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Citations de Patrick Declerck (63)


Vient enfin l'enfant. L'enfant dans la poussette tenue par son jeune père. L'enfant aux nombreux fils qui fuient dans ses vêtements et dont on ne voit pas la fin. Fils liés à une machine large comme une mallette et épaisse comme deux, couverte d'écrans électriques et de lumières. L'enfant avec un corps de cinq ans, une tête de dix, et des yeux immenses qui, sans bouger jamais, fixent son papa, et ne pleurent pas, et ne pleurent plus, et ont tout compris. Et cet enfant, ce petit frère, Nacht voudrait pouvoir le lever d'une main et puis le serrer. Le serrer entre ses gros bras, pour -avec tout son amour et toute sa rage, pour une fois sainte - en un instant l'écraser, l'étouffer, pour qu'il ne pense plus, ne sache plus, ne ressente plus, ne souffre plus. Pour qu'il ne souffre plus...
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Échec de qui ? Défini par qui ? Par rapport à qui ? Par rapport à quoi ? Et si cette notion d'échec thérapeutique reproché aux soignés et brandi par les soignants ne l'était que pour mieux masquer, justement leur faillite, l'inefficacité de leur thérapeutique, l'inadéquation de leur pensée...
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Ces souffrances visibles infligées aux transgressifs ont pour fonction de les stigmatiser et, par là, de décourager les vocations, que les fantasmes qu'ils font naître en nous pourraient susciter.
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Du point de vue psychique, il existe une collusion opératoire entre sujets et institutions, qui se tranquillisent mutuellement en se précipitant d'une commun accord dans l'agitation du "faire" (faire des papiers, faire un stage, faire une cure...), plutôt que d'oser l'inquiétant vertige du chronique et de l'irréversible : c'est à dire choisir de s'installer définitivement dans la dimension existentielle du soin itératif, clos seulement par la mort du sujet, plutôt que de fuir dans les chimères passagèrement anxiolytiques d'une guérison encore et toujours ratée.
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"Objectif" , voilà un mot plus terrible, plus radical, que n'importe quelle hallucination dont sont capables tous les maniaques de la révolution....OBJECTIVEMENT , donc,l'homme est avec le rat, le mammifère le plus commun de la planète. Et aussi , la pulsion sexuelle étant (comme chez le rat) ce qu'elle est, le plus aisément remplaçable. Tandis qu'une espèce disparue, animale ou végétale est, elle, à jamais éteinte. Et c'est alors pour chaque petite araignée, pour chaque fleur, pour chaque batracien disparu un pan de millions d'années d'histoire de l'évolution qui se clôt brutalement dans le non-sens et le néant. De ce point de vue OBJECTIF, Mrs Reed, toutes les victimes des tremblements de terre et des accidents ferroviaires valent-elles un lémurien ? La question d'un point de vue darwinien au moins se pose....
Oui , un tiers du vivant envolé d'ici cinquante ans. Mais foin de sentimentalité. Le droit au développement économique d'abord. Les besoins énergétiques de l'humanité d'abord. L'homme toujours...ce chancre...Comme si l'existence de l'homme avait le moindre sens et la moindre chance de succès en dehors de la nature.
Imaginez, Mrs Reed, toute cette mémoire du vivant sacrifiée aux besoins de nos moteurs à combustion. Cet immense potentiel pharmacologique, pour ne considérer, une fois de plus que notre propre et exclusif intérêt.

Dans la nouvelle "Le camp du gai savoir".
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Et puis, il y a la joie. Et cette asymptote, comme l'a bien vu Spinoza, où intelligence des choses et joie ne font qu'un. Amor intellectus Dei. L'amour intellectuel de Dieu, la contemplation joyeuse, réconciliée et sans désir, de l'agencement du monde. L'amour de Dieu, sans Dieu, par-delà l'espoir, tant pis, tant mieux, avec rien au ciel, que les étoiles muettes. L'extase, le ravissement du monde. Le grand Ja sagen nietzschéen à la vie telle qu'elle est, dans tout son drame, sa grandeur, et sa beauté.
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Le clochard, comme le criminel, le toxicomane et la prostituée, est une des grandes figures de la transgression sociale. Il est la figure emblématique de l'envers ricanant de la normalité et de l'ordre social. Il en est le bouffon et le négatif. Il en est, de par son existence même, le radical critique. De plus, il présente l'apparence d'être libre, sans attaches et sans obligations. En cela, il est dangereux. Séduction et dangerosité, dont se protège l'ordre social, en condamnant les clochards, comme les autres marginaux transgressifs, à une souffrance minimale, mais structurelle. Supportable, mais visible.
Il est nécessaire à l'ordre social que la vie des clochards soit structurellement difficile. Il faut que leur « choix » se paie. Tout comme il faut que la vie des prisonniers reste pénible au-delà des simples contraintes de l'enfermement ; que les prostituées aient une vie infernale (proxénètes, violences, absence de protection sociale, etc.) ; que les toxicomanes ne soient pas seulement traités comme des malades, mais comme des délinquants … Ces souffrances visibles infligées aux transgressifs ont pour fonction de les stigmatiser et, par là, de décourager les vocations, que les fantasmes qu'ils font naître en nous pourraient susciter.
Si ces souffrances ne doivent pas dépasser un certain seuil de tolérance – seuil au-delà duquel elles risqueraient de devenir scandaleuses et de finir, en éveillant la sympathie et la pitié, par avoir alors l'effet inverse de celui primitivement escompté -, il est néanmoins nécessaire à l'homéostasie de l’ordre social que la marginalité continue d’apparaître comme une alternative, sinon impossible, du moins difficile, hasardeuse et douloureuse, à la normalité. Il est essentiel au bien être psychique des esclaves volontaires que nous sommes, nous autres laborieux, nous autres chargés de famille, nous autres normaux, que nous puissions, au spectacle de la marginalité souffrante, nous féliciter de notre bonne fortune. L'illusion doit à tout prix être maintenue qu'il n'existe en dehors de la société, de la normalité, de l'emprise de l’État, aucune alternative viable, aucune aménagement sérieux. Sérieux, voilà le mot. Sérieux soyons. Sérieux restons. Baissons la tête. Travaillons surtout.
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Le sommeil, vieil ami du malheur. Compagnon silencieux des infortunes amères et tendres. C'est l'un des trois abris où viennent mouiller les solitaires. Les deux autres sont l'onanisme et la marche à pied. Ces trois-là sont frères et compagnons. Ils ne connaissent pas de limites, au-delà de celles du désir lui-même. Toujours possibles. Libertés, ils ne sont que de nous. Ultimes possessions. Autarciques par essence, ils sont le dernier monde de ceux qui n'en ont plus d'autres. (p. 143)
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Ne pas trop penser. Ne pas s'emballer. Ne pas lever la tête car le vertige est là. Celui du non-sens et de l’écœurement. Comme le soupçon d'un frisson à l'épigastre. Comme un appel chuchoté au cœur des heures, au fonds de soi. Ne l'écoute pas, cette sirène maudite. Ne t'arrête pas. Ne faiblis pas. Et surtout n'oublie jamais : ne dépense pas. Tu es pauvre. Pauvre. Ne relâche rien. Ne gaspille pas. Compte. Compte. Compte !
Il est pourtant d'inévitables moments de révolte. Révoltes ratées, masochistes. Pauvres révoltes. Révoltes de pauvres. Jacqueries... (p. 140)
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Les souvenirs se bousculent. Les fantômes, insistants, frappent à la porte. Les morts et les vivants. Les morts vivants. Tous ceux que j'ai connus, croisés. Le temps d'un mot, d'un pansement, d'un comprimé que l'on donne parce qu'il faut bien donner quelque chose. Cohorte de l'ombre, épouvantails, ils sont là, pressants comme une envie de vomir. Écrire vite. S'en débarrasser. Se soulager. En finir enfin. Décharger le poids des visions, le goût du fiel. Poser comme un fardeau la lassitude du soir. En finir...
Un jour parmi d'autres, avec Henry, nous avons reçu un de ces presque fantômes. Oh, pas longtemps ! C'était une hypothermie de fin d'été. (p. 80)
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Patrick Declerck
Souviens-toi qu'il existe deux types de fous: ceux qui ne savent pas qu'ils vont mourir, ceux qui oublient qu'ils sont en vie.

repris dans le livre "Quand La mort éclaire la vie"
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Et là, debout, il a attendu la mort presque une heure. Sans rien dire. Puis il est tombé comme un arbre abattu. Il a été grand devant la mort, Tonton.
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Les autres, à l'école, m'appelaient « l'homme immobile». Immobile, je l'étais. Je passais les récrés debout à côté de arbre. Tétanisé d'effroi, je découvrais les hommes. Ah, j'étais bien gêné pour nous tous. Et désemparé. Au début, les enfants me bousculaient ou volaient mon cartable. Je ne réagissais pas. Ils que j'avais peur. Ce n'était pas la peur, c'était la honte. J’étais dépassé.
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En ce temps-là, une colère couvait en moi comme un feu sournois. Une violette toute prête, casquée de naissance comme Athena, qui attendait l’incident, cherchait l’occasion. Une rage contre le monde. Une haine muette, formidable et sans objet…
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Curieusement, le SDF, exclu parmi les exclus, se révèle à l’analyse, au contraire, tout ce qu’il y a de plus inclus.
Il occupe position et fonction dans la société.
Il joue sur la scène du théâtre social un double rôle essentiel. Celui de la victime sacrificielle. Et celui du contre-exemple. Il est la moderne version du corps des suppliciés pourrissant jadis en place de Grève.
L’incontournable démonstration du prix de la transgression.
(page 81)
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Et derrière nos bienveillantes démocraties, se cache, mutique, mais vigilante, une totalitaire obligation : Citoyen sera productif ou, lentement, et passivement, et sans bruit, mis à mort.
Que l’on ne s’y trompe pas. La souffrance des pauvres et des fous est organisée, mise en scène, et nécessaire. L’ordre social est à ce prix.
(page 82)
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6. « Le discours de la réinsertion vient sceller, en portant en son sein la démonstration de sa légitimité, le pacte identificatoire entre soigné et soignant, tout comme il réaffirme le pacte identificatoire entre les individus et la société. Toute différence profonde entre les désirs des sujets, comme entre les logiques existentielles – conscientes ou non – de leurs pathologies, s'y trouve escamotée.
[…]
Il est en filigrane de ces discours insidieux, de cet humanisme apparent, une volonté totalitaire inconsciente de réduire les différences des hommes – que sont leurs souffrances et donc leur dignité – à l'inquiétant taylorisme d'une production de masse de citoyens que plus rien ne distinguerait les uns des autres. Asymptote de la normopathie. Secret désir lové comme une sourde bête au cœur même de nos émois compassionnels. La chanson des Restos du cœur ne commence-t-elle pas par ces mots lapsus : "Aujourd'hui on n'a plus le droit, ni d'avoir faim, ni d'avoir froid..." On n'a plus le droit ? La souffrance est, ici, bien perçue comme asociale. Non sans raison : elle est bien, en effet, le dernier rempart de la subjectivité du sujet. L'ultime protestation contre l'ordre écœurant du monde. » (pp. 322-323)
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2. « […] est posé[e] une interrogation, toujours la même : "Il faut en savoir plus sur leurs parcours."
Pour quoi faire ? Il s'agit là d'une interrogation faussement scientifique. […] Un savoir fiable existe mais il ne satisfait pas, car l'interrogation ne porte pas en dernière analyse sur la population elle-même, mais sur l'angoisse que nous éprouvons au contact de la différence. C'est elle que nous ne parvenons pas à métaboliser. C'est elle que nous interrogeons toujours dans l'espoir futile de la réduire, de la voir s'évanouir. Aussi n'apprenons-nous rien. » (p. 103)
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Seuls l’écran de l’ordinateur et les tâches diverses qui y apparaissent le concernent. Tout le reste, il l’ignore. Il ressent pourtant son corps : un genou qui aimerait bouger, une jambe qui demande à se détendre, la sonde urinaire qui lui fait un peu mal à l’endroit où elle pénètre dans la vessie, une légère douleur de pression sur sa hanche droite, la soif, sa bouche parfois trop sèche… De son crâne ouvert et des objets qui envahissent son cerveau même, il n’a qu’une idée sans perception, sensation, ni douleur aucune. Simplement, il sait que, quelque part au-dessus de son oreille gauche, cela est.
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Souviens-toi que tu vas mourir, et la vie te semblera plus précieuse, ses enjeux irréversibles et plus graves, ton éthique plus essentielle. Le temps est court, les années passent, et tu vas mourir. Tu vas mourir, mesure ton but et ne t’egare Pas en route. Qui que tu sois, tu es unique et, une fois parti, tu ne reviendras jamais. Memento mori ! Ne te perds pas. Ne te trompe pas...
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