Citations de Robert Escarpit (77)
Escarpit pense que la culture intéressante est celle qui touche les masses, que le progrès réel est celui qui touche le plus grand nombre, et il est incarné pour lui par son souvenir d'adolescent de l'ouverture du premier magasin à prix unique sur le cours Victor-Hugo (près du lycée Montaigne, donc) au milieu des années 1930. Voici ce qu'il dit de la création artistique, encore dans ses mémoires : "« On s'est longtemps imaginé que son caractère unique et irremplaçable était l'essence même de l'œuvre artistique, alors que c'était là son infirmité. »" ; "« [La] consommation d'élite se défend encore. […] Elle joue les avant-gardes sans se rendre compte que jamais une chapelle ne pourra se transformer en laboratoire. »"
Les mathématiques, la physique, la chimie sont des choses qui se comprennent et s'apprennent. Il n'y a là rien d'insurmontable. Mais l'indéfinissable talent que demandent les lettres et dont je n'avais pas encore découvert l'imposture, m'inspirait une terreur d'autant plus grande que je ne voyais vraiment pas comment l'acquérir.
Cette année-là, les Duprat annulèrent la croisière au cap Nord qu'ils avaient prévue. Le voyage de la fin juin - avant les tarifs de la haute saison - faisait partie du rituel de l'année. Tantôt c'était la Grèce ou le Maroc, tantôt les Açores ou les capitales nordiques. L'essentiel était que cela se fît en classe de luxe afin que Gaston pût se créer des relations intéressantes parmi ses partenaires de bridge, tandis qu'Emilie montrait ses toilettes.
Elle les faisait faire à bon compte par une vieille couturière, ancienne première main de chez Dior, retirée à Bazas, avec des tissus qu'elle achetait dans un magasin de soldes au pied de Montmartre lors des voyages bisannuels que les Duprat faisaient à Paris.
Les agents de police du monde entier commencent toujours par demander leurs papiers aux gens. Ce n'est pas tellement qu'ils soient curieux, mais cela leur donne une contenance. Un homme qui tient des papiers et les épluche lentement, les sourcils froncés et la bouche en cul de poule, a beaucoup plus d'autorité que s'il restait les bras ballants et avait l'air de ne pas savoir quoi faire de ses mains. D'autre part, on s'ennuie passablement à faire des rondes dans les rues ou à régler la circulation, et un peu de lecture pour changer n'est pas désagréable.
Son destin était d'être une petite cause qui produisait de grands effets.
Il en était champion du monde puisqu'il était le seul à le pratiquer.
On ne croit jamais à l'innocence de ceux qui fourrent leur nez partout et ne savent jamais tenir leur langue.
Je suis un grand voyageur et je puis te dire que la qualité d'un voyage ne dépend pas de sa destination. La qualité de la vie ne dépend pas de l'au-delà de la vie.
Il ne fait aucun doute que le Père Noël existe. J'en veux seulement pour preuve qu'une proportion considérable des commandes qui lui sont adressées, se trouvent satisfaites le 25 décembre. Il faut donc croire qu'elles sont parvenues à destination.
Pour Dieu, c'est une autre affaire ? Nous manquons de statistiques pour affirmer que le taux de prières exaucées est supérieur au cinquante pour cent du hasard.
Est littéraire une oeuvre qui possède une aptitude à la trahison.
Mais Pancho Villa savant tout, voyait tout. Il tira légèrement sur la bride et s'arrêta devant les voyageuses.
- Eh bonjour, commères, dit-il poliment. Où allez-vous dans cet équipage ? J'ai vu beaucoup de choses dans ma vie, par le diable, mais jamais une cucaracha qui montait à cheval !
- C'est, dit la Pinta, que ma camarade ne peut pas marcher.
- Lui manquerait-il des pattes ?
- Non, répondit la Colorada, c'est que je n'ai pas de marihuana pour fumer, et sans marihuana je ne puis marcher.
Pancho Villa éclata de rire et deux montagnes s'écroulèrent dans le voisinage. Son rire fit deux fois le tour de la terre et le dernier écho alla briser les lunettes du misérable président Huerta dans son palais de Mexico.
Je reconnais un honnête homme à ce qu’il se contredit
p 120 ...dans les pays ne pratiquant pas une politique de dirigisme littéraire, la majorité des lectures mises en circulation dans le circuit lettré supposent une motivation d'enrichissement, alors que la majorité des lectures mises en circulation dans circuits populaires supposent (et encouragent) une motivation de désertion.
p 50 L'influence de la législation du droit d'auteur sur la production littéraire sera mise en lumière par l'exemple de la littérature américaine au début du XIXè siècle. Les éditeurs américains n'étaient alors liés aux éditeurs anglais par aucune convention. Ils pouvaient donc reproduire et vendre tous les ouvrages des grands auteurs anglais contemporains sans payer de droits. Cela les conduisait naturellement à négliger les auteurs américains qu'ils auraient dû rétribuer. Cette concurrence désastreuse contraignit les auteurs américains à se rabattre sur le magasine et en particulier sur le genre littéraire le mieux adapté au magazine: la nouvelle. C'est donc à ce fait que nous devons une partie de la vogue du magazine aux Etats-unis, d'autres part l'abondante production de nouvelles en Amérique au XIXè siècle (Poe).
Kipling exprimait des convictions vivantes qu'il ne devait qu'à lui-même, des convictions responsables assumées avec toutes leurs conséquences. Si ses contemporains ont choisi d'en faire des formules toutes faites, des préjugés, des slogans et des rengaines, ce n'est que partiellement sa faute.
En général il [Escampette] chassait seul. Mais il advint qu'un jour il participa à une battue à la biche. C'est une chasse cruelle qui n'est permise que quelques jours par an. Cela consiste à rabattre les hardes de biches vers les chasseurs embusqués qui les mitraillent impitoyablement. On en fait de grands massacres. Les chasseurs se donnent comme prétexte que les biches mangent les pousses des jeunes pins et endommagent la forêt. Mais ce n'est qu'un prétexte. En réalité ils aiment tuer pour le plaisir de tuer.
Ferdinand Escampette ne laissait personne le soin de fabriquer ses cartouches.(...) Escampette ajoutait quelque chose à sa poudre et nul ne sut jamais quoi.
En général il chassait seul.
Ses camarades en profitaient et, quand on leur demandait qui avait fait telle ou telle bêtise, ils répondaient en chœur : "C'est Tartempion, m'sieur, c'est Tartempion !" Ce n'était pas de la méchanceté, mais Tartempion ou un autre, quelle importance cela avait-il ?
Cela en avait beaucoup aux yeux de Tartempion, comme on pense. Quand il grandit et devint un homme, les choses ne s'améliorèrent pas. Tartempion, c'était toujours n'importe qui.
On dit souvent bien du mal de la bureaucratie, et moi tout le premier, mais ce jour-là j'ai dû reconnaître son mérite. Si l'on se met à manger le papier, c'est la bureaucratie qui nous fera vivre, car c'est elle la plus grande productrice de papier du monde!
Do dna, en russe, veut dire "cul-sec". Bien qu'il ne fût guère buveur, Rouletabosse s'exécuta, car un bon journaliste ne doit jamais reculer devant l'épreuve. Ce fut imprudent de sa part: le liquide avait goût d'alcool à brûler parfumé à l'encre d'imprimerie et au détergent lave-vaisselle.