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Citations de Pierre Brunel (22)


Rimbaud ne se contente pas d'éviter la poésie du cœur.
Il l'attaque de front. Il la liquide même.

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La biographie est une seconde vie conduisant à une autre mort.
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Rimbaud affirme comme méthode poétique et en guise de préalable à toute création qu'il faut faire l'âme monstrueuse.

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C'est aussi l'art d'un ménétrier diabolique qui entraînerait les belles dans un bal des pendus, les fouettant les couvrant de bave et de crachats.
En retour, il les autorise à bafouer ses élans d'autrefois, ses velléités sentimentales passées :
« Piétinez mes vieilles terrines
De sentiment. »
Il entend extirper la dernière moindre parcelle d'une poésie du cœur à laquelle il aurait pu faire quelque concession, de punir les partenaires dérisoires d'autrefois pour châtier le pitre de l'amour.
« Je voudrais vous casser les hanches
D'avoir aimé»
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De ces amis, Rimbaud aussi veut se dégager, dut-il aller pour cela pourrir seul dans l'étang.

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Sans doute est-ce à cause de cette autre désillution que Listz, qu'elle a connu grâce à Musset, n'est pas devenu son amant, alors qu'elle l'admire tant. Elle a même dit qu'elle ne pouvait plus l'aimer que les épinards. Et puis il était éclatant de santé alors qu'il y avait en Musset, rongé par l'alcool, et qu'il y a en Chopin, déjà faible de la poitrine, une grâce à laquelle elle se sent incapable de résister. "Cette femme est un cimetière", a dit méchamment d'elle Jules Sandeau. Cela ne signifie pas seulement qu'elle renvoie vite ses amants pour n'en conserver que le fantôme. Mais elle hume en eux le parfum capiteux de leur mort future. Et Titus Woyciechowski, le cher Titus, l'avait bien compris quand il écrivait : "Ce n'est pas la peine que j'empêche Frédéric Chopin d'aller se faire tuer dans l'insurrection de Varsovie pour qu'il tombe dans les griffes de George Sand. "
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C'est un lieu commun que de rappeler cette prétendue ca­ractéristique des Français : chez eux la critique tourne à l'esprit de critique. Les pages qui suivent montreront qu'il n'en est pas toujours ainsi. Celui-là même dont on fait volontiers le
meilleur représentant de l'esprit français dans ce qu'il a de né­gateur, Voltaire, prenait soin de noter que par le passé, au XVIe et encore au XVIe siècle, « les littérateurs s'occupaient beau­coup dans la critique grammaticale des auteurs grecs et latins ; et c'est à leurs travaux que nous devons les dictionnaires, les
éditions correctes, les commentaires des chefs-d'œuvre de l'Antiquité ». C'était décrire la critique, non comme une entre­prise de démolition à coups de boutoir, mais comme une pa­tiente reconstruction, comme une tâche conservatoire. L'exi­gence majeure restait le discernement.
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La création de l'univers, sujet inimaginable et extraordinaire, échappant aux normes humaines de l'appréhension intellectuelle, s'accompagne d'une problématique de l'imaginaire, dont la principale fonction consiste à rationaliser et visualiser par des images, des récits, des mythes, ce qui est ressenti comme inconcevable, à clarifier ce qui est supposé avoir été l'impétus, la force ou la puissance divine provoquant la naissance et l'ordonnance du cosmos.
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Avouons que la littérature est le véritable conservatoire des mythes. Que saurait-on d'Ulysse sans Homère, d'Antigone sans Sophocle, d'Arjuna sans le Mahabharata?
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Comment peut-on être, et être comparatiste ? Voilà l'ultime question. Soyons donc d'abord le spécialiste fermement enraciné dans un terroir national ; le reste viendra par surcroît. La tour de Montaigne enfonce de solides assises au cœur du vignoble bordelais, mais, du fond de sa librairie, ce voyageur, rentré chez lui, commerçait avec l'humanité entière.
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On devrait se donner pour tâche de reconstituer la bibliothèque idéale de l'écrivain, de définir sa Belesenheit, la totalité de ses lectures et l'importance relative de chacune d'elles.
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Un homme est changé en âne, en oiseau, en poulpe, en pourceau, en cancrelat, en coyote. S'agit-il seulement d'histoires bonnes pour les enfants, ou pour les fous ? - l'assimilation, on le sait, est fréquente...
p. 7
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Le professeur est un assis, attaché à sa chaire, à la chaise de son bureau, pérorant devant des élèves docilement soumis au pupitre.

J'imagine George Izambard comme un professeur actif, dynamique, ouvert, dont l'enseignement devait éviter d'être purement magistral.
Mais la pédagogie de l'époque était trop figée pour qu'il put prendre de grandes libertés ...

Il fut exceptionnel par la confiance et l'intérêt qu'il manifesta à Rimbaud, par l'autorisation qu'il lui donna de pénétrer dans sa chambre en son absence, par la promptitude de sa réaction quand il apprit qu'il était emprisonné à Mazas, par la générosité dont il fit preuve en l'accueillant dans ce qui était bien sa maison familiale à Douai.

A cette confiance, Rimbaud répondit par une confiance analogue, et en sachant rester à sa place d'élève.

A défaut de sentiment véritable, c'est elle qui s'exprime à travers les lettres qu'il adressa à son professeur et guide tout au long de l'année 1870.
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Il résulte de ces constatations que le mythe no parvient tout enrobé de littérature et qu'il est déjà, qu'on le veuille ou non, littéraire.
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La Chanson de Roland

Intégralement conservée, elle chante les exploits du paladin Roland, "neveu" -c'est à dire, en fait "proche" sans connotation familiale - de Charlemagne, qui, par la trahison de l'infâme Ganelon, se retrouve seul avec trois sans hommes, à l'arrière-garde de l'armée, aux prises avec les cinq cent mille Sarrasins du roi Marsile. Que, dans la réalité, Roland et ses compagnons aient été défaits par des bergers basques offusqués de voir une armée passer sur leur territoire ne change rien à la finalité de la chanson (....)
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Comme par un jeu de mots involontaire, les lettres de l’alphabet entrent en concurrence dans le texte d’Aurélia avec les lettres au sens épistolaire du terme, certaines de ces lettres étant également égyptiennes, c’est-à-dire écrites en Égypte : « Avec quelles délices j’ai pu classer dans mes tiroirs l’amas de mes notes et de mes correspondances intimes ou publiques, obscures ou illustres, comme les a faites le hasard des rencontres ou des pays lointains que j’ai parcourus. Dans des rouleaux mieux enveloppés que les autres, je retrouve des lettres arabes, des reliques du Caire et de Stamboul. Ô bonheur ! ô tristesse mortelle ! ces caractères jaunis, ces brouillons effacés, ces lettres à demi froissées, c’est le trésor de mon seul amour… Relisons… Bien des lettres manquent, bien d’autres sont déchirées ou raturées ; voici ce que je retrouve » (II, 6). Cette annonce est suivie d’une ligne de points et d’une apparente lacune qui a troublé les premiers éditeurs, les commentateurs d’hier et d’aujourd’hui. Théophile Gautier et Arsène Housaye avaient même essayé de la combler à l’aide des Lettres à Aurélia. Mais le mouvement du texte parle de lui-même. Du passé eurydicéen Nerval-Orphée croit retrouver quelque chose, et voici que ce quelque chose lui échappe. C’est le mouvement même du jam que j’ai indiqué plus haut.

14Enfin, sans doute serait-il prématuré de voir dans Aurélia l’application du principe mallarméen selon lequel le texte est l’expansion de la lettre. Mais du moins peut-on affirmer que le nom perdu est à l’origine même de la nouvelle, comme le suggère encore la phrase citée : « Une dame que j’avais aimée longtemps et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi » (I, 1). L’utilisation du pseudonyme, dût-il devenir le titre lui-même, est à mettre en parallèle et avec Eurydice perdue et avec la lettre perdue. Et peut-être le titre ne veut-il rien dire d’autre que cette perte.

15Qu’est-ce qui rayonne donc dans Aurélia ? Orphée ? Eurydice ? Je dirais plutôt une absence et une absence de nom déjà indiquée par le titre lui-même. La distance qui existe dans le nom même d’Eurydice (eurus signifie large) est celle de la disparition, de la mort. Elle est aussi pour l’écrivain celle de l’insaisissable. Si Orphée est nommé dans El Desdichado, Eurydice ne l’est pas : elle est tout au plus désignée comme « la sainte » dont le poète essaie de retrouver les soupirs, comme « la fée » dont il tente d’imiter les cris. Si cette mimèsis aboutissait à une véritable poièsis, si Eurydice perdue était cette fois retrouvée, elle ne serait retrouvée que dans son évanescence même : « Eurydice ! Eurydice ! » Si elle rayonne, elle ne peut rayonner que d’un « soleil noir ». Pour montrer cette force d’irradiation du mythe d’Orphée dans Aurélia, le mieux est sans doute de resserrer le rapprochement entre le premier sonnet des Chimères et la nouvelle.

16« Le ténébreux », le rêveur ont besoin d’un guide pour retrouver la lumière. Ce guide est une étoile, celle dont parle le « Dernier feuillet » de Sylvie chargé de dire, comme la fable d’Orphée et d’Eurydice, la fin de l’idylle :

Ermenonville ! pays où fleurissait encore l’idylle antique — traduite une seconde fois d’après Gessner ! — tu as perdu ta seule étoile, qui chatoyait pour moi d’un double éclat. Tour à tour bleu et rose comme l’astre trompeur d’Aldebaran, c’était Adrienne ou Sylvie, c’étaient les deux moitiés d’un seul amour. L’une était l’idéal, l’autre la douce réalité.

17Dans El Desdichado, cette étoile est morte. Dans Aurélia l’étoile, cherchée dans le ciel et retrouvée (I, 2), est liée à la mort, soit qu’elle y contribue, soit qu’elle y prépare. Dans la seconde partie, la nuit va s’épaississant et l’extinction de toutes les étoiles va permettre au soleil noir de rayonner.

Arrivé sur la place de la Concorde, ma pensée était de me détruire. À plusieurs reprises, je me dirigeai vers la Seine, mais quelque chose m’empêchait d’accomplir mon dessein. Les étoiles brillaient dans le firmament. Tout à coup il me sembla qu’elles venaient de s’éteindre à la fois comme les bougies que j’avais vues à l’église. Je crus que les temps étaient accomplis, et que nous touchions à la fin du monde annoncée dans l’Apocalypse de saint Jean. Je croyais voir un soleil noir dans le ciel désert et un globe rouge de sang au-dessus des Tuileries. Je me dis : « La nuit éternelle commence, et elle va être terrible. Que va-t-il arriver quand les hommes s’apercevront qu’il n’y a plus de soleil ? » (II, 4).

18On a souvent dit que l’oxymore du soleil noir venait du Romantisme allemand, d’un rêve de Jean-Paul en particulier. Mais il faut rappeler qu’il a toujours été le soleil inverse dans le monde infernal, le négatif du nôtre : chez Dante, chez Milton, et encore chez Hugo (« Un affreux soleil noir d’où rayonne la nuit »).

19Voici encore un paysage sans soleil (Sans soleil, ce sera le titre d’un cycle de mélodies de Moussorgski, particulièrement désolé). C’est dans le chapitre 6 de la première partie, l’épisode des trois femmes, j’allais dire les trois fileuses, car elles sont à la fois les trois Dames de la nuit dans La Flûte enchantée (ou dans Les Mystères d’Isis) et les trois Parques. L’une d’elles se lève et se dirige vers le jardin :

Chacun sait que, dans les rêves, on ne voit jamais le soleil, bien qu’on ait souvent la perception d’une clarté beaucoup plus vive. Les objets et les corps sont lumineux par eux-mêmes. Je me vis dans un petit parc où se prolongeaient des treilles en berceaux chargés de lourdes grappes de raisins blancs et noirs […].

20Le rapprochement s’impose avec le vers de El Desdichado « Et la treille où le pampre à la vigne s’allie ». Mais il s’agissait alors d’un lumineux paradis perdu, éclairé d’un soleil noir parce qu’il fut lumineux et qu’il est aujourd’hui disparu. On songe à la maison de Sylvie (« Je revois sa fenêtre où le pampre s’enlace au rosier », chap. III). Le rêve ne se nourrit de regret que pour composer un anti-paysage. Cette nostalgie devancée, et parfois exprimée par les morts eux-mêmes (dans le chant XI de l’Odyssée) est à l’origine du Hadès et de ses variantes latines, peut-être mieux connues de Nerval et plus souvent invoquées par lui.

21Ce n’est donc pas un hasard si, dès l’ouverture d’Aurélia, Nerval établit une manière d’équivalence entre les Enfers antiques et le rêve, avec la célèbre référence au chant VI de l’Énéide. Les « portes d’ivoire et de corne » sont les « deux portes du Sommeil, l’une (celle) de corne, par où une issue facile est donnée aux ombres véritables ; l’autre, d’un art achevé, resplendit d’un ivoire éblouissant, c’est par là cependant que les Mânes envoient vers le ciel l’illusion des songes de la nuit ». Défini comme cheminement dans un « souterrain vague », l’itinéraire onirique est la variante moderne de la descente aux enfers présentée, dans la dernière ligne du texte, comme le modèle de la « série d’épreuves » que le rêveur dit avoir « traversées ».
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Autour de ce mot « perdue » va s’organiser la rêverie de Nerval sur le mythe d’Orphée dans Aurélia. Et c’est probablement parce que cet adjectif tend à se substituer au nom d’Eurydice dans le texte que le mythe y fait preuve de cette flexibilité qui est la garantie d’une création forte.

8Elle se manifeste d’abord dans le chapitre V de la première partie, et le fait est d’autant plus remarquable que c’est le chapitre même de la flexibilité — la flexibilité du rêve, grand maître en métamorphoses. Ce chapitre commence par « Tout changeait de forme autour de moi ». La rêverie a pris un élan ascensionnel, propre à donner le vertige au rêveur lui-même. Le narrateur a l’impression que son interlocuteur a changé d’aspect. Le paysage champêtre de la Flandre est devenu un paysage urbain, avec des rues sans fin, des amoncellements de constructions qui prennent des allures de montagnes ou de strates (et c’est encore une métamorphose). Le rêveur voit grouiller une population de femmes, d’enfants et de jeunes gens aux vêtements blancs qui peuvent apparaître tout aussi bien comme teints de couleurs vives, quand le guide le veut. Mais, au moment même où il s’enchante de leur présence, ces êtres charmants disparaissent. Le mouvement rappelle celui de la deuxième disparition d’Eurydice chez Virgile (neque ilium prensantem nequiquam umbras) et le jam ovidéen, au livre X des Métamorphoses (Supremumque « vale », quod jam vix auribus ille / Acciperet, dixit, revolutaque rursus eodem est) :

En vain, femmes et enfants se pressaient autour de moi pour me retenir. Déjà leurs formes ravissantes se fondaient en vapeurs confuses ; ces beaux visages pâlissaient, et ces traits accentués, ces yeux étincelants se perdaient dans une ombre où luisait encore le dernier éclair du sourire.

9Car c’est bien Eurydice qui est perdue, ou Aurélia. La première mort d’Eurydice, dans le mythe, a quelque chose de mystérieux qui accordait au poète déjà une marge d’invention. Ovide laissait pressentir que le mariage d’Orphée et d’Eurydice n’avait pas été approuvé par Hyménée : le livre X des Métamorphoses s’ouvrait sur la fuite d’Hyménée, couvert de son manteau de safran. Les rites sonnaient faux, et l’on devinait, lors même de la cérémonie, qu’une catastrophe était près de s’abattre. De même, la mort d’Aurélia intervient dans un climat de dissensions qui ne laissait rien augurer de bon. Avant même d’être morte, Aurélia était déjà perdue (I, 1 : « Une dame que j’avais aimée longtemps et que j’appellerai du nom d’Aurélia, était perdue pour moi. »)

10On a pu imaginer des torts de part et d’autre. Les librettistes d’Offenbach s’en sont donné à cœur joie : Orphée est trop préoccupé de son orphéon de Thèbes et de son insupportable concerto pour violon ; Eurydice le trompe avec Aristée. Dans Aurélia, le rêveur se dit « coupable d’une faute » qui est à l’origine même de cette perte et, n’espérant plus être pardonné, il s’est lancé dans une vie de dissipations qui n’a fait qu’aggraver sa faute. Il s’est même rendu coupable d’un amour nouveau, qui n’était qu’une autre trahison à l’égard d’Aurélia. Le retour en grâce obtenu par l’intermédiaire de cette « dame » se produit dans un climat où l’obsession de la mort prochaine d’Aurélia ne cesse de s’alourdir : une coïncidence numérique, un rêve où apparaît la Mélancolie de Dürer, un buste de femme gisant sur le sol suffisent à préparer la terrible nouvelle qui éclate dans le chapitre VII de la première partie : « Aurélia était morte. » Nerval ajoute alors au mythe, soit qu’il suive les suggestions de l’abbé Terrasson dans Séthos, soit qu’il cède à la pente des épisodes : Aurélia est ensevelie dans un tombeau, dans un cimetière où le rêveur recherche en vain sa tombe (1, 9). Même le rêve ne lui permet pas de retrouver son image perdue, à tel point qu’il redoute de s’être laissé dérober et Aurélia et son image. Au moment où, pour conjurer le rival ou les rivaux, il lève le bras « pour faire un signe qui (lui) semblait avoir une puissance magique », le cri d’Aurélia se fait entendre, cri d’une Eurydice cette fois définitivement perdue (I, 10).

11Dans la seconde partie de la nouvelle, l’épithète « perdu » va venir affecter un autre mot. Il va prendre une importance considérable : La lettre perdue (II, 1). Trois remarques s’imposent.

12D’abord, tout se passe comme si Nerval remontait plus haut dans le mythe d’Orphée. Il est bien connu que l’histoire d’Orphée et d’Eurydice n’est qu’un épisode tardif, qui porte la marque du génie de Virgile même si, comme l’a montré Jacques Heurgon, le poète des Géorgiques n’en est pas à proprement parler l’inventeur. En revanche, à une date très ancienne, Orphée l’Égyptien est associé à l’invention des lettres de l’alphabet (Hérodote, Platon se font l’écho de cette tradition). L’occultisme s’en est emparé. Or Nerval reprend cette tradition dans la seconde partie d’Aurélia. Mais les livres de cabbale eux-mêmes le laissent insatisfait : « Toutefois, me disais-je, il est sûr que ces sciences sont mélangées d’erreurs humaines. L’alphabet magique, l’hiéroglyphe mystérieux ne nous arrivent qu’incomplets et faussés soit par le temps, soit par ceux là mêmes qui ont intérêt à notre ignorance ; retrouvons la lettre perdue ou le signe effacé, recomposons la gamme dissonante, et nous prendrons force dans le monde des esprits » (II, 1). Ainsi se manifeste ce qu’on pourrait appeler une seconde ambition orphique dans Aurélia. Elle occupe la seconde partie de la nouvelle mais, à dire vrai, elle donnait son sens déjà à l’irrésistible mouvement du voyage vers l’Orient qui se manifestait dès la première partie.
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Après les savantes études de Jean Richer (Expérience et création, Hachette, 1963, en particulier p. 512 et suiv., « Le nouvel Orphée aux enfers ») et de Brian Juden (Traditions orphiques et tendances mystiques dans le Romantisme français (1800-1855), Klincksieck, 1971, en particulier ve partie, chap. VI, « Les flèches de la lumière. — Gérard de Nerval »), après les suggestions de Charles Baudoin (« Gérard de Nerval ou le nouvel Orphée », dans Psyché, janvier 1947) et de Gérald Schaeffer (dans Le Voyage en Orient de Nerval. Étude de structure, Neuchâtel, à La Baconnière, 1967), j’hésite à aborder un sujet qui peut passer pour rebattu. Je le fais sans le moindre esprit de compétition, et plus pour éprouver une méthode que dans l’espoir d’enrichir l’érudition nervalienne, déjà si considérable. Aurélia permet de partir d’un affleurement mythique, d’épouser les modifications du mythe dans l’infinie flexibilité que lui assure le texte littéraire, d’être sensible à un rayonnement qui reste essentiellement celui du mythe lui-même.

1 Op. cit., p. 656.
2Aurélia ne contient qu’une allusion explicite au mythe d’Orphée. Comme le dit justement Brian Juden, « dans la structure de l’ouvrage, c’est le seul point de repère réel — ajouté peut-être après la rédaction — qui suggère la comparaison avec le malheur d’Orphée1 ». Cet affleurement mythique correspond à l’épigraphe de la seconde partie : « Eurydice ! Eurydice ! » Sa présence est évidente, si évidente même à cette place qu’on pourrait être découragé d’entreprendre une étude qui risque fort de devenir tautologique. Je voudrais pourtant faire trois remarques.

3Tout d’abord, cette épigraphe ne correspond pas à un emprunt précis. Aussi bien Nerval ne s’est-il pas senti tenu de mettre un nom d’auteur, comme le fait à satiété Aloysius Bertrand dans Gaspard de la nuit, ou un nom d’œuvre, comme il le fait lui-même en tête des Petits châteaux de Bohême (« Pastor fido »), ou de La Pandora (« Faust »).

2 Ibid., p. 659.
4On peut pourtant penser plus particulièrement à l’appel redoublé que lance Orphée vers Eurydice dans l’opéra de Gluck. C’est l’appel initial scandé par les interventions du chœur, ou, après la seconde disparition, l’air fameux J’ai perdu mon Eurydice, « devenu pour l’époque, symbolique du premier frisson de l’âme romantique, et pour Nerval, l’expression même de l’amour évanoui2 ». Nerval se réfère plusieurs fois au livret de Pierre-Louis Molines, et il ne peut pas ne pas connaître cette aria, souvent isolée dans les récitals des mezzos ou des ténors. Aurélia prend donc une tournure « opéradique ». Le chant s’y trouve introduit, rappelant celui d’Adrienne dans Sylvie, sa « voix fraîche et pénétrante, légèrement voilée comme celle des filles de ce pays brumeux » : gagnant en force et en étendue, elle se transformait et faisait passer du chant populaire au chant italien. Sylvie, elle aussi, se mettait à chanter des airs d’opéra, à moduler, à phraser. Et déjà dans cette nouvelle, Aurélie était l’actrice, comme l’est Aurélia.

3 IV, 499-500 « […] ex oculis subito, ceu fumus in auras commixtus tenuis, Jugit diversa. »
5Sans même avoir recours à l’opéra, on doit songer au phénomène de l’écho. L’appel d’Orphée se perd dans un écho moins moqueur que tragique : le nom de l’être aimé s’éloigne en même temps que l’être aimé lui-même, cette fumée qui s’évanouit, dit Virgile dans les Géorgiques3. Or « Eurydice ! Eurydice ! » est inscrit au début de la seconde partie d’Aurélia, et, comme dans le mythe, au moment de la deuxième disparition d’Eurydice :

Une seconde fois perdue !
Tout est fini, tout est passé !

6Comme dans le mythe d’Orphée, Aurélia est deux fois perdue. Le chapitre VII de la première partie a apporté la nouvelle de la première disparition tardivement apprise (« Je ne le sus que plus tard, Aurélia était morte »). Le chapitre I de la seconde partie confirme la signification du cri qui a été entendu à la fin de la première partie, et où le narrateur avait cru reconnaître « la voix et l’accent d’Aurélia ».
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Le miracle de la Lyre, tel que nous le présente la fin du texte de Segalen, c’est le triomphe du Chant sur ce qui n’a été et n’a voulu être qu’un instrument. Debussy aurait donc dû écrire une dernière page, ou une dernière ligne, qu’on imagine monodique, sans accompagnement. Or, c’est peut-être l’inverse qui s’est produit. Je voudrais présenter ce qui n’est sans doute qu’une hypothèse, mais devrait déranger l’idée reçue d’un Claude Debussy qui, à la fin de sa vie, serait devenu Claude de France. L’inspiration antique est singulièrement présente dans ses dernières œuvres, par exemple dans les Six épigraphes antiques (pour deux pianos ou pour piano à quatre mains) de 1914, ou dans l’énigmatique Syrinx pour flûte seule de 1912. Ces pages ont été écrites au cours des années qui auraient dû être celles de la composition d’Orphée-roi. Et à défaut d’une Phorminx absente, il existe cette Sonate pour flûte, alto et harpe, de septembre-octobre 1915, où il flirte une fois encore avec le mode lydien et qui n’est pas l’aimable divertissement à la française qu’on imagine quelquefois. Lui-même la ressentait comme « affreusement mélancolique », et il ajoutait : « Je ne sais pas si l’on doit en rire ou en pleurer, peut-être les deux. »

30Cette Sonate s’ouvre sur une « Pastorale », donc dans un paysage orphique traditionnel dont il restait quelque chose chez Segalen (le fleuve, le bois plein de rumeurs), même si ses hommes frustes, vêtus de peaux de bêtes, n’avaient pas la douceur des bergers d’Arcadie. Elle se continue par un « Interlude » qui retient d’autant plus l’attention que ce titre apparaît à la fin de l’Acte IV d’Orphée-roi pour un passage auquel Debussy accordait une importance extrême : au sortir de l’antre ténébreux, ce devait être une « fuite vers la lumière », une évanescence plutôt. Et dans le « Finale », le jeu concertant de l’alto et de la flûte, les appels éperdus de celle-ci ne seraient rien sans le grand enveloppement sonore de la harpe — j’allais dire de la lyre.

31Phorminx, cette œuvre existe d’ailleurs peut-être. C’est l’hommage que Manuel de Falla rendit au compositeur en 1920, l’Hommage pour le tombeau de Claude Debussy, qui est écrit pour la guitare seule et où une citation pourtant permettait d’entendre encore une fois l’une de ces « voix chères qui se sont tues ».

NOTES
1 Voir mon article dans la Revue de littérature comparée, juillet-septembre 1987, p. 359-368.

2 Segalen et Debussy, textes recueillis et présentés par Annie Joly-Segalen et André Schaeffner, Correspondance, Entretiens, texte d’Orphée-roi, Éd. du Rocher, 1962, p. 265.

3 Ibid., p. 277.

4 Ibid., p. 246.

5 Entretien avec Ernest Guiraud, cité dans Jean Barraqué, Claude Debussy, Éd. du Seuil, coll. « Solfèges », 1962.

6 Note du manuscrit du 27 août 1907.

7 Lettre à Segalen.

8 Éd. cit., p. 225.

9 On songe à une autre évocation du chaos, Barbare de Rimbaud, dans les Illuminations, et à « la voix féminine arrivée au fond des volcans et des grottes arctiques ».

10 Rhodopeius vates, appellation d’Orphée dans Ovide, Métamorphoses, X, v. 11-12.

11 Orphée-roi, p. 226.

12 Segalen reconnaît qu’il a voulu « faire d’Orphée ce que Nietzsche a fait de Zarathoustra : sien » (notes du premier manuscrit d’Orphée. Les Origines, 27 août 1907).

13 Voir Ainsi parlait Zarathoustra, début de la troisième partie, « Le Voyageur » : « Tout en marchant vers le sommet de la montagne, Zarathoustra songea aux nombreux voyages solitaires qu’il avait accomplis depuis sa jeunesse et à toutes les montagnes, crêtes et sommets qu’il avait déjà franchis. »

14 Prologue, § 1 : « Lorsque Zarathoustra eut atteint l’âge de trente ans, il quitta son pays natal et le lac de son pays natal et s’en alla dans la montagne. Là il jouit de son esprit et de sa solitude et durant dix ans ne s’en lassa pas. Mais enfin son cœur se transforma — et un matin il se leva avant l’aube, se plaça devant le soleil et lui parla ainsi. »

15 Voir par exemple Le Nocturne ou Le Chant funèbre, dans la seconde partie, où à Ainsi parlait Zarathoustra se substitue Ainsi chantait Zarathoustra.

16 Les Grands initiés. Esquisse de l’histoire secrète des religions, rééd. Librairie académique Perrin, 1960 ; Le Livre de poche, no 1613-1614-1615, p. 269-270.

17 Orphée-roi, p. 247.

18 Orphée-roi, p. 258.

19 Ibid., p. 246 : « Il s’en vient vers moi quelque chose d’ignoré, d’inouï. »

20 Ibid., p. 273.

21 Ibid., p. 291.

22 Ibid., p. 294.

23 C’est un thème important de la pièce. La voix d’Orphée a besoin de son complément féminin pour atteindre sa perfection.

24 Orphée-roi, p. 309.

25 Ibid., loc. cit.

26 Les Grands Initiés, éd. cit., p. 309 et suiv.

27 Orphée-roi, p. 327.

28 Éd. cit., p. 330 n.

29 Ibid., p. 335 n.

30 Voir dans les fragments poétiques posthumes de 1888 (dans Dithyrambes de Dionysos, Gallimard, 1974, p. 174-175, le fragment Wirf dein Schweres in die Tiefe).

31 Voir Le signe à la fin de Ainsi parlait Zarathoustra.

32 . XI, 51-53 ; trad. Joseph Chamonard, Garnier, 1953, t. II, p. 179.

33 Les Grands Initiés, éd. cit., p. 314.

34 C’est Debussy qui a orienté Segalen vers Gustave Moreau. Segalen a visité le musée Gustave Moreau et il a même projeté d’écrire une étude sur le peintre. Moreau a représenté plusieurs fois Orphée (Orphée, 1865 ; Jeune fille thrace portant la tête d’Orphée, 1865-1866 ; La Douleur d’Orphée, 1887 ; Orphée sur la tombe d’Eurydice, 1890-1891, etc.).

35 Orphée-roi, p. 339.

36 Ibid., p. 341.
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L’acte IV correspond à la traditionnelle descente dans l’Hadès (c’était l’acte IV, Negromantico dans le premier Orphée théâtral connu, la Fabula di Orfeo d’Ange Politien, publiée pour la première fois en 1494). Là encore, Segalen a profondément modifié l’épisode, sans être toutefois aussi directement original que pour la mort d’Eurydice. Il se souvient visiblement et de Schuré et de Nietzsche ou plutôt, une fois encore, il retrouve Nietzsche par l’intermédiaire de Schuré. L’action se déroule dans un « profond hypogée », et le titre de cet Acte IV précise : « Le Temple sous terre et l’antre. » « On entend un bruissement allègre de la lyre »24, comme à l’acte II de l’Orphée de Gluck quand le héros pénètre dans le royaume des ombres. Orphée vient rechercher Eurydice perdue : « Il veut descendre ici-bas pour la réclamer à la terre », commente le Vieillard-Citharède25. Du plus profond de l’antre on voit naître une Forme voilée. Ce n’est qu’une fausse Eurydice, une Ménade déguisée qui, après avoir été jalouse de la fille du Citharède, veut se venger. L’idée vient des Grands Initiés, de l’antre où Aglaonice, la prêtresse d’Hécate et l’amante d’Eurydice26, épie l’hiérophante objet de sa haine. Cet antre plein de vapeurs méphitiques rappelle moins le traditionnel antre de Trophonios que la caverne de Zarathoustra, celle d’où il doit sortir, à la fin du livre, pour aller vers la force et le soleil.

27 Orphée-roi, p. 327.
19La Ménade en transe se jette sur Orphée, cherche à l’enlacer. Orphée dresse sa lyre comme une arme pour se défendre, puis « d’un sursaut fulgurant, il déchire le réseau de la Lyre ; et le crèvement des cordes et leurs cinglements trament l’Antre, / (qui se fend comme un fruit) de rayons faisant au plus profond de l’épaisseur une échappée radieuse, / par où, d’un seul bond, s’évade et disparaît orphée. / Puis tout l’Antre retombe, écrasant la ménade / avec un obscur fracas. / Les ténèbres referment leur Rideau27 ». Segalen avait déjà utilisé cette idée pour sa nouvelle Dans un monde sonore, et dans un climat de misogynie vaguement analogue. Orphée, déçu par Eurydice, s’apprêtait à fuir sans elle les Enfers :

D’un coup de voix, il déchira la trame de sa lyre : la corne ployée le frappa
dans la poitrine, et les fils, en cassant, mordirent ses poignets et ses ongles.

28 Éd. cit., p. 330 n.
20La lyre est donc à la fois l’instrument et le symbole de la force d’Orphée : très tôt, elle est apparue comme son sceptre (car il était roi bien avant d’être roi des hommes) ; elle gronde comme la foudre ; elle a la lumière de l’éclair. Sa destruction, nécessaire pour qu’éclate le cachot infernal, n’est que temporaire. Quand, dans l’Acte V, Orphée regagne la Montagne et les airs sonores, la lyre doit avoir « repris ses cordes » : c’est une exigence de Debussy, clairement notée en marge du manuscrit28, comme s’il n’était plus possible de poursuivre l’évocation de l’aventure d’Orphée sans la musique instrumentale, donc sans que soit complet le « monde sonore ».

21Cette résurrection indique déjà que l’Acte V sera plus que jamais celui du miracle de la Lyre. Dans l’Acte I, que ce dernier acte redouble à bien des égards, la Lyre manifestait quand Orphée proférait son nom. Maintenant elle manifeste quand il profère celui d’Eurydice, quand il lance ce nouvel appel qui importe bien plus que la quête ténébreuse de l’Acte IV. Le texte initial, que Debussy a trouvé « joli, très joli », est plus net à cet égard que celui qui a été définitivement retenu :

29 Ibid., p. 335 n.
orphée
sans répondre, effleure les cordes de sa lyre qui s’éveille et aussitôt des milliers de petites voix bruissent et murmurent avec douceur… partout dans l’air… au bout des arbres… dans les feuilles qui tournoient… une cascade qui frémit… et un mot surgit de tout cela comme une source vive aux milliers de racines
Eurydice !
Et l’éveil de la lyre a gagné la montagne qui s’extasie doucement sur ce nom29.

30 Voir dans les fragments poétiques posthumes de 1888 (dans Dithyrambes de Dionysos, Gallimard, 1974 (...)
31 Voir Le signe à la fin de Ainsi parlait Zarathoustra.
22C’est donc une symphonie cosmique et une symphonie orphique à la fois qui naît de la lyre, instrument définitif d’une célébration de la femme aimée, après les doutes de l’Acte IV. Eurydice ressuscite dans le monde, dans toutes les composantes de la mélodie de l’univers, au moment où Orphée tient « sa Lyre ressuscitée dans les bras ». Là où le retour en arrière a échoué30, le grand oui l’emporte, essentiel chez Nietzsche à la pensée de midi31.

23Segalen ne peut pourtant éluder la mort d’Orphée, victime des Ménades en furie. Cette représentation traditionnelle ne doit rien cette fois au dionysiaque nietzschéen. Mais Segalen concilie la version d’Ovide et celle, plus récente, de Schuré. Dans le Livre XI des Métamorphoses, le fleuve Hèbre reçoit la tête d’Orphée, détachée de son tronc, et sa lyre. Alors se produit ce qu’Ovide déjà considère comme un miracle (mirum ! est en incise au vers 51) :

[…] medio dum labitur amne
Flebile nescio quid queritur lyra, flebile lingua
Murmurat exanimis, respondent flebile ripae.

32 . XI, 51-53 ; trad. Joseph Chamonard, Garnier, 1953, t. II, p. 179.
24et sa lyre, tandis qu’elle est emportée au milieu de ton fleuve, cette lyre plaintivement fait entendre je ne sais quels reproches, plaintivement la langue privée de sentiment murmure, plaintivement répondent les rives32.

25Au miracle de la lyre se substitue dans Les Grands Initiés le miracle de la tête :

33 Les Grands Initiés, éd. cit., p. 314.
[…] il expira. Penchée sur son cadavre, la magicienne de Thessalie, dont le visage ressemblait maintenant à celui de Tisiphône, épiait avec une joie sauvage le dernier souffle du prophète et s’apprêtait à tirer un oracle de sa victime. Mais quel fut l’effroi de la Thessalienne, en voyant cette tête cadavéreuse se ranimer à la lueur flottante de la torche, une pâle rougeur se répandre sur le visage du mort, ses yeux se rouvrir tout grands et un regard profond, doux et terrible se fixer sur elle… tandis qu’une voix étrange — la voix d’Orphée — s’échappait une fois encore de ces lèvres frémissantes pour prononcer distinctement ces trois syllabes mélodieuses et vengeresses : Eurydice33 !

34 C’est Debussy qui a orienté Segalen vers Gustave Moreau. Segalen a visité le musée Gustave Moreau (...)
26Segalen, se rappelant sans doute le tableau de Gustave Moreau, Jeune fille thrace portant la tête d’Orphée, a imaginé la réunion de la tête et de la lyre. La fusion s’est opérée dans l’instant qui a précédé immédiatement l’agression des Ménades34.

35 Orphée-roi, p. 339.
orphée
élève lentement sa Lyre comme un bouclier devant sa face…
Et le masque sonnant, peu à peu se substitue à son visage humain35.

27Aussi ce qui s’élève au-dessus de l’abîme, après la mort d’Orphée et la mort du Vieillard-Citharède, est cette tête-lyre, « intacte, mortelle à tous, bienfaisante, irréelle, harmonieuse ». Ce mouvement ascensionnel, fréquent dans l’œuvre de Gustave Moreau, s’accompagne d’une interrogation qui a dû être celle de Debussy : est-ce la lyre qui joue, est-ce la tête qui chante ? À cette question le texte de Segalen répond : « dans cette ascension fulgurante » (comme l’était la lyre elle-même) le Chant s’affirme, et c’est

36 Ibid., p. 341.
la voix première d’orphée
— dominant de son épiphanie le sol lourd, les bois et les roches, les jeux, les amours et les cris, et se haussant, triomphante, — qui règne au plus haut des
cieux chantants36.

28On ne passe plus de la Voix à la Lyre, comme dans le prélude, mais de la Lyre à la Voix, pour être réintroduit là où se trouve Orphée, dans l’Ailleurs de l’Exote, dans le monde sonore du Musicien, dans le silence d’où vient et où rentre l’œuvre.
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