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Citations de Pierre Senges (31)


On découvre parfois des petits papiers abandonnés là, dans un coin, en l'état : pas même des brouillons, des amorces de brouillons, le commencement de la queue de quelque chose (pour reprendre une formule d'Henry James). Ils devaient inaugurer de vastes romans, ils ont tourné court au bout de la première phrase et se laissent maintenant à peine découvrir, comme s'ils étaient des moitiés d'indices.
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Pour Don Quichotte : le devoir de se battre, l’obsession de sauver et de rendre justice à un moment où sauver et rendre justice n’ont plus de sens (leur sens perdu dans des garrigues, soufflé par le vent, renvoyé ailleurs, soufflé encore, mal recueilli par des curés en chaire comme s’il était possible de rattraper des brins de paille en pleine tempête) – quoi qu’il en soit, la nécessité de pourfendre, et de temps à autre, peut-être, comme la main d’un inconnu posée sur son épaule, la peur de se tromper, mais de se tromper alors comme jamais, de donner à l’humanité des leçons d’erreur, à charge pour quelqu’un d’autre, bien plus tard, de trouver un contenu utile à la guerre erronée de Quichotte contre des ailes battantes.
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Comme le disent les romans (quelques-uns s’exprimant avec grâce), “ses pas le conduisent” certains jours dans le confessionnal d’une église papiste : tantôt pour se confesser, tantôt, on l’a vu, pour recueillir des confessions (il s’était fait prêtre au lieu de boulanger, il s’était inventé un petit séminaire, une éducation jésuite, les vœux perpétuels, l’agrément lointain du pape).
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[Poire bon chrétien]
Laïcard même le dimanche, et toute la Semaine sainte, je me suis surpris à consulter Jean de Patmos comme s'il était mon seul conseil ; j'ai lu mot à mot son Apocalypse : un manuel pratique à l'usage de ceux qui désirent anticiper, même de façon artisanale, la Fin des Temps.
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Vous et moi nous sommes faits pour nous entendre, nous privilégions le sens figuré, vous à cause de votre grand âge, moi à cause d’un tempérament artiste, nous serons les maîtres de la métonymie comme je le suis parfois aussi de l’hyperbole : une comédienne en péplum blanc sera plus maniable qu’un mammifère marin, je le sais par expérience, on pourra lui confier des lignes de dialogue, pourquoi pas une réplique à propos des parfums d'Arabie, on lui mettra sur le sein une fibule en forme de pieuvre, l'un de ses amants stupéfaits la comparera à la Gorgonne : le tour est joué.
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Depuis le temps qu’il passe d’un couloir de la Paramount à un autre couloir de la Paramount (il croise diverses variétés de Hongrois, dialoguistes, ex-dramaturges, cinéastes et vedettes aux yeux noirs), le capitaine connaît les jalousies cultivées là-dedans, jalousies-euphorbes des serres chaudes : il ne s’étonne pas de déceler dans le monocle de Stroheim une lueur adressée en ligne droite au monocle de Sternberg : l’envie, la concurrence, la critique implacable (au royaume d’Hollywood, il ne peut y avoir qu’un seul « von », l’autre est l’usurpateur, et le génie, dans un décor d’échauguettes à la Louis II de Bavière, ne se partage pas).
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L’autruche : bien sûr, un certain athlétisme, soixante-dix kilomètres-heure, des coups de pattes à décapiter un jeune tigre : mais toutes ces plumes, toutes ces plumes, et là-dessous un vrai boudoir de coquette, un confort fin-de-siècle - enfin, une fois chose faite, l’idée saugrenue d’avoir fécondé un œuf de la taille d’un globe.
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La tarte à la crème est une image de la perfection, au moins d’une perfection graphique d’un point de vue comique : ronde et agréable, on a déjà eu l’occasion de le dire, onctueuse mais sans jamais rien céder de sa rudesse au profit d’un moelleux trop facile, celui des périodes de décadence et des esthètes sans ossature – la tarte à la crème est aussi parfumée, douce et cinglante à la fois, elle véhicule le plaisir régressif du dessert mais avec dignité, la dignité des choses sans chichi – et puis, comme elle est discoïdale, elle est un parfait projectile : c’était ça, le disque, ou la ligne droite du javelot, à cet égard les Grecs avaient déjà tout compris (il y a bien le lancer de marteau, mais c’est une fantaisie passagère, et si on en croit Aulu-Gelle, les Grecs en avaient un peu honte). Je tombe peut-être dans le piège de l’historien amateur mis en présence des faits advenus ; il rassemble les circonstances, il compile les explications et puis compare l’événement à ses explications, il les rapproche, il les accouple au cours d’une cérémonie de noces accomplie en famille : les faits justifiés par les explications, les explications confirmées par les faits – à coup sûr, si Stan Laurel avait lancé un chou farci à la figure d’Oliver Hardy, on serait séduit par son évidence, on parlerait ici de la vertu comique du chou, du chou batailleur, de l’iconographie du chou depuis Nicolas Poussin, du chou expressionniste, du chou chez Eisenstein, de la malice yiddish à Hollywood importée dans un chou farci comme dans un berceau mosaïque ; et cette rondeur, et ces feuilles comme des ailes d’ange de basse-cour, la farce sylleptique, cette allure de tête ébouriffée, joufflue, et cette façon de s’écraser (d’atterrir) avec un bruit de baiser mou.
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Une déclaration de Stan Laurel
Des tonnes de pâtisserie, des quantités de crème véritable mesurées en litres, ou plus sûrement en onces, pintes et gallons : la quantité à Hollywood est un défi d’artiste producteur, la concurrence à l’art total, et la réponse des esprits pragmatiques au nom du « il faut ce qu’il faut ». On reviendra plus tard sur ces mesures extravagantes, on reviendra aussi sur la manière de bien fouetter la crème – d’ici là, il faut négliger l’abondance pour s’en tenir au détail singulier et s’intéresser de plus près à une phrase, une seule, dite un jour à un représentant de la presse par Stan Laurel le comédien, Stan Laurel le réalisateur, celui de Laurel & Hardy, à propos de bataille de tartes (il faisait allusion à La Bataille du siècle, tourné en 1927, oeuvre où la crème débordait ; il parlait en parfaite connaissance de cause, testamentaire et sain d’esprit) : On a voulu faire en sorte que chaque tarte ait un sens. Ainsi, nous voilà prévenus : il y a eu les milliers de tartes, les quintaux de farine, les litres de crème, des bras de galériens pour la fouetter dans des manufactures à l’aube, des dollars par milliers aussi, des kilomètres de pellicules, de ces batailles comme des gesticulations de fête du printemps en hiver, des transes collectives, des piétinements de profanateurs et d’iconoclastes, le plaisir très grossier de voir un monsieur en costume enrobé par la crème depuis le bout de sa cravate jusqu’à la pointe de ses cheveux, et le rire là devant était un rire fondamental, sans Freud et sans Bergson, sans trait d’esprit, c’est à peine si on pensait à Aristophane, on n’en avait pas le temps, une tarte suivie d’une autre tarte et l’étoile de la crème sur des visages ahuris nous auraient fait ravaler nos références, la honte se mêlait à la joie ronde et pleine, on voyait dans ces batailles de pâtisseries un antidote à Schopenhauer, ou à la Grammaire de Port-Royal – eh bien, non, on avait tort, tout cela avait une signification : du moins chaque tarte l’une après l’autre, m’entendez-vous ? chacune d’entre elles avait un sens et s’écrasait avec son sens sur des visages de comédiens.
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Ronde et agréable
Ainsi était la Lune selon Monsieur Cryptogame, sorte de grand dadais maladroit en amour inventé par Rodolphe Töpffer – et il ajoutait : ronde comme un fromage, agréable comme une lanterne, peut-être par souci de précision, en vérité pour recourir à la comparaison, vaille que vaille, broder autour d’une idée de cercle, échapper en brodant au désarroi, à la gêne éprouvée chaque fois qu’on lui montrait la Lune, qu’il s’obligeait à lui faire face et la trouvait une fois de plus lointaine, énigmatique. Il aurait pu dire encore pâle et crémeuse, comme certains visages et comme un paradis perdu ; mais le temps lui a manqué, ou bien le sens de l’à-propos, et le fromage avec la lanterne suffisaient pour le réconforter, sur le moment, ce grand timoré.
Il ne sera pourtant pas question ici de Lune, ni celle de Cryptogame, ni celle du savant Cosinus, ni celle de Cyrano de Bergerac, qui inventait des machines pour la rejoindre ou se vanter de le faire bientôt avant de nous les léguer, impraticables et distrayantes – rond, agréable, pâle et crémeux, ce n’est pas le fromage non plus, chassé du paradis, mais un objet de convoitise : la tarte à la crème, et avec elle l’ensemble des tartes depuis 1913, le concept de tarte, la tarte-signifié, la tarte-signifiant, les batailles engendrées par elle et les figures concernées.
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Peut-on croire à des révoltes menées dans la solitude? Pas seulement en solitaire mais, pire, en esseulé? Peut-on croire à des foules d'un seul homme?
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