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Citations de Philippe Muray (523)


6 septembre 1997.
Aux obsèques de Diana, j'ai vu la reine, flingue de l'opinion publique pointé sur elle, obligée de s'incliner sur le passage du cercueil de son ex-belle-fille (un peu comme les sans-culottes, si je ne me trompe, ont contraint Louis XVI à trinquer avec eux). J'ai vu tous les /hommes/ (les hommes ?) de la famille royale (Charles, Philip, les enfants de Diana et de Charles), à la suite du sinistre, du diabolique frère de la défunte, forcés de suivre le convoi, pris par surprise et obligés de marcher, entre deux haies de badauds, alors que rien de semblable n'avait été prévu par le protocole, dans une atmosphère sourde de lynchage à blanc qui rappelait, deux siècles plus tard, le retour forcé de Louis XVI à Paris, le 6 octobre 1789. C'est surtout l'air égaré du prince Philip qui m'a ému. Lui qui, dans toute sa vie, n'a probablement pas déambulé une heure à travers les rues de Londres, lui dont la stupide existence a toujours consisté à chasser le faisan, il était là, avançant comme un vaincu derrière le char de triomphe de Diana, entamant le chemin de croix de la monarchie anglaise.
Les Britanniques ont tapé sur la famille royale à coups de larmes. Ils les ont guillotinés avec le couperet de la compassion. La couronne est noyée dans un torrent de sanglots. C'est la Terreur du Coeur. Et des bouquets de fleurs. Et des cartes à jouer avec la Reine de Coeur.
"Les gens se sentaient coupables s'ils ne manifestaient pas leur tristesse, raconte un journaliste du Guardian. La semaine dernière, ceux qui jugeaient la réaction à la mort de Diana excessive tâtaient le terrain avant de se lancer dans une conversation pour savoir s'ils avaient à faire à un /croyant/ ou à un /apostat/." C'est moi qui souligne.
Diana, pour les Anglais, c'est la bonne monarchie, la monarchie à visage de conne.

pp. 336-337
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L'absence de talent, ce douloureux problème, lié à celui de l'alphabétisation hâtive d'individus de toute façon plus doués pour la basse police et la dénonciation que pour la littérature, ou même pour le simple commentaire de textes, a favorisé l'apparition d'un nouveau genre d'ouvrages : l'opuscule sans qualités. On sait que sur le berceau des moins doués se penchent toujours les mauvaises fées de l'envie, de la jalousie et de la haine impuissante. Mais l'époque de l'égalitisme donne des pouvoirs exorbitants à ces malheureux, leur haine n'est plus du tout impuissante et si leur absence de talent est le seul message de fond de leurs œuvres, ils existent également dans le but d'imposer silence à tout ce qui ne récite pas les sourates désastreuses du nouvel ordre imposé. C'est ainsi qu'après le triste Lindenberg, qui s'attaquait à tout ce qui montrait un peu d'art ou de brio, un autre incompétent nommé Thomas Florian vient d'essayer de nuire au seul Baudrillard dans une plaquette où apparaissent quelques autres noms, à commencer par le mien ; mais c'est un honneur d'être pris dans la même rafle indigente que le grand Baudrillard.
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18 octobre 1995.
Nanouk et moi on attend Delaroche au Lucernaire. On dîne. Au petit étal de bouquiniste qui se trouve devant l'entrée du restaurant, j'achète un recueil d'articles de Ionesco, "Antidotes". Des choses qui datent des années 60-70. Ionesco y écrivait dans la perspective du triomphe planétaire de l'URSS, et ses cris de détresse, de ce point de vue, pourraient paraître complètement démodés. Sauf si on pense que les agents du collectivisme sont toujours en place (surtout en Occident), et plus que jamais actifs, propageant plus que jamais le conformisme totalitaire, jouant plus ardemment que jamais sur la corde sensible, mais sous des masques nouveaux, dans des domaines apparemment dispersés, indépendants les uns des autres (féminisme, hystérie anti-tabac, droits des animaux, droits des prétendues minorités opprimées, droits des enfants, droits des homos, droits des sidaïques, etc). Dans "Jugement à Moscou", Boukovsky écrit même que si la nomenklatura socialiste européenne est si pressée de "construire l'Europe", cette camisole de force comme il la définit, c'est qu'elle sait qu'elle ne pourra rester éternellement au pouvoir qu'en devenant "une bureaucratie centralisée non élue qu'il sera pratiquement impossible de déloger." Nous vivons, annonce-t-il, "une seconde guerre froide, avec une nouvelle race d'utopistes coercitifs qui s'efforcent de modifier notre culture, de contrôler notre comportement et, à la fin des fins, nos pensées." En 1975, Ionesco écrivait : " L'homme est un être asocial qui ne peut vivre qu'en société, mais qui, dans la société, ne peut vivre qu'asocialement." Et aussi : "Si toutes les sociétés sont mauvaises, c'est parce que le quotient individuel empêche qu'elles soient parfaites et s'oppose à l'utopie. Ceci est à la fois bon et mauvais. C'est plutôt bon, encourageant."

p. 536
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30 janvier 1995. [Le journal]
Un Journal ne devrait même pas être diffusable sous le manteau, même pas avouable, fût-ce à une seule personne. Le Journal, c'est l'art de l'inavouable. Posséder cet art de l'inavouable, c'est démontrer qu'on connaît exactement les limites de ce que peut supporter la société pestilentielle ; c'est donc connaître la société et c'est l'essentiel. Il faut avoir beaucoup à dissimuler pour avoir quelque chose d'intéressant à montrer. La valeur d'une oeuvre publique devrait pouvoir se mesurer à tout ce qu'elle suppose d'enfoui sous elle, de planqué, de clandestin. Le publié se jugerait alors à la quantité d'impubliable. Trois cents pages au grand jour, trois mille sous le boisseau, c'est la bonne proportion dans les temps d'abjection. La mise en scène de l'impubliable sans masque : c'est le Journal intime.
(...)
Mon Journal n'aurait jamais pu voir le jour sans la résistance, sans l'opposition, sans la haine, sans la malveillance, sans les embûches ou l'indifférence de nombreuses personnes et institutions. Mes ressentiments les plus ardents vont d'abord aux centres, groupes, lobbies, clubs, sectes et autres mafias culturelles qui n'ont financé aucun de mes déplacements et à qui je ne me suis jamais adressé. A X, Y, Z qui ne m'ont apporté aucune aide. A Machin, Truc, Chose, et tous mes autres brillants collègues ou amis qui ne m'ont fourni d'inestimables indications ou renseignements que lorsqu'ils n'en étaient eux-mêmes pas conscients. A Untel et Unetelle qui ne m'ont apporté ni soutien moral, ni assistance matérielle. A tous ceux, enfin, passés, présents, à venir, morts ou encore vivants, dont l'absence d'encouragements m'a stimulé, et auraient tout fait, s'ils en avaient eu les moyens, pour m'empêcher de devenir réalité. Mais "ultima necat", la dernière tue, et elle seule. D'eux tous, de la dissuasion qu'ils ont incarnée, consciemment ou non, j'ai reçu l'énergie d'aller jusqu'au bout.

pp. 341-342.
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6 janvier 1995.
... On parle d'"années 70", d'"années 80 ou "90", comme si ces expressions pouvaient être autre chose qu'une des traces, parmi un milliard d'autres, de la misère et de la vulgarité journalistiques.

p. 317
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21 novembre 1994. Raczymow sur la disparition du Grand Ecrivain.
Et puis qu'est-ce qu'il dit ? Y a plus de Voltaire, de Hugo, de Zola, de Sartre. Rideau. Si c'est là sa définition du Grand Ecrivain, évidemment elle n'a rien à voir avec la mienne. Y a plus non plus de Sade, de Lautréamont, de Bloy, de Nietzsche, de Céline. Or Sade, Lautréamont, Nietzsche ou Céline n'ont jamais joué le rôle de guides spirituels, de gourous, de mages mystico-humanitaires, comme Voltaire, Hugo, Zola ou Sartre. "Y a plus de religion littéraire !" serait donc un cri du coeur plus juste (et encore, voir Bobin), et cette annonce ne me fait pas pleurer.

... La disparition de la chose littéraire n'a pas été étudiée, et je doute que Raczymow puisse y aider. Il faudrait la patience d'un Réau pour raconter ce vandalisme invisible. Ce serait aussi bien sûr une histoire de moeurs. L'accession progressive des femmes à la littérature y jouerait un rôle de premier plan. A partir du moment où les femmes se mettent massivement à écrire, ce n'est plus Balzac qui les dit, c'est elles, et Balzac tel qu'on le connaît n'a plus de raison d'être. Même chose pour les homosexuels. Même chose pour toutes les catégories professionnelles ou autres. A partir du moment où chacun a la parole, l'écrivain ne sert plus à rien. Cinéma et télévision. Egalisation des conditions. Disparition de la fonction paternelle. Influence du marxisme, pour qui ce sont les masses qui sifflent sur l'Histoire. Etc. Mais celui qui en a dit le plus encore sur cette question, c'est mon cher [François] Ricard : l'inflation contemporaine de littérature trouve sa source dans la disparition de la mission /dissuasive/ qu'exerçait la littérature sur l'écriture. Disparition de la littérature comme principe paternel d'empêchement, d'intimidation, de découragement d'écrire. Plus de passé complexant ! Plus de /mur/ d'écrivains du passé, dressé devant soi, au moment de poser le premier mot sur la feuille blanche. Tout est permis. Plus rien n'existe.

p. 271
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Philippe Muray
Il faut faire cet effort flaubertien de s’intéresser aux médiocres. La clé des songes est chez eux, en toute clarté sous nos yeux.
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Philippe Muray
On pourra voir s’affirmer une préoccupation globale concernant toute possibilité d’énonciation du négatif. Cette disparition me semble le phénomène le plus important de cette fin de siècle. Il s’accompagne d’une tentative sans précédent d’éradication de l’esprit critique.
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Philippe Muray
Je m’isolerais de tous jusqu’à en perdre conscience. Je me ferai des ennemis de tout le monde.
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Philippe Muray
La classe moyenne, c’est en effet par elle que tout pénètre, et d’abord l’idée de fête. Décrocher son code?une fête! Avoir son deug ?Une fête! Avoir 19 ans? Une fête!
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Philippe Muray
Houellebecq : type jeune et d’une grande laideur, visage de paysan normand analphabète de l’époque Maupassant.
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Philippe Muray
L’énorme et répugnante classe moyenne, composée d’approuveurs du monde. Plutôt crever que de devenir un phare pour la classe moyenne .
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(Muray dit considérer) Toute littérature qui n’étudie pas les désastres causés par les changements de mœurs comme nulle et non avenue. Des romans à feuilles blanches.
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C’est dans l’outrage que Bloy, Bernanos et Céline ont trouvé leur style.
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Mes sentiments les plus ardents vont d’abord aux centres, groupes, lobbys, clubs, sectes et autres mafias culturelles.
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J’ai découvert la possibilité de faire apparaître, via l’outrage, quelque chose comme un relief signalant une singularité.
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Le processus d’égalisation des hommes et des femmes est allé en galopant. Le plaisir a diminué au fur et à mesure que les différences entre partenaires s’effaçaient. Le peu qui subsiste doit servir à quelque chose. L’enfant arrive en réparation de leur manque- à-jouir.
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Tous ces corps nus en pleine ville m’obsède. Beaucoup de femmes avec de très gros seins remuants et surtout d’énormes culs dont les deux moitiés broient le noir d’un slip réduit à sa plus simple expression de fil imperceptible.
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Journal, 12 mars 1994. [Le milieu littéraire]
Bien fiers alors d'avoir fait sonner ces vérités utiles, on est demeurés là assis, désolés, à se poser la question du siècle : quel Proust, quel Balzac, racontera enfin tout ça, tout ce Kamasoutra lugubre de l'Imprimé sans volupté ?
Aucun. Pour mille raisons. Et d'abord pour la meilleure, la plus simple : pas de rentes.

p. 55
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L'oiseau continuait à chanter dans le tilleul au-dessus de l'abri des poubelles.
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