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Critiques de Peter Kuper (28)
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Les carnets d'un New-Yorkais

« Wahouuuuuuu !! » fut ma réaction en sortant ce magnifique livre de son enveloppe d’expédition. Sur la couverture effet toile, un crayon de couleur, un crayon à papier, un stylo feutre et un pinceau, ont chacun tracé un mot du titre « Les Carnets d’un new-yorkais » au-dessus de la ville au premier plan. La quatrième de couverture, elle, est agrémentée d’une palette de peinture. Habile introduction annonciatrice des différentes techniques utilisées tout au long des pages de cet album.



Bienvenue, welcome, dans un New York protéiforme. Cité de verre et de béton, ville aérienne et souterraine, lieu d’espoir et de désespoir, de bonheur et de malheur… Peter Kuper est amoureux de sa ville, on le sent à chaque page, mais n’est pas un amoureux fanatique aveuglé par des sentiments passionnés. Il aime sa ville dans sa globalité, transcendant le positif et pointant le négatif de la pointe affutée de son crayon. New York n’est pas qu’une ville de carte postale avec ses buildings audacieux et rutilants. New York, c’est aussi la violence, la drogue, la délinquance, le sang, rien n’est passé sous silence. New York, c’est bien sûr le 11 septembre, plaie ouverte à jamais. Ce drame, plusieurs fois évoqué, est parfaitement symbolisé dans un dessin. Une main dont les doigts sont représentés par des buildings emblématiques de la Grosse Pomme. Mais cette main est amputée de ses Twins Towers. Rien à ajouter…



New York, ce sont aussi les spéculations immobilières et financières à outrance, des quartiers ghettoïsés, des individus parqués comme des animaux qu’on aimerait oublier. New York, jungle urbaine. La nature reprend ses droits du bout du pinceau de l’artiste. Végétal contre minéral. Les baobabs deviennent buildings, les buildings s’humanisent au sens littéral du terme, les arbres-tours s’animent et prennent vie, nous voilà presque chez Tolkien. La faune et la flore s’échappent de leurs cases respectives pour mieux grimper à l’assaut des constructions à la toute-puissance soudain contestée. L’invasion a déjà commencé…



J’ai également beaucoup apprécié les clins d’œil fait à quelques villes dont Paris, Oaxaca, Venise et Angoulême ! Son mix d’Angoulême et de New York, qui allie vieux château médiévale et architecture contemporaine, m’a même donné envie d’aller faire un tour dans la cité angoumoise pendant mes vacances. New York, forcément, c’est plus cher…



Planches, caricatures, croquis, dessins, montages, un univers, un style, une représentation, à chaque page tout est différent mais toujours cohérent. La surprise l’emporte sur la découverte au fil des pages. Il y a beaucoup à voir, beaucoup à apprendre, à comprendre et tellement à retenir de ce fascinant périple new-yorkais. Il y aurait encore énormément à dire sur cet album mais parfois à trop en dire, on risque de gâcher le plaisir, je cesse donc là mes bavardages et ne peux que vous exhorter à le découvrir.



Plus qu’un carnet de voyage, plus qu’un guide, une véritable déclaration d’amour.



Un grand merci à Babelio et aux Éditions ça et là pour cette formidable découverte.


Lien : http://bouquins-de-poches-en..
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Les carnets d'un New-Yorkais

C’est entre la bande dessinée et le carnet de voyage, ce n’est pas un récit de fiction, c’est plutôt une suite d’impressions, qui sont prises à des périodes différentes, une compilation, avec quelques histoires sur une ou plusieurs pages, des illustrations pour des revues, des affiches, des prises de notes, des montages, ça part dans tous les sens, l’actualité, la fiction, l’architecture, des portraits furtifs, la vie et évidemment, les attentats du 11 septembre 2001. Le graphisme n’est pas du tout homogène, c’est un assemblage hétéroclite, et pourtant, de tout cela se dégage une grande cohésion, elle vient de cet esprit new-yorkais, on arrive à ressentir la particularité de cette ville, ce qu’elle a d’unique, cette œuvre est surtout une atmosphère, une ambiance, un hommage à une ville, sans concession, brut, honnête, vivant, vrai. L'auteur ne voyage pas, mais le lecteur, oh que oui !
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Le système

Oufti ! Quel livre étrange ! Une bande dessinée ? Heu… Un livre d’art ? Sûrement ! Que d’étrangetés dans ce récit :

- 3 actes, comme un opéra ou une pièce de théâtre ;

- pas une bulle ! Les protagonistes sont muets comme au temps du cinéma du même nom ;

- la technique employée : pochoir !

- des personnages qui reviennent sans arrêt dans l’histoire alors qu’on ne s’y attend pas ;

- les enchaînements pareils à ceux des séries télévisées récentes (un personnage tend une liasse de billets à un autre et on enchaîne avec une liasse de billets ailleurs avec un autre individu).



Vous l’aurez compris, cette BD ne correspond à aucune autre ni par son style graphique, ni par sa façon de raconter une histoire car elle demande à celui qui la lit un gros effort d’interprétation. C’est une dénonciation d’un système, le capitalisme, mais sans vous le dire ! Vous êtes lecteur, c’est à vous de le deviner. Peut-on comprendre cette histoire sans un minimum de culture politique ? Non ! Je ne le crois pas. Si on n’est pas attentif à certains signes, on ne saisit pas nécessairement la critique d’une société, urbaine dans ce cas-ci.



En gros, l’histoire raconte ;

- le meurtre de prostituées… Par qui ? Réponse à la fin !

- la corruption de la police qui rackette un dealer ;

- une mère qui se la joue stripteaseuse pour élever son enfant ;

- un couple black-blanche, où le black se fait agresser déclenchant des tas de manifestations de protestation ;

- un hacker qui joue un bien mauvais tour à un sale mec qui a bien magouillé pour se faire du fric ;

- un charmant jeune homme qui donne de l’argent à un mendiant et qui se rend régulièrement à l’hôpital pour rendre visite à quelqu’un qui visiblement lui tient à cœur mais est fort mal en point ;

- …



L’auteur vous laissera pantois avec la fin de l’histoire, une histoire qui atomisera vos neurones !

On ne peut qu’admirer le côté visionnaire de Peter Kuper puisque l’histoire est parue en 1996… Ou alors, c’est que ce que nous croyons être les problèmes actuels des USA sont en réalité déjà là depuis longtemps !

Je ne sais pas du tout comment évaluer cette histoire tant elle est peu orthodoxe. Il y a du génie, c’est clair, mais en même temps, je ne peux pas la classer dans les BD qui m’auront le plus marqué.

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Kafkaïen

Ce comprend l'adaptation de 14 textes ou nouvelles de Franz Kafka (1883-1924) réalisées par Peter Kuper. Il est initialement paru en 2018. Il s'agit d'adaptations en noir & blanc. Peter Kuper a commencé à réaliser ces adaptations à partir de 1988. Cet ouvrage commence par une introduction de 4 pages, rédigée par Kuper. Il évoque le mariage de l'angoisse et de l'humour dans les textes de l'auteur, son choix de réaliser ses pages sur des cartes à gratter. Il évoque ensuite d'autres artistes qui l'ont inspiré : Käthe Kollwitz (1867-1945), George Grosz (1893-1959), Otto Dix (1891-1969), des contemporains de Kafka. Il dit avoir également été influencé par Frans Masereel et Lynd Ward, ainsi que par Windsor McCay (1869-1934) et sa bande dessinée Dreams of the Rarebit Fiend (1904-1911). Il explique également qu'il a demandé à un ami de retraduire certains textes de manière plus littérale, et il remercie enfin Max Brod (1884-1968) qui n'avait pas donné suite à la demande de son ami Kafka de brûler tous ses manuscrits.



Trip to the mountains - Un homme des cavernes se dit qu'il rejoindrait bien un groupe d'anonymes, et il effectue des peintures rupestres. A little fable - Une souris a l'impression d'évoluer dans un environnement se rétrécissant de plus en plus. The helmsman - Un timonier se fait violemment écarter de son poste et se demande pourquoi personne ne réagit. The spinning top - Un homme observe des enfants en train de jouer à la toupie, certain de pouvoir dire qu'elle sera sa trajectoire. The burrow - Une taupe a creusé son terrier et l'a conçu de manière à être en totale sécurité, avec des faux chemins et des pièges. Elle ne doit plus sortir que pour aller chercher de la nourriture. Give it up! - Un homme se rend au travail et se rend compte qu'il est en retard en entendant les cloches de l'église car sa montre a pris du retard. Un peu perdu, il demande son chemin à un policier. Coal-bucket rider - En plein cœur d'un hiver très froid, un homme est à court de charbon ; il décide d'aller en quémander quelques morceaux tout en ayant bien à l'esprit qu'il va devoir prouver au charbonnier et à sa femme à quel point il est désespéré.



A hunger artist - Il y a de cela quelques décennies, un champion de jeûne pouvait gagner sa vie. Il pouvait s'installer en ville dans une cage et des gens venaient s'installer pour le regarder, pouvaient même rester toute la nuit pour le surveiller. Mais les temps changent, et l'artiste du jeûne a dû se résoudre à n'être qu'une attraction parmi d'autres dans un cirque. Un fratricide - Un meurtre a été commis. À neuf heures, Schmarr le meurtrier s'est mis en position au coin d'une rue. Monsieur Pallas l'observait depuis sa fenêtre, mais n'est pas intervenu. Madame Wese guettait le retour de son mari qui était anormalement en retard. Les arbres - Un sans-abri a élu domicile sur une bouche d'aération ; les cellules de texte évoquent les propriétés des arbres. Before the law - Un homme se présente au palais de justice et demande au garde s'il peut y pénétrer. Le garde lui répond que non, pas pour le moment. Il le prévient que s'il lui venait l'idée de rentrer quand même, il y a d'autres gardes après lui. Le pont - Un homme est étendu au-dessus d'une rivière comme une sorte de pont humain. La colonie pénitentiaire - Un voyageur se tient devant un appareillage inventé par le précédent commandant. Le commandant actuel lui explique son fonctionnement, alors que les gardes amènent un prisonnier qui va subir un châtiment. Le vautour - Un homme est étendu sur le sol et un vautour descend du ciel pour lui picorer le pied à plusieurs reprises. Un monsieur vient demander à celui qui est étendu pour quelle raison il se laisse faire ainsi.



Il s'agit donc d'un projet de longue haleine pour Peter Kuper puisque la réalisation de ces 14 adaptations s'étale sur une trentaine d'années. Il est également l'auteur d'une autre adaptation de Kafka The Metamorphosis (2003), de gags pour le magazine MAD Spy vs. Spy, d'un récit sans parole sur la vie urbaine The System (1996), d'une histoire romancée se déroulant au Mexique Ruins (2015), et a été l'éditeur et un contributeur pour la revue World War 3 Illustrated: 1979-2014. Il a réalisé ces adaptations en noir & blanc, en travaillant sur des feuilles de dessin appelées Carte à gratter ce qui désigne à la fois le support, la technique, et l'œuvre réalisée par cette technique. Il s'agit d'une sorte de carton sur lequel ont été déposées des couches successives de pâtes formées de craie et d'eau. L'artiste gratte cette feuille pour enlever l'encre déposée afin de dessiner. À la lecture, le rendu ne trahit pas la méthode utilisée pour réaliser ces planches. Elles auraient tout aussi bien pu être réalisées à l'encre de Chine, avec une forme d'exagération caricaturale pour les visages et les silhouettes de certains personnages, avec des décors parfois détaillés, parfois déformés pour devenir expressionnistes, pour rendre apparent l'état d'esprit d'un personnage.



Il s'agit pour la majeure partie de textes très courts, adaptés sous forme d'une bande dessinée de 4 pages, parfois un peu plus. La colonie pénitentiaire fait exception avec une adaptation de plus de 30 pages. La majeure partie du temps, Peter Kuper a repris le texte (re)traduit de Franz Kafka, et l'a interprété. C'est ainsi que le voyage dans la montagne devient celui d'un homme des cavernes rejoignant une petite communauté. La petite fable est celle d'une souris dans un labyrinthe. Le terrier est celui d'une taupe. Etc. Dans ces adaptations, Peter Kuper donne à voir la manière dont il interprète le texte de Kafka, les images qu'il y associe. Il s'agit dont de sa vision, c’est-à-dire d'une forme de réduction puisque le texte initial permet au lecteur d'y projeter ses propres images, différentes pour chaque individu. Il s'agit aussi de donner à voir ce que le texte sous-entend, d'en faire une version soit intemporelle (la souris dans le labyrinthe), soit une version transposée dans un cadre moderne pour faire apparaître en quoi ce texte est toujours parlant. Kuper réalise également des versions plus littérales. C'est le cas du timonier qui montre un homme à la barre avec un autre qui prend sa place sans explication. C'est le cas de la toupie avec un homme qui regarde les enfants jouer. C'est également le cas de champion du jeûne. Le lecteur éprouve la sensation de juste lire l'histoire en bande dessinée, sans grand apport ou interprétation.



Il se trouve également une ou deux histoires qui sont à la croisée des 2 types de représentation. Ainsi dans le cavalier du seau de charbon, l'artiste représente ce que dit le texte, sous une forme de conte à la fois littéral, à la fois imagé. En y prêtant attention, le lecteur observe d'ailleurs que l'auteur fait usage de plusieurs polices de caractère, dont une spécifique quand il intègre la traduction du texte original. Pour autant, le lecteur n'éprouve jamais la sensation de lire juste un texte illustré ; il y a bien les mécanismes de la narration visuelle de la bande dessinée. De ce fait, il (re)découvre les textes de Franz Kafka par les yeux de Peter Kuper. Avec ses dessins noir & blanc et ses personnages au regard torturé, à la morphologie parfois expressionniste (le nez d'un policier en forme de canon de revolver), Peter Kuper transcrit les émotions générées par ces courts textes. En fonction des texte, l'adaptation dégage une force de conviction et une empathie forte ou irrépressible.



En fonction de sa sensibilité, le lecteur va être marqué plutôt par une histoire ou par une autre. Il est fort probable qu'il ne peut pas échapper à l'angoisse de la souris dans son labyrinthe aux parois de plus en plus resserrées. Il partage l'incompréhension et le sentiment d'injustice du timonier remplacé par un inconnu, ne déclenchant aucune réaction de la part des passagers ou de l'équipage. Il partage le besoin de sécurité hors de contrôle de la taupe. Il est épaté par l'idée de rapprocher la situation des sans-abris avec celle des arbres, débouchant sur une idée étonnante. Il perçoit la force de la métaphore dans le principe de représenter le pont sous la forme d'un homme normal. Dans ces moment-là, l'interprétation en bande dessinée prend tout son sens, car finalement en donnant à voir sa propre représentation, Peter Kuper n'écrase pas la métaphore du récit : la souris prisonnière d'un système hostile, le timonier devenu inutile sans raison apparente, l'obsession sécuritaire, la coupure du monde qui s'opère pour les sans-abris, ou encore l'être humain étant un passeur fragile, un pont vers un ailleurs et la responsabilité qui accompagne cette fonction. À d'autres moments, il est possible que la sensibilité du lecteur ne soit pas mise en éveil par l'interprétation de Peter Kuper. L'homme des cavernes l'homme sur un seau à charbon ou encore le voyageur devant l'instrument de la peine capitale peuvent sembler trop éloignés du sens du texte, ou au contraire trop littéraux. Il y a également des moments de grâce incroyables, comme pour cet individu se présentant devant le palais de justice et dont la couleur de peau donne une toute autre dimension au texte originel.



Le lecteur ressort de ces 14 histoires, avec le plaisir d'avoir (re)découvert des textes de Franz Kafka, celui d'avoir perçu les métaphores qui ne lui étaient peut-être pas apparues, et l'expérience d'une narration visuelle personnelle et émotionnellement forte. À quelques reprises, il éprouve la sensation que Peter Kuper a surtout réalisé une histoire comme une sorte de dialogue entre Kafka et lui, une manière de concrétiser ce qu'il a compris et ressenti d'un texte, plus que comme une forme de dialogue entre lui et son lecteur, n'assurant pas pleinement la fonction de passeur entre Kafka et le lecteur.
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Kafkaesque : Fourteen Stories

Ce comprend l'adaptation de 14 textes ou nouvelles de Franz Kafka (1883-1924) réalisées par Peter Kuper. Il est initialement paru en 2018. Il s'agit d'adaptations en noir & blanc, dont 9 avaient déjà été rassemblées dans Give It Up: And Other Short Stories paru en 1997. Peter Kuper a commencé à réaliser ces adaptations à partir de 1988. Cet ouvrage commence par une introduction de 4 pages, rédigée par Kuper. Il évoque le mariage de l'angoisse et de l'humour dans les textes de l'auteur, son choix de réaliser ses pages sur des cartes à gratter. Il évoque ensuite d'autres artistes qui l'ont inspiré : Käthe Kollwitz (1867-1945), George Grosz (1893-1959), Otto Dix (1891-1969), des contemporains de Kafka. Il dit avoir également été influencé par Frans Masereel et Lynd Ward, ainsi que par Windsor McCay (1869-1934) et sa bande dessinée Dreams of the Rarebit Fiend (1904-1911). Il explique également qu'il a demandé à un ami de retraduire certains textes de manière plus littérale, et il remercie enfin Max Brod (1884-1968) qui n'avait pas donné suite à la demande de son ami Kafka de brûler tous ses manuscrits.



Trip to the mountains - Un homme des cavernes se dit qu'il rejoindrait bien un groupe d'anonymes, et il effectue des peintures rupestres. A little fable - Une souris a l'impression d'évoluer dans un environnement se rétrécissant de plus en plus. The helmsman - Un timonier se fait violemment écarter de son poste et se demande pourquoi personne ne réagit. The spinning top - Un homme observe des enfants en train de jouer à la toupie, certain de pouvoir dire qu'elle sera sa trajectoire. The burrow - Une taupe a creusé son terrier et l'a conçu de manière à être en totale sécurité, avec des faux chemins et des pièges. Elle ne doit plus sortir que pour aller chercher de la nourriture. Give it up! - Un homme se rend au travail et se rend compte qu'il est en retard en entendant les cloches de l'église car sa montre a pris du retard. Un peu perdu, il demande son chemin à un policier. Coal-bucket rider - En plein cœur d'un hiver très froid, un homme est à court de charbon ; il décide d'aller en quémander quelques morceaux tout en ayant bien à l'esprit qu'il va devoir prouver au charbonnier et à sa femme à quel point il est désespéré.



A hunger artist - Il y a de cela quelques décennies, un champion de jeûne pouvait gagner sa vie. Il pouvait s'installer en ville dans une cage et des gens venaient s'installer pour le regarder, pouvaient même rester toute la nuit pour le surveiller. Mais les temps changent, et l'artiste du jeûne a dû se résoudre à n'être qu'une attraction parmi d'autres dans un cirque. Un fratricide - Un meurtre a été commis. À neuf heures, Schmarr le meurtrier s'est mis en position au coin d'une rue. Monsieur Pallas l'observait depuis sa fenêtre, mais n'est pas intervenu. Madame Wese guettait le retour de son mari qui était anormalement en retard. Les arbres - Un sans-abri a élu domicile sur une bouche d'aération ; les cellules de texte évoquent les propriétés des arbres. Before the law - Un homme se présente au palais de justice et demande au garde s'il peut y pénétrer. Le garde lui répond que non, pas pour le moment. Il le prévient que s'il lui venait l'idée de rentrer quand même, il y a d'autres gardes après lui. Le pont - Un homme est étendu au-dessus d'une rivière comme une sorte de pont humain. La colonie pénitentiaire - Un voyageur se tient devant un appareillage inventé par le précédent commandant. Le commandant actuel lui explique son fonctionnement, alors que les gardes amènent un prisonnier qui va subir un châtiment. Le vautour - Un homme est étendu sur le sol et un vautour descend du ciel pour lui picorer le pied à plusieurs reprises. Un monsieur vient demander à celui qui est étendu pour quelle raison il se laisse faire ainsi.



Il s'agit donc d'un projet de longue haleine pour Peter Kuper puisque la réalisation de ces 14 adaptations s'étale sur une trentaine d'années. Il est également l'auteur d'une autre adaptation de Kafka The Metamorphosis (2003), de gags pour le magazine MAD Spy vs. Spy, d'un récit sans parole sur la vie urbaine The System (1996), d'une histoire romancée se déroulant au Mexique Ruins (2015), et a été l'éditeur et un contributeur pour la revue World War 3 Illustrated: 1979-2014. Il a réalisé ces adaptations en noir & blanc, en travaillant sur des feuilles de dessin appelées Carte à gratter ce qui désigne à la fois le support, la technique, et l'œuvre réalisée par cette technique. Il s'agit d'une sorte de carton sur lequel ont été déposées des couches successives de pâtes formées de craie et d'eau. L'artiste gratte cette feuille pour enlever l'encre déposée afin de dessiner. À la lecture, le rendu ne trahit pas la méthode utilisée pour réaliser ces planches. Elles auraient tout aussi bien pu être réalisées à l'encre de Chine, avec une forme d'exagération caricaturale pour les visages et les silhouettes de certains personnages, avec des décors parfois détaillés, parfois déformés pour devenir expressionnistes, pour rendre apparent l'état d'esprit d'un personnage.



Il s'agit pour la majeure partie de textes très courts, adaptés sous forme d'une bande dessinée de 4 pages, parfois un peu plus. La colonie pénitentiaire fait exception avec une adaptation de plus de 30 pages. La majeure partie du temps, Peter Kuper a repris le texte (re)traduit de Franz Kafka, et l'a interprété. C'est ainsi que le voyage dans la montagne devient celui d'un homme des cavernes rejoignant une petite communauté. La petite fable est celle d'une souris dans un labyrinthe. Le terrier est celui d'une taupe. Etc. Dans ces adaptations, Peter Kuper donne à voir la manière dont il interprète le texte de Kafka, les images qu'il y associe. Il s'agit dont de sa vision, c’est-à-dire d'une forme de réduction puisque le texte initial permet au lecteur d'y projeter ses propres images, différentes pour chaque individu. Il s'agit aussi de donner à voir ce que le texte sous-entend, d'en faire une version soit intemporelle (la souris dans le labyrinthe), soit une version transposée dans un cadre moderne pour faire apparaître en quoi ce texte est toujours parlant. Kuper réalise également des versions plus littérales. C'est le cas du timonier qui montre un homme à la barre avec un autre qui prend sa place sans explication. C'est le cas de la toupie avec un homme qui regarde les enfants jouer. C'est également le cas de champion du jeûne. Le lecteur éprouve la sensation de juste lire l'histoire en bande dessinée, sans grand apport ou interprétation.



Il se trouve également une ou deux histoires qui sont à la croisée des 2 types de représentation. Ainsi dans le cavalier du seau de charbon, l'artiste représente ce que dit le texte, sous une forme de conte à la fois littéral, à la fois imagé. En y prêtant attention, le lecteur observe d'ailleurs que l'auteur fait usage de plusieurs polices de caractère, dont une spécifique quand il intègre la traduction du texte original. Pour autant, le lecteur n'éprouve jamais la sensation de lire juste un texte illustré ; il y a bien les mécanismes de la narration visuelle de la bande dessinée. De ce fait, il (re)découvre les textes de Franz Kafka par les yeux de Peter Kuper. Avec ses dessins noir & blanc et ses personnages au regard torturé, à la morphologie parfois expressionniste (le nez d'un policier en forme de canon de revolver), Peter Kuper transcrit les émotions générées par ces courts textes. En fonction des texte, l'adaptation dégage une force de conviction et une empathie forte ou irrépressible.



En fonction de sa sensibilité, le lecteur va être marqué plutôt par une histoire ou par une autre. Il est fort probable qu'il ne peut pas échapper à l'angoisse de la souris dans son labyrinthe aux parois de plus en plus resserrées. Il partage l'incompréhension et le sentiment d'injustice du timonier remplacé par un inconnu, ne déclenchant aucune réaction de la part des passagers ou de l'équipage. Il partage le besoin de sécurité hors de contrôle de la taupe. Il est épaté par l'idée de rapprocher la situation des sans-abris avec celle des arbres, débouchant sur une idée étonnante. Il perçoit la force de la métaphore dans le principe de représenter le pont sous la forme d'un homme normal. Dans ces moment-là, l'interprétation en bande dessinée prend tout son sens, car finalement en donnant à voir sa propre représentation, Peter Kuper n'écrase pas la métaphore du récit : la souris prisonnière d'un système hostile, le timonier devenu inutile sans raison apparente, l'obsession sécuritaire, la coupure du monde qui s'opère pour les sans-abris, ou encore l'être humain étant un passeur fragile, un pont vers un ailleurs et la responsabilité qui accompagne cette fonction. À d'autres moments, il est possible que la sensibilité du lecteur ne soit pas mise en éveil par l'interprétation de Peter Kuper. L'homme des cavernes l'homme sur un seau à charbon ou encore le voyageur devant l'instrument de la peine capitale peuvent sembler trop éloignés du sens du texte, ou au contraire trop littéraux. Il y a également des moments de grâce incroyables, comme pour cet individu se présentant devant le palais de justice et dont la couleur de peau donne une toute autre dimension au texte originel.



Le lecteur ressort de ces 14 histoires, avec le plaisir d'avoir (re)découvert des textes de Franz Kafka, celui d'avoir perçu les métaphores qui ne lui étaient peut-être pas apparues, et l'expérience d'une narration visuelle personnelle et émotionnellement forte. À quelques reprises, il éprouve la sensation que Peter Kuper a surtout réalisé une histoire comme une sorte de dialogue entre Kafka et lui, une manière de concrétiser ce qu'il a compris et ressenti d'un texte, plus que comme une forme de dialogue entre lui et son lecteur, n'assurant pas pleinement la fonction de passeur entre Kafka et le lecteur.
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Les carnets d'un New-Yorkais

Les carnets d'un new-yorkais est en fait un recueil de dessins et de BD de Peter Kuper sur New-York, sa ville d'adoption. Très jeune, il en tombera amoureux lors d'une visite avec son père et jurera d'y habiter plus tard... Cette ville toujours en mouvement est le lieu privilégié pour les artistes de tous poils.

Cet ouvrage est un cri d'amour pour cette cité avec ses ombres et ses lumières.

Les dessins sont toujours très travaillés, les très nombreuses techniques employées ( crayon, collages, peinture, aquarelle....) en font un objet unique et d'une grande qualité.

Peter Kuper nous montre New-York sous tous ses aspects : la solitude ressenti au milieu de huit millions d'habitants, la misère, la violence, le sexe mais aussi la nature, la musique, les folles nuits... Il porte un regard critique sur la société américaine où l'argent est roi et où l'individualisme règne mais aussi un regard tendre et passionné pour SA ville, celle qui lui a permis de devenir un artiste reconnu...

Un livre magnifique, étonnant que l'on peut relire en trouvant toujours de nouveaux détails qui nous avaient échappés...

Je remercie Babelio et les Editions ça et là pour cette belle découverte...
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Les carnets d'un New-Yorkais

New York. La grosse Pomme. Celle qui fascine, qui attire des individus du monde entier. Une ville américaine mais un véritable état à part entière.



Peter Kuper nous livre sa vision d'une ville qui l'a adopté et qu'il a adopté. new-Yorkais par choix depuis 34 ans, il décide, au travers de ce recueil, de livrer au lecteur sa vision de cette ville cosmopolite, qui étonne par sa diversité. Diversité que l'on retrouve également dans les styles utilisés par Kuper : dessin, aquarelle, esquisse, collages, textes.



C'est à la fois la misère, la pauvreté urbaine que l'on découvre ; mais également les beaux quartiers. Des couleurs pour illustrer les uns et les autres. Des lignes et des courbes pour signifier l'amoncellement de monuments.

On découvre aussi le 11 septembre, la débauche, le pouvoir, les bruits et les odeurs, la jungle urbaine.



Une bande-dessinée d'une qualité rare, qui en fait un livre objet magnifique.
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Joseph Conrad's Heart of Darkness

Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il s'agit d'une adaptation du roman de Joseph Conrad Au cœur des ténèbres (1899). Elle a été réalisée par Peter Kuper, bédéaste auteur, entre autres, de The System, ou Kafakaesque (16 adaptations de textes de Frantz Kafka). Cette bande dessinée est en noir & blanc. Elle est précédée d'une introduction de 5 pages rédigées par Maya Jasanoff, professeure d'histoire à l'université d'Harvard, et autrice d'un livre sur Conrad. Kuper a ensuite rédigé une introduction de 7 pages expliquant sa démarche d'adaptation.



En 1899, dans l'estuaire de la Tamise, sur le navire Nellie, un groupe d'individus en costume attendent la marée sur le pont, de nuit. Parmi eux : Charles Marlow qui se lance dans le récit de sa remontée d'un fleuve dans l'Afrique noire. Il dit que la situation lui fait penser à l'arrivée des romains en Angleterre, il y a de cela dix-neuf siècles. Le narrateur qui est en train de l'écouter se dit que Marlow n'est pas un marin comme les autres, car il est également un véritable vagabond. Marlow continue : les romains n'étaient pas des colons, ils étaient des conquérants, et ils s'emparaient de tout ce qu'ils pouvaient. C'était du vol pur et simple, aggravé par des meurtres. Il tire sur sa pipe et revient au début de son histoire, avant son expédition, alors qu'il était encore un enfant fasciné par les zones inexplorées, marquées sur une mappemonde. Alors qu'il grandissait et que les années passaient, il pouvait voir les zones blanches se remplir au fur et à mesure des expéditions, mais une rivière gardait tout son mystère, tout son pouvoir de séduction sur lui. Il s'était juré d'y aller. Il fut aidé dans son projet par sa tante qui le recommanda auprès de la compagnie African Trading Company, pour prendre le commandement d'un navire sur le fleuve. Après un entretien expéditif de pure forme, Marlow a droit à une visite médicale, avec un médecin qui lui parle des changements qui interviennent dans les individus qui effectuent une mission en Afrique.



À la suite du décès d'un capitaine danois, Fresleven, Marlowe est promu capitaine. Il apprend que son prédécesseur a été tué par un indigène, d'un coup de lance dans le dos, conséquence d'une dispute pour deux poules. Marlowe a fait le voyage à bord d'un bateau à vapeur français qui a fait escale à tous les ports possibles et imaginables sur la côte africaine en bordure de jungle. De temps à autre, des indigènes sur une pirogue leur faisaient signe, un contact inattendu avec la réalité. Un jour il passe au large d'un navire français en bordure de côte, en train de tirer au canon sur la jungle. Il aura fallu un mois pour rallier l'embouchure de la rivière. Un soir le capitaine l'invite à le rejoindre au poste de timonier et il évoque un marin qu'il a dû dépendre, s'étant suicidé pour une raison inconnue. Enfin Marlow descend à terre. Il voit des indigènes en train de travailler en bordure de leur village côtier, un chariot abandonné dans l'herbe. Un sifflement retentit et il se produit une explosion tonitruante : une équipe dirigée par des blancs s'amuse à faire sauter plus de rochers qu'il n'en faut pour créer un passage pour une voie ferrée. Puis des africains enchaînés en file passent devant lui, portant des paniers remplis de caillasse sur leur tête. Il poursuit son chemin et voit des morceaux de canalisation abandonnés, puis des cadavres humains à même le sol.



Pas facile de s'attaquer à un classique de la littérature : il faut trouver le juste milieu entre l'hommage respectueux et l'interprétation personnelle, éviter de juste réaliser des images et de coller de copieux extraits de texte dessus. De ce point de vue, le bédéaste réalise bien une bande dessinée avant tout. Il ne noie pas chaque case sous un monceau de texte recopié : il réalise des pages qui utilisent les codes narratifs de la bande dessinée, en racontant la majeure partie du récit par l'image. Il y a aussi bien des actions découpées sur plusieurs cases, que quelques dessins en pleine page, ou encore des compositions sur deux pages en vis-à-vis, et le texte reste dans une proportion normale pour une bande dessinée. Il recourt essentiellement aux dialogues. Il y a une ou deux pages sans texte, l'histoire étant alors uniquement racontée par les dessins. Il utilise également l'outil du flux de pensée, sous la forme d'un cartouche de texte au-dessus du dessin de la case, ou intégré dans la case, en quantité maîtrisée. Le lecteur bénéficie donc du premier effet qui est de voir les personnages du roman, les différents lieux, ainsi que l'interaction entre les protagonistes. C'est tout l'enjeu d'une adaptation : donner à voir ce que le lecteur a imaginé s'il a lu le roman, ou figer dans son esprit ce à quoi ressemblent les personnages s'il ne l'a pas lu. D'un autre côté, le lecteur vient en toute connaissance de cause dans les deux cas.



La lecture de cette BD s'avère facile et coulant de source, avec une intrigue claire, sans digression, sans développement donnant l'impression d'une pièce rapportée. C'est donc que l'auteur a réussi la partie invisible de son travail : passer des spécificités de l'écriture en roman, à celles de la narration en bande dessinée. S'il n'a pas lu d'autres ouvrages de Kuper, le lecteur peut parfois s'étonner d'idiosyncrasies visuelles inhabituelles : des représentations simplifiées, des expressions de visage de type dessin animé pour enfant, des représentations naïves (comme le boulet de canon fusant au-dessus de la tête des indigènes), des exagérations comiques (les bottes de cowboy à l'extrémité relevée vers le haut), des yeux sans iris ni pupille, des images glissant vers l'expressionnisme. Ces caractéristiques visuelles ne sont pas le fait d'un dessinateur un peu hésitant sur la tonalité à imprimer, mais des choix effectués sciemment. Les représentations simplifiées ne sont pas synonymes de dessins bâclés ou superficiels. Au fil des pages, le dessinateur représente des navires à voile avec leur gréement, la façade de la compagnie de commerce avec son frontispice grec et ses colonnes, le vieux rafiot avec sa roue à aube que Marlow doit rafistoler et avec lequel il remonte le fleuve, les animaux de la jungle (crocodile, hippopotame, serpent), les fusils utilisés par les colons, les façades de Londres. Les visages simplifiés et les expressions un peu appuyées permettent de bien transcrire l'état d'esprit du personnage concerné. L'auteur utilise également des représentations spécifiques pour un élément particulier : une photographie de mappemonde pour évoquer les zones restant à explorer, une carte d'Afrique pour montrer le navire faisant du cabotage, un clavier de piano pour évoquer la vente d'ivoire, ou encore des onomatopées incrustées dans l'image pour évoquer le son des tambours nocturnes.



En fonction des séquences, Kuper va donc placer ses dessins plus vers le réalisme, la représentation naïve, ou l'expressionnisme. Au travers de ses légères fluctuations dans le spectre visuel, le lecteur peut y voir la manière dont le personnage est en train de se représenter ou d'interpréter les événements. Le lecteur éprouve un choc en voyant les africains en pagne, gisant à même le sol, certains morts, alors que Marlow les découvre dans des dessins réalistes. Il comprend que l'onomatopée Kaboom et l'explosion brouillonne traduit le fait que Marlow n'a pas une idée très précise, ou simplement une compréhension technique de l'opération, et que l'image qu'il s'en fait est assez enfantine. Il n'est pas près d'oublier le visage de Kurtz, comme habité par des spectres alors qu'il rend son dernier souffle, une vision expressionniste à la force étonnante. Indubitablement, Peter Kuper fait œuvre d'adaptation, à la fois en respectant l'intention de l'auteur, à la fois en en donnant sa version. Le lecteur retrouve l'intrigue intacte, fidèle au roman, sans transposition à une autre époque comme l'a fait Francis Ford Coppola avec Apocalypse Now (1979), Ici, l'auteur privilégie la dimension colonialiste, à la dimension psychologique. Il ne s'appesantit pas tant sur l'impérialisme et le racisme que sur la cruauté hallucinante des blancs à l'encontre des africains. Il ne cherche pas à donner une image de la culture de la peuplade vivant le long du fleuve, il insiste sur le traitement que les blancs leur font subir. Il n'y a aucun doute sur la motivation économique de l'Angleterre, et l'exploitation de l'ivoire est montrée comme un pillage des ressources dans tout ce qu'il a de plus abject, que ce soit le massacre sans retenue de la faune, ou les êtres humains moins bien traités que des bêtes. Cette façon de voir les choses ne se réduit pas à une dénonciation facile et gratuite du colonialisme : le lecteur y voit l'exploitation de l'homme par l'homme, et des ressources finies par des êtres humains à l'avidité sans limite. Le récit est bien raconté par un auteur contemporain, et il évoque bien la situation du début du vingt-et-unième siècle.



À quoi bon adapter un classique d'une telle envergure ? Le lecteur sait ce qu'il est venu chercher : soit le moyen de lire ce livre dans un format qui le lui rend plus accessible, soit se remémorer une lecture déjà ancienne, soit y trouver une interprétation différente à laquelle il pourra confronter la sienne. De tous ces points de vue, l'adaptation de Peter Kuper atteint ces objectifs. Il se montre fidèle à l'intention de l'auteur et à l'intrigue, en réalisant une vraie bande dessinée, et pas un texte charcuté et illustré, et il choisit une dimension spécifique pour sa version.
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Kafkaïen

Je suis loin d’être une spécialiste de Kafka. J’ai sans doute tout de même Le Château dans ma bibliothèque (à vérifier) et mon fils a fait un devoir au collège sur La Métamorphose, que j’ai ainsi pu lire rapidement en diagonale… Je ne suis pas une spécialiste, mais je sais tout de même que l’univers kafkaïen est particulier. D’ailleurs, le terme est devenu un adjectif utilisé dans le langage courant pour désigner une atmosphère absurde, oppressante et sans issue, à l’image de ses romans. Et c’est tout à fait cet univers là que l’on retrouve reproduit avec talent par Peter Kuper dans cet album, qui met en dessins quatorze nouvelles de Kafka. Le parti pris du dessin noir et blanc épais est parfait pour impressionner les esprits et mettre en scène des histoires parfois extrêmement courtes que le crayon de l’artiste transfigure véritablement. Je dirais même qu’il apporte (au delà des mots de Kafka inscrit dans les bulles) une dimension supérieure aux textes. Tout cela est donc noir, épais, violent, absurde, sans issue, affreux et moche. Et j’ai adoré. Car le talent de Peter Kuper explose à chaque page de manière indéniable. C’est assez difficile à expliquer, et peut-être n’est-ce qu’un sentiment personnel, mais il m’a semblé que chaque planche fonctionnait parfaitement et que je retrouvais soudain l’excitation que j’avais ressenti en découvrant Maus de Art Spiegelman autrefois. Bref, j’ai été bluffée par ce génial Peter Kuper que je ne connaissais pas encore.
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La métamorphose et autres récits (BD)

Ce tome contient l'adaptation du roman de Franz Kafa, ainsi que de quelques nouvelles, ces dernières ayant été rééditées avec d'autres dans Kaflaïen.



La métamorphose - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il est initialement paru en 2003 écrit dessiné et encré par Peter Kuper. Il s'agit d'une adaptation de la nouvelle La Métamorphose (Die Verwandlung, 1915) de Franz Kafka, en bande dessinée. Celle-ci est en noir & blanc et comprend 72 pages. Dans l'introduction, Kuper indique que cette adaptation a également été influencée par Cauchemars de l'amateur de fondue au chester (1904-1911) de Windsor McCay (1869-1934).



En se réveillant un matin, après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva dans son lit métamorphosé… Ce n'était pas un rêve et il se demandait ce qui lui était arrivé. Sa chambre était normale avec le lit, le réveil posé sur la table de nuit, le petit secrétaire et sa chaise, la commode avec la valise posée dessus, le tapis, le canapé, les rideaux encadrant la fenêtre. Il ne se rend pas bien compte de son état et se dit que ça doit être une farce. Il décide de se rendormir mais n'arrive pas à se mettre sur le côté droit, sa position habituelle. Vraiment fatigué, il se dit que son métier, vendeur représentant, est des plus éreintants. Chaque jour, c'est la même chose : le stress des correspondances entre les trains, la mauvaise nourriture avalée rapidement le midi, un défilé de nouveaux visages sans relation durable ou d'intimité. Se lever aussi tôt transforme n'importe quel individu en idiot. En plus le soir rentré à l'hôtel, il doit encore établir les commandes. S'il n'avait pas à subvenir aux besoins de ses parents, cela ferait longtemps que Gregor Samsa aurait dit ses quatre vérités à son chef et aurait démissionné. Si tout va bien dans 5 ou 6 ans, il aura gagné assez d'argent pour rembourser la dette de ses parents et il pourra démissionner.



Gregor Samsa finit par donner un coup d'œil au réveil et il est déjà 06h45. Le prochain train est à 07h00 : il ne lui reste plus qu'à se lever et à foncer à toute vitesse. Il se demande s'il ne pourrait pas appeler pour dire qu'il est malade. Mais il craint que son chef ne lui rende alors visite avec un inspecteur de l'assurance-santé. Il entend sa mère toquer à la porte pour lui rappeler l'heure et lui dire de se lever. Il lui répond, mais sa voix n'a pas la sonorité habituelle et il se dit que sa mère n'a pas dû entendre la réponse à travers la porte. Puis c'est son père qui tambourine sur la porte. Une fois ses parents partis, c'est sa sœur Grete qui vient toquer plus doucement. Il lui répond qu'il est presque près, alors qu'il est encore allongé sur le dos. Fort heureusement, il a fermé sa porte à clé, une vieille habitude de vendeur itinérant. Il commence à bouger pour essayer de se lever, et se rend compte qu'il n'arrive pas à se redresser, ni même à se retourner. Il ne peut pas croire qu'il va rester ainsi couché sur le dos, inutile. Il se fixe un nouveau délai : à sept heures et quart, il doit être levé.



Comme pour chaque projet de ce genre, le lecteur peut se demander l'intérêt d'une adaptation d'un livre dont l'intérêt tient essentiellement dans le style littéraire de l'auteur, plus que dans l'intrigue. Cette dernière est assez mince et Peter Kuper s'y tient à la lettre près : un vendeur représentant se réveille un jour transformé en cafard de taille humaine, incapable de communiquer avec ses proches (ses parents et sa sœur). L'intérêt réside donc dans la manière dont l'adaptateur va s'approprier l'œuvre : en respecter la trame générale et les thèmes, et en donner sa vision. Bien sûr, il existe un intérêt plus basique : découvrir l'œuvre sans avoir à la lire. Pour ce dernier aspect, Peter Kuper tient sa promesse au lecteur : il reprend l'absurdité de la situation, l'horreur de la prise de conscience progressive de Gregor Samsa, la réaction de son entourage, et l'horreur encore plus grande d'accepter son état. La narration visuelle peut surprendre de prime abord, avec un fort contraste entre les noirs et les blancs, du fait de l'importance des masses de noir. Il apparaît également rapidement que l'artiste utilise des exagérations parfois de type naïf pour mieux se faire comprendre, par exemple des expressions de visage caricaturales ou des gestes théâtraux. Au global, cela donne une lecture facile, avec un bon équilibre entre les textes et les dessins, un mélange entre drame et comédie, évitant le mélodrame larmoyant.



Le lecteur remarque bien que les dessins sortent de l'ordinaire : Peter Kuper ne détoure pas juste les formes avec un trait encré. En fait, il a réalisé cette adaptation en noir & blanc, en travaillant sur des feuilles de dessin appelées Carte à gratter ce qui désigne à la fois le support, la technique, et l'œuvre réalisée par cette technique. Il s'agit d'une sorte de carton sur lequel ont été déposées des couches successives de pâtes formées de craie et d'eau. L'artiste gratte cette feuille pour enlever l'encre déposée afin de dessiner. L'artiste donne donc une apparence aux différents protagonistes. Il a choisi la forme du cafard pour Gregor Samsa, avec une taille humaine, et un visage expressif, mais pas d'autre forme d'humanisation. Il transcrit ainsi l'absurdité et l'impossibilité de l'état du personnage, sans plus chercher à l'expliquer que Franz Kafka. Les autres personnages sont représentés à la fois de manière simplifiée pour les visages, en exagérant un trait de personnalité : la colère brutale du père, l'inquiétude fragile de la mère, la sollicitude timorée de Grete, l'autorité de l'employeur, le mimétisme des 3 hôtes, l'aplomb de la femme de ménage. Cela donne l'impression de faire face à des personnages expressifs, avec un comportement réglé sur un caractère bien déterminé.



Le lecteur est vite impressionné par le degré de détail présent dans les cases, malgré la technique inhabituelle et contraignante employée pour réaliser les dessins. Peter Kuper prend le temps de représenter tout le mobilier de la chambre de Gregor Samsa, avec les motifs sur le tapis et sur les rideaux, la texture du bois pour la commode, les motifs du papier peint, les formes du coussin du canapé. Par la suite le lecteur peut prendre le temps d'observer les tableaux et photographies accrochés au mur, le motif du papier peint du couloir (ce n'est pas le même que celui de la chambre), la rambarde en fer forgé du perron, le détail de la poignée avec serrure de la porte de la chambre, le lustre du salon, les reliefs des pieds de la chaise de la chambre de Gregor, etc. Chaque élément de décor dispose de caractéristiques spécifiques qui le rendent unique. Le lecteur n'éprouve jamais la sensation de tourner en rond dans une petite pièce fade et dénudée. La narration visuelle est encore enrichie par la diversité des prises de vue. Lorsque Gregor cherche à se retourner sur son lit, la page comprend 11 cases, dont 8 (2 bandes de 4) montrant les efforts de Gregor pour se tordre. Lorsque Gregor songe au rythme effréné de son métier, le lecteur peut voir une pendulette de forme ronde, avec 4 silhouettes de Gregor courant à l'intérieur du cadran. Lorsque le père porte un coup à son fils, la page montre le père en pied, dessiné sur toute la hauteur de la page à gauche, et 4 cases les unes au-dessus des autres sur la partie droite montrant les mouvements de Gregor alors que son père décoche son coup de pied. Dans la page suivante, le lecteur voit la chambre de Gregor en vue de dessus, le cafard sur le dos au centre de la pièce. En fonction de la nature de la séquence ou de l'émotion exprimée, Peter Kuper peut également utiliser des cases biseautées en trapèze, ou des bordures de cases avec des pointes pour exprimer une émotion intense. La narration visuelle s'avère donc très riche, à l'opposé d'une mise en images paresseuses.



S'il a déjà eu l'occasion de lire d'autres de ses œuvres, le lecteur n'est pas étonné de l'investissement de Peter Kuper dans cette adaptation. Il est également l'auteur d'histoires très personnelles comme un récit sans parole sur la vie urbaine Le système (1996), une histoire romancée se déroulant au Mexique Ruines (2015). Il a également été l'éditeur et un contributeur pour la revue World War 3 Illustrated: 1979-2014. Il a aussi adapté plusieurs histoires courtes de Franz Kafka, réunies dans Kaflaïen. Ces 14 adaptations donnaient la sensation à la fois d'un travail très respectueux de l'œuvre de Kafka, à la fois d'une forme de dialogue avec cet auteur, Kuper reformulant les propos de Kafka pour s'assurer de sa compréhension, pour le dire avec ses mots. Cette adaptation de la métamorphose participe de la même démarche : reformuler le propos de l'auteur. Il s'agit à la fois d'y être fidèle, à la fois de le dire avec ses mots, ce qui véhicule de facto une interprétation. Le lecteur retrouve bien les 3 parties de la nouvelle, l'incompréhension de la famille de son état, la blessure de Gregor Samsa. Par la force des choses, le simple fait de mettre cette histoire en dessin constitue une interprétation : pour la forme exacte de Gregor Samsa après sa métamorphose, sa chambre, ses parents, la mise en scène. Le lecteur retrouve aisément la thématique sur l'isolement du fait de la différence incapacitante. Il décèle d'autres thèmes comme celui de percevoir le monde différemment de son entourage, la prise de recul, le sens du sacrifice. Peter Kuper ne donne pas l'impression de proposer une interprétation orientée qui serait réductrice, mais de conserver tout le potentiel d'interprétation du récit originel.



A priori le lecteur peut s'interroger sur l'intérêt d'adapter un texte aussi idiosyncrasique. Après la lecture, il se dit que Peter Kuper a les moyens de son ambition. Sa transposition en bande dessinée bénéficie de ses compétences d'artiste et de sa compréhension de l'œuvre, sans la sublimer, mais sans la trahir.
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Gangland

Ce tome est une anthologie d'histoires courtes autour du thème des criminels. Il regroupe les 4 numéros initialement parus en 1998. Chaque couverture est réalisée par un artiste différent : Tim Bradstreet, Brian Bolland, Glenn Fabry, Dave Gibbons. En 1999, l'éditeur Vertigo a reconduit ce format l'année suivante sur le thème de l'horreur avec la série Flinch en 8 épisodes. Pour le détail des auteurs, se reporter à la fin du commentaire.



Alphonse Capriccio est un ancien mafieux qui a vendu ses chefs pour éviter une peine de prison et qui bénéficie du programme de protection des témoins, mais il rentre chez lui pour trouver son chien égorgé et sa femme tuée. En Amérique du Sud un homme récolte du pavot et le vend dans une chaîne qui aboutit au trafic de drogue. C'est l'histoire d'un tueur à gages anonyme qui intervient dans la cérémonie de mariage de la fille d'un parrain. Mishka est un parrain de la mafia russe et il revient en ville confronter celui qui l'a laissé pour mort. Rico Jansci fuit la police et trouve refuge dans l'immeuble où il a parlé à son frère pour la dernière fois. Ce parrain est arrivé au sommet des affaires et s'y est maintenu pendant des années, avec Stella à ses côtés, mais ce matin il se sent vieux. Chapo est un petit malfrat des quartiers, mais ce matin il a reçu par courrier une carte bleue sans plafond et son pote Reggie le convainc de s'en servir pour louer une chambre d'hôtel dans les beaux quartiers et se faire approvisionner en poules de luxe et en drogues.



Le dentiste Harvey Lowry reçoit la visite nocturne de Mickey Dolan dans son cabinet, et il le supplie d'accepter qu'il l'accompagne dans ses activités criminelles, car il n'en peut plus de sa vie rangée et monotone. Déjà à l'époque préhistorique des tribus en pillaient d'autres en les massacrant. Cet employé de bureau est un voleur mesquin qui pioche dans les fournitures de bureau, depuis qu'enfant il a découvert que tout le monde se sert comme il peut. Monsieur Melchizedek est persuadé que des individus observent ses moindres faits et gestes et il s'en protège comme il peut. Dino est un Berger allemand, élevé à coups de pied par un truand, mais récupéré par un policier qui l'intègre à la brigade canine. 2 frangins vont faire des courses pour leur mère, saluent Jezebel, un garçon manqué dont ils moquent, puis croisent les mauvais garçons du quartier. 2 hommes de main vont manger dans un restaurant asiatique et expliquent au patron qu'ils ne bénéficient plus de la protection du parrain local, et qu'il doit lui céder son bail.



Ces 14 brefs synopsis correspondent aux histoires des 4 numéros. Chacune de ces histoires courtes est différente et autonome. Le cadre de cette anthologie semble d'avoir été de raconter des histoires majoritairement contemporaines, avec quelques rares récits dans un passé récent comme les années 1950/1960, sans science-fiction ou anticipation. Le titre de l'anthologie renvoie au milieu, aux gangs criminels. Il s'agit donc de raconter des histoires criminelles, de voleurs et d'organisation criminelle. Dans les années 1960 et 1970, les éditeurs principaux de comics (Marvel et DC) publiaient des anthologies mais plutôt de type horreur, sur le principe de plusieurs histoires courtes, tradition héritée des EC Comics, puis de Warren (Creepy et Eerie). Chaque décennie l'éditeur DC essaye de relancer le format de l'anthologie, souvent dans sa branche adulte Vertigo, ce qui présente l'avantage d'attirer des auteurs qui ne souhaitent pas investir le temps nécessaire à réaliser une histoire en plusieurs épisodes.



Avant de se lancer dans la lecture de ce recueil, le lecteur jette un coup d'œil aux noms des créateurs. Il en ressort alléché par le fait qu'il s'agit du haut du panier, et que les responsables éditoriaux ont été solliciter des créateurs renommés dans issus des comics indépendants (James Romberger, Simon Revelsroke, Joe R. Lansdale, Randy DuBurke), ou ayant connu leur heure de gloire dans les années 1970/1980 (Richard Corben, Dave Gibbons, Eric Shanower, Tony Salmons), voire ayant déjà régulièrement travaillé pour Vertigo (Brian Azzarello, Tim Bradstreet, Jamie Delano, David Lloyd). Il ne peut pas estimer la qualité des histoires d'un coup d'œil. En effet, l'art de l'histoire courte est très délicat. Il faut savoir nourrir suffisamment le récit pour que le lecteur ait la sensation d'une histoire complète, mais ne pas le noyer de phylactères d'exposition pour compenser sa brièveté. L'exercice est rendu encore plus compliqué, car le lecteur sait qu'il est en train de lire une histoire avec une chute, et il en a lu d'autres. Réussir à le surprendre suppose une maîtrise du rythme et un art de prestidigitateur pour monopoliser la concentration du lecteur sur l'intrigue, et détourner son attention de l'arrivée de la chute.



Par la force des choses, il y a de tout dans 14 récits, et il y en a pour tous les goûts. Il y a bien une ou deux histoires avec un simple scénario de vengeance, linéaire et basique comme celui écrit par Dave Gibbons, ou le dernier du recueil par Richard Brunning. Il y a également un hommage très appuyé à Edgar Allan Poe réalisé par Simon Revelstroke. Mais la majeure partie des auteurs écrivent un récit personnel, que ce soit dans la situation, ou dans le thème. Il y a aussi bien un témoin sous protection, que la chaîne de production et de vente de drogue, en passant par un voleur de fourniture de bureau et un duo de gamins qui se font intimider par des plus grands qu'eux, d'une année ou deux. Au travers de ces histoires, les auteurs écrivent de vrais polars qui s'inscrivent dans le milieu où l'histoire se déroule, et cet environnement exerce une incidence directe sur l'histoire, agissant comme un révélateur de cette société particulière. Il y a des problématiques de rentabilités et de ressources limitées, d'obsolescence, de confiance, de paranoïa, de préjugés, et de stéréotypes raciaux. Les histoires les plus cruelles ou les plus pénétrantes ne sont pas forcément les plus violentes ou les plus gores. Lucius Shepard et James Romberger montrent un jeune homme qui décroche la timbale en recevant une carte platinium sans plafond. L'usage qu'ils en font reflète leur culture et leur condition sociale, et ils se heurtent au fait que l'argent ne fait pas le bonheur. L'histoire personnelle du petit employé de bureau qui pique dans les fournitures et commet d'autre larcins mesquins (par Ed Brubaker & Eric Shanower) met en scène le fait que tout le monde gruge à sa manière, reflétant l'imperfection de l'être humain. Rapidement, le lecteur s'aperçoit que l'histoire du chien Dino (par David Lloyd) provoque chez le lecteur l'impression que le comportement de ce chien pourrait également être celui d'un homme un peu confiant et balloté par les circonstances.



Outre la qualité potentielle des histoires, il est probable également que le lecteur ait été attiré par la liste des dessinateurs. Tim Bradstreet réalise des dessins photoréalistes âpres, complétés par des couleurs crépusculaires, décrivant un monde sans pitié. Peter Kuper réalise 3 pages sans texte, au pochoir, comme il l'avait fait pour The System, d'une grande richesse. Frank Quitely est en mode descriptif, sans la délicatesse romantique qu'il développera par la suite, pour des dessins exhalant une ironie savoureuse. Dave Gibbons est égal à lui-même avec des dessins faussement simples, comportant un degré élevé d'informations visuelles. Ce premier numéro est un régal visuel de bout en bout, un sans-faute. Dans les épisodes suivants, le lecteur se repaît des dessins de Richard Corben, toujours aussi épatant avec des volumes qui sortent presque de la page, et des textures sur le lecteur croit pouvoir toucher de ses doigts. La fête visuelle continue avec Kilian Plunkett dans un registre également descriptif mais émaillé de traits non ébarbés évoquant la rugosité d'une réalité non adoucie. Le lecteur plonge dans un monde où les ténèbres menacent d'engloutir le personnage, dans les pages toujours aussi envoutantes de Danijel Zezelj. Les ombres représentées par David Lloyd sont plus expressionnistes, mais tout aussi inquiétantes. Mark Chiarello joue à la fois sur les contrastes forts entre les zones noircies et les autres, mais aussi sur l'épure des formes.



Le lecteur se régale donc à retrouver les artistes à la forte personnalité qu'il connaît déjà, et il apprécie que les autres disposent d'une personnalité graphique tout aussi prononcée. Randy DuBurke présente lui aussi une réalité un peu torturée, du fait des lignes de contours irrégulières. James Romberger sait montrer 2 latinos naturels, dans leurs gestes et dans leurs tenues. Comme Peter Kuper, Tayyar Ozkan réalise une histoire sans parole avec des dessins plus traditionnels, et un humour noir plein d'entrain. Eric Shanower réalise des planches en apparence inoffensive dans leur naturel, mais finalement subversive par le naturel, la banalité et l'évidence des situations. Les dessins de Tony Salmons sont moins léchés, mais ils savent montrer la vivacité des personnages et la force de leurs réactions émotionnelles.



Le ressenti à la lecture d'une telle anthologie peut vite se révéler trompeur, en sautant rapidement d'une histoire à l'autre, et en enchaînant les artistes à une grande vitesse. Mais en prenant un peu de recul, le lecteur constate que chaque histoire est consistante, avec sa propre saveur, sa propre tonalité, à la fois grâce à l'intrigue et grâce aux dessins, avec un niveau élevé pour chaque et une majorité de pépites. 5 étoiles.



Épisode 1 : (1) Brian Azzarello + Tim Bradstreet, (2) Peter Kuper, (3) Doselle Young + Frank Quitely, (4) Dave Gibbons

Épisode 2 : (1) Simon Revelstroke + Richard Corben, (2) Jamie Delano + Randy DuBurke, (3) Lucius Shepard + James Romberger

Épisode 3 : (1) Darko Macan + Kilian Plunkett, (2) Tayyar Ozkan, (3) Ed Brubaker + Eric Shanower, (4) Scott Cunnigham + Danijel Zezelj

Épisode 4 : (1) David Lloyd, (2) Joe Lansdale & Rick Klaw + Tony Salmons, (3) Richard Brunning + Mark Chiarello
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The system

Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, initialement parue en 1996, sous la forme d'une minisérie de 3 épisodes publiés par Vertigo. Cette histoire est écrite, dessinée et mise en couleurs par Peter Kuper qui a réalisé toutes les cases au pochoir.



À New York, un monsieur en costume avec un catogan entre dans un club de stripteaseuses. Une fois son numéro fini, celle sur scène se rend dans les loges et se change. Elle sort dans la rue, allume une clope et achète un journal. Elle descend dans le métro où elle se fait sauvagement poignarder par un assaillant dont l'identité demeure masquée. La rame de métro continue son chemin et passe devant l'appartement de l'inspecteur de police McGuffin, qui picole pour oublier une bavure qu'il a commise et qui a coûté la vie à garçon innocent. Un pigeon passe devant sa fenêtre, et son vol l'amène au dessus d'un équipage de benne de collecte des ordures ménagères, qui passe devant un SDF, etc.



Dans la page d'introduction, Peter Kuper se demande encore comment il a pu avoir le courage (ou l'inconscience) de réaliser autant de cases au pochoir, en découpant autant de surfaces. Cette histoire d'environ 80 pages est singulière à bien des points de vue.



Pour commencer, Peter Kuper est un artiste qui est également coéditeur du magazine de bandes dessinées World War 3 Illustrated (1979-2014). Ensuite, il a réalisé cette histoire avec un mode de représentation qui défie l'entendement. Au-delà du caractère contraignant de cette façon de réaliser les images, le résultat marque l'imagination. Il ressort comme un mélange d'art de la rue (graffitis sophistiqués figuratifs), et de dessins réalisés aux crayons de couleurs. Loin de ressembler à des compositions abstraites ou anémiques, ces dessins regorgent de détails qui établissent une continuité resserrée, par le biais de leitmotivs visuels (objets ou personnages).



Cette histoire est également singulière dans la mesure où elle est dépourvue de tout texte (il n'y a que quelques manchettes de journal et quelques enseignes qui comprennent des caractères alphabétiques formant des mots). Peter compose des pages et des séquences d'une grande intelligence. D'un coté, la densité d'informations visuelles contenues dans chaque page conduit à une lecture mesurée, dépassant largement la demi-heure pour la totalité de l'ouvrage. De l'autre, le savant dosage de Kuper fait que le lecteur n'a pas l'impression de peiner à assimiler toutes les informations contenues dans chaque case. Lorsque cela s'avère nécessaire, il n'hésite pas à répéter ces informations visuelles pour que le lecteur distrait ne perde pas le fil (par exemple le rappel des marques Syco et Maxxon).



Au départ, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il se concentre donc sur chaque dessin pour être sûr de ne pas rater une information qui pourrait avoir une importance dans une séquence suivante. Ainsi dans la première case, il relève l'affiche sur la personne disparue s'appelant Betty Russell, le message défilant relatif aux 2 candidats pour l'élection à venir, le SDF en premier plan à gauche de l'image, le taxi qui passe, et la moitié de médaillon représentant le symbole du Système.



L'absence de texte confère un caractère ludique à la lecture, une sorte de puzzle visuel que le lecteur doit recomposer, au fur et à mesure qu'il se produit des associations visuelles entre 2 éléments. Dès la deuxième page, le lecteur a repéré le fil conducteur : à chaque fin de séquence, il y a un élément visuel qui fait le lien avec la suivante. Il peut s'agir d'un personnage qui passe par le même endroit que le personnage central de la séquence en cours, ou d'un motif visuel récurrent (le rectangle d'une bouche de métro).



Ainsi, le lecteur découvre les différents personnages récurrents qui offrent autant de point de vue sur la vie dans la cité, et sur les activités professionnelles : la stripteaseuse, l'inspecteur de police, le dealer de rue, le SDF, le graffeur, le prédicateur, le monsieur qui rend visite à son ami hospitalisé, le flic corrompu, le chauffeur de taxi pakistanais, l'agent de change, la chanteuse dans le métro, etc. À nouveau les dessins font des merveilles pour que chaque personnage soit immédiatement identifiable, sans doute possible.



Même si aucun personnage ne parle, leurs actes en disent long sur la société qu'ils incarnent : trafic d'influence en tout genre, vente de charmes féminins, trafic de drogue, intimidation au nom de la religion, dégradation de l'habitat urbain au nom de l'art éphémère, corruption, violence urbaine, etc. Peter Kuper réussit avec maestria à relier tous ces thèmes au travers des différents personnages, avec une facilité impressionnante.



Malgré ces thèmes sombres, "The system" n'est pas un récit noir et désespéré. Kuper les contrebalance avec des moments ordinaires de la vie, et même certains moments de joie. Le récit perd un peu de sa force narrative quand Kuper s'appuie sur des stéréotypes spectaculaires (de type attentat à la bombe) qui semblent exagérés dans la veine réaliste du récit. Cela reste un défaut mineur par rapport à l'ampleur du récit, et la réussite spectaculaire de cette narration sans paroles. De temps à autre, Kuper s'autorise à s'échapper à bon escient de cet environnement urbain pour des visions magnifiques, dont une de la savane et une autre du vol autonome d'un être humain).



La lecture de "The System" plonge le lecteur dans un quotidien très urbain, où il devient participatif, obligé d'exprimer en son for intérieur ce qui est montré. Cela induit un degré d'implication plus important que pour une lecture normale, mais sur un mode plus ludique que contraint. Kuper utilise une narration chorale parfaitement maîtrisée qui fait émerger les liens qui existent entre individus, sous formes de conséquences, d'ondes se propageant à la surface de la société.
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Le système

Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre, initialement parue en 1996, sous la forme d'une minisérie de 3 épisodes publiés par Vertigo. Cette histoire est écrite, dessinée et mise en couleurs par Peter Kuper qui a réalisé toutes les cases au pochoir.



À New York, un monsieur en costume avec un catogan entre dans un club de stripteaseuses. Une fois son numéro fini, celle sur scène se rend dans les loges et se change. Elle sort dans la rue, allume une clope et achète un journal. Elle descend dans le métro où elle se fait sauvagement poignarder par un assaillant dont l'identité demeure masquée. La rame de métro continue son chemin et passe devant l'appartement de l'inspecteur de police McGuffin, qui picole pour oublier une bavure qu'il a commise et qui a coûté la vie à garçon innocent. Un pigeon passe devant sa fenêtre, et son vol l'amène au dessus d'un équipage de benne de collecte des ordures ménagères, qui passe devant un SDF, etc.



Dans la page d'introduction, Peter Kuper se demande encore comment il a pu avoir le courage (ou l'inconscience) de réaliser autant de cases au pochoir, en découpant autant de surfaces. Cette histoire d'environ 80 pages est singulière à bien des points de vue.



Pour commencer, Peter Kuper est un artiste qui est également coéditeur du magazine de bandes dessinées World War 3 Illustrated (1979-2014). Ensuite, il a réalisé cette histoire avec un mode de représentation qui défie l'entendement. Au-delà du caractère contraignant de cette façon de réaliser les images, le résultat marque l'imagination. Il ressort comme un mélange d'art de la rue (graffitis sophistiqués figuratifs), et de dessins réalisés aux crayons de couleurs. Loin de ressembler à des compositions abstraites ou anémiques, ces dessins regorgent de détails qui établissent une continuité resserrée, par le biais de leitmotivs visuels (objets ou personnages).



Cette histoire est également singulière dans la mesure où elle est dépourvue de tout texte (il n'y a que quelques manchettes de journal et quelques enseignes qui comprennent des caractères alphabétiques formant des mots). Peter compose des pages et des séquences d'une grande intelligence. D'un coté, la densité d'informations visuelles contenues dans chaque page conduit à une lecture mesurée, dépassant largement la demi-heure pour la totalité de l'ouvrage. De l'autre, le savant dosage de Kuper fait que le lecteur n'a pas l'impression de peiner à assimiler toutes les informations contenues dans chaque case. Lorsque cela s'avère nécessaire, il n'hésite pas à répéter ces informations visuelles pour que le lecteur distrait ne perde pas le fil (par exemple le rappel des marques Syco et Maxxon).



Au départ, le lecteur ne sait pas trop à quoi s'attendre. Il se concentre donc sur chaque dessin pour être sûr de ne pas rater une information qui pourrait avoir une importance dans une séquence suivante. Ainsi dans la première case, il relève l'affiche sur la personne disparue s'appelant Betty Russell, le message défilant relatif aux 2 candidats pour l'élection à venir, le SDF en premier plan à gauche de l'image, le taxi qui passe, et la moitié de médaillon représentant le symbole du Système.



L'absence de texte confère un caractère ludique à la lecture, une sorte de puzzle visuel que le lecteur doit recomposer, au fur et à mesure qu'il se produit des associations visuelles entre 2 éléments. Dès la deuxième page, le lecteur a repéré le fil conducteur : à chaque fin de séquence, il y a un élément visuel qui fait le lien avec la suivante. Il peut s'agir d'un personnage qui passe par le même endroit que le personnage central de la séquence en cours, ou d'un motif visuel récurrent (le rectangle d'une bouche de métro).



Ainsi, le lecteur découvre les différents personnages récurrents qui offrent autant de point de vue sur la vie dans la cité, et sur les activités professionnelles : la stripteaseuse, l'inspecteur de police, le dealer de rue, le SDF, le graffeur, le prédicateur, le monsieur qui rend visite à son ami hospitalisé, le flic corrompu, le chauffeur de taxi pakistanais, l'agent de change, la chanteuse dans le métro, etc. À nouveau les dessins font des merveilles pour que chaque personnage soit immédiatement identifiable, sans doute possible.



Même si aucun personnage ne parle, leurs actes en disent long sur la société qu'ils incarnent : trafic d'influence en tout genre, vente de charmes féminins, trafic de drogue, intimidation au nom de la religion, dégradation de l'habitat urbain au nom de l'art éphémère, corruption, violence urbaine, etc. Peter Kuper réussit avec maestria à relier tous ces thèmes au travers des différents personnages, avec une facilité impressionnante.



Malgré ces thèmes sombres, "The system" n'est pas un récit noir et désespéré. Kuper les contrebalance avec des moments ordinaires de la vie, et même certains moments de joie. Le récit perd un peu de sa force narrative quand Kuper s'appuie sur des stéréotypes spectaculaires (de type attentat à la bombe) qui semblent exagérés dans la veine réaliste du récit. Cela reste un défaut mineur par rapport à l'ampleur du récit, et la réussite spectaculaire de cette narration sans paroles. De temps à autre, Kuper s'autorise à s'échapper à bon escient de cet environnement urbain pour des visions magnifiques, dont une de la savane et une autre du vol autonome d'un être humain).



La lecture de "The System" plonge le lecteur dans un quotidien très urbain, où il devient participatif, obligé d'exprimer en son for intérieur ce qui est montré. Cela induit un degré d'implication plus important que pour une lecture normale, mais sur un mode plus ludique que contraint. Kuper utilise une narration chorale parfaitement maîtrisée qui fait émerger les liens qui existent entre individus, sous formes de conséquences, d'ondes se propageant à la surface de la société.
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Arrête d'oublier de te souvenir

Peter est dessinateur de BD, et il a beaucoup à raconter sur son métier, son quotidien, sa vie depuis les années 70's, des années permissives, riches de consommation de drogues et de sexe. Depuis son adolescence frustrée, il veut nous faire partager ses pensées immatures, ses doutes, ses amitiés, ses hontes, jusqu'à sa paternité, intime et universelle, naturelle et chaotique.



Peter Kuper est un dessinateur de grande renommée par son travail notamment dans la presse américaine.

Au fil de ses planches, il mélange allègrement le présent et les flash-backs, ainsi que les rêves, mais cela dit, on parvient à s'y retrouver grâce à l'emploi efficace d'un code couleur différent.



Fantastique, autobiographique, intimiste, politique, tous ces aspects sont mêlés. Si le côté bavard de l'album et parfois anecdotique peut lasser, au fur et à mesure on se prend à s'attacher à ce récit, à sa forme, et à ce parcours de vie qui se retourne sur son passé à l'heure où apparaît sa responsabilité de père. Oubliable mais intéressant.
Lien : http://chezlorraine.blogspot..
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Arrête d'oublier de te souvenir

« Arrête d’oublier de te souvenir est l’auto parodie de la vie d’un auteur de bande dessinée, un parfait exemple d’auto fiction. Kuper se représente sous les traits d’un illustrateur embourgeoisé, pour une discussion avec le lecteur sur sa découverte du sexe, de la drogue, des dysfonctionnements de l’administration Bush et un vaste exposé sur les problèmes existentiels de l’Auteur, confronté à son quotidien de mari et de père… Au cours du livre, Kuper juxtapose le quotidien de sa vie, et notamment la grossesse de sa femme et ses conséquences, avec la présentation de séquences de flashback sur sa jeunesse, séquences dont il est à la fois le présentateur et un spectateur critique. Couvrant une longue période, de 1972 à 2005, les séquences autobiographiques sont l’occasion de citer de nombreuses références culturelles, de la découverte des Pink Floyd aux classiques de la bande dessinée, de Popeye à Crazy Kat en passant par Mad Magazine auquel Kuper collabore. L’actualité politique est également très présente, à travers un regard extrêmement critique sur les mandats des Bush (père et fils), ce qui ne surprend pas de la part de cet auteur qui compte parmi les dessinateurs américains les plus engagés. Un grand roman autobiographique » (synopsis éditeur).



Le dessin de Peter Kuper est assez lisse lorsqu’il se décrit au quotidien. Sans aspérités, les personnages sont comme plaqués sur des fonds de cases qui ressemblent aux décors d’un catalogue Ikea®. Quant aux passages où l’auteur se remémore son passé, on est là dans une veine graphique bien différente, plus agressive au regard, surchargée de détails et de hachures.



Dès le début de l’album, Kuper se permet une certaine familiarité avec son lecteur qu’il interpelle ouvertement. Ce « tu » m’a donné l’impression que j’étais prise à parti dans le monologue de l’auteur. Alors que ce dernier explique rapidement qu’il souhaite raconter ce qu’est le quotidien d’un auteur de BD américain, le lecteur se retrouve en fait pris dans une confidence nombriliste où on n’a d’autres choix que celui de voir un auteur tergiverser sur ses problèmes existentiels passés, présents et à venir. Vu le ton amusé du récit, j’ai pensé que la lecture serait agréable. Mais face aux extravagantes mises en scène présentes dans cet ouvrage et constatant que l’auteur s’écoute plus qu’il ne parle, ce témoignage autobiographique m’a rapidement ennuyée.
Lien : http://chezmo.wordpress.com/..
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Arrête d'oublier de te souvenir

Voila un roman graphique généreux et agréable à lire. On sent que l'auteur s'est fait plaisir à l'écrire et nous transmet ce plaisir que j'ai ressenti tout au long de la lecture, dans les dessins, l'histoire et le ton. Je suis touché par cette lecture d'un récit sincère !



Peter Kuper développe un roman graphique s'étalant sur près de dix ans, racontant tour à tout sa vie, son œuvre et ses pensées. C'est très bien mené, avec une alternance de ton et de récit qui évite de se lasser, et le décousu n'empêche pas de bien suivre tout ce qui s'est passé. Le découpage en chapitres, où l'auteur associe chaque épisode de sa vie à ce qui lui arrive au moment où il l'écrit, est bien pensé, mettant en relation tous les épisodes de sa vie et développant progressivement cet auteur qui se met à nu.

Alors certes, c'est très intimiste comme récit, et si vous n'aimez pas voir la vie d'une personne dévoilée, passez largement votre chemin ! Mais si vous aimez un peu ce type de récit, il est réellement très bien fait, avec tout ce qu'il faut d'humanité pour émouvoir et faire réfléchir. Plusieurs épisodes de la vie de Peter Kuper sont étonnants, que ce soit autour du sexe, de la drogue, de l'édition ou de l'amitié, ce n'est pas si linéaire que j'aurais pensé au début de ma lecture.



Mais surtout, c'est une BD servie par un excellent dessin, avec un mélange des genres comics qui détonne : on sent l'influence de certains académismes mais surtout des comics underground des années 90, de la liberté du dessin et des représentations, certaines inspirations étant clairement indiquées, d'autres assez visibles. Le choix de la bichromie variant entre noir et blanc, et brun et blanc permet d'alterner les scènes entre passé et présent, et dans les deux cas j'ai beaucoup aimé ce qu'il en tire. C'est une petite trouvaille visuelle, et dans ce mélange de genre de dessins, l'auteur arrive à émouvoir et faire ressentir les états d'âme autant que les réflexions qu'il provoque sur la paternité.



Une trouvaille qui m'a beaucoup plu, indéniablement, mais dont je suis étonné de la relative discrétion de ce comics, qui a pourtant tous les atouts pour être reconnu. Et vu que ma lecture m'a enthousiasmé, je vous recommande chaudement de le voir, en espérant que vous l'apprécierez autant que moi !
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Ruines

Graphiquement, le voyage est enchanteur : on passe de la grisaille de New York aux couleurs éclatantes du Mexique.
Lien : http://www.bodoi.info/ruines/
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Ruines

Avec poésie, ironie, clins d’œil et émotion, Peter Kuper nous place comme spectateurs du quotidien d’un couple qui se délite, d’une ville qui sombre dans la violence, la soumission et la révolte.
Lien : http://www.bdgest.com/chroni..
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Ruines

Une belle palette d’émotions et de couleurs malgré des personnages au graphisme un peu statique.
Lien : http://www.actuabd.com/Ruine..
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Le système

Peter Kuper fait partie de la crème des auteurs indépendants américains, dans la mouvance d'Art Spiegelman et Eric Drooker. Il n'avait pourtant pas encore été traduit en français. C'est désormais chose faite grâce aux Éditions de l'An 2.

"Le Système" dont il est question dans cet album, c'est la société capitaliste. Par son observation, Peter Kuper met en évidence ses inégalités, ses aberrations, sa violence et sa course effrénée vers la catastrophe. Par un brillant jeu de fondus-enchaînés, il compose une sorte de long plan-séquence qui fait découvrir au lecteur les relations subtiles qui génèrent le Système. Le lecteur a l'impression d'observer une colonie sous bulle, impression renforcée par la narration soit quasi muette. Exercice de style, sans doute, mais le résultat est une merveille de fluidité et d'intelligence. Une découverte a faire !
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