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Citations de Philippe Muray (523)


On accuse souvent la droite, quand elle gouverne, de ne satisfaire que sa propre clientèle, restaurateurs, buralistes, entrepreneurs en général, chauffeurs de taxi et ainsi de suite ; mais il faut convenir qu'elle n'a pas le nihilisme industrieux de la gauche qui, lorsqu'elle est au pouvoir, la crée, elle, sa clientèle, l'invente, la fabrique en vidant les individus de toute possibilité d'initiative personnelle, comme on sectionne les nerfs d'un animal de laboratoire, et en les rendant ainsi absolument dépendants d'elle, jusques et y compris pour les gestes les plus simples, et cela probablement sans retour. Elle poursuit d'ailleurs son ouvrage dans l'opposition, et c'est elle qui oblige la droite stupide à s'aligner sur ses exigences. 
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L’Empire du Bien reprend sans trop les changer pas mal de traits de l’ancienne utopie, la bureaucratie, la délation, l’adoration de la jeunesse à en avoir la chair de poule, l’immatérialisation de toute pensée, l’effacement de l’esprit critique, le dressage obscène des masses, l’anéantissement de l’Histoire sous ses réactualisations forcées, l’appel kitsch au sentiment contre la raison, la haine du passé, l’uniformisation des modes de vie.
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L’avenir de cette société est de ne plus pouvoir rien engendrer que des opposants ou bien des muets.
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J'évite, la plupart du temps, d'employer le beau mot de résistance, parce que des tas de salauds en usent et en abusent jour et nuit, mais je sais aujourd'hui que la vie privée est la seule résistance catégorique, et le seul camouflet radical, que l'on puisse infliger à la société moderne du tout-à-la-webcam, et que le secret est une critique cinglante et continue de la civilisation de l'exhibitionnisme.

p. 429
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Dire ce qu’on pense est devenu périlleux. Même à titre farouchement privé. Tout ce qui ne peut pas être exposé publiquement sur un plateau ne devrait même pas être pensé. Dans les télé-débats, la formule-clé, pour arrêter en plein vol, pour stopper quiconque pourrait être sur le point de lâcher quelque chose de très vaguement non aligné, de très obscurément non consensuel, de très légèrement non identifié (et toute idée qui ne vient pas du collectif pour y retourner aussitôt appartient à cette catégorie), la formule-clé, donc, est la suivante :
« Ah ! oui, mais ça n’engage que vous, ce que vous dites là ! »
Vous. C’est-à-dire une seule personne. C’est-à-dire, en somme, personne.
L’Empire du Bien, ça tombe sous le sens, est d’abord l’Empire du combien.
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A tout moment, les artistes d'autrefois sont susceptibles de se voir inculper pour des crimes ou des délits qui n'existaient pas de leur vivant.
Nous sommes si fiers de nos "valeurs" que nous les avons rendues rétroactives : c'est ce qui les différencie des lois ordinaires qui, comme le dit le Code Civil, "ne disposent que pour l'avenir".
C'est souvent un fils ou une fille de notable qui exerce des représailles posthumes sur son géniteur ou sa génitrice. Voir le livre de la fille de Jacques Lacan, il y a quelques mois.
Ce peut être aussi une ex-compagne : Françoise Gilot réglant ses comptes avec Picasso dans "Vivre avec Picasso". La plupart sont très colère contre le génie qui les a génités. Ils l'auraient souhaité un peu moins génial et beaucoup plus géniteur. Ils écrivent des livres pour s'en plaindre. Ils donnent des entretiens. Ça pourrait même devenir un genre littéraire. Dans le style "Ma rancoeur mise à nu".
J'ai entendu l'une des petites-filles de Picasso confesser qu'elle haïssait son grand-père ("Il a fait tellement de mal à ses proches !"), mais que, tenant de lui un assez bel héritage, elle le consacrait à aider l'enfance malheureuse. Ainsi se retrouve blanchi l'argent si mal gagné de cet odieux aïeul.
Quant à la fille unique de Céline, on lui doit cet aveu : "Je préfère être la fille de "Louis" plutôt que celle de Céline." L'ennui c'est que "Voyage au bout de la nuit", ce n'est pas "Louis" qui l'a écrit.
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Dans un autre domaine, celui de l’esthétique, l’une des dernières campagnes un peu violentes dont je parvienne encore à me souvenir, opposant des visions du monde au moins en apparence inconciliables, remonte à la petite affaire de ces colonnes plantées au Palais-Royal. Par la suite, les autres Grands Projets sont tous passés comme lettres à la poste. Plus d’affrontements, plus de condamnations. Neutralité bienveillante. Qui oserait encore, de nos jours, se payer le ridicule d’une colère ? D’une sanction même en paroles ? Juger, c’est consentir à être jugé. Et qui l’accepterait désormais ?

À la fin, c’est le Consensus qui gagne. L’espace esthétique ou artistique est d’ailleurs un excellent domaine pour vérifier ce que je suis en train de dire. Toute l’histoire récente de l’art, sous l’éclairage grandissant du règne des bons sentiments, redevient très instructive. Si ce qu’on appelle art contemporain peut encore faire semblant d’exister, c’est uniquement comme conséquence du martyre des impressionnistes. En réparation. In memoriam. En expiation d’un gros péché. Qu’il soit minimal, conceptuel, anti-art ou extrême-contemporain, l’artiste d’aujourd’hui survit toujours à titre d’espèce protégée, en tant que résidu caritatif. Une très grosse gaffe a été commise, du temps de Van Gogh, du temps de Cézanne, il faut continuer à payer les pots qui ont alors été cassés. Surtout ne pas recommencer, ne pas refaire les mêmes sottises, ne pas retomber dans les ornières. Après des décennies de foules furieuses ricanantes devant Courbet, devant Manet, devant les cubistes, brusquement plus rien, plus de critiques, plus de clameurs, plus de révoltes, plus de scandales. Tout se calme d’un seul coup, les galeries prospèrent, la créativité des artistes ne s’est jamais mieux portée, tout va très bien, les grosses banques investissent dans l’émotion colorée, les États s’en mêlent, les ventes records se multiplient, le marché s’envole, c’est la débâcle des hostiles. Plus de pour ni de contre. Plus personne.
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Et encore : "On ne comprend absolument rien à la civilisation moderne si l'on n'admet pas d'abord qu'elle est une conspiration universelle contre toute espèce de vie intérieure."
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Lorsque les bagnoles exécrables sont remplacées par des armées d’individus grimpés sur rollers, par des intermittents sur des échasses, par des cracheurs de feu et autres adeptes des « circulations douces », il est loisible de constater que l’on n’assiste pas au retour de l’ancienne humanité sur des territoires reconquis, mais au déferlement sans frein de l’espèce post-humaine sur des territoires sans cesse plus invivables ; et pour qu’elle ne sache pas qu’elle est ‘espèce post-humaine, on lui fait croire qu’elle revient sur des territoires dont elle aurait été dépossédée, et qu’elle les reconquiert ou se les réapproprie ; mais elle ne saurait reconquérir ou se réapproprier quoi que ce soit puisqu’elle ne possédait rien […].
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La course au profit […] est doublée par la course aux orgies [….] mais il s’agit toujours de course et d’accumulation, c’est-à-dire de challenge, c’est-à-dire encore une fois de croissance, c’est-à-dire de nihilisme festif et d’érection fébrile du principe de plaisir contre la Loi et le réel, donc d’infantilisme gavé de sa toute-puissance postiche.
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La discrimination, on rougit de le rappeler, est à l'origine, et littéralement, l'action de distinguer des objets de pensée, ou de discerner les choses les unes des antres. Il n'y a donc pas un propos, dans quelque langue que ce soit, il n'y a pas une phrase issue d'une pensée un peu construite, qui ne soit, en son essence, discriminatoire. La parole ne s'énonce que pour distinguer ou différencier. Toute opinion est un tri. Toute remarque, même la plus évasive, commence par écarter ce dont elle ne parle pas et que, par conséquent, elle "discrimine". Au-delà, ou en deçà, de cette verbalisation par laquelle l'être humain adulte se distingue de toutes les autres espèces, s'étend le vaste domaine des borborygmes, gargouillis, onomatopées et autres baragouins. Disons : le parler-bébé. Ou la glossolalie, qui est une verbigération particulière, dépourvue de structures et inintelligible, une salade de mots informe et sonore ne renvoyant à aucune réalité anthropologique, cosmique ou historique.
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Chaque fois que quelque chose ne peut plus être contredit, cette chose devient démence, et notre univers se remplit à toute allure de choses qui ne peuvent plus être contredites parce que tout le monde ou presque croit (ou feint de croire pour avoir la paix) qu’elles relèvent d’une positivité si indiscutable que celle-ci rejoint la notion de l’absolu.
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La liberté de penser a toujours été une sorte de maladie, nous voilà guéris à fond. Ne pas débiter le catéchisme collectif d'emblée est un signe de folie.
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LA GRANDE BATTUE

La chasse est ouverte. Pour les scouts de la bonne pensée, pour le petit peuple des commentateurs, biographes, universitaires, journalistes d'investigation et fabricants de thèses, c'est devenu une occupation à temps complet. Ces gens-là, désapprouvent la chasse réelle, mais ils raffolent du gibier symbolique. Tout homme illustre, entre leurs mains, peut devenir une bête aux abois. Le nouveau monde vertueux des louveteaux de la Vigilance a en horreur les écarts de conduite des individus d'exception. Ils les dénoncent en chaire. Ils les stigmatisent. Ce sont les propagandistes de la nouvelle foi. Mouchardage et cafardage sont leurs deux mamelles.
Chaque jour nous apporte sa brassée de révélations. Tantôt c'est Michel Foucault dont on nous explique l'oeuvre complète à travers sa fréquentation des boites sado-masos californiennes ; tantôt c'est Brecht, qu'on nous montre en tyran répugnant, signant des pièces écrites par ses maîtresses. Et voilà encore Cioran admirateur, dans sa jeunesse, du fascisme roumain ; Graham Greene haineux, pédophile et raciste ; Bruno Bettelheim plagiaire, bourreau d'enfants, menteur, imposant à ses proches les méthodes des camps nazis faute d'avoir pu en surmonter le souvenir. Quant aux frères Lumière, qui devaient orner les nouveaux billets de banque, c'est de justesse qu'on s'est rappelé leur admiration pour Pétain ainsi que les francisques dont ils se laissèrent décorer pendant l'Occupation.
A qui le tour ? Que ne va-t-on encore découvrir ? Que Beethoven tournait autour des pissotières ? Que Stendhal attendait les petites filles à la sortie des écoles ? Que Cervantès a volé le manuscrit de Don Quichotte à sa voisine ? Nous avions déjà eu Marx pourvoyeur de goulags et séducteur de bonnes ; Heidegger nazi jusqu'au bout du Dasein ; Henry Miller érotomane et antisémite ; Picasso et ses épouses martyyres ; Hemingway et son impuissance.
On peut désormais écrire à peu près n'importe quoi sur n'importe qui, à condition que celui dont on parle en ressorte disqualifié, ruiné, ridiculisé. A condition qu'il devienne "une affaire". Un dossier sordide à classer. Un sujet d'enquête d'intérêt général.
Il y a quelques mois, j'ai même entendu, à la télévision, une dame (auteur d'un livre sur les artistes et leurs "muses") déclarer que Balzac ne devait son génie qu'à Mme de Berny. C'est elle, la Dilecta, qui lui avait tout appris. Et d'ailleurs, lorsqu'elle est morte, continuait cette poufiasse, Balzac n'a plus rien fait de bon. Plus rien, en effet. A part César Birotteau, Splendeurs et misères des courtisanes, Le Cabinet des Antiques, La Rabouilleuse, Une ténébreuse affaire, La Cousine Bette, Le Cousin Pons et une bonne cinquantaine d'autres chefs-d'oeuvre.
On n'étudie plus les génies d'autrefois. On ne les admire plus. On les débusques. On les capture. On les fourre à l'autoclave, et on voit ce que ça donne. Et malheur à ceux qui se laissèrent aller, fût-ce sous forme de plaisanterie, à exprimer le moindre soupçon de misogynie, de xénophobie ou de désapprobation du monde tel qu'il va !
Le passé, tout le passé doit être massacré.
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C'est une inondation, Noël, et c'est un éboulement. Les guirlandes sont des muscles démesurés qui s'enroulent et gonflent pour étouffer le peu qui restait de la réalité. Les lumières clignotantes rampent vers les immeubles et les escaladent pour les aveugler. Des éboulis de boules hétéroclites deviennent des giboulées de grêlons impitoyables. Les vitrines se couvrent de mille chiures d'étoiles. Des étages sans fin de fausse joie pétillante s'empilent au-dessus des rues. Il n'y a plus d'autre géographie que celle du cataclysme. Qui peut se vanter d'avoir surpris, à l'aube ou en pleine nuit, les malfaiteurs municipaux grimpés dans leurs nacelles pour accrocher toutes ces décorations terrifiques? Lorsqu'on les aperçoit, il est déjà trop tard. Noël vous saute dessus comme une bête féroce. Chaque façade reçoit ses coups de griffe. Des sapins hystériques fument comme des feux d'enfer. Dans les centres-villes meurtris de sonorisations, il ne reste plus qu'à marcher courbé entre des magasins fardés de neige empoisonnée et remplis de post-humains qui se ressemblent tous parce qu'ils sont habités de la même peur qu'ils camouflent en allégresse.
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le Bien a vraiment tout envahi ; un Bien un peu spécial, évidemment, ce qui complique encore les choses. Une Vertu de mascarade ; ou plutôt, plus justement, ce qui reste de la Vertu quand la virulence du Vice a cessé de l’asticoter. Ce Bien réchauffé, ce Bien en revival que j’évoque est un peu à l’ « Être infiniment bon » de la théologie ce qu’un quartier réhabilité est à un quartier d’autrefois, construit lentement, rassemblé patiemment, au gré des siècles et des hasards ; ou une cochonnerie d’« espace arboré » à de bons vieux arbres normaux, poussés n’importe comment, sans rien demander à personne ; ou encore, si on préfère, une liste de best-sellers de maintenant à l’histoire de la littérature.
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Le problème de notre temps est peut-être la disparition des élites, c’est-à-dire d’une classe qui déduisait de ses privilèges une forme de responsabilité. Aujourd’hui, les élites –celles que Chevènement appelle élites mondialisées- n’ont de cesse de s’affranchir de toute responsabilité.
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Bien entendu, ils ont fait semblant de vomir avec équité les trois « religions du Livre », comme ils disent, mais le plus secret, mais le plus ardent de leur haine était réservée au judéo-christianisme et plus précisément au christianisme, et plus exactement encore au catholicisme.
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Certes, notre époque réserve une petite place aux écrivains. En ce qui concerne la France, ceux-ci, pour être admis, doivent avoir œuvré à l’extension des valeurs du progrès, de la justice, de la transparence et de l’égalité. Ce qui épargne Voltaire, Hugo, Zola, Sartre ou Camus, et personne d’autre ; mais, bien entendu, pas Céline ; et sans doute, à d’autres titres, ni Baudelaire, ni Sade, ni Bossuet, ni Flaubert, ni Bloy, ni Saint-Simon, ni Balzac, ni Proust, ni Claudel, ni Racine, ni Villon, ni Bataille, ni Chateaubriand, ni beaucoup d’autres encore ; et en fin de compte, peut être même pas Voltaire, Hugo, Zola, Sartre ou Camus, dans la tête desquels il sera toujours possible, en cherchant bien, de trouver des poux d’un ordre ou d’un autre, autrement dit ce qu’ils appellent des dérapages.
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(Zola, "Rome", l'abbé Froment au Vatican).
Il aura assisté à des cérémonies monstres. Il se sera senti insulté dans son humanité souffrante par la pompe romaine incendiée de draperies. L'un des traits du ressentiment n'est-il pas d'ailleurs l'impuissance à admirer ? Une inhibition intestinale devant le Beau ? Un engorgement vengeur ? Sans doute, sans doute, nous dit Zola devant toutes ces merveilles, sans doute peut-on trouver cela magnifique. Mais que de sang ! Que d'obscurantisme ! Que d'âges de ténèbres ! Bref, il est incapable de jouir de ce qu'on appelle l'art et qui dévalorise même l'injustice et la misère. Il y a beaucoup trop à faire.
p. 168
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