Citations de Pierre de Marivaux (580)
Dieu même est appelé le Dieu des combats ; on l'a peint la foudre à la main ; rien ne nous frappe tant que sa puissance, et je croyais qu'à son exemple, pour être le plus heureux de tous les hommes, il fallait en être le plus terrible
Le vrai bonheur ne se trouve ni dans la victoire ni dans la terreur qu'on répand après elle. Ce sang dont nos lauriers sont teints, ces ravages dont nous consternons la terre, et les gémissements des peuples, mêlent à nos plaisirs je ne sais quoi d'inquiet et de funeste qui les corrompt. J'ai senti quelquefois en moi−même la nature s'attrister de ma lugubre gloire, et condamner la joie que mon orgueil osait en prendre.(....)
Dans cet état un de ses regards tomba sur moi ; ce regard étonna mon âme altière, me confondit, m'humilia, me rendit plus suppliant qu'elle. Il vengea dans mon cœur la douleur du sien, il me punit de ma victoire, me condamna comme un tyran et me laissa saisi d'un attendrissement qui n'a fini que par l'amour le plus violent qui fût jamais
Madame Lépine, je vous demande pardon de la liberté que je prends devant vous, mais ce petit minois m'étourdit ; il est céleste, il m'égare ; il s'agit d'amour...
Il y a des gens qui moralisent d'une manière si sublime que ce qu'ils disent n'est fait que pour être admiré
II n'y avait que la pauvreté qui pût me
mettre à la raison, et grâces au Ciel me voilà bien en sûreté contre ma
faiblesse : je suis pauvre au souverain degré, et même un pauvre à
peindre, car mon habit est en loques, et le reste de mon équipage est à
l'avenant ; Dieu soit loué, cela ne m'empêche pas de rire, et je ris de si
bon coeur qu'il m'a pris envie de faire rire les autres.
Je ne puis pas jouer deux rôles à la fois;
LISETTE
Il y a une heure que je lui demande grâce, et que je m'épuise en humilités pour cet animal-là!
ARLEQUIN
Hélas, Madame, si vous préfériez l'amour à la gloire, je vous ferais bien autant de profit qu'un Monsieur.
LISETTE, riant
Ah, ah, ah, je ne saurais pourtant m'empêcher d'en rire, avec sa gloire; et il n'y a plus que ce parti-là à prendre...va, ma gloire te pardonne, elle est de bonne composition.
SILVIA, LISETTE.
SILVIA
Mais encore une fois, de quoi vous mêlez-vous, pourquoi répondre de mes sentiments ?
LISETTE
C'est que j'ai cru que dans cette occasion-ci, vos sentiments ressembleraient à ceux de tout le monde ; Monsieur votre père me demande si vous êtes bien aise qu'il vous marie, si vous en avez quelque joie ; moi je lui réponds qu'oui ; cela va tout de suite ; et il n'y a peut-être que vous de fille au monde, pour qui ce oui-là ne soit pas vrai, le non n'est pas naturel.
SILVIA
Le non n'est pas naturel ; quelle sotte naïveté ! Le mariage aurait donc de grands charmes pour vous ?
LISETTE
Eh bien, c'est encore oui, par exemple.
SILVIA
Taisez-vous, allez répondre vos impertinences ailleurs, et sachez que ce n'est pas à vous à juger de mon coeur par le vôtre.
LISETTE
Mon coeur est fait comme celui de tout le monde ; de quoi le vôtre s'avise-t-il de n'être fait comme celui de personne ?
SILVIA
Je vous dis que si elle osait, elle m'appellerait une originale.
ARLEQUIN
Ah ! C'est une autre affaire. C'est Madame qui donnera ordre à Monsieur de souffrir mon service, que je lui prêterai par le commandement de Madame.
MARTON
Voilà ce que c'est.
Avant notre connaissance, votre dot valait mieux que vous ; à présent, vous valez mieux que votre dot.
LISETTE. Venons au fait; m'aimes-tu?
ARLEQUIN. Pardi oui, en changeant de nom, tu n'as pas changé de visage, et tu sais bien que nous nous sommes promis fidélité en dépit de toutes les fautes d'orthographe.
Dans ce monde, il faut être un peu trop bon pour l'être assez.
Les hommes ne se contrefont-ils pas, surtout quand ils ont de l'esprit ? n'en ai-je pas vu, moi, qui paraissaient, avec leurs amis, les meilleures gens du monde ?
Tu sais ce que tu dis ; dans le mariage, on a plus souvent affaire à l'homme raisonnable qu'à l'aimable homme.
Ce que j'aime de ta comédie, c'est que nous nous la donnerons à nous-mêmes ; car je pense que nous allons tenir de jolis propos.
MARIO. C'est une aventure qui ne saurait manquer de nous divertir, je veux me trouver au début, et les agacer tous deux.
LA MARQUISE à Hortensius:
Moi de la colère ? ai-je cet air là, monsieur ?
HORTENSIUS:
La paix règne sur votre visage.
LUBIN:
C'est donc que cette paix y règne d'un air fâché ?
Vous avez été leurs maîtres, et vous avez mal agi ; ils sont devenus les vôtres et ils vous pardonnent ; faites vos réflexions là-dessus. La différence des conditions n’est qu’une épreuve que les dieux font sur nous. - Arlequin
Arlequin
Si je devenais amoureux de vous, cela amuserait davantage.
Cléanthis
Eh bien, faites. Soupirez pour moi, poursuivez mon coeur, prenez-le si vous pouvez, je ne vous en empêche pas; c'est à vous à faire vos diligences, me voilà, je vous attends : mais traitons l'amour à la grande manière; puisque nous sommes devenus maîtres, allons-y poliment, et comme le grand monde.
Silvia
Ah ! je me fâcherai; tu m'impatientes. Encore une fois, laisse là ton amour.
Dorante
Quitte donc ta figure.