AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Raymond Queneau (829)


- Et les affaires, ça marche? demanda Houssette.
- Non. De plus en plus mal. Je ne sais pas comment on s'en tire.
- Le criez pas trop fort, lui conseilla Houssette.
C'était vrai. Et Julia qui lui répétait tout le temps : surtout cause pas! cause jamais!
- Enfin faut pas trop se plaindre, conclut-il d'un air satisfait.
Maintenant, naturellement, et à tout point de vue, fallait qu'il pose la même question à Houssette. Ca allait de soi.
- Et vous? demanda-t-il.
- La bouffe, dit Houssette avec mépris, la bouffe, ça marche toujours. Quand les affaires sont prospères, on bouffe parce qu'on est content, et quand ça marche plus, on bouffe pour se consoler.
- Vous croyez qu'on mange quand on est triste? dit Valentin.
- Et les gueuletons après les enterrements?
- C'est peut-être parce que les gens sont ravis.
Cette réponse attira de nouveau sur Valentin le regard inquisitif de Houssette.
- Vous croyez que tous les gens sont des salauds? dit l'épicier.
- Ca, non!
- Alors?
Valentin n'avait rien à répondre.
Commenter  J’apprécie          84
Jean-sans-Tête entra, porteur de balais de jonc. Il les posa soigneusement sur le comptoir et tendit la main vers Valentin.
- Cigarette, dit-il sans spécifier s'il s'agissait d'un ordre ou d'une prière.
Valentin la lui donna, en y joignant une boîte d'allumettes.
Jean-sans-Tête rejeta la première bouffée par le nez et regarda le bout allumé, attentivement.
- Pra, pra, pra, pra, pra, pra, fit-il. Pra, pra, pra, pra, pra, pra, pra.
- Qu'est-ce que tu as mangé ce midi? demanda Valentin.
- Cuterie, répondit Jean-sans-Tête. Cuterie, pra, pra.
- Eh, eh, fit Valentin, tu t'es régalé.
Jean-sans-Tête se tapa sur la cuisse.
- La foire, dit-il en s'étranglant de rire. La foire.
Il leva un doigt en l'air, souleva une jambe et lâcha un pet. Puis, ayant éteint sa cigarette entre deux doigts, il en entreprit la mastication, lentement.
- Tu vas voir, dit-il en laissant couler un peu de jus de tabac sur sa barbe poivre et sel.
Il sonda l'une de ses poches et en sortit un morceau de boudin rongé aux deux bouts.
- Cuterie! dit-il. Cuterie!
Avec les deux mains séparées, il indiqua une longueur de soixante-quinze centimètres environ ; par une demi-rotation de l'une, qu'il l'avait barboté ; d'un coup de pouce, que la victime en était tout simplement Verterelle, le charcutier à trois boutiques de là.
- Tu as eu le temps de le manger entre là-bas et ici? demanda Valentin.
L'autre fit signe que : naturellement, bien sûr.
- Et on ne t'a pas vu?
Jean-sans-Tête cligna de l'oeil. Prenant un de ses balais, il fit semblant d'en grignoter le manche, cependant qu'il absorbait voracement le bout de boudin encore subsistant.
- Tu es un malin, lui dit Valentin enchanté.
C'est bien ce que pensait Jean-sans-Tête qui acquiesce et qui s'assoit, presque repu.
Commenter  J’apprécie          20
Ils entrèrent chez madame Houssette, qu'ils saluèrent bien poliment, et Paul acheta une bouteille de Courvoisier, puis ils allèrent chez madame Virole qui tenait, en plus de l'épicerie, une buvette. Comme cognac, madame Virole ne disposait que d'une marque, et que Paul ne connaissait pas. Il tint à la goûter. Bien qu'il eût l'estomac ravagé par l'eau du lac Tsimanampetsotsa, Valentin ne put refuser de l'accompagner.
- Très bien, approuva Paul. Une bouteille, madame Virole, et remettez-nous ça. Proteste pas, gamin. C'est vrai que je pourrais presque être ton père.
- Pourquoi presque? demanda Valentin.
Et se tournant vers la patronne :
- On n'est jamais presque père, on l'est ou on ne l'est pas, pas vrai, madame Virole?
- Si, c'est vrai! C'est comme les cocus! Ils le sont ou ils ne le sont pas.
- Ah, pardon! protesta Paul! On peut ne l'être que presque.
- Oh vous, s'écria madame Virole, je vous vois venir, vous allez me débiter des cochonneries.
- Les cochonneries font partie de l'existence, déclara Paul et je soutiens qu'on peut n'être que presque-cocu.
- C'est un presquiste, risqua Valentin pour se faire apprécier de madame Virole.
Mais celle-ci n'y fit point attention.
- Ta gueule, toi, dit Broubaillat. Tu n'as pas la parole, tu es presque un puceau.
Commenter  J’apprécie          70
A la gare d'Austerlitz, il se laisse entraîner par une avalanche de gens telle qu'on n'aurait jamais cru que ce train puisse en contenir tant et qui semblaient bien décidés sur ce qu'ils devaient faire. En se retrouvant devant un portillon de métro, Valentin recule, épouvanté. Il va se perdre. Dans le métro, on s'égare toujours. Il fait demi-tour, enfonçant les coins métalliques de sa mallette dans la région rotulienne de nerveux prêts à l'injure. Il s'entendit qualifié de façons étranges et il en était honteux, exactement ce que voulaient ces méchants. Après avoir troublé le merveilleux ordre circulatoire des souterrains de Paris, il se retrouve sur un trottoir. Il pose sa garde-robe et s'assoit dessus.
Commenter  J’apprécie          60
Après avoir circulé dans les rues d'Angoulême, ce jour-là particulièrement désertes, il retrouva sa valoche avec un étonnement amusé et, sur le coup de quatre heures du matin, monta dans un semi-direct qui faisait souvent l'omnibus. Un compartiment était vide, il s'y endormit, heureux.
Plus tard, il eut des compagnons de route ; mais ils s'avéraient éphémères, ne pratiquant en général que des déplacements de quatre à cinq stations. En changeant, ils lui permettaient d'observer à la fois la variété et l'unité de la population française, et, comme il en était à son second voyage depuis la veille, il se sentait très à l'aise, il éprouvait même un petit sentiment protecteur pour les plus croquants d'entre-eux. Mais, en approchant de Paris, il retrouvait sa modestie.
Commenter  J’apprécie          70
Au revoir, capitaine. Et je vous remercie de... Ah, ça y est, j'ai retrouvé ma question. C'est très drôle, vous ne trouvez-pas? qu'on n'arrivait pas à s'en souvenir. Voilà ce que je voulais vous demander : comment se fait-il que Valentin Brû ne figure pas sur la liste de vos effectifs?
- Comment, très chère, voulez-vous que je le sache? S'il y figurait, je pourrais vous dire les raisons pour lesquelles il pourrait ne pas y figurer, mais, du moment qu'il n'y figure pas, je ne vois vraiment pas comment je pourrais vous dire les raisons pour lesquelles il pourrait y figurer.
- C'est vrai, reconnut Chantal.
Commenter  J’apprécie          70
- Que désirez-vous savoir au juste, madame? demanda le capitaine Bordeille qui se dit : ce que je cause bien tout de même.
Voulant profiter de cet avantage, il reprit rapidement la parole qui voletait encore à mi-distance de la dame. Et donc :
- Je dois tout de suite vous avouer, madame, que je suis fort étonné que le général Pierre-et-Paul ait donné l'autorisation de fournir le moindre renseignement d'ordre militaire à une personne du sexe dit faible, mais à coup sûr charmant.
Le capitaine Bordeille souffla un instant pour penser, car il ne pouvait naturellement à la fois parler et penser, pour penser que c'était sûrement cette belle gonzesse qui avait dû lui inspirer la phrase soyeuse dont il venait de dévider péniblement le cocon.
Commenter  J’apprécie          20
Il ne se doutait pas que chaque fois qu'il passait devant sa boutique, elle le regardait, la commerçante, le soldat Brû. Il marchait avec naturel, joyeusement sapé de kaki, le cheveu ce qu'on en voyait sous le képi le cheveu taillé net et quasiment lustré, les mains le long de la couture du pantalon, les mains dont l'une, la droite, se levait à intervalles irréguliers pour respecter i,n grade supérieur ou pour répondre à la salutation de quelque démilitarisé.
Commenter  J’apprécie          80
Zazie, goûtant au mets, déclara tout net que c'était de la merde. Le flicard élevé par sa mère concierge dans une solide tradition de boeuf mironton, la rombière quant à elle experte en frites authentiques, Gabriel lui-même bien qu'habitué aux nourritures étranges qu'on sert dans les cabarets, s'empressèrent de suggérer à l'enfant ce silence lâche qui permet de corrompre le goût public sur le plan de la politique intérieure et, sur le plan de la politique extérieure, de dénaturer à l'usage des étrangers l'héritage magnifique que les cuisines de France ont reçu des Gaulois, à qui l'on doit, en outre, comme chacun sait, les braies, la tonnellerie et l'art non figuratif.
Commenter  J’apprécie          20
Si on ne se citait pas quelquefois soi-même, qui donc le ferait ?

Page 10
Commenter  J’apprécie          10
Les mots n'ont plus le même sens qu'autrefois.
Commenter  J’apprécie          10
«  Bon Dieu de bon dieu que j’ai envie d’écrire un petit
Poème
Tiens en voilà justement un qui passe
Petit à petit
viens ici que je t’enfile
sur le fil du collier de mes autres poèmes
viens ici que je t’entube
dans le comprimé de mes œuvres complètes
viens ici que je t’enpapouète
et que je t’enrime
et que je t’enrythme
et que je t’enlyre
et que je t’empégaze
et que je t’enverse
et que je t’enprose
la vache
il a foutu le camp . »
Commenter  J’apprécie          143
Pour la première fois depuis qu'elle le connaissait, il y avait dans sa voix une nuance d'agacement et d'autorité qui faisait très "mari". Et comme c'était justement leurs rapports à lui et à elle qu'elle considérait avec sérieux, elle trouva cela comique.
Commenter  J’apprécie          30
SI TU T'IMAGINES

Si tu t'imagines si tu t'imagines fillette fillette si tu t'imagines xa va xa va xa va durer toujours la saison des za la saison des za saison des amours ce que tu te goures fillette fillette
ce que tu te goures

Si tu crois petite si tu crois ah ah que ton teint de rose ta taille de guêpe tes mignons biceps tes ongles d'émail ta cuisse de nymphe et ton pied léger si tu crois petite xa va
xa va xa

va durer toujours ce que tu te goures fillette fillette ce que tu te goure»

les beaux jours s'en vont les beaux jours de fête soleils et planètes tournent tous en rond mais toi ma petite tu marches tout droit vers sque tu vois pas très sournois
s'approchent

la ride véloce

la pesante graisse

le menton triplé

le muscle avachi

allons cueille cueille

les roses les roses

roses de la vie

et que leurs pétales

soient la mer étale

de tous les bonheurs

allons cueille cueille

si tu le fais pas

ce que tu te goures

fillette fillette

ce que tu te goures
Commenter  J’apprécie          10
TUILERIES DE MES PEINES

Tuileries de mes peines
Tuileries de mes soucis
Morte est la
Seine
Mort est
Paris

Un
Meussieu promène dame fort jolie
Morte est la
Seine
Mort est
Paris

La
Concorde est lointains

et ses hiéroglyphies

Morte est la
Seine
Mort est
Paris

Plus loin le
Pont d'Iéna ne mène
Nulle part
C'est fini
Morte est la
Seine
Mort est
Paris

Qu'elle me retienne que je dise amie
Morte est la
Seine
Mort est
Paris

Mais ce
Sont des haines des jeux des oublis
Morte est la
Seine
Mort est
Paris

Mon amour ma peine il leur faut mouri'
Morte est la
Seine
Mort est
Paris
Commenter  J’apprécie          10
LE TEMPS PASSE

Je n'admire tant la
Lune

que depuis que je sais qu'en arabe

elle s'appelle
Q
M
R

La lune joue sur l'enfance plane en des vagues qui se

résorbent dans les feuilles des arbres cerceau subtil

et lourd pâte d'éternité
Un soldat s'immobilise au chant du hibou au cristal

frappé du crapaud
La lune chante les herbes pures

du sommeil qui s'ignore
Les rats dansent dans les villes
Les gares se taisent

et se taisent aussi ceux qui hurlent la nuit ceux qui

geignent dans le silence
La mémoire s'étend jusqu'au passé des autres
Hypocrite érudit tu ne pleureras plus dispersé en toi-même
Commenter  J’apprécie          10
Raymond Queneau
DESIDERATA

Un accent de gel

un accent de feu

un accent de sel

un accent de jeu

couleurs de la corde

dépôt de cette image

cristaux du temps

traces d'espace

les points du jour et de la nuit

le mélange des poudres

le vol de la lumière
Commenter  J’apprécie          30
- T'en fais pas, dit Julia, quand les gens ont décidé de marcher y'a plus moyen de les arrêter. C'est plus de la connerie, c'est de la rage.
Commenter  J’apprécie          20
Alors il essaya de voir comment le temps passait, entreprise aussi difficile que de se surprendre en train de s'endormir.
Commenter  J’apprécie          10
- T'entends ça ? dit la bonne femme à un ptit type à côté d'elle, probablement celui qu'avait le droit de la grimper légalement. T'entends comme il me manque de respect, ce gros cochon ?
Commenter  J’apprécie          40



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Raymond Queneau Voir plus

Quiz Voir plus

Tout, tout, tout, vous saurez tout sur Zazie

A quel groupe appartenait Raymond Queneau ?

Celui des Naturalistes
Celui des Romantiques
Celui de l'OuLiPo
Celui des Existentialistes

12 questions
203 lecteurs ont répondu
Thème : Zazie dans le métro de Raymond QueneauCréer un quiz sur cet auteur

{* *}