Napoléon III et la campagne d'Italie (1859) Second Empire. Le choc de Solferino. Au cur de l'histoire sur Europe 1 de Franck Ferrand avec Pierre Pellissier (historien), Jacques-Olivier Boudon (historien) et Roger Durand (associatif). 09.04.2012.
Stavisky savait trouver des appuis, sans trop de difficulté. Il apparaîtra au cours de l'enquête, après les perquisitions dans ses bureaux de la place Saint-Georges, puis dans la suite louée au Claridge, que rares sont les hommes politiques ayant repoussé ses avances. Daladier est une exception, il avait répondu à une invitation de Stavisky : " Je ne dîne pas avec les escrocs."
José Lupin lui a aussi appris, dès son retour de captivité, l'existence d'une liste "Otto", c'est-à-dire l'énumération de tous les livres français dont la vente est désormais interdite...et sur la liste Otto, il y a "Les Dictateurs" de Jacques Bainville, un ouvrage qui doit beaucoup à Rebatet et surtout à Brasillach, dont le chapitre sur Hitler n'est sûrement pas étranger à l'interdiction. Il n'empêche que Karl Epting attirera, à l'Institut allemand, pratiquement tous les écrivains français et qu'il aidera à la parution d'ouvrages dont les auteurs se sont parfaitement accommodés de ce patronage : Choix de poèmes, d'Eluard, Crève-cœur, de Louis Aragon, Mille regrets et Cheval blanc d'Elsa Triolet.
En France, pourtant, il se trouve des hommes pour envisager l'effondrement définitif du nazisme. Et pour l'écrire. Léon Blum ne perd pas un instant pour crier "victoire" ; il ne tourne pas sept fois sa plume dans son encrier avant de rédiger l'éditorial du Populaire daté des 8 et 9 novembre 1932 : "Hitler est désormais exclu du pouvoir. Il est même exclu si je puis dire de l'espérance du pouvoir. Non seulement le racisme ne peut plus emporter le pouvoir, mais il ne peut même plus le partager."
André Maurois, dont Climat est le grand succès de librairie du moment, accepte. Colette aussi, que Brasillach est allé chercher chez elle : " Asseyez-vous où vous voulez, lui avait-elle dit, mais pas sur mes chats." Maurois et Colette viennent de découvrir un moyen original d'arrondir leurs droits d'auteurs : ils posent pour la publicité d'une marque de cigarettes à paraître dans la presse quotidienne ; comme le chanteur Georges Thill et l'acteur Douglas Fairbanks.
Une petite moquerie pour André Gide publiant "Retouches à mon retour d'U.R.S.S", cela après une adhésion au communisme déjà renié dans "Retour d'U.R.S.S"...
Toutes ces pirouettes paraissent bien légère à Brasillach, qui a toujours trouvé exorbitante l'influence de Gide et qui s'inquiète pour ceux qui l'ont suivi dans ses conversions et reconversions...
Brasillach le connaît et l'apprécie, mais sa Gerbe des forces lui déplaît souverainement. Il lui semblent qu'Alphonse de Châteaubriant cède trop volontiers au chant des sirènes du nazisme : "...l'ardeur des cérémonies nocturnes, des fêtes de Walpurgis, tout cela se trouve dans la poésie hitlérienne. Et je serai le dernier à nier que tout cela ait un charme, au sens exact du terme. Mais le propre de l'homme est de savoir résister aux charmes."
Pour Brasillach, Châteaubriant a le tort d'ignorer tout ce qui pourrait le gêner dans l'Allemagne de Hitler ; il en est arrivé aux relations esclaves-maître : "Ce livre est l'exemple le plus effrayant que nous connaissons d'une démission de l'intelligence. " Charles Maurras, le germanophobe, avait déjà excommunié, pour ce livre, Alphonse de Châteaubriant le germanophile.
Leurs dépenses, outre les places au poulailler des théâtres, se comptent seulement en livres, cafés ou bières dans les brasseries du boulevard Saint-Michel ; quelques dîners bon marché au K'nam, un restaurant russe de la rue Royer-Collard ; à la Chope latine, en haut du boulevard Saint-Michel, ou aux Yvelines, curieux nom pour une crêperie de Saint-Michel. Il y a aussi, lieu magique, le salon de thé de la Mosquée toute neuve, avec sa pincée d'émotion parce que Rabat n'est plus très loin ; lieu solennel aussi, puisque c'est là qu'un jour Robert a présenté sa sœur Suzanne à son frère d'adoption Maurice.
Les deux royaumes, le Bleu et le Rouge, vivaient donc en paix, chacun de son côté du fleuve, sans trop se soucier l'un de l'autre.
Pierre Viansson-Ponté ne publiera cette confidence que bien plus tard, en 1976, de Gaulle étant décédé depuis six ans :
Les généraux, au fond, me détestent. Je le leur rends bien. Tous des cons. Vous les avez vus, en rang d'oignons sur l'aérodrome, à Telergma ? Des crétins, uniquement préoccupés de leur avancement, de leurs décorations, de leur confort, qui n'ont rien compris et ne comprendront jamais rien. Ce Salan, un drogué. Je le balancerai aussitôt après les élections. Ce Jouhaud, un gros ahuri. Et Massu ! Un brave type, Massu, mais qui n'a pas inventé l'eau chaude. Enfin, il faut faire avec ce que l'on a.
Quelques semaines de pause, quelques centaines de feuillets noircis et Robert Brasillach repart. Il veut connaître l'Italie ; il veut voir à l'œuvre le fascisme de Mussolini ; il veut connaître ce pays pour lequel Charles Maurras passe huit mois en prison...Le vieux maître, dans l'un de ses éditoriaux de l'Action française, s'était pris de querelle avec les élus du Front populaire. Ceux-ci considérant qu'une guerre contre l'Italie serait chose utile, il leur avait tout simplement promis un peloton d'exécution s'ils parvenaient à jeter les deux pays l'un contre l'autre. Blum n'avait pas du tout aimé. Et Maurras se retrouva au cachot, en vérité deux cellules pour lui seul ; la chambre où il dormait et travaillait - son article quotidien parvenait toujours au journal, mais signé Pelisson - et la pièce où il prenait ses repas et recevait...