l’on accepte d’entendre à la messe, quand le curé fait des phrases, des leçons de morale, mais une fois hors de l’église, c’est une autre chanson. La réalité l’emporte sur les bons sentiments. C’est pas avec les bons sentiments qu’on peut vivre et faire manger sa famille.
Ce qu’ils avaient fait, c’était pas pardonnable, c’était même pas possible de l’envisager une seconde, fallait vraiment être un Grewicz pour ça. Une sale race, une engeance maudite, ni plus ni moins. Il y avait combien de temps de ça, au juste? Quinze ans, peut-être plus, vingt. Oui, c’est ça, les mémoires se sont remises en marche, vingt ans et une poignée de mois ; on est en avril, le mois idéal pour reprendre les choses en mains, sceller les sorts.
Bats-toi, pas pour te venger, non, c'est bien plus fort et plus digne que cela : pour rendre justice.
Dans la vie, faut savoir ce qu'on veut. Si on commence à avoir peur…