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Critiques de Pedro Calderon de la Barca (46)
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Le Grand Théâtre du monde

Le grand Théâtre du Monde est une courte pièce de Pedro Calderón de la Barca d’un genre bien particulier — dont je vous épargne le nom technique mais, si cela vous intéresse absolument, sachez que vous n’avez qu’à cliquer sur le résumé éditeur pour en savoir beaucoup et même certainement plus qu’il ne vous en faut pour aborder cette œuvre — qui, en gros, est une allégorie religieuse.



Ici, le transfert n’est pas trop compliqué et la mise en abîme s’effectue très facilement et, pour ainsi dire, d’elle-même. En effet, si l’on considère que Dieu est l’auteur de la pièce, que le monde est le metteur en scène, on voit assez vite où Calderón souhaite en venir.



L’auteur a créé les rôles (le roi, le riche, le laboureur, la beauté, la sagesse, le pauvre, etc.) et observe comment les acteurs vont se comporter sur scène. Chaque acteur souhaite, bien entendu, avoir le rôle le meilleur et le plus long possible mais il arrive que le monde lui indique subitement que sa représentation est terminée.



Dans ce cas, l’acteur, un brin dépité, affirme que s’il a mal joué quelque chose, il fera tout pour jouer à la perfection dès à présent mais, bien souvent, le monde se montre inflexible : c’était pendant qu’on jouait qu’il fallait s’efforcer de donner le meilleur, pas quand tout est terminé ou presque.



On reconnaît bien là le côté calotin de Calderón et la tendance culpabilisante de la religion chrétienne. Toutefois, si l’on dépouille la morale de son fondement religieux, disons, pour faire simple, si l’on considère la morale comme le respect mutuel des intérêts de l’autre, on ne peut dénier à l’œuvre une certaine fonction de piqûre de rappel.



En effet, agissons-nous au quotidien dans un sens moral ? Nos actions ne nuisent-elles nullement aux autres ? Si oui, que pouvons-nous entreprendre pour les rendre moins nuisibles ou plus nuisibles du tout ?



Et là, c’est à chacun de se questionner : sur le sens qu’il souhaite donner à sa vie, sur l’insoluble question du bien et du mal (bien pour qui ? mal pour qui ?), sur le rôle qu’il occupe dans le grand théâtre du monde…



Bon… Une petite pièce pas inintéressante mais également très loin d’être captivante selon moi. La symbolique du jugement dernier de ce potage n’était pas faite pour m’enthousiasmer, ni sa trop forte odeur de missel plein de vers. (En effet, depuis toute petite, je déteste la soupe aux vers de missel.)



Toutefois, sa brièveté et son style ne rendent pas sa lecture éprouvante et d’ailleurs, gardez à l’esprit que ceci n’est que mon avis, mon tout petit rôle de rien dans le grand théâtre du monde, c’est-à-dire, vraiment pas grand-chose.
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La vie est un songe

Même si vous avez un petit niveau d'espagnol, cette édition et ce support particulier qu'est une pièce en vers du début XVIIème doit vous encourager à vous lancer à l'eau pour tenter l'expérience de découvrir La Vida Es Sueño en VO.



Souvenez-vous que plus l'espagnol est ancien, plus il ressemble au français et, au pire du pire, vous avez toujours le secours de la traduction à votre droite si la tâche vous semble insurmontable. Donc, comme disent certains politiques, c'est une stratégie " gagnant-gagnant ".



La pièce en elle-même, l'une des plus fameuses du répertoire classique espagnol, vaut vraiment le détour. Même si le démarrage et, de façon générale tout le premier acte, ne me semblent pas hyper prenants, la pièce prend par la suite une ampleur et une puissance dramatique digne des meilleurs Shakespeare.



À ce propos, il n'est probablement pas illégitime de rapprocher La Vie Est Un Songe de la sublime pièce du maître anglais La Tempête. Ici aussi il est question de pouvoir et d'identité usurpés.



On se souvient des vers magnifiques de Shakespeare : " Nous sommes de l'étoffe dont sont faits les rêves, et notre petite vie est entourée d'un sommeil. " (We are such stuff as dreams are made on, and our little life is rounded with a sleep.) Dans cette thématique, le titre de la pièce de Calderón de la Barca a le mérite d'être suffisamment explicite en l'espèce.



Ainsi, au lointain royaume de Pologne règne le bon roi Basile, féru de sciences et d'horoscopes (tiens, ça me rappelle un certain Prospero). Ce roi, si bien au fait des expériences divinatoires et des prédictions sérieuses, a reconnu naguère dans la naissance de son fils un douloureux présage de tyrannie et de cruauté qui mettrait à feu et à sang sa bienaimée Pologne.



Fort de cette information prédictive, il décide de cacher l'existence de son fils nommé Sigismond et de le faire enfermer à l'abri des regards dans une sinistre tour reculée, enfouie au milieu des montagnes les plus inhospitalières. Ce fils, vêtu de peaux de bêtes, grandit des années durant dans le plus terrible dénuement et dans la réclusion la plus totale. Sa seule fenêtre sur l'extérieur étant son précepteur, Clothalde, strict et impitoyable envers lui par ordonnance du roi Basile.



L'histoire se complique d'une dame étrangère, Rosaure, travestie en homme, qui vient en début de pièce assouvir une mystérieuse vengeance ou, à tout le moins, demander réparation d'une offense dont on ignore tout, de la nature et de l'agent.



L'intérêt de la pièce augmente lorsque le souverain, au soir de sa vie, reçoit ses deux neveux, issus de ses deux soeurs : le prince Astolphe et la princesse Étoile. Les deux cousins ayant des prétentions sur le royaume de Pologne, une tacite entente semble leur dicter que le mieux serait encore de se marier l'un à l'autre pour éviter toute friction et au contraire assurer fermement la succession au trône de Basile.



Mais c'est alors qu'en plein dans ces savants calculs, la vieille tête chenue de Basile leur annonce qu'il a d'autres projets. Il annonce qu'il est en réalité le père d'un fils légitime, élevé depuis sa naissance loin de toute tentation de pouvoir et d'hégémonie.



Grâce aux vertus narcotiques de certaines plantes dont il connaît les secrets, il compte faire l'expérience de transplanter le prince Sigismond en sa position effective de prétendant au trône et à sa succession.



Si les oracles se sont trompés et que Sigismond s'avère un bon souverain, tout rentrera dans l'ordre et la lignée royale sera respectée.



Si, comme il est à craindre, les prédictions ont pu voir juste et que le prince présente un caractère tyrannique, celui-ci sera plongé illico dans les mêmes brumes du songe anesthésique provoqué par les plantes et réintégrera à jamais sa tour carcérale. Auquel cas, Astolphe et Étoile assureront la succession au trône de Pologne.



Sigismond se voit donc, en quelques heures transporté de l'état d'esclave prisonnier à celui de monarque tout-puissant. Ses manières quelque peu sauvages et sa longue haine refoulée ne tardent pas à semer quelques cadavres.



Basile, désemparé, déçu, mortifié par le fruit de ses entrailles se résout à renfermer son fils dans la tour oubliée pour y ensevelir sa honte.

Tout n'aura donc était que l'espace d'un songe pour Sigismond... et peut-être aussi pour les autres... Je ne vous dévoile pas le dénouement de la pièce ou de nombreux autres éléments entrent en ligne de compte.



Je m'intéresse seulement à la portée philosophique de ce que nous dit Calderón de la Barca, à savoir que ce que nous prenons pour la réalité n'est peut-être qu'illusion et que ce que nous croyons fantasmé pourrait bien avoir quelques parcelles de vérité.



Ainsi, l'auteur nous invite à ne pas trop conjecturer notre avenir ni notre destin, à vivre l'instant et à jouir de ce qui se présente et nous semble bon, au moment où cela se présente, sans tabler sur l'éventuelle durée de ce plaisir ni sur l'hypothétique mieux qu'on aurait pu en attendre.



Nos possessions, notre pouvoir, nos ascendants sur le monde des êtres et des objets n'est voué qu'à être transitoire et/ou illusoire alors autant ne pas s'en soucier.



J'ai particulièrement savouré le second acte (deuxième journée) de cette pièce, qui en est le morceau principal et que je trouve vraiment grandiose. L'amorce (première journée) m'apparaît quelque plus faible et le final, bien qu'intéressant ne me semble pas égaler la partie centrale. Cependant, l'impression générale est très positive et c'est sans peur que je la considère souffrir la comparaison avec les meilleures oeuvres de son quasi contemporain William Shakespeare.



Je vois également dans cette pièce une sorte de trame de fond à ce qui deviendra Ubu Roi sous la plume d'Alfred Jarry, le tout, bien sûr, passé à la moulinette du burlesque et de l'absurde dont il nous a fait l'offrande.



Bref, un très bon moment de théâtre du siècle d'or espagnol, caractéristique une fois encore de l'air de son temps avec cette facture tragi-comique très en vogue à l'époque, notamment sous la plume de Lope de Vega.



En outre, n'oubliez jamais que l'avis est un songe, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La vie est un songe

"La vie est un songe" est une comédie dramatique; comédie parce que l'épilogue est heureux, drame parce que des intérêts s'affrontent, un père et son fils croisent les armes, le sang coule. Il en faut peu pour que cette pièce de théâtre ne soit qualifiée de tragédie.

Me référant aux pièces de nos auteurs français classiques du 17 ème siècle, je m'attendais à être confrontée à une lecture assez ardue du fait de l'emploi de tournures anciennes. Mais la traduction de l'Espagnol au Français rend cette découverte aisée car le style est moderne. La lecture de cette oeuvre de Calderon est donc facile et agréable. "La vie est un songe" est un grand classique de la littérature espagnole, tout à fait abordable pour un lecteur contemporain. Comme la pièce ne comporte que trois actes et un nombre assez restreint de pages il serait dommage de passer à côté de cette lecture et de bouder un plaisir.
Lien : http://araucaria20six.fr/
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La vie est un songe

Cette relecture - vingt ans après avoir étudié cette pièce classique pour les épreuves du Bac - ne m'a pas donné entière satisfaction, bien que l'oeuvre ne soit ni ennuyeuse ni trop complexe.



Sigismond, prince héritier de Pologne, spolié dès sa naissance de son droit à régner en raison d'un horoscope défavorable le destinant à devenir un tyran, vit prisonnier d'une tour isolée et bien gardée. Vêtu de peaux de bêtes et à moitié sauvage, il n'a que des notions assez vagues de la société et de la politique. Ce qui ne l'empêchera pas - théâtre oblige - de se montrer immédiatement à la hauteur des événements les plus délicats une fois libéré.



Par le moyen d'un subterfuge, son royal père, lui fait goûter l'exercice du pouvoir l'espace d'une seule journée, en lui faisant croire qu'il vit un rêve de manière à pouvoir l'enfermer à nouveau s'il s'avère despotique... Questions d'honneur, luttes de pouvoir, jeu des ambitions, réflexions sur la destinée, et même batailles, il y a un peu de tout cela dans cette pièce et pour moi c'est presque trop. L'action va trop vite, les liens se nouent et se dénouent trop rapidement. Les personnages, assez nombreux, ne me semblent pas tous bien exploités.



Je gardais un souvenir plus enchanté de ma première lecture mais je retiens surtout de la seconde le personnage de Clairon, le valet, dont les répliques pleines de prosaïsme m'ont beaucoup amusée. Je laisse le mot de la fin au prince Sigismond : "j’ai appris par là que tout bonheur en ce monde passe comme un songe, et je veux profiter du mien pendant qu’il en est temps…"





Challenge MULTI-DÉFIS 2018

Challenge Petit Bac 2017 - 2018
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La vie est un songe

Dans le cadre du ‘Challenge temps modernes', j'ai un peu fouiné pour trouver des textes qui pourraient me plaire.



Mon choix s'est porté vers cette pièce espagnole de 1673 et je ne le regrette pas. J'ai énormément apprécié cette lecture.



J'ai eu la bonne idée de lire l'introduction après le texte. Bernard Sesé y raconte en détail l'intrigue et en donne une analyse approfondie. Je préfère toujours lire le texte d'abord pour me faire ma propre opinion.



Rosaure arrive en Pologne déguisée en homme accompagnée de son valet Clarín. Ils découvrent une tour dans laquelle un homme est enchaîné : c'est Sigismond. Il est emprisonné depuis sa naissance, il ignore pourquoi.



Son père est Basyle, le roi de Pologne. On apprend rapidement ce qui l'a poussé à enfermer son fils. Il va cependant lui donner une chance de prouver sa valeur. Il va lui rendre ses privilèges pendant une journée et s'il devait ne pas répondre à ses attentes il sera renvoyé à sa prison.



De son côté, Rosaure cherche à laver son honneur d'Astolphe qui est décidé à épouser Étoile. Astolphe & Étoile sont le plan B du roi. Si Sigismond n'est pas à la hauteur, ils régneront après la mort de Basyle.



Dans l'ensemble, j'ai trouvé le texte très accessible et j'ai beaucoup aimé l'histoire et les personnages. J'ai bien envie de lire d'autres textes de l'auteur.











Challenge muti-défis 2023 (16)

Challenge temps modernes 2023
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La vie est un songe

Alors qu’après le XVIe siècle, qui a été un siècle d’or pour l’Espagne en ce qui concerne sa puissance politique et économique, le XVIIe manque un déclin continu sur ces deux plans. Mais en revanche, le XVIIe siècle est le siècle d’Or sur le plan artistique, et tout particulièrement pour le théâtre, qui connaît une période d’extraordinaire création. Un théâtre très original, qui va inspirer des auteurs d’autres pays européens.



Les comedias espagnoles sont des pièces théâtrales hybrides, qui ne rentrent pas dans la classification classique de comédie, tragédie, tragi-comédie. Le comique peut côtoyer le tragique, la pièce peut faire rire et pleurer à la fois. Le genre ne s’accommode pas des fameuses règles des unités ; il a été donc qualifié de baroque.



Une autre des spécificité de ce théâtre est d’accorder une grande place aux pièces à caractère religieux, l’ auto sacramental ; pièces essentiellement allégoriques, symboliques, avec une portée morale. Sur scène des Vices et de Vertus, l’Homme, et l’intervention divine joue un rôle essentiel dans le déroulement de la pièce. Représentées le jour de Fête Dieu, sur les places, dans les rues, des villes et villages. Ouvertes à tous, véritablement populaire donc. Les grands auteurs du théâtre espagnol ont écrit des pièces appartenant à ce genre, à côté de leur production de comedias profanes. Les deux formes s’influencent forcément, par exemple Calderón va reprendre la trame de La vie est un songe dans un auto.



Les spécialistes semblent distinguer deux périodes dans ce théâtre du siècle d’or, une première période, jusqu’en 1625 environ, Lope de Vega est l’auteur le plus célèbre de cette première phase, puis la deuxième comedia, dont Calderón est le plus grand représentant. Cette deuxième période a été favorisée par l’arrivée au pouvoir en 1621 de Philippe IV, grand amateur de théâtre. La deuxième moitié du siècle va connaître un déclin de la production théâtrale, provoqué par les malheurs de l’Espagne, entre défaites militaires et autres désastres. La mort de Calderón en 1681 marque pour beaucoup la fin de cet art, qui sera redécouvert par les romantiques.



Calderón est issu de la petite noblesse, sa famille a été anoblie récemment. Il a été instruit par les Jésuites, il a fait une carrière à la cour, et il est entré tardivement dans les ordres. Il est donc marqué par une allégeance à la royauté et à l’Église. Auteur très fécond, il aurait écrit environ 1200 pièces.



La vie est un songe est sa pièce la plus célèbre, la plus jouée encore à l’heure actuelle. Elle aurait été écrite vers1629-1630, sans doute révisée vers 1635, deux éditions un tant soit peu différentes paraissent en 1636.



La pièce se passe, comme les comedias de l’époque en trois journées, sans séparation des scènes. Dans la première journée, Rosaure, déguisée en homme, et Clairon, son valet, arrivent à une tour dans laquelle un homme est enchaîné. Il dit sa révolte du traitement qu’il subit sans savoir pourquoi. Arrive Clothalde, le gardien qui fait arrêter les deux visiteurs, car il est interdit de pénétrer dans la tour et de parler au prisonnier. Il reconnaît en Rosaure son enfant, mais n’hésite pas à le livrer au roi.



Celui-ci, devant les demandes de son neveu et nièce, qui espèrent tous les deux hériter du royaume de Pologne, se résout à révéler l’existence d’un fils, Sigismond. Né sous des mauvais présages, annoncé par les astres comme un futur tyran cruel, il a été enfermé dans une tour. Le roi Basile se propose de le libérer, de lui céder la couronne ; s’il se comporte « bien » il la gardera, mais s’il suit les présages, il sera remis dans la tour, et le neveu épousera la nièce, le couple devant par la suite hériter du trône. Compte tenu de ces événements, Rosaure et Clairon sont libérés.



Dans la deuxième journée, le prince Sigismond est transporté au palais et investit du pouvoir royal. Evidememnt il ne sait pas user de ce pouvoir, il est rempli de ressentiment pour Clothalde, son geôlier et pour son père qui a ordonné son enfermement. Par ailleurs nous découvrons l’histoire de Rosaure, séduite par Astolphe, le neveu du roi, elle est venue en Pologne soit pour s’en faire épouser, soit pour s’en venger. Mais le prince envisage maintenant d’épouser Etoile, sa cousine, pour accéder à la couronne.



Le prince est remis dans sa tour, et aussi Clairon, qui en trop vu. Ses geôliers ont mis dans son esprit l’idée qu’il n’a fait que rêver, qu’il n’a jamais occupé la place royale, et qu’il vient de se réveiller.



Dans la troisième journée, une révolte populaire déferle sur la tour, le peuple refuse Astolphe, le prince moscovite, et veut mettre sur le trône Sigismond, dont la roi a révélé l’existence. Sigismond ne sachant pas s’il rêve ou pas, suit quand même l’insurrection. Mais il change son comportement, il se montre précautionneux dans ses actes, de peur d’être dans un rêve. Il est victorieux, et fait grâce à son père et à tous ses antagonistes. Il oblige Astolphe à épouser Rosaure, et lui-même convole avec Etoile. Devenu bon roi, par peur d’un cruel réveil, il déjoue les prévisions des astres.



Baroque est forcément le mot qui vient à l’esprit devant ce foisonnement, cette abondance d’intrigues, cette diversité de registres, entre comique, tragique, scènes de batailles...Une langue recherchée et poétique, chargée par moment, de symboles, de références, entre autres mythologiques. Visiblement pas une langue populaire, accessible à tout un chacun, même si le personnage de Clairon, le valet est là pour donner une version plus simple, plus triviale, de de qui se passe. Mais de longues tirades ou monologues des personnages nobles, ne rendent pas forcément tout cela facile à appréhender.



C’est un théâtre du mouvement, il se passe toujours quelque chose, même si on parle beaucoup. C’est aussi un théâtre de l’instant. Il ne faut pas chercher une vraisemblance psychologique chez les personnages, ils sont des fonctions, des symboles plus que des personnes. Il y a sans doute un finalité morale et philosophique dans le récit.



Mais la pièce est très riche, et permet des lectures différentes de celles qu’à voulu lui donner l’auteur. Le roi Basile a eu tort parce qu’il a voulu transgresser l’ordre de succession royale, même si Sigismond devait être un roi cruel et tyrannique, il devait monter sur le trône. C’est cela qui est sa faute, non le déni de paternité, et les souffrances infligées à un enfant puis un jeune homme innocent, d’une façon « préventive ». Evidemment, ce sont maintenant ces aspects qui touchent le lecteur et le spectateur. L’abus de la toute puissance royale, la cruauté et le manque d’amour paternel. De même le personnage de Clothalde, conçu comme le sujet parfait, exécutant les ordres sans se poser aucune question, prêt à sacrifier sa fille, nous paraît presque monstrueux, inquiétant, dans son allégeance aveugle et sourde au pouvoir. Alors qu’il était un modèle à suivre de son temps.



La pièce de la toute puissance royale et paternelle, mais les enfants-sujets finissent par avoir gain de cause. Même si c’est en entrant dans un moule, dans ce que l’on attend d’eux. Sigismond devient un prince modèle, maîtrisant ses colères et ses passions, et lorsqu’il acquiert cette maîtrise, le destin (donc Dieu) lui permet de retrouver sa place.



Le théâtre baroque était friand du théâtre dans le théâtre. Ici, même ce n’est pas une pièce, nous assistons à une représentation dans la deuxième journée, dans laquelle le pouvoir est donné à Sigismond. Mais un pouvoir sous haute surveillance, et le metteur en scène Basile, a si bien créé la situation, qu’il en connaît d’avance l’issue, qui fera retourner son fils dans sa prison, en le dédouanant de toute faute, de toute culpabilité.



Une des rares œuvres de ce siècle d’Or à avoir traversé les siècles et à être jouée d’une façon qui n’est pas exceptionnelle, cette pièce le mérite sans aucun doute. La mise en scène doit être intelligente et permettre au spectateur d’accéder à cet univers lointain, mais c’est possible, et peut même être passionnant.
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La vie est un songe

Etonnante pièce, qui, par bien des aspects, m'a fait penser aux pièces de Shakespeare, écrites quasiment un siècle avant.



La vie n'est qu'un songe pose à travers de ce drame des questions intéressantes.



Le roi de Pologne s'en remet à la lecture des astres pour décider que son fils aura un destin violent et tentera de le destituer. Il décide dès lors de l'enfermer dès la naissance dans une tour, où il vivra enchaîné. Ceci a pour seul effet de le transformer en bête sauvage. Arrive une femme déguisée en homme, que l'on apprendra venue, épée à la main, en quête de sauver son honneur bafoué. Jusqu'à la fin, celui qui l'a trouvée sublimement belle lorsqu'il était question de la séduire, soutient ne pouvoir l'épouser car il ne peut s'abaisser à épouser une fille non noble et qui de plus est, dont la mère est elle-même fille mère.



J'ai lu la pièce dans la collection Folio classiques, dans une traduction qui ne m'a pas paru extrêmement bien faite. Ceci n'empêche. Malgré certaines lacunes dans l'histoire, j'ai trouvé que l'auteur n'hésitait pas, à une époque où cela ne devait pas être tendance, à remettre en question, le recours à la divination, les préjugés en matière de situation sociale et à soulever la question de la condition de la femme ou de l'efficience de l'enfermement comme châtiment.



Et puis, il nous rappelle sans cesse que la vie passe aussi vite qu'un songe... L'aurons nous vraiment vécue notre vie ou la vivons-nous, extérieurs à notre existence, comme dans un rêve ?



Un classique de la littérature espagnole à découvrir.
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La vie est un songe

Rosaura arrive dans le royaume de Pologne vêtue comme un homme. Soudain, elle et son compagnon de route aperçoivent une tour dont s'échappe la plainte du malheureux Sigismundo, qui bien que né noble a été privé de ce dont tout être vivant est 'riche' sans le savoir, et qui est aujourd'hui considéré comme un droit inaliénable : sa liberté.

Malheureusement pour ces deux personnages, ils sont surpris par Clotaldo qui les livre au Roi, car la présence de Sigismundo ne doit être connue que de ces gardiens. Mais l'épée que porte Rosaura l'intrigue....



L'intrigue se déroule sur trois jours. Les thèmes abordés par Calderon sont très classiques pour un texte de la Renaissance : l'opposition entre pouvoir royal et pouvoir divin, le destin (avec le motif des étoiles) et la valorisation de vertus comme le contrôle de ses passions, la prudence, la sagesse, la mesure et la tempérance.

Le tout avec une alternance de motifs bibliques (la tour par exemple) et antiques (la force du destin aveugle). Le destin, celui qui nous inquiète et contre lequel nous cherchons à lutter en vain - oui, Shakespeare et les dramaturges antiques l'ont dit bien avant, et la chanson des années 50 a piqué l'idée aussi avec "Que sera sera".

Rien de bien original lorsqu'on connaît l'oeuvre de Shakespeare, bien que les pièces du Barde aient été rédigées un siècle plus tôt.

Ceci dit, il faut reconnaître que le destin de ce pauvre prince est un précurseur du masque de fer !



Ce qui m'a frappé en lisant cette pièce (en VO) c'est que lire l'espagnol de cette période est plus "abordable" que de lire Shakespeare dans le texte (quoi que, une fois qu'on a les clés, bref, autre débat!).

Toutefois, je mettrais un petit bémol sur la construction et le découpage de ces journées (qui ne sont ni plus ni moins que des actes) qui ne sont pas coupées en scènes, et qui couplées avec les tirades parfois très longues de certains personnages amènent parfois un peu d'ennui dans la lecture.



Malgré cela, ce fut une lecture agréable, qui invite tout un chacun à ne pas se laisser au fatalisme et à voir ses malheurs comme une partie de la vie , et attire notre attention sur la durée très éphémère de nos vies humaines... donc profitons-en ! et ne nous encombrons pas de ce qui nous rend malheureux.

Propos très modernes pour une pièce classique - voilà pourquoi les classiques sont éternels !
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L'alcade de Zalamea.

L'arrière-plan historique qui permet d'embrasser toute la dimension de ce drame d'honneur du très brillant Calderón de la Barca, est celui d'une Espagne, autrefois triomphante, alors en déclin et au crépuscule de son siècle d'Or.

Dans ce contexte, L'alcade de Zalamea prend tous son sens.

Cette pièce en trois actes met en scène, à l'été 1580 en Estremadure, un aristocrate officier de l'armée du Roi Philippe II, coupable du viol de la fille d'un riche paysan, maire du Village de Zalamea de la Serena. Le paysan somme l'officier d'épouser la jeune victime. Face au refus de l'officier, le paysan use de son pouvoir de maire pour le juger, le condamner et l'exécuter. Le roi, de passage au village, approuve le paysan et le nomme maire à vie de Zalamea.



S'il s'agit de mettre en scène un drame d'honneur vengé entre un paysan bafoué et un officier méprisant, Calderón de la Barca insiste surtout sur les vertus de probité, de sagesse politique et d'équité sociale. C'est aussi la mise en lumière d'un honneur individuel contre l'esprit de corps militaire et aristocratique dont bénéficie le coupable : l'auteur développe donc ici une intéressante et moderne vision du juste équilibre entre les pouvoirs.
Lien : https://tandisquemoiquatrenu..
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La vie est un songe

Écrite au 17e siècle, cette pièce porte le coup de grâce à la vacuité de notre siècle.

Il faudrait plus souvent écouter les poètes. Mais de nos jours, un seul flambeau : l'Information, qui prédit plus qu'elle ne raisonne.

La vie, nous confie Calderon, est ce que nous en rêvons. Nous sommes libres de nos songes. Choisir la lumière plutôt que les ténèbres, voilà la voie de la raison.

Calderon nous parle de liberté plus que d'illusion. La réalité suit l'imagination. Il faut risquer et ne pas fuir. Il fait tenter avant de condamner. La peur, la crainte n'engendre que le chaos. L'oeuvre de Calderon est une mine d'enseignements. Pyrite de fer ou pépite d'or ? que reste t il entre nos mains lorsque nous exploitons les veines de notre raison? C'est la confiance que l'on met en tout homme qui éclairera son discernement.

Par son discours militant et ses tirades turbulentes, le comique toujours en filigrane, et sur un rythme déchaîné, emplie d'humanité, la pièce de Calderon donne aux hommes un regard de bête lorsqu'ils se soumettent aux chaînes et fait d'eux des princes lorsqu'ils maîtrisent leurs rêves.

Tout simplement : intelligent !

Astrid SHRIQUI GARAIN
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La vie est un songe

Sigismond vit enfermé dans une tour depuis sa naissance car les astres ont prédit qu'il détrônerait son père le roi Basyle. Mais le roi vieillit et veut savoir si la prédiction dit vrai. Il drogue son fils et l'installe sur le trône pour une journée. S'il se révèle le tyran annoncé, il sera toujours possible de le renvoyer dans sa tour en lui laissant qu'il a rêvé et que la vie n'est que songe et illusion des sens.

Travestissements, filiations cachées, amours inavouées, retournements de situation, tout est fait pour que songe et réalité se confondent en effet, même sans recourir à l'artifice de l'opium, tant et si bien qu'il devient difficile de savoir si la réalité est cachée par les apparences ou si tous les personnages ne sont que des masques sur le théâtre du monde. Notre destin est-il écrit ou bien sommes-nous libres de le créer ? Quelles sont les qualités qui font la valeur d'un souverain ? Nos sens, soumis à nos passions, reflètent-ils la réalité ou bien ne nous en donnent-ils qu'une perception déformée ? L'art du dramaturge baroque est de savoir porter sur scène ces questions, tout en permettant d'y apporter des réponses dans une intrigue pourtant resserrée et avec un nombre de personnages restreint.
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La vie est un songe

Ecrite en 1635, La vie est un songe est l’une des œuvres majeures du Siècle d’Or espagnol, dont il faut souligner le paradoxe : tandis que l’Espagne, puissance politique majeure et souveraine en Europe tout au long du 16ème siècle, perd de son influence au cours du 17ème siècle, elle voit émerger des figures artistiques majeures dont Calderon ou Cervantès en littérature, Velasquez et Murillo en peinture, Luis de Victoria en musique.



La pièce est le reflet des débats théologiques et scientifiques de l’époque, marqués par le rôle croissant des Jésuites dans l’éducation des jeunes élites. A ce titre, on retrouve des réflexions dignes de Descartes chez Calderon. Ainsi en va-t-il de la réflexion sur la place de l’homme et de la dichotomie entre libre arbitre et toute puissance divine : la prédestination n’est pas admise chez les catholiques, et pourtant Dieu est Tout-puissant. Mais par l’exercice de son libre arbitre, l’homme peut s’améliorer et ne pas céder à ses désirs. Il en est ainsi, dans la pièce, de Sigismond, qui lutte contre son destin et le sort que lui auraient réservé les étoiles. La pièce montre aussi à quel point la Renaissance a fait la part belle à l’Antiquité gréco-romaine, notamment en cela que les personnages cèdent tous à l’hybris, ce vice qui pousse les hommes à se croire des dieux. C’est le cas de Basilio, qui croit lire dans le grand livre du monde les fortunes de chacun, ou encore de Sigismond qui, se croyant roi, oppose sa force à tout ce qui s’oppose à sa volonté.



L’action, qui se déroule en trois jours, se passe en Pologne, cadre lointain mais guère respecté par Calderon qui pense probablement à l’Espagne en écrivant sa pièce. Rosaura, déguisée en homme et accompagnée de son valet Clarin, y croise accidentellement – son cheval s’est emballé – Sigismond, « cadavre vivant », emprisonné dans une tour en plein désert. En effet, son père, le roi Basilio, l’a fait enfermer dès après sa naissance car il a vu, dans les étoiles, que son fils serait un tyran et qu’il le soumettrait à son pouvoir. Rosaura et Clarin sont surpris par Clotaldo, noble homme de main de Basilio qui a fait l’éducation de Sigismond. Clotaldo est troublé par l’épée que porte Rosaura et pour cause : il est son père.



Les deux autres journées voient Sigismond revenir à la cour en tant que nouvel héritier de Basilio. Toutefois, ce dernier, pour se prémunir de tout nouvel accès de violence de son fils, a prévu, si de tels faits s'avéraient, de le renvoyer en prison et lu faire croire à un rêve, afin que son enfermement lui soit plus doux.



Le titre de la pièce résume à merveille les interrogations qui apparaissent chez Sigismond et traduisent cette mélancolie, propre aux auteurs baroques, qui voit avec tristesse le temps qui passe et ravage tout. Tirée de la fin de la deuxième scène, la phrase « la vie est un songe » traduit à la fois un souci religieux et philosophique. Philosophique, car elle invite à se méfier de la vie et de ses attraits où tout n’est qu’illusion et apparence, et bien plus encore dans cette Espagne du Siècle d’Or où l’étiquette est très présente et où les valeurs des hommes et des femmes doivent correspondre à leurs rangs sociaux. Cette illusion, Sigismond la ressent dans sa prison et, même durant la troisième journée, il redoute que ce qu’il vit soit encore un rêve.

Religieuse, car selon les préceptes chrétiens hérités de saint Augustin, cette vie n’est que l’antichambre de la vraie vie, éternelle, qui viendra après la mort. En ce sens, les hommes ne sont que des morts en puissants, des dormeurs rêvant de ce qu’ils croient être.
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La vie est un songe

Il était une fois un roi de Pologne qui croyait très fort aux prédictions et présages. Parce que les étoiles ne sont pas favorables à son héritier, le roi a fait enfermer son fils dans une tour sinistre et bien gardée. Le prince Sigismond qui vit là plus ou moins comme une bête a cependant un précepteur en la personne de Clotaldo. Mais le destin a décidé que Sigismond ne passerait pas son existence en reclus. Un cavalier qui voyage sous une fausse identité va déclencher une série d'événements qui amèneront le roi Basilio à révéler au peuple l'existence de ce fils caché.



Sigismond est-il réellement ce sauvage incontrôlable qui doit provoquer la chute du roi ? La seconde intrigue est liée à ce jeune cavalier, en réalité une jeune femme, Rosaura, qui réclame vengeance. Sera-t-elle écoutée ?



Pedro Calderon de la Barca est le représentant du siècle d'or espagnol et sa pièce est sans doute à rapprocher du répertoire Shakespearien. Dans le cadre de l'un de mes cours, on nous demande de comparer la Vie est un songe, où rêve et réalité sont difficiles à démêler, du Hamlet de Shakeaspeare où le même thème est différemment traité (le complot contre le roi du Danemark est dévoilé par Hamlet au cours de la représentation théâtrale). Si la vie est illusion, chacun peut rêver ce qu'il est.



Que faut-il retenir de cette pièce qui parle de tyrannie, d'honneur et de justice ? J'y ai vu un jeu de miroirs. Le roi, obsédé par les visions d'un avenir funeste s'est montré tyrannique en enfermant son fils, faisant de lui cet être sauvage et tyrannique à son tour (la scène où Sigismond jette un serviteur par la fenêtre n'est pourtant pas dépourvue d'humour !). Clotaldo qui applique sans faillir la volonté du roi en gardant Sigismond prisonnier a pourtant un beau cadavre dans son placard. Il rachètera sa faute en aidant Rosaura. Quant à Sigismond, il finira par révéler sa véritable nature démontrant ainsi que seul l'homme est capable de changer sa destinée par sa seule force morale. La liberté et la sagesse triomphent des passions, certes, mais ces illusions révèlent également la fragilité des choses et le caractère éphémère de la vie.



J'ai donc beaucoup aimé cette pièce sur laquelle je vais encore travailler jusqu'à la fin de l'année universitaire, et je vais sans doute m'intéresser davantage à ce fameux siècle d'Or espagnol.


Lien : http://lectures-au-coin-du-f..
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Le Grand Théâtre du monde

Quand on voit au théâtre, aujourd'hui, "Le grand théâtre du monde", on est privé de toute l'ambiance de ferveur des processions, de la liturgie festive et de la foule qui se pressait dans les rues à cette occasion. Voir la pièce dans un théâtre, c'est ajouter au texte un effet d'abyme supplémentaire, théâtre du monde joué au théâtre par des acteurs, qui cherchent par l'illusion scénique à désillusionner le spectateur sur les illusions de la vie. C'est un peu vertigineux, c'est l'essence même du baroque, art de la surprise, du trouble et de l'incertitude, mis au service des certitudes de la foi catholique. Ce théâtre est en même temps le produit de l'esthétique médiévale des Mystères joués sur les parvis des églises ou dans les églises, et des allégories où chaque personnage incarne un type, comme l'Everyman repris par Philip Roth dans un de ses romans. Ce qui m'a aimanté, pour finir, dans cette pièce, ce sont dix vers magnifiques récités par une enfant dans un film de Carlos Saura : cette voix d'enfant m'a mené voir la pièce en français, puis persuadé de la lire dans cette version bilingue, ce qui multiplie les plaisirs, mais non la foi. Depuis Calderon, c'est le roman qui se charge de la grande entreprise littéraire de la désillusion.
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La vie est un songe

Une œuvre étudiée en cours de lettres il y a 17ans mais qui me laisse toujours une impression aussi agréable post lecture et relecture. Le baroque est toujours d une grande esthétique que ce soit en littérature ou sur le plan pictural
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La vie est un songe

Une pièce tout bonnement extraordinaire, intemporelle, féérique... J'en avais vu une représentation il y a quelque chose comme huit ans, et je voulais la lire depuis très longtemps. Elle m'avait marqué par sa profondeur incroyablement alliée à une légèreté qui était une telle bouffée d'air, encore plus aujourd'hui. Et je réalise que les thèmes autour du pouvoir, de son caractère éphémère, qui ne doit jamais être oublié, avaient forcément dû me séduire comme ils m'ont séduit aujourd'hui, à une époque où je militais.



Car oui, si la pièce enseigne de prendre la vie comme un rêve, un fantasme à saisir, en en profitant mais en prenant garde, en gardant en tête la chute à venir, qu'est son inéluctable fin... Elle met surtout l'accent sur la vanité du pouvoir, qu'aucun dirigeant ne devrait oublier, à l'heure où ils sont, pour la énième fois dans notre histoire, trop convaincus de leur suprématie. Et elle démontre une nouvelle fois qu'on ne peut échapper aux prophéties, rééditant l'exemple d'Oedipe qui n'est plus à présenter, avec l'inoubliable Sigismond.



Calderon est souvent collé à Shakespeare lorsqu'on énumère les dramaturges qui ne respectaient pas les sacro-saintes règles que le théâtre classique a ensuite imposé (et qui furent renversées avec les romantiques...) mais il est différent du Dieu britannique de la littérature. Son théâtre est encore plus fait de sophismes, le style, à coups de longues phrases alambiquées qui peuvent laisser sceptique quant à leur construction, fait sourciller au début, et surtout, ce n'est plus une histoire prétexte à la métaphysique, mais quasiment l'inverse. On ne connait pas l'histoire au début, on ne comprend pas du tout ce qui se passe, on se laisse porter par les personnages, le cadre sorti d'un conte, et les propos toujours justes... Ce n'est qu'ensuite qu'on découvre les ficelles.



Le Folio Théâtre de Gallimard est assez admirable et fourmille de notes qui permettent de réaliser à quel point la traduction de Lucien Dupuis résulte de la prouesse... Jeux de mots, passages au sens incertain... Cette pièce très courte est un chef d'oeuvre fou sur le pouvoir et la vie, entre Shakespeare et Hugo. Qui eut crû que le premier puisse paraître réglementé à côté?
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La vie est un songe

La vie est un songe, est une pièce de theâtre baroque, écrite peu avant 1635 et la pièce la plus connue de Calderon. À la fois tragique et comique, elle met en scène 2 intrigues entreliées. L'action se déroule en Pologne, entre 2 lieux : une montagne isolée et un palais royal. La pièce commence dans la montagne ou l'on rencontre les 2 héros, Sigismond et Rosaure. Pour le premier il s'agit de prendre en main son destin pour prendre le trône à la suite de son père. La seconde, la belle Rosaure, cherche à venger son honneur en retrouvant l'homme qui lui a brisé le cœur.

j'ai apprécié cette pièce et notamment les réflexions principales qui confrontent illusion et réalité. Les personnages sont suffisants et parfaitement dépeints. Je l'ai lu en version bilingue, assez frustrée d'avoir recours à la traduction française, c'est tellement plus beau en espagnol.
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La vie est un songe

Ma lecture de La vie est un songe a été un peu laborieuse, mais il m'arrive d'y repenser. Parce que le doute de Sigismond ("qu'est-ce que la réalité ?") ne provient pas d'une réflexion individuelle de l'auteur, il exprime toute l'incertitude d'une époque en pleine mutation. C'est la pensée baroque, très typée, qui est par ailleurs le cadre du doute méthodique de Descartes ("je pense donc je suis" et tout ça).



Je trouve ça assez dingue de constater que les questions métaphysiques, qui semblent si universelles, sont à ce point assujetties à leur époque... Je débarque, je sais, mais passons !



Du reste, Calderón, c'est beau. Si vous connaissez un peu l'espagnol, ça vaut le coup de faire l'effort. Non mais lisez-moi ça :

"¿Qué es la vida? Una ilusión,

una sombra, una ficción,

y el mayor bien es pequeño:

que toda la vida es sueño,

y los sueños, sueños son."
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La vie est un songe

Un vrai régal que ce grand chef-d'oeuvre du baroque: paradoxe du rêve plus réel que la réalité, jeu d'illusions dénonçant autant les fausses croyances que les perfidies de cour, c'est le rythme avant tout qui vous emporte dans cette quête de l'identité qui touche à l'universel.
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La vie est un songe

Tout est dans le titre. La vie n'est qu'illusion, rêve, songe et le rêve est nécessaire à toute vie tant celle-ci est courte, le bonheur fragile.

Sigismond a été enfermé depuis son plus jeune âge par son père Basile, roi de Pologne. Un oracle lui a prédit que son fils le chasserait du trône, il l'a donc fait enfermer jusqu'au jour où il décide de le libérer et de l'amener au château. Sigismond passe brutalement du cachot au palais de son père où il est traité en roi. N'importe qui en perdrait la tête. Sigismond est outré de l'injustice qui lui a été faite, cherche à se venger. sa cruauté est décuplée par l'isolement qu'il a vécu et la cruauté de son éducation. Devant cet échec, Basile fait endormir son fils et le renvoie dans son cachot. Sigismond pense avoir rêvé. Tout n'est-il qu'illusion, songe dans la vie ?

Thèmes de la prédestination, liberté humaine, conception de la vie...
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