Et puis un soir, il est tombé dans cet enfer...
Qui sait si l'inconnu qui dort sous l'arche immense,
Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé
N'est pas cet étranger devenu fils de France
Non par le sang reçu mais par le sang versé ?
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste.
Donnez-moi ce qu'on ne vous demande jamais.
Je ne vous demande pas le repos,
Ni la tranquillité.
Ni celle de l'âme , ni celle du corps.
Je ne vous demande pas la richesse
Ni le succès, ni même la santé.
Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement
Que vous ne devez plus en avoir.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste,
Donnez-moi ce que l'on vous refuse.
Je veux l'insécurité et l'inquiétude.
Je veux la tourmente et la bagarre
Et que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement.
Que je sois sûr de les avoir toujours,
Car je n'aurai pas toujours le courage
De vous le demander.
Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste.
Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas.
Mais donnez-moi aussi le courage et la force et la foi.
André Zirnheld - Parachutiste SAS mort au champ d'honneur le 27 juillet 1942
Malgré la violence de l'agression viet, les soldats de la Coloniale avaient réussi à implanter des points de résistance qui, depuis une quinzaine de jours, refusaient de se rendre. Ils protégeaient ainsi les civils échappés du massacre.
Le poste de radio de la banque signale un matin qu'un obus de mortier vient de s'abattre à proximité d'une réserve d'essence, provoquant un incendie sans autre conséquence grave que la perte totale de la réserve de cigarettes et de tabac. Les coloniaux de la banque n'ont plus rien à fumer et réclament de l'aide.
Mis au courant, Mulsant refuse catégoriquement d'exposer la vie d'un seul homme pour faire parvenir du tabac au poste de la banque. Pourtant il est fumeur et il conçoit le supplice que vont endurer les malheureux pendant un temps qui reste indéterminé.
Rassemblement sur moi ! braille Kahil. Dix mètres entre vous. En route !
- Eh, chef, y'a pas le feu, réplique Braun.
- Merde ! hurle Garcia, un Portugais de Belleville, en tirant sur sa verge. J'ai bloqué une chtouille.
- Qui c'est qui te l'a refilée ? demande Braun.
- La vieille Lucienne ! Putain de morue ! Je vais lui foutre une de ces danses en rentrant.
- Tu sais pourtant qu'elle fait du sur-boulot sur les nomades, les jours de souks.
- Y'a qu'elle qui me fait bander.
- Avec la gueule qu'elle a, t'as des goûts curieux.
- Attends de la voir, sa gueule, quand je lui aurai causé de ma chtouille !
- C'est pas fini ? explose Kahil. Toi, Garcia, tu tailleras la piste avec l'hélico à la première rotation. Direction l'hosto. En attendant, suivez. Et à dix mètres, j'ai dit, nom de Dieu.
Garcia traine en queue de colonne. Il n'est intéressé que par sa blennorragie. Tous les quarts d'heure il s'arrête, ouvre sa braguette, se gratte, cherche à se persuader qu'il s'est trompé. Hélas ! chaque fois il repart en maugréant.
La balle l'atteint sous les narines, brise une molaire, ressort de sa nuque. Le légionnaire est mort avant d'avoir touché le sol.
L'armée va économiser de la pénicilline.
« Les parachutistes jouissent d’un énorme prestige, parce qu’ils viennent d’Angleterre, parce qu’ils se sont déjà battus contre les Allemands en Libye, mais aussi parce que leur présence donne la certitude que des armes vont arriver en masse.
Depuis que la mode est au kidnapping, j’ai étudié toutes les mesures de sécurité sur tous les aérodromes du monde. Et je peux vous garantir qu’à Beyrouth la Lufthansa fait son boulot. Vous connaissez les boches : verboten c’est verboten, ils confisqueraient un pistolet à eau même à un gosse de trois ans. Et voilà, tout à coup, que les feddayin brandissent en plein ciel toute une artillerie !
Eugène Maurizur n’est âgé que de vingt-deux ans, mais son tempérament fougueux et exalté l’a, tout naturellement, porté vers la Résistance. Il se dégage de lui une chaleur communicative et une bonne humeur constante. Dans le pays on dit volontiers que c’est une grande gueule ; dans la Résistance, ses chefs trouvent qu’il parle trop, plusieurs fois il a été question de l’exclure. Seulement, sur le terrain, le jeune patriote fait preuve d’un sang-froid insolent, d’un courage aveugle qui enthousiasme les hommes qui l’accompagnent. En outre, si aucun Français n’ignore son appartenance à l’armée clandestine, les Allemands qu’il côtoie et avec qui il plaisante volontiers le tiennent pour un pitre inoffensif.
Fausser compagnie à cet as de soldats atones sur le quai d’Alger ne lui demande pas plus d’efforts qu’il n’en connut pour embarquer. Ce sont ses premiers pas en Afrique du Nord, mais, comme tout le monde, il » entendu parler de la Casbah. Il trouve un jeune Arabe qui l’y conduit, le précédant de quelques mètres. Cela ne lui coûte que deux francs.
Il se procure sans aucun mal des vêtements civils, puis il gagne la gare. Un train part pour Oujda, à la frontière marocaine ; il le prend. Il passe la frontière à pied dans la nuit. Il reprend un train à destination de Casablanca.
Ce n’est pas le principe qui choque le vieux sous-lieutenant. Après tout c’est la guerre et il en a vu d’autres. Ce qui fait grincer sa susceptibilité d’officier de carrière sorti du rang, c’est que les Cosaques le font sans ordres. Ils improvisent, et ses ordres à lui sont de fermer les yeux. Les cavaliers russes sont précieux à l’état-major qui les couve, sachant qu’un jour ils pourront servir de bouclierssacrifiés.