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Savez-vous qui fut le premier écrivain d'outre-mer à recevoir le prix Goncourt ? C'était il y a tout juste cent ans, en 1921
« Un homme pareil aux autres » de René Maran, préfacé par Mohamed Mbougar Sarr, c'est à lire aux éditions du Typhon.
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Guerre et sauvagerie étaient tout un. Or ne voilà-t-il pas qu'on forçait les nègres à participer à la sauvagerie des blancs, à aller se faire tuer pour eux, en des palabres lointaines ! Et ceux qui protestaient, on leur passait la corde au cou, on les chicottait, on les jetait en prison !
Marche, sale nègre ! Marche, et crève !...
Dix-sept ans ont passé depuis que j'ai écrit cette préface. Elle m'a valu bien des injures. Je ne les regrette point. Je leur dois d'avoir appris qu'il faut avoir un singulier courage pour dire simplement ce qui est. Paris ne pouvait pour tant ignorer que « Batouala » n'avait fait qu'effleurer une vérité qu'on n'a jamais tenue à connaître à fond
Civilisation, orgueil des européens (...) Tu bâtis ton royaume sur des cadavres (...) tu es la force qui prime le droit. Tu n'es pas un flambeau mais un incendie.
Tel que relevé pour "Les fils de la pensée" https://filsdelapensee.ch
Où que l'on aille, si minime que soit le chemin à parcourir, il ne faut jamais oublier de prendre sa besacre et de la porte en bandoulière.
Un petit poème de son ami Philéas Lebesgue :
Petit village
Petit village au bord des bois,
Petit village au bord des plaines,
Parmi les pommiers, non loin des grands chênes,
Lorsque j’aperçois
Le coq et la croix
De ton clocher d’ardoises grises,
De ton clocher fin,
A travers ormes et sapins,
D’étranges musiques me grisent ;
Je vois des yeux dans le soir étoilé :
Là je suis né...
Petit village au bord des champs,
Petit village entre les haies,
Tour à tour paré de fleurs et de baies,
Lorsque les doux chants
De ton frais printemps,
Quand l’odeur de tes violettes,
De tes blancs muguets
Pénètrent mon cœur inquiet,
J’oublie et tumulte et tempêtes ;
J’entends des voix dans le soir parfumé :
Là j’ai aimé...
Petit village aux courtils verts,
Petit village de silence,
Où la cloche sonne un vieil air de France,
J’aime les éclairs
De tes cieux couverts,
Ton soleil fin entre les arbres,
Les feux de tes nuits,
L’oeil fixe et profond de tes puits,
Ton doux cimetière sans marbres,
Plein d’oiseaux fous et luisant comme pré :
Là je viendrai...
Quelques instants encore, une nuit peut-être, tout au plus une nuit et un jour et Batouala, le grand mokoundji ( sorcier) ne sera plus qu’un voyageur. Il partira, les yeux clos à jamais, pour ce noir village qui n’a pas de chemin de retour.
Routes de brousse, si mouillées au matin et si fraîches ; parfums moites, molles senteurs, frissons d’herbes, murmures et, entre les feuilles, frisselis pressé de la brise ; brouillards en bruine, vapeurs – des collines et des vallons s’élevant vers le pâle soleil ; fumées, bruits vivants, tams-tams, appels, cris, éveil, éveil ! Ah, trop haut sur les arbres chantent les oiseaux ! Trop haut tournoie et tournoie le vol des charognards ! Trop haut est le ciel dont semble l’azur incolore à force de lumière !
Nous ne sommes que des chairs à impôts. Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. Un chien ? Ils le nourrissent et soignent leur cheval. Nous sommes moins que ces animaux, nous sommes plus bas que les plus bas. Ils nous tuent lentement.
Un phare domine des falaises de roches où s’épuise et se brise l’incessant assaut des vagues de la barre. Derrière ce sable et derrière ces roches-vivantes, sournoises, têtues, sourdes, obscures et dangereuses- la forêt et la brousse, que trottent des cases coiffées de tôle
Nous ne sommes que des chairs à impôts. Nous ne sommes que des bêtes de portage. Des bêtes ? Même pas. un chien ? Ils le nourrissent, et soignent leur cheval. Nous ? Nous sommes, pour eux, moins que ces animaux, nous sommes plus bas que plus bas. ils nous crèvent lentement.
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