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Alain David (Traducteur)
EAN : 9782878270822
135 pages
Rackham (15/10/2004)
3.3/5   15 notes
Résumé :
En 1904, près de dix ans avant qu'à Prague, Franz Kafka rédige la Métamorphose, de l'autre côté de l'Océan, un dessinateur nommé Winsor McCay créait une bande dessinée intitulée Les Cauchemars de l'amateur de fondue au chester, publiée dans The Evening Telegram à New York.
Chaque épisode tenait dans une page et présentait un personnage coincé dans un monde devenant, case après cases, toujours plus surréaliste : les jambes d'un gentleman grossissaient au point... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Ce tome contient l'adaptation du roman de Franz Kafa, ainsi que de quelques nouvelles, ces dernières ayant été rééditées avec d'autres dans Kaflaïen.

La métamorphose - Ce tome contient une histoire complète indépendante de toute autre. Il est initialement paru en 2003 écrit dessiné et encré par Peter Kuper. Il s'agit d'une adaptation de la nouvelle La Métamorphose (Die Verwandlung, 1915) de Franz Kafka, en bande dessinée. Celle-ci est en noir & blanc et comprend 72 pages. Dans l'introduction, Kuper indique que cette adaptation a également été influencée par Cauchemars de l'amateur de fondue au chester (1904-1911) de Windsor McCay (1869-1934).

En se réveillant un matin, après des rêves agités, Gregor Samsa se retrouva dans son lit métamorphosé… Ce n'était pas un rêve et il se demandait ce qui lui était arrivé. Sa chambre était normale avec le lit, le réveil posé sur la table de nuit, le petit secrétaire et sa chaise, la commode avec la valise posée dessus, le tapis, le canapé, les rideaux encadrant la fenêtre. Il ne se rend pas bien compte de son état et se dit que ça doit être une farce. Il décide de se rendormir mais n'arrive pas à se mettre sur le côté droit, sa position habituelle. Vraiment fatigué, il se dit que son métier, vendeur représentant, est des plus éreintants. Chaque jour, c'est la même chose : le stress des correspondances entre les trains, la mauvaise nourriture avalée rapidement le midi, un défilé de nouveaux visages sans relation durable ou d'intimité. Se lever aussi tôt transforme n'importe quel individu en idiot. En plus le soir rentré à l'hôtel, il doit encore établir les commandes. S'il n'avait pas à subvenir aux besoins de ses parents, cela ferait longtemps que Gregor Samsa aurait dit ses quatre vérités à son chef et aurait démissionné. Si tout va bien dans 5 ou 6 ans, il aura gagné assez d'argent pour rembourser la dette de ses parents et il pourra démissionner.

Gregor Samsa finit par donner un coup d'oeil au réveil et il est déjà 06h45. le prochain train est à 07h00 : il ne lui reste plus qu'à se lever et à foncer à toute vitesse. Il se demande s'il ne pourrait pas appeler pour dire qu'il est malade. Mais il craint que son chef ne lui rende alors visite avec un inspecteur de l'assurance-santé. Il entend sa mère toquer à la porte pour lui rappeler l'heure et lui dire de se lever. Il lui répond, mais sa voix n'a pas la sonorité habituelle et il se dit que sa mère n'a pas dû entendre la réponse à travers la porte. Puis c'est son père qui tambourine sur la porte. Une fois ses parents partis, c'est sa soeur Grete qui vient toquer plus doucement. Il lui répond qu'il est presque près, alors qu'il est encore allongé sur le dos. Fort heureusement, il a fermé sa porte à clé, une vieille habitude de vendeur itinérant. Il commence à bouger pour essayer de se lever, et se rend compte qu'il n'arrive pas à se redresser, ni même à se retourner. Il ne peut pas croire qu'il va rester ainsi couché sur le dos, inutile. Il se fixe un nouveau délai : à sept heures et quart, il doit être levé.

Comme pour chaque projet de ce genre, le lecteur peut se demander l'intérêt d'une adaptation d'un livre dont l'intérêt tient essentiellement dans le style littéraire de l'auteur, plus que dans l'intrigue. Cette dernière est assez mince et Peter Kuper s'y tient à la lettre près : un vendeur représentant se réveille un jour transformé en cafard de taille humaine, incapable de communiquer avec ses proches (ses parents et sa soeur). L'intérêt réside donc dans la manière dont l'adaptateur va s'approprier l'oeuvre : en respecter la trame générale et les thèmes, et en donner sa vision. Bien sûr, il existe un intérêt plus basique : découvrir l'oeuvre sans avoir à la lire. Pour ce dernier aspect, Peter Kuper tient sa promesse au lecteur : il reprend l'absurdité de la situation, l'horreur de la prise de conscience progressive de Gregor Samsa, la réaction de son entourage, et l'horreur encore plus grande d'accepter son état. La narration visuelle peut surprendre de prime abord, avec un fort contraste entre les noirs et les blancs, du fait de l'importance des masses de noir. Il apparaît également rapidement que l'artiste utilise des exagérations parfois de type naïf pour mieux se faire comprendre, par exemple des expressions de visage caricaturales ou des gestes théâtraux. Au global, cela donne une lecture facile, avec un bon équilibre entre les textes et les dessins, un mélange entre drame et comédie, évitant le mélodrame larmoyant.

Le lecteur remarque bien que les dessins sortent de l'ordinaire : Peter Kuper ne détoure pas juste les formes avec un trait encré. En fait, il a réalisé cette adaptation en noir & blanc, en travaillant sur des feuilles de dessin appelées Carte à gratter ce qui désigne à la fois le support, la technique, et l'oeuvre réalisée par cette technique. Il s'agit d'une sorte de carton sur lequel ont été déposées des couches successives de pâtes formées de craie et d'eau. L'artiste gratte cette feuille pour enlever l'encre déposée afin de dessiner. L'artiste donne donc une apparence aux différents protagonistes. Il a choisi la forme du cafard pour Gregor Samsa, avec une taille humaine, et un visage expressif, mais pas d'autre forme d'humanisation. Il transcrit ainsi l'absurdité et l'impossibilité de l'état du personnage, sans plus chercher à l'expliquer que Franz Kafka. Les autres personnages sont représentés à la fois de manière simplifiée pour les visages, en exagérant un trait de personnalité : la colère brutale du père, l'inquiétude fragile de la mère, la sollicitude timorée de Grete, l'autorité de l'employeur, le mimétisme des 3 hôtes, l'aplomb de la femme de ménage. Cela donne l'impression de faire face à des personnages expressifs, avec un comportement réglé sur un caractère bien déterminé.

Le lecteur est vite impressionné par le degré de détail présent dans les cases, malgré la technique inhabituelle et contraignante employée pour réaliser les dessins. Peter Kuper prend le temps de représenter tout le mobilier de la chambre de Gregor Samsa, avec les motifs sur le tapis et sur les rideaux, la texture du bois pour la commode, les motifs du papier peint, les formes du coussin du canapé. Par la suite le lecteur peut prendre le temps d'observer les tableaux et photographies accrochés au mur, le motif du papier peint du couloir (ce n'est pas le même que celui de la chambre), la rambarde en fer forgé du perron, le détail de la poignée avec serrure de la porte de la chambre, le lustre du salon, les reliefs des pieds de la chaise de la chambre de Gregor, etc. Chaque élément de décor dispose de caractéristiques spécifiques qui le rendent unique. le lecteur n'éprouve jamais la sensation de tourner en rond dans une petite pièce fade et dénudée. La narration visuelle est encore enrichie par la diversité des prises de vue. Lorsque Gregor cherche à se retourner sur son lit, la page comprend 11 cases, dont 8 (2 bandes de 4) montrant les efforts de Gregor pour se tordre. Lorsque Gregor songe au rythme effréné de son métier, le lecteur peut voir une pendulette de forme ronde, avec 4 silhouettes de Gregor courant à l'intérieur du cadran. Lorsque le père porte un coup à son fils, la page montre le père en pied, dessiné sur toute la hauteur de la page à gauche, et 4 cases les unes au-dessus des autres sur la partie droite montrant les mouvements de Gregor alors que son père décoche son coup de pied. Dans la page suivante, le lecteur voit la chambre de Gregor en vue de dessus, le cafard sur le dos au centre de la pièce. En fonction de la nature de la séquence ou de l'émotion exprimée, Peter Kuper peut également utiliser des cases biseautées en trapèze, ou des bordures de cases avec des pointes pour exprimer une émotion intense. La narration visuelle s'avère donc très riche, à l'opposé d'une mise en images paresseuses.

S'il a déjà eu l'occasion de lire d'autres de ses oeuvres, le lecteur n'est pas étonné de l'investissement de Peter Kuper dans cette adaptation. Il est également l'auteur d'histoires très personnelles comme un récit sans parole sur la vie urbaine le système (1996), une histoire romancée se déroulant au Mexique Ruines (2015). Il a également été l'éditeur et un contributeur pour la revue World War 3 Illustrated: 1979-2014. Il a aussi adapté plusieurs histoires courtes de Franz Kafka, réunies dans Kaflaïen. Ces 14 adaptations donnaient la sensation à la fois d'un travail très respectueux de l'oeuvre de Kafka, à la fois d'une forme de dialogue avec cet auteur, Kuper reformulant les propos de Kafka pour s'assurer de sa compréhension, pour le dire avec ses mots. Cette adaptation de la métamorphose participe de la même démarche : reformuler le propos de l'auteur. Il s'agit à la fois d'y être fidèle, à la fois de le dire avec ses mots, ce qui véhicule de facto une interprétation. le lecteur retrouve bien les 3 parties de la nouvelle, l'incompréhension de la famille de son état, la blessure de Gregor Samsa. Par la force des choses, le simple fait de mettre cette histoire en dessin constitue une interprétation : pour la forme exacte de Gregor Samsa après sa métamorphose, sa chambre, ses parents, la mise en scène. le lecteur retrouve aisément la thématique sur l'isolement du fait de la différence incapacitante. Il décèle d'autres thèmes comme celui de percevoir le monde différemment de son entourage, la prise de recul, le sens du sacrifice. Peter Kuper ne donne pas l'impression de proposer une interprétation orientée qui serait réductrice, mais de conserver tout le potentiel d'interprétation du récit originel.

A priori le lecteur peut s'interroger sur l'intérêt d'adapter un texte aussi idiosyncrasique. Après la lecture, il se dit que Peter Kuper a les moyens de son ambition. Sa transposition en bande dessinée bénéficie de ses compétences d'artiste et de sa compréhension de l'oeuvre, sans la sublimer, mais sans la trahir.
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Lorsque Gregor Samsa s'éveilla un matin après des rêves agités il se trouva transformé...
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Vidéo de Peter Kuper

Peter Kuper, Journal d'Oaxaca
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