AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
Citations de Robert McLiam Wilson (286)


Il arrivait à pied de Four Winds parce que ce matin-là, il s’était réveillé sonné et nauséeux dans le minuscule galetas de Slat Sloane, dans Democracy Street. Le week-end habituel consacré à la biture. Quarante-six pintes et deux repas. Les distractions de Chuckie constituaient une forme d’évolution inversée. Il consacrait alors tout son temps et son argent à se rendre moins intelligent, moins évolué. Et, apparemment, d’énormes quantités de temps et d’argent étaient indispensables pour finir dans la peau d’un reptile protozoaire vautré sur le sol de la cuisine de Slat.
Commenter  J’apprécie          171
Je me suis baladé un moment en voiture. Les rues étaient moins désertes que dernièrement et mon humeur s'est améliorée. C'était l'une de ces soirées où toutes les chansons de la radio vous faisaient vous sentir à l'étroit dans votre pantalon. Vraiment pas le genre de soirée à passer sans une copine. Il faisait chaud. On se serait cru un vendredi soir en été, quand les filles sortaient en mini-jupe et que les garçons portaient un pantalon de toile tâché par leur sixième pinte et que l'innocent Belfast s'offrait, enivrée et jonchée de leurs déchets alcoolisés, et que tout le monde croyait à tort que je conduisais un taxi.
Commenter  J’apprécie          170
- Il faut absolument qu'il y ait de la vie sur d'autres planètes, disait Deasely. Supposer que parmi les innombrables milliards d'étoiles et donc les encore plus innombrables milliards de planètes, supposer que la nôtre est la seule à produire les conditions adéquates pour la vie, relève d'une arrogance monumentale. Mathématiquement, il y a forcément quelque chose dans tout ce vaste espace ténébreux.
Commenter  J’apprécie          170
Il aimait le nom de l'Américaine. Max. Et il était très content qu'elle soit américaine. Il n'était pas entièrement certain qu'il l'aimerait ou qu'il devrait l'aimer. L'amour était un peu ambitieux. L'échange de fluides corporels suffirait pour commencer.
Commenter  J’apprécie          170
Au coeur de la nuit, Belfast et ses haleines tièdes susurrent néanmoins que la haine est chose divine. Il ne faut pas chercher à comprendre, mais si vous luttez pour la suivre aveuglement, elle vous tiendra chaud pendant la nuit.
Commenter  J’apprécie          170
Il y a des nuits où vous frisez la trentaine et où la vie semble terminée. Où il vous semble que vous n'arriverez jamais à rien et que personne n'embrassera plus jamais vos lèvres.
J'ai erré dans les pièces de mon appartement désert. J'aime bien cet appartement. Mais perfois, quand je m'y retrouvais seul, j'avais le sentiment d'être le dernier homme sur Terre et mes deux chambres devenaient un luxe humiliant. Depuis le départ de Sarah, je n'avais guère brillé. La vie avait été lente et longue. Elle était partie depuis six mois. Elle en avait eu assez de vivre à Belfast. Elle était anglaise. Elle en avait soupé. Il y avait eu beaucoup de morts à cette époque et elle avait décidé qu'elle en avait marre. Elle désirait retourner vers un lieu où la politique signifiait discussions fiscales, débats sur la santé, taxes foncières, mais pas les bombes, les blessés, les assassinats ni la peur.
Commenter  J’apprécie          160
Comme 84 637 autres personnes en Irlande du Nord, Luke Findlater apprit qu'une grosse explosion venait de se produire grâce au tout premier flash info de la radio. Chaque jour, à l'heure du déjeuner, il écoutait une émission très originale de Radio Ulster intitulée 'le Point sur l'agriculture en Ulster'. Il écoutait avec délices certains détails sur l'ensilage, l'élevage des porcs ou les bains parasiticides des moutons. L'Anglais savait que son attitude relevait sans doute d'une honteuse fascination de patricien pour un kitsch pervers, mais il en était néanmoins ravi.
Douze minutes seulement après l'explosion de Fountain Street, le présentateur de l'émission s'interrompit, tripota quelques papiers et annonça d'une voix tremblante qu'il venait de recevoir une information non confirmée sur une grave explosion dans le centre de Belfast, qui aurait fait plusieurs victimes.
La voix de cet homme, si étroitement associée aux problèmes risibles et terre-à-terre de l'engrais et de l'abattage des poulets, prononça curieusement ces mots. L'effet en fut troublant. Luke eut soudain froid. Il s'adossa à sa chaise, en proie à une sensation étrange. Il regarda autour du bureau. Il ne vivait pas en Irlande du Nord depuis assez longtemps pour trouver ces informations banales, normales. Le mobilier de la pièce et jusqu'au papier à lettres lui parurent tout à coup d'une absurdité grotesque.
Commenter  J’apprécie          160
Il y avait quatre groupes principaux.
Il y avait d'abord les cercles prévisibles d'Alcooliques-en-Résidence, qui donnaient leurs séminaires dans les recoins. Tous les bars de Belfast y avaient droit, ce n'était pas une surprise. Mais Lavery's abritait une énorme différence. Lavery's semblait organiser une formation, un apprentissage. Il y avait une tablée de types qui entamaient leur glissade. Ils avaient commencé chez Lavery ; après avoir passé leur examen de poivrot, ils pourraient se disperser vers d'autres bars ou chez les vrais indigents, mais ils avaient commencé ici et ils ne pouvaient plus s'arrêter. Ils seraient toujours diplômés de chez Lavery.
Il y avait ensuite une bande de types frisant la quarantaine, quadra ou même quinquagénaires, vaguement liés au monde musical ou attirés par lui. Ridés, obèses, on les reconnaissait à leur queue de cheval et à l'étonnant succès qu'ils rencontraient auprès de très séduisantes jeunes femmes de moins de trente ans. Ces succès rendaient ces hommes confiants. Jamais ils ne s'étaient dit que cette apparente anomalie - d'autant plus flagrante que mes amis relativement beaux et moi-même faisions chou blanc à tous les coups - s'expliquait par l'abrogation de toutes les lois physiques dans la bulle spatio-temporelle de chez Lavery. C'était à cause de la physique aberrante qui régnait ici que ces types cartonnaient. Dans la rue, c'était simplement d'affligeantes vieilles badernes.
Le troisième groupe était le plus nombreux. Les étudiants de Queens. Des gamins trop niais pour fréquenter une vraie université et qui se retrouvaient dans ce bar. Presque tous originaires de la campagne, ils se décarcassaient pour se donner l'air de vrais citadins branchés. Quelques semaines plus tôt seulement, ils conduisaient des tracteurs et tondaient les moutons.
Enfin, bien sûr, il y avait une splendide sélection de brunes époustouflantes qui se passaient les doigts dans les cheveux et arpentaient inlassablement le bar sans que jamais leur regard ne croise celui d'un homme.
Commenter  J’apprécie          164
Chuckie, en proie à une fièvre de statistiques fiscales, avait calculé que, si mon chat vivait une vie normale de chat, alors en nourriture, en vétérinaire et en modestes gâteries bimensuelles, il allait me coûter plus de huit mille livres avant sa mort. Chuckie ajouta que mon chat représentait un profit unitaire inacceptablement bas et il me conseilla de taper sur la tête de l’animal à coups de brique. Je fus tenté.
Commenter  J’apprécie          160
Car les poseurs de bombes savaient que ce n'était pas de leur faute. C'était la faute de leurs ennemis, les oppresseurs qui refusaient de faire ce que les autres voulaient qu'ils fassent. Ils avaient demandé à ce qu'on les écoute. Ils n'avaient pas réussi. Ils avaient menacé d'utiliser la violence si on ne les écoutait pas. Quand cela non plus n'avait pas réussi, ils furent contraints, à leur grande répugnance, d'accomplir tous ces actes violents. De toute évidence, ce n'était pas de leur faute.
Tout ce chapitre 11, on aurait envie de le citer comme l'a si bien dit une autre babeliote.
Commenter  J’apprécie          160
Parfois, le concept qui bouleverse la vie arrive sans crier gare.
Commenter  J’apprécie          150
Brune, bien en chair, dotée de larges hanches, on aurait dit une Blanche-neige dévergondée. Mon idéal callipyge. Bien sûr, je l’ai aussi désirée.
Je crois que Max l’a remarqué. Elle nous a présenté. Elle s’appelait Suzy. Nous avons bavardé un moment, gentiment chaperonné par Max. Quelques minutes plus tard, le groupe s’est nettement éloigné de nous. Il y eut un silence entre Suzy et moi, la prise de conscience, presque confidentielle, de notre nouvelle solitude à deux. Elle a levé les yeux vers moi (putain, ce qu’elle était séduisante).
« Quel genre de musique aimes-tu ? » m’a-t-elle demandé (je le jure !).
Bon, ç’avait été un mois difficile. J’étais émotif, j’étais vanné, j’étais en plein rut. Je devais prendre une décision.
« Le rythm and blues, dis-je. L’opéra comique, le ska du début des années quatre-vingt, les crooners des années quarante, les musiques de film, les grands orchestres, Mozart… »
J’avais beau bander comme un âne, rien n’a marché avec cette fille.
Commenter  J’apprécie          154
"oui, ai-je répondu à voix basse. J'ai un vrai problème avec la politique. J'ai étudié ce truc-là. La politique, c'est comme les antibiotiques : un agent susceptible de tuer ou de blesser des organismes vivants. J'ai un gros problème avec ça."
Commenter  J’apprécie          150
L’Ashley était un affreux et puant bar loyaliste à la décoration d’époque. Bon nombre des piliers de ce bar avaient fait de la taule pour avoir traqué, battu, harcelé ou tout simplement tué les catholiques de la ville. Une affiche de l’ANC* trônait au-dessus du bar. Avec ses connotations de combattants de la liberté et ses associations politiques de gauche, la présence de cette affiche avait étonné Luke jusqu’au jour où l’un des clients plus cosmopolite l’informa que cette affiche était là à cause de la conviction inébranlable des piliers du bar pour qui ANC signifiait Absolutely No Catholics (Pas le Moindre Catholique).

* ANC = African National Congress, un parti politique d’Afrique du Sud anti-apartheid, qui comptait dans ses rangs Nelson Mandela.
Commenter  J’apprécie          150
Je me dépatouillais avec l'optimisme et il se dépatouillait avec moi.
Commenter  J’apprécie          150
.....La surface de la ville palpite de ces citoyens vivants. Mais sa terre est richement semée de ses morts innombrables. La ville est un entrepôt de récits, d'histoires. Au temps présent, au passé ou au futur. La ville est un roman.
Commenter  J’apprécie          150
.....Car il avait vu son père deux ans plus tôt, ivre mort dans un bar de dockers qui ne fermait jamais. L'espace d'un instant , il avait envisagé de lui adresser la parole et de l'éteindre virilement au milieu de la rangée des tabourets minables. Mais il ne le fit pas. Le visage de son père rayonnait du bronzage sans soleil des poivrots à plein temps. Cet homme habitait le pays que tous les alcooliques irlandais habitaient. Et Chuckie n'avait aucune envie d'y aller faire un tour.
Commenter  J’apprécie          150
Cette nuit-là dans Poetry Street, Jake dormit comme Chuckie et Max, comme Slat, Deasely et Spetic, comme le petit Roche et le gros Ronnie Clay, comme tous les autres citoyens de la ville - sauf les oiseaux de nuit, les insomniaques, les travailleurs de nuit et, de manière générale, les promeneurs nocturnes. Belfast, dont tant d'habitants dormaient, ressemblait à une chambre aux lumière éteintes.
La ville enfle et retombe comme une musique, comme un souffle. Dans le sud, les vitrines des boutiques et les trottoirs éclairés par les lampadaires ne répercutent aucun écho. Près de Hope Street, un poivrot égaré titube tardivement. Dans une petite maison de Moyard, un mince vieillard est allongé sans dormir. Sur Carmel Street, une jeune femme brune en chaussons cherche craintivement son chat. Il y a partout de menus événements. Sur Cedar Avenue, dans Arizona Street et la Sixième rue, les policiers du Royal Ulster Constabulary s'agglutinent en petits groupes détrempés qui ne surveillent rien, ils arrêtent de rares voitures, vérifient les permis de conduire, envoient des messages au Q.G. Allô, le Q.G. ?
Sur tous les murs de la ville, éclairés par des lampadaires, les sigles brillent : IRA, INLA, UVF, UFF, OTG. La ville chérit ses murs comme on tient un journal. Selon cette sténographie saccadée, les murs racontent histoires et haines, ratatinées et décolorées par le temps.
Commenter  J’apprécie          140
Quand ma peau a touché la sienne, j'ai compris que je ne me suiciderais pas ce mois-ci, que la vie était une sacrée belle marchandise lorsqu'elle incluait une fille comme Mary. Et quand elle m'a touché, elle a touché ma fibre intime. Elle m'a touché jusqu'au cœur.
Commenter  J’apprécie          140
Le monde est vaste et il y a place pour toutes sortes de fins et un nombre infini de commencements.
Commenter  J’apprécie          140



Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Listes avec des livres de cet auteur
Lecteurs de Robert McLiam Wilson (1662)Voir plus

Quiz Voir plus

Eureka Street

Où se passe l'histoire de ce livre ?

Aux Etats-Unis
En Ecosse
En Irlande
Au Canada

11 questions
59 lecteurs ont répondu
Thème : Eureka Street de Robert McLiam WilsonCréer un quiz sur cet auteur

{* *}